Richard et Biscuiterie Dominic inc. |
2011 QCCLP 2810 |
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[1] La Commission des lésions professionnelles est saisie de la requête soumise le 19 mars 2010, par madame Francine Richard (la travailleuse) à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 10 mars 2010, à la suite d’une révision administrative.
[2] À cette occasion, la CSST rejette la demande de révision présentée par la travailleuse et confirme, pour un autre motif, la décision qu’elle avait rendue le 11 décembre 2009. La CSST refuse la réclamation de maladie professionnelle soumise par la travailleuse le 12 novembre 2009[1] relativement à une tendinite au poignet droit et réitère que celle-ci n’a pas droit aux bénéfices de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).
[3] La Commission des lésions professionnelles tient une audience dans cette affaire, les 15 septembre et 21 octobre 2010 à Joliette, et ce, en présence des parties et de leurs représentants.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a droit aux indemnités prévues à la loi étant donné que c’est en raison des mouvements répétitifs qu’elle devait accomplir à son travail qu’elle a contracté une tendinite de De Quervain au poignet droit.
LES FAITS
[5] La travailleuse occupe un emploi de journalière chez l’employeur depuis 2003. Les deux premières années, on l’assigne à la fabrication des produits et, en 2005, on l’envoie à l’emballage.
[6] À compter du mois de mars 2009, dans le cadre de l’exercice de son emploi, la travailleuse est de plus en plus incommodée par une douleur sise au versant latéral interne du poignet droit.
[7] Le 12 mai 2009, la travailleuse consulte pour ce problème et son médecin de famille, le docteur Luc Roy, lui prescrit du Celebrex, un anti-inflammatoire. À l’audience, la travailleuse précise que cette douleur s’est manifestée de manière progressive et qu’elle se situe, à cette époque, uniquement au versant latéral interne du poignet droit, ce qui inclut la base du pouce.
[8] La travailleuse insiste également sur le fait qu’elle n’a jamais souffert de quoique se soit à ce poignet, ni au pouce droit auparavant. Lors du contre-interrogatoire, elle réitère le tout à plusieurs reprises et nie formellement qu’elle présentait déjà des symptômes à la base du pouce depuis plusieurs années, et ce, notamment lors d’un examen annuel subi le 5 juillet 2007.
[9] L’examen médical annuel du 5 juillet 2007 est documenté. Le docteur Roy fait alors mention que la travailleuse demande d’être référée en rhumatologie, car depuis peu, elle présente des brûlements et de légères déformations aux jointures (phalanges moyennes) des doigts de chaque main, ce qui n’inclut pas la base du pouce. À l’audience, la travailleuse précise que ce problème ne s’est pas aggravé depuis 2007. Bien au contraire, depuis qu’elle a cessé de travailler au mois de juillet 2009, les brûlements ont complètement disparus et elle n’a jamais été vue en rhumatologie. Le dossier médical de la travailleuse, notamment, le compte-rendus des trois consultations effectuées au cours de l’année 2008 tendent à corroborer ses propos car ils ne font nullement référence au fait qu’elle se serait plainte d’un problème aux niveaux des doigts ou aux mains.
[10] Le 11 juillet 2009, la travailleuse consulte à nouveau car sa situation se dégrade. Sa main droite est enflée dans la région de l’éminence thénar et la douleur au poignet est plus intense, étendue et constante. Elle la réveille même la nuit. À l’examen objectif, le docteur Luc Meagher note une sensibilité à la palpation du poignet droit et cette douleur s’accentue et s’étend à l’avant-bras lorsqu’il mobilise le pouce droit. Il retient un diagnostic de tendinite au poignet droit et il la met au repos jusqu’au 22 juillet 2009.
[11] Le 22 juillet 2009, le docteur Roy retient lui aussi un diagnostic de tendinite du poignet droit, prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 27 août et demande une radiographie.
[12] Cet examen est réalisé le 19 août 2009 et, selon le docteur Jacques Boudreault, radiologiste, il y a, au niveau de l’interphalangienne du pouce, un pincement qui pourrait être compatible avec de l’arthrose. Il y en a d’ailleurs entre le trapèze et la base du premier métacarpe du 5e doigt et de l’interphalangienne distale des 2e et 3e doigts.
[13] Le 27 août 2009, le docteur Roy maintient la travailleuse au repos et la dirige en physiothérapie. Il demande également un électromyogramme afin d’éliminer un syndrome du canal carpien. Cet examen est réalisé quelques semaines plus tard, et selon la docteure Louise Lamoureux, il y a effectivement un léger syndrome du canal carpien plus marqué à gauche qu’à droite. Ceci dit, la docteure Lamoureux précise que cette pathologie est cliniquement asymptomatique. Selon elle, les symptômes présents chez la travailleuse semblent plutôt en lien avec une tendinite de l’extenseur du pouce droit. Par ailleurs, elle n’a pu l’évaluer convenablement à l’étude compte tenu de l’intensité de la symptomatologie.
[14] De manière contemporaine et sur les conseils de ses supérieurs[3], la travailleuse soumet une demande de prestations en assurance-salaire auprès de la Financière Manuvie (l’assureur). Le 28 septembre 2009, le docteur Roy remplit la section réservée au médecin traitant. Il écrit qu’elle souffre d’une tendinite de De Quervain au poignet droit sur une condition préexistante d’arthrose et il précise que cette lésion s’est manifestée lentement et est attribuable aux mouvements répétitifs qu’elle accomplit à son travail.
[15] Dans ce contexte, le 2 novembre 2009, l’assureur demande à la travailleuse de soumettre une réclamation auprès de la CSST, ce qu’elle fait dix jours plus tard. Comme le docteur Roy ne lui a jamais remis d’Attestation médicale ou de Rapport médical sur les formulaires prescrits par la CSST, elle ne peut pas en produire un au soutien de sa demande. Elle dépose toutefois une copie de son dossier médical et le rapport médical détaillé qui a été acheminé par le docteur Roy à l’assureur, le 28 septembre 2009.
[16] Quelques semaines plus tard, en discutant avec l’agente, la travailleuse précise que ses malaises se sont manifestés et aggravés lentement de jour en jour, et ce, depuis le mois de mars 2009 et qu’elle n’a pas été victime d’un accident du travail préalablement à leur apparition.
[17] Elle insiste également sur le fait que ses malaises ont diminué après l’arrêt de travail, ce que mentionne également son physiothérapeute dans le premier rapport de suivi[4] qu’il envoie au docteur Roy le 18 novembre 2009. Cet élément est également corroboré par l’ergothérapeute dans une note datée du 1er mars 2010. Il écrit qu’à la suite des traitements prodigués au mois d’octobre et de novembre 2009, il y a eu une amélioration notable. La mobilité de la main et du poignet s’est grandement accrue et l’œdème a beaucoup diminué.
[18] Le 11 décembre 2009, après avoir discuté avec le directeur de l’usine, l’agente retient que la travailleuse ne peut pas bénéficier de la présomption de maladie professionnelle décrite à l’article 29 de la loi compte tenu qu’elle ne ferait pas de mouvements répétitifs sur plus de 50 % de son temps de travail. L’agente considère également que la travailleuse ne peut pas davantage accepter cette réclamation sous l’égide de l’article 30 de la loi étant donné que la travailleuse n’aurait pas réussi à démontrer que son travail comporte des risques particuliers de contracter une tendinite de De Quervain. Elle rend une décision à cet effet le même jour et quelques jours plus tard, la travailleuse la conteste.
[19] Le 26 janvier 2010, le docteur Roy envoie un premier Rapport médical à la CSST faisant état que la travailleuse souffre d’une tendinite de De Quervain à droite et qu’elle a encore besoin de soins, notamment d’une infiltration et de traitements en physiothérapie et en ergothérapie. Il la maintient au repos pour une période additionnelle minimale de 4 à 8 semaines ce qui revient à dire qu’il n’envisage pas de consolidation avant l’expiration de ce délai.
[20] Le 10 mars 2010, en révision administrative, la CSST refuse à nouveau d’indemniser la travailleuse. Les motifs retenus de sa part sont toutefois différents de ceux qui ont été considérés par l’agente d’indemnisation ayant rendue la première décision. Ils se lisent comme suit :
La révision administrative constate que lors des différentes effectuées les 11 juillet, 22 juillet, 27 août, 24 septembre et 22 octobre, aucun rapport médical prescrit par la loi n’est remis par le médecin traitant.
Ainsi, la révision administrative n’est pas liée par le diagnostic de tendinite au poignet droit.
En conséquence, en l’absence d’un diagnostic liant la révision administrative, il ne peut y avoir de lésion professionnelle en relation avec l’événement du 16 novembre 2009[5].
[21] Au mois de mars 2010, dans un long Rapport d’évaluation initiale, l’ergothérapeute note que l’infiltration qu’a reçue la travailleuse aux tendons du long abducteur et du court extenseur du pouce a été bénéfique. Seul le mouvement en déviation cubitale du poignet droit combiné avec une adduction et une extension du pouce provoque encore de la douleur. Il persiste également un léger œdème au niveau de l’éminence thénar droite et de l’avant-bras droit.
[22] Du mois de mars au mois d’août 2010, la travailleuse revoit régulièrement le docteur Roy et, à chaque fois, celui-ci prolonge l’arrêt de travail et complète les rapports requis par l’assureur qui continue de l’indemniser dans l’attente d’une décision finale quant à la réclamation CSST.
[23] Au mois de juin 2010, l’ergothérapeute estime que la douleur qui persiste chez la travailleuse paraît désormais d’origine arthritique plutôt que tendineuse, car il n’y a plus de douleur au premier compartiment du tendon extenseur du pouce et que le test de Finkelstein est négatif.
[24] Au mois d’août 2010, les parties déposent, de part et d’autre, une expertise médicale.
[25] Dans un rapport daté du 16 août 2010, l’expert choisit par l’employeur, le docteur Pierre Legendre, chirurgien orthopédiste, écrit notamment ce qui suit :
· À l’historique, la travailleuse dit avoir commencé à ressentir de façon progressive, au travail, des douleurs et des gonflements à la base de son articulation du pouce droit et au rebord distal de son poignet droit en mars 2009, et ce, plus spécifiquement lorsque devait tenir les tôles (contenants) de brioches ou décoller les pâtisseries qui restaient collées sur le papier de cuisson ;
· Au chapitre des antécédents, elle l’avise qu’elle est en attente d’une consultation en rhumatologie depuis 2007 pour des douleurs au niveau des doigts bilatéralement ;
· Pour son poignet et son pouce droit, elle est toujours en arrêt de travail et elle reçoit deux traitements en ergothérapie de même que deux traitements en ostéopathie par semaine ;
· À l’examen subjectif, elle se plaint de douleurs constantes mais variables à la base de son pouce droit et au niveau de l’interphalangienne. Ces douleurs sont augmentées par les changements de pression atmosphérique et les efforts contre résistance du pouce. Il n’y a plus de douleur à l’aspect radial du poignet droit. Globalement, les douleurs ont diminué de 50 % depuis l’arrêt de travail ;
· À l’examen objectif, il décrit un léger gonflement au niveau du premier compartiment des extenseurs du poignet droit. Une douleur est également présente à la palpation de la base du 1er métacarpien droit. Cela s’accompagne d’une légère subluxation dorsale carpo-métacarpienne et à ce niveau les mouvements en extension et en flexion sont limités. Le test de Finkelstein est négatif.
[26] Ceci exposé, le docteur Legendre se prononce. Il retient que la travailleuse a fort probablement présenté, en 2009, une tendinite de De Quervain à droite. Par ailleurs, au jour de son examen, il estime que cette lésion est consolidée et entièrement résolue.
[27] Toutefois, le docteur Legendre ne prétend pas que la travailleuse est entièrement guérie. Bien au contraire, il soutient, sur un plan clinique, qu’elle a encore besoin de soins pour l’arthrose qu’elle présente aux poignets et aux mains, et plus particulièrement pour les malaises qui l’incommodent toujours au niveau de la 1ière articulation carpo-métacarpienne du côté droit. À ce chapitre, il suggère une infiltration de stéroïdes. Il croît également que cette lésion l’empêche d’effectuer des mouvements de pince ou de préhension de façon répétée ou fréquente avec sa main droite.
[28] Le 24 août 2009, à partir d’une bande vidéo préparée par l’employeur, le docteur Legendre se prononce sur le lien de causalité. Il estime qu’il s’avère peu probable que la travailleuse ait développé une tendinite de De Quervain en raison de son travail car il n’y retrouve pas la combinaison de facteurs suivante ; répétitivité, force et postures contraignantes.
[29] Le docteur Legendre reconnaît toutefois qu’il s’agit d’un travail hautement répétitif. Ceci dit, comme il estime que la force appliquée lors des mouvements de pinces et/ou de postures contraignantes n’est pas suffisante pour être dommageable, il soutient qu’il manque indéniablement un des facteurs pour conclure en faveur du lien de causalité évoqué par la travailleuse. Au soutien de cette conclusion, le docteur Legendre allègue que « l’étude de Niosh de 1997 ne supporte pas la conclusion que seul le facteur de répétition soit impliqué de façon statistique avec l’apparition d’une tendinite de De Quervain ».
[30] Dans son rapport, le docteur Legendre décrit très succinctement les tâches et les mouvements qu’il a pu évaluer à partir de la bande vidéo.
[31] Finalement, le docteur Legendre affirme que cet emploi ne pourrait pas davantage être à l’origine de l’arthrose carpo-métacarpienne que présente la travailleuse.
[32] Le 24 août 2010, l’expert retenu par la travailleuse, le docteur Jean-Paul Bossé, chirurgien plasticien, se prononce à son tour.
[33] L’historique et l’examen subjectif qu’il rapporte sont à peu de choses près comparables à ceux décrits par le docteur Legendre. Les résultats de leurs examens objectifs révèlent également bons nombres de similitudes. Toutes les anomalies rapportées par le docteur Legendre sont également décrites par le docteur Bossé. Celui-ci note toutefois en sus, une sensibilité au niveau de la loge de De Quervain, et il affirme que le test de Finkelstein est encore légèrement positif. Cela étant, il soutient qu’elle souffre encore d’une tendinite de De Quervain à droite et que cette lésion n’est pas encore consolidée.
[34] Le docteur Bossé note également de légers crépitements au niveau de l’articulation trapézo-métacarpienne et il est d’avis qu’il n’y a pas de subluxation ou de déformation à ce niveau, ce qui, précise-t-il, est corroboré à la radiographie. Comme les autres médecins qui ont examiné la travailleuse avant lui, le docteur Bossé reconnaît qu’elle présente également certains malaises en lien avec de l’arthrose trapézo-métacarpienne au pouce droit, mais il insiste sur le fait qu’il s’agit d’un phénomène plutôt léger. Selon lui, cette condition d’ordre personnel évolue à « bas bruit » et n’est nullement responsable du tableau clinique que présente la travailleuse à ce pouce et au poignet droit depuis 2009. Il s’agit, selon lui, d’une maladie intercurrente et sous-jacente.
[35] Finalement, le docteur Bossé affirme qu’il est très probable que le travail exercé par la travailleuse soit à l’origine de la tendinite de De Quervain au poignet droit car il sollicite de façon répétitive et à un rythme intense les structures musculo-tendineuses à la base du poignet droit et plus spécifiquement, à la loge de Quervain, soit le long abducteur et le court extenseur du pouce droit. Il retient plus spécifiquement que les tâches de la travailleuse impliquent une répétition de mouvements en déviation radiale des poignets, en préhension forcée, des pinces digitales puissantes, et ce, plus particulièrement lorsqu’elle manipule les contenants de brioches, les tôles, etc.
[36] Le docteur Bossé en arrive à cette conclusion après avoir interrogé longuement la travailleuse sur les caractéristiques de son emploi. Dans son rapport, il décrit, en plusieurs paragraphes, les tâches qu’elle assume et les mouvements qu’elle doit faire.
[37] Ces médecins experts n’ont pas assisté ni témoigné à l’audience.
[38] La travailleuse y a, pour sa part, témoigné, et ce, notamment pour commenter la bande vidéo préparée par l’employeur et décrire plus amplement son travail, ses tâches et les mouvements requis.
[39] Elle travaille généralement cinq quarts de huit heures par semaine, pour un total de 40 heures. À chaque fois, elle dispose d’une pause repas de 30 minutes et de deux pauses-santé de 15 minutes. Elle reconnaît également qu’il lui arrive occasionnellement de ne pas travailler le mercredi lorsque les commandes sont moins importantes mais cela est plutôt l’exception que la règle.
[40] Avant 2008, soit avant que l’employeur ait modifié la chaîne de production, elle emballait seulement, soit des chocos ou des chocolatines. Depuis, elle emballe également des brioches, deux quarts de travail par semaine. Ces brioches sont cuites par groupe de huit dans de minces contenants d’aluminium rectangulaires, jetables et peu rigides.
[41] Pendant les nuits du dimanche au lundi de même que les mardis soirs, elle emballe des brioches alors que les lundis, mercredis et jeudis soirs, c’est, soit des « chocos » ou des « chocolatines » qu’elle emballe.
[42] Un quart de travail à l’emballage des brioches se déroule comme suit :
· Les 30 premières minutes, il peut arriver qu’elle doive monter des boîtes de carton le temps qu’une première fournée de brioches soit cuite. Cette tâche, qui implique des mouvements variés des mains et des poignets n’apparaît pas sur la bande vidéo;
· Pendant l’heure suivante, elle travaille au « détolage » des brioches fraichement cuites. D’emblée, il y a lieu de préciser que cette tâche n’apparaît pas davantage sur le DVD. La travailleuse l’explique et la mime par ailleurs à l’audience en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une des tâches les plus exigeantes pour les pouces et les poignets qu’elle avait à accomplir ;
· À ce poste, elle doit vider 12 gros chariots sur lesquels reposent entre 30 et 36 tôles afin de déposer sur le convoyeur conduisant à l’appareil de glaçage, les 4 contenants de brioches contenus dans chaque tôle. Elle manipule donc au minimum 360 tôles et 1440 contenants de brioches pendant cette heure et comme chacune de ces opérations implique au moins un mouvement ferme en pince digitale avec la main droite pour saisir le rebord de chaque tôle et de chaque contenant, pour les soulever, on constate que cette tâche requiert en moyenne 30 mouvements de pince digitale par minute, soit une pince à chaque 2 secondes. La démonstration faite par la travailleuse de même que les explications qu’elle donne révèlent que cette tâche implique également de nombreux mouvements en rotation ou en déviations cubitale et radiale des poignets pour tourner, placer et déposer les tôles et les contenants au bon endroit ;
· Au poste suivant, soit à l’emballage, la travailleuse se tient debout entre un convoyeur et une petite table, où repose à plat, une pile de sacs. De la main gauche, elle ouvre un sac et de la main droite, elle saisit fermement, dans un mouvement de pince digitale, le rebord d’un contenant de brioche et elle le soulève légèrement pour l’insérer dans le sac. Le mouvement de pince requis lors de cette opération doit être précis car son pouce et le sac ne doivent pas entrer en contact avec glaçage des brioches. Pour éviter que le sac touche au produit, la travailleuse dit faire dévier légèrement le contenant de brioche de gauche à droite pendant qu’elle l’entre dans le sac. Ainsi, en plus d’une mouvement de pince, elle fait également de légers mouvements en déviation radiale et cubitale avec le poignet droit au cours de cette opération. Finalement, elle prend le sac de la main gauche et dépose le paquet de brioches emballées sur un autre convoyeur, sis en haut de l’autre. Elle ensache de cette manière au moins 720 contenants de brioches en une heure, soit la moitié des contenants qu’elle avait « détôlé » auparavant ce qui correspond à 12 emballages par minutes. L’autre moitié est emballée par une autre employée. On peut voir pendant quelques secondes cette opération sur la bande vidéo. Toutefois, la personne qu’il l’exécute saisit les contenants avec sa main gauche ce qui n’est pas le cas de la travailleuse.
· Cela fait, elle prend une pause d’une quinzaine de minutes ;
· Pendant l’heure qui suit, elle s’assure que les sacs de brioches qui ont été déposés sur l’autre convoyeur sont bien alignés et peuvent être mécaniquement attachés. Si ce n’est pas le cas, elle les replace avant qu’il passe dans la machine. De manière concurrente, elle dépose ceux qui ont déjà été fermés, dans des racks de plastique, et ce, deux à la fois, en les prenant une fois de plus par le rebord. Elle effectue cette tâche en alternance avec ses deux mains.
· Ensuite, elle travaille une heure à l’inspection et à la mise en boîtes. À ce poste, elle doit peser les contenants de brioches, les mettre en boîtes, fermer les boîtes, les déposer sur une palette et compléter des rapports. Elle prépare de quatre à cinq palettes contenants de 24 à 30 boîtes remplies de deux paquets de brioches.
· Cela fait, elle cesse de travailler une trentaine de minutes et prend son repas. Après, elle revient au détôlage et ainsi de suite.
[43] Les lundis, mercredis et jeudis, lorsqu’elle emballe des « chocos » ou des « chocolatines », elle effectue sensiblement les mêmes tâches mais la gestuelle impliquée n’est pas exactement la même vu la nature des produits et la forme des contenants :
· Ces produits ne sont pas cuits dans des contenants d’aluminium déposés sur des tôles. Ils sont mis en tôle sur des feuilles de papier parchemin. Ainsi, au détôlage d’une pleine fournée (12 gros racks de 30 à 36 tôles), elle prend une à une les 360 tôles et elle les dépose sur le bord d’un convoyeur. Ensuite, elle saisit, dans un mouvement de pince digitale, les deux coins avant du papier, pour soulever la feuille (déviation des poignets), la tirer hors de la tôle et la déposer sur le convoyeur ce qui implique qu’elle effectue au moins 6 mouvements de pince par minute, le tout, avec autant de mouvements en déviation des poignets.
· Après, elle se déplace le long du convoyeur. Elle prend alors les chocos ou les chocolatines par groupe de deux, et ce, à pleines mains (mouvements de préhension du pouce) et avec des mouvements en déviations cubitales et radiales des poignets, elle les séparer et les décolle du papier. Lorsque cela est fait, elle tire la feuille avec sa main droite (mouvement de pince digitale) et elle la dépose sur une petite table sise à côté du convoyeur. Tout cela s’effectue rapidement et sans arrêt pendant une heure car il y a 36 produits par feuilles et plusieurs centaines de feuilles à vider.
· Après une pause de 15 minutes, elle doit soit mettre les chocos qui déambulent sur le convoyeur dans des craqués[6], et ce, par groupe de six ou mettre les chocolatines en sac, et ce, par douzaine.
· Pour les chocos : Avec sa main gauche, elle prend et dépose un craqué en avant d’elle et dans un mouvement circulaire du bras droit, elle ramasse deux chocos sur le convoyeur. Dans un mouvement de pince élargie, elle les soulève et les dépose dans une des trois sections du craqué. Elle en prend quatre autres par la suite pour combler les deux espaces restants du craqué. Avec la main droite, elle glisse ensuite le craqué à l’intérieur d’un sac déjà ouvert mécaniquement. Elle recommence ces opérations sans arrêt pendant 45 minutes.
· Pour les chocolatines : les sacs sont suspendus sur le bord du convoyeur. Avec la main gauche, elle en ouvre un et de la main droite, elle ramasse plusieurs chocolatines et elle les fait glisser dans la sac. Lorsqu’il est plein, elle le détache à deux mains et le dépose, avec sa main droite, sur un convoyeur plus élevé.
· L’heure suivante, elle pèse les sacs ou les craqués et elle les mets en boîte ou dans des paniers pour qu’ils soient expédiés ;
· Elle revient ensuite une heure au poste d’ensachage ou de la mise en craqués, et ce, avant de retourner au détolage et ainsi de suite.
[44] Au cours du témoignage, la travailleuse affirme que la bande vidéo préparée par l’employeur, d’une durée totale de 10 minutes, ne contient pas d’images sur l’ensemble des tâches et postes qu’elle assume, ce que le tribunal constate également.
[45] Madame Manon Labonville, superviseure, témoigne également. Elle affirme qu’il y a toujours entre cinq et six personnes qui travaillent à l’emballage et que la travailleuse est la seule à avoir souffert d’une tendinite de De Quervain.
[46] Madame Labonville précise également le poids des produits et des tôles. Il varie de 28 grammes à 6 livres.
[47] Lors de l’argumentation, l’employeur soumet de nombreux extraits de littérature médicale portant, soit sur la tendinite du poignet, sur la tendinite de De Quervain et sur l’arthrose du pouce.
[48] Dans ceux relatifs à la tendinite de De Quervain, ont peut notamment lire ce qui suit :
· La tendinite de De Quervain est la plus fréquente des tendinites du poignet et correspond à une inflammation de la gaine des tendons des muscles long abducteur et court extenseur du pouce ;
· Les tendons des muscles long abducteur et court extenseur du pouce se partagent la gouttière stylo-radiale du premier compartiment dorsal du poignet qui en compte six. Ils s’insèrent à la base du métacarpe de la phalange proximale du pouce. Leurs actions respectives et combinés participent aux mouvements d’extension et d’abduction de l’articulation trapézo-métacarpienne et à l’extension de l’articulation métacarpo-phalagienne. Ils contribuent également à la déviation radiale du poignet et, accessoirement, à sa flexion ;
· La tendinite de De Quervain peut résulter d’un traumatisme ou d’un excès de friction entre les structures tendineuses et les structures avoisinantes dans des mouvements du pouce et du poignet ;
· Les sollicitations musculo-squelettiques impliquant une répétitivité ou une force élevée, ou les deux, occupent une place importante dans la genèse des tendinites main-poignet y incluant celle de De Quervain ;
· La sollicitation des tendons long abducteur et court extenseur est principalement liée à la préhension d’objet avec pince digitale ;
· La tendinite de De Quervain serait surtout associée à des mouvements répétés de flexion extension du pouce, à des efforts répétés ou prolongés du pouce et à des gestes nécessitant l’application d’une pression avec le pouce ;
· Le risque de développer une tendinite de De Quervain augmente lorsque les mouvements du pouce sont combinés à des mouvements du poignet ;
· les personnes qui effectuent des mouvements du poignet tout en maintenant une prise de pince digitale avec les doigts ou qui travaillent souvent en flexion du poignet avec abduction du pouce ont des tâches qui sollicitent les tendons long abducteur et court extenseur ;
· Différentes pathologies peuvent présenter des symptômes que l’on pourrait confondre avec ceux de la tendinite de De Quervain, notamment, l’arthrose à la base du pouce ;
· Sur un plan clinique, la tendinite de De Quervain provoque de la douleur à la face latérale du poignet pouvant irradier dans le pouce et remonter le long de la face latérale de l’avant-bras et elle est souvent permanente. Un gonflement à la hauteur de la styloïde radiale est souvent présent.
[49] Dans les articles relatifs aux tendinites des fléchisseurs et des extenseurs du poignet ont fait notamment état qu’une combinaison de facteurs, dont la manipulation de poids, favorise son apparition.
[50] Finalement, dans ceux portant sur l’arthrose du pouce, on ne fait nullement état que cette maladie pourrait être à l’origine ou engendrer une tendinite de De Quervain.
L’AVIS DES MEMBRES
[51] D’emblée, les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment que le tribunal ne devrait pas confirmer la décision en litige et conclure à l’irrecevabilité de la réclamation soumise par la travailleuse car celle-ci a valablement expliqué pourquoi elle n’a pas été en mesure de fournir une Attestation médicale le jour même de son dépôt. Selon eux, les documents produits à cette occasion de même que le Rapport médical produit quelques semaines plus tard sont plus que suffisants pour qu’on la déclare recevable et qu’on l’analyse au fond.
[52] Les membres considèrent également que le tribunal devrait faire droit à la requête de la travailleuse car la preuve prépondérante sur le fond de la question en litige supporte les conclusions qu’elle avance.
[53] Par ailleurs, celui issu des associations syndicales suggère au tribunal de l’accepter sous l’égide de l’article 29 et de l’annexe I de la loi alors que celui issu des associations d’employeurs lui recommande de le faire par l’entremise de l’article 30 de la loi.
[54] Considérant que la preuve révèle que la travailleuse présente de l’arthrose au pouce droit, soit une condition personnelle préexistante, le membre issu des associations patronales est d’avis que le tribunal ne devrait pas présumer que la tendinite de De Quervain dont elle souffre est reliée à l’exercice de son travail. Dans un tel contexte, il devrait vérifier si cet emploi est réellement susceptible de causer cette maladie, en raison des risques particuliers qu’il comporte. Ceci dit, c’est ce que la preuve prépondérante révèlerait en l’espèce et c’est pourquoi, il recommande au tribunal d’accepter la réclamation de la travailleuse.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[55] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse, tel qu’elle le prétend, a contracté une maladie professionnelle et a droit aux indemnités prévues à la loi.
[56] La maladie professionnelle est définie comme suit à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[57] L’article 29 de la loi prévoit, d’autre part, qu’il y a lieu de présumer qu’un travailleur souffre d’une maladie professionnelle s’il est atteint d’une des maladies énumérées à l’annexe 1 de la loi et qu’il exerce le travail correspondant à cette maladie, selon ce même annexe.
[58] Selon l’annexe 1 de la loi, un travailleur souffrant d’une tendinite, d’une bursite ou d’une ténosynovite est présumé atteint d’une maladie professionnelle s’il exerce un emploi impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées.
[59] Les gestes répétitifs s’entendent de mouvements ou de pressions semblables, sinon identiques, qui doivent se succéder de façon continue, pendant une période de temps prolongée et à une cadence assez rapide, avec des périodes de récupération insuffisantes. Les mouvements ou pressions doivent nécessairement impliquer la structure anatomique visée par la lésion identifiée[7].
[60] Au stade de l'application de la présomption de l'article 29, il n'est pas nécessaire de démontrer que la travailleuse effectue exactement le même geste sur des périodes de temps prolongées. Une multitude de gestes, quoique variés, s'ils sollicitent la même région anatomique peuvent, selon chaque cas, correspondre à la notion de travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées, leur cumul étant susceptible de causer une pathologie au même site. De plus, l'annexe I n'exige pas la démonstration d'une amplitude de mouvement ou d'une force donnée selon une cadence imposée. Au stade de l'application de cette présomption, on ne peut exiger que les mouvements impliquent des facteurs de risques non prévus à l'annexe I puisque cela équivaudrait à ajouter aux conditions imposées par la loi. Il faut cependant préciser que ces facteurs de risques ainsi que la présence ou non de repos suffisant peuvent être considérés dans l'analyse de la preuve de l'employeur visant le renversement de cette présomption[8].
[61] Lorsque la présomption de maladie professionnelle s’applique, pour la renverser, l’employeur doit prouver que la maladie n’a probablement pas été contractée par le fait ou à l'occasion du travail, sans toutefois être tenu de prouver la cause de la maladie[9].
[62] Par ailleurs, à l’article 30 de la loi, on mentionne qu’un travailleur est réputé atteint d’une maladie professionnelle s’il prouve que sa maladie est caractéristique ou reliée directement aux risques particuliers du travail qu’il exerce. Les prétentions d’un travailleur à cet effet, ne sont toutefois pas suffisantes pour conclure en ce sens. Le lien de causalité allégué de sa part doit idéalement être corroboré par un médecin qui est en mesure de le justifier de manière crédible, et ce, en expliquant comment et en quoi, le travail qu’il a exercé est susceptible d’être à l’origine de sa maladie.
[63] Ainsi, pour avoir gain de cause, la travailleuse doit fournir une preuve qui répond aux exigences de l’un ou l’autre de ces articles. Elle prétend que c’est effectivement le cas alors que l’employeur soutient l’hypothèse inverse.
[64] En argumentation, les représentants des parties font valoir de nombreux arguments au soutien de leur thèse respective.
[65] L’avocate de l’employeur prétend, en premier lieu, que le tribunal devrait rejeter la requête de la travailleuse sans même l’analyser au fond étant donné que la réclamation qu’elle vise à faire accepter ne serait pas recevable, car contrairement à ce que prévoit l’article 267 de la loi, elle n’est pas appuyée d’un Rapport médical répondant aux exigences de l’article 199 de la loi. Bref, elle prétend que le tribunal devrait confirmer la décision rendue par la révision administrative, et ce, pour le même motif.
[66] Les articles 199 et 267 de la loi se lisent comme suit :
199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :
1° S'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou
2° S'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.
Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.
__________
1985, c. 6, a. 199.
267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199 .
Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.
__________
1985, c. 6, a. 267.
[67] C’est un fait établit que la travailleuse n’a pas remis à l’employeur une Attestation médicale CSST lorsqu’elle a commencé à s’absenter le 11 juillet 2009. Jusqu’au mois de septembre 2008, elle lui a seulement remis, à chaque mois, un billet médical « ordinaire » attestant de son incapacité temporaire à travailler, et ce, en raison d’une tendinite du poignet droit. Cela étant, l’employeur n’a pas eu besoin de réacheminer l’un ou l’autre des rapports fournis par la travailleuse à la CSST et il n’a pas davantage eu besoin de verser le salaire à la travailleuse, au cours des quatorze premiers jours d’invalidité.
[68] Il est également démontré que la réclamation de travailleuse, lors de son dépôt le 12 novembre 2009, n’était pas davantage appuyée d’une Attestation médicale ou d’un Rapport médical rédigé par son médecin sur un des formulaires prescrits par la CSST.
[69] Ceci dit, lors de la consultation suivante du 26 janvier 2010, le docteur Roy a remplit un Rapport médical et la travailleuse l’a ensuite acheminé à la CSST
[70] Dans l’intervalle, l’agente s’est tout de même prononcée sur l’admissibilité de sa réclamation et elle l’a rejetée sur le fond. Contrairement à la révision administrative, elle n’a pas conclut à l’irrecevabilité de cette réclamation en raison de l’absence d’un Rapport médical émis sur les formulaires prescrits par la CSST. Elle a plutôt tenu compte des informations médicales contenues dans le rapport préalablement produit par le docteur Roy auprès de la compagnie Manuvie pour établir à l’égard de quel diagnostic, elle devait se prononcer.
[71] Il est donc logique de croire que l’agente a estimé que l’absence d’un Rapport médical CSST ne constituait pas, en soi, une fin de non-recevoir dans le présent cas. C’est également ce que retient le tribunal.
[72] En effet, le tribunal considère que le rejet de la réclamation de la travailleuse basé exclusivement sur l’absence d’un Rapport médical contemporain est injustifié, exagéré, disproportionné et contraire à l’esprit et à l’objectif de la loi.
[73] Nous ne sommes pas ici en présence d’une personne qui soumet une réclamation sans pour autant être en mesure de fournir à son employeur ou à la CSST au moins un rapport médical établissant le diagnostic de la lésion dont elle souffre, et si elle peut ou non continuer de travailler.
[74] Bien au contraire, dès le départ, la réclamation de la travailleuse est documentée sur un plan médical. Les informations communiquées par le docteur Roy à l’assureur dans un rapport daté du 28 septembre 2009, dont copie fut remise à la CSST, sont plus que suffisantes pour justifier qu’on traite cette réclamation comme il se doit. En effet, ce rapport révèle bon nombre d’informations, notamment le diagnostic de la maladie qui réduit la capacité de travail de la travailleuse depuis le 11 juillet 2008, l’étendue de ses symptômes, la date de leurs apparitions, la date de la première et de la prochaine consultation, la nature des traitements et des examens objectifs en cours, sans oublier, l’opinion du docteur Roy quant à son origine professionnelle probable, en raison des mouvements répétitifs que la travailleuse accomplit à son travail.
[75] Cette conclusion s’avère d’autant plus pertinente lorsque comme en l’espèce, la preuve révèle que c’est essentiellement en raison des directives et des propos tenus par les représentants de l’employeur que la travailleuse n’a pas soumis dès le départ une réclamation auprès de la CSST ni réclamé de Rapport médical à son médecin à la première occasion.
[76] Le rejet de la réclamation de la travailleuse de la part de la révision administrative s’avère d’autant plus inappropriée compte tenu qu’au jour de cette décision, la CSST détenait déjà un Rapport médical en bonne et due forme, soit celui émis le 26 janvier 2010.
[77] Or, la révision administrative n’en fait même pas mention. C’est comme si elle retient que la travailleuse ne pouvait pas être excusée de ce défaut pour quelque raison que ce soit ni parfaire sa réclamation à l’intérieur d’un court délai ou à la première occasion. L’absence d’un Rapport médical CSST au jour du dépôt d’une réclamation serait donc fatal et empêcherait définitivement un travailleur de bénéficier de la loi.
[78] Or, cela n’est pas spécifiquement prévu à la loi. Les formulaires prescrits par la CSST visent avant toute chose à faciliter l’exercice des droits d’un travailleur et non à en faire fi, si celui-ci ou son médecin, n’en font pas un usage strict en tout temps. Bien au contraire, l’article 353 de la loi indique qu’aucune procédure ne doit pas être rejetée pour vice de forme ou irrégularité.
[79] Le présent tribunal fait également siens les propos tenus la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Munger et Abitibi Bowater inc[10], voulant que l’absence d’un Rapport médical répondant à l’ensemble des exigences de l’article 199 de la loi doit être considéré avec souplesse et ne doit pas en toutes circonstances conduire au rejet d’une réclamation.
[80] D’ailleurs, la loi prévoit très clairement qu’un travailleur, qui n’a pas soumis sa réclamation en temps opportun, peut être relevé des conséquences de son défaut s’il est en mesure de démontrer qu’il a un motif raisonnable pour justifier son retard, et ce, au sens de l’article 352 de la loi. Ainsi, le présent tribunal ne voit pas comment il pourrait en être autrement lorsqu’un travailleur produit sa réclamation à l’intérieur du délai mais omet seulement de fournir un Rapport médical sur un des formulaires prescrits par la CSST car ce défaut est objectivement moins grave que le précédent, et cela l’est encore moins lorsqu’il y joint, un rapport médical détaillé et élaboré quant à la nature et à l’origine probable de sa lésion.
[81] En pareilles circonstances, ce travailleur peut certainement s’expliquer et être excusé de son défaut car les circonstances le justifient. C’est le cas en l’espèce.
[82] Bref, le tribunal estime que la réclamation soumise par la travailleuse est recevable et qu’elle doit être analysée à son mérite.
[83] Sur le fond de la question en litige, la travailleuse, par l’entremise de son représentant, prétend être atteinte d’une maladie professionnelle, et ce, sous la forme d’une tendinite de De Quervain au poignet droit et avoir droit au bénéfice de la présomption prévue à l’article 29 et à l’annexe 1 de la loi.
[84] De manière subsidiaire, la travailleuse prétend que sa réclamation pourrait également être acceptée sous l’égide de l’article 30 de la loi étant donné que le docteur Bossé est d’avis que son emploi comporte des risques particulièrement élevés et est susceptible d’avoir causé sa lésion.
[85] L’avocate de l’employeur s’oppose vivement aux prétentions de la travailleuse. Elle en conteste tous les éléments. Elle soutient, en premier lieu, que la travailleuse n’a jamais souffert d’une tendinite de De Quervain droit. Elle prétend que la travailleuse, depuis le mois de mars 2009 est exclusivement affectée par de l’arthrose à la base du pouce. Elle demande donc au tribunal de retenir ce diagnostic plutôt que celui avancé par la travailleuse et de conclure, suivant l’avis du docteur Legendre, qu’il s’agit d’une condition personnelle, sans aucun lien avec le travail qu’a exercé la travailleuse chez l’employeur.
[86] De manière subsidiaire, elle prétend également qu’il ne saurait y avoir de lien de causalité probable entre l’emploi exercé par la travailleuse et une tendinite de De Quervain, et ce, notamment parce qu’il n’implique aucune manipulation d’objets lourds ou d’un poids significatif.
[87] Quant au premier différend soumis par les parties et portant sur le diagnostic, la réponse coule de source. Elle découle directement de l’application de l’article 224 de la loi. Cet article se lit comme suit :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
__________
1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[88] En effet, étant donné que le diagnostic de tendinite de De Quervain droite retenu systématiquement par le docteur Roy à compter du 28 septembre 2009 n’a jamais été contesté ou remis en question par la suite, soit par l’employeur ou par la CSST dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale décrite aux articles 119 à 223 de la loi, il lie désormais le tribunal et celui-ci ne peut, sous aucun motif, l’écarter.
[89] Ceci dit, dans le présent cas, le tribunal constate que l’analyse au mérite de l’ensemble de la preuve médicale ne l’amènerait pas à conclure différemment puisqu’il n’y a aucun médecin, pas même le docteur Legendre, l’expert de l’employeur, qui nie que la travailleuse ait pu souffrir en 2009, d’une tendinite de De Quervain au poignet droit. En fait, tous les médecins qui ont eu le loisir d’examiner la travailleuse et d’analyser son dossier médical retiennent ce diagnostic.
[90] Par ailleurs, tous ces médecins s’entendent également sur deux autres points. La travailleuse présente également, de manière sous-jacente, de l’arthrose à la base du pouce, soit à proximité de la loge de De Quervain et cette maladie n’a pas été causée et n’a pas été aggravée par le travail qu’elle a exercé chez l’employeur. La travailleuse ne soutient d’ailleurs pas le contraire. Ce n’est pas pour cette maladie qu’elle demande d’être indemnisée. Ceci dit, comme il n’y a aucun médecin qui affirme que les symptômes présents chez la travailleuse en 2009 sont entièrement reliés à cette arthrose, le tribunal constate que les allégations contraires avancées par Me Ferland ne sont nullement soutenues par la preuve.
[91] Bref, il est démontré que la travailleuse souffre d’une tendinite de De Quervain droite sur une arthrose préexistante à la base du pouce droit lorsqu’elle est contrainte de cesser de travailler le 11 juillet 2009.
[92] Compte tenu que le diagnostic de tendinite, toutes espèces confondues, fait partie des maladies énumérées à l’annexe 1 de la loi, le tribunal s’est ensuite demandé si la travailleuse pouvait bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi.
[93] Pour conclure en ce sens, la preuve doit également révéler que la travailleuse exerce un emploi qui implique une répétition de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées aux niveaux de la structure anatomique lésée, en l’occurrence, au versant latéral interne du poignet droit, y incluant la base du pouce.
[94] Or, c’est effectivement ce que la preuve révèle. En effet, il ressort du témoignage non contredit de la travailleuse, de la bande vidéo de même que des avis donnés par les docteurs Bossé et Legendre que l’emploi de journalière à l’emballage implique des mouvements « hautement répétitifs » aux niveaux des poignets, des mains et des pouces, et ce, plus particulièrement au membre dominant, en l’occurrence le droit, le tout sur des périodes de temps importantes.
[95] La travailleuse emballe des pâtisseries 40 heures par semaine. Elle ne fait pas cela selon son bon vouloir, à son rythme et sans contrainte. Tout est déjà organisé et prédéterminé. C’est une chaîne de production.
[96] À chaque jour, l’employeur fabrique un seul produit (soit des brioches, des chocos ou des chocolatines) et les journalières travaillant à l’emballage, dont la travailleuse, doivent accomplir, d’heure en heure et en rotation, les quatre dernières tâches requises avant leur expédition et manipuler à chacune de ces étapes, un nombre imposant de produits avec leurs mains.
[97] Tel qu’il appert du témoignage de la travailleuse, le détolage, l’enlèvement des papiers et à la mise en sac ou en contenants des produits, impliquent un nombre très élevé de mouvements en préhension de la main droite, des pinces digitales et des mouvements en déviation du poignet. Il n’y a qu’au poste de la pesée et de la mise en boîte que la gestuelle varie de manière significative mais cela ne l’occupe que deux heures par jour. Bref, malgré les changements de postes, elle fait, six heures par jour, essentiellement les mêmes mouvements avec sa main et son poignet droit.
[98] Aux yeux du tribunal, ces caractéristiques sont plus que suffisantes pour conclure que la travailleuse effectue un travail répétitif au sens de l’annexe 1 de la loi.
[99] Toutes les exigences de l’article 29 et de l’annexe 1 de la loi étant rencontrées, la travailleuse pourrait donc bénéficier de cette présomption de maladie professionnelle.
[100] Ceci dit, avant de conclure de manière définitive en ce sens, le tribunal a également analysé si la preuve offerte par l’employeur démontre que cet emploi ne peut tout de même pas être à l’origine de la maladie de la travailleuse. Ce n’est pas le cas.
[101] Certes, l’employeur soumet un avis médical qui va dans cette direction. En effet, le docteur Legendre affirme que le lien de causalité évoqué par la travailleuse est peu probable étant donné que son emploi ne requiert pas suffisamment de postures contraignantes des poignets ni de force lors de l’exécution des mouvements répétés en pince digitale.
[102] Par ailleurs, le tribunal constate que l’opinion du docteur Legendre repose exclusivement sur la bande vidéo préparée par l’employeur. Or, après l’avoir visionnée à l’audience, le tribunal constate que cette bande vidéo, d’une dizaine de minutes, ne montre pas tous les postes de travail assumées par la travailleuse ni toute l’ampleur de la tâche qu’elle assume dans leur ensemble.
[103] À titre d’exemple, on y retrouve qu’une seule tâche relative à l’emballage des brioches et celle-ci est précédée et suivie d’opérations visant la mise en contenants ou en sacs des chocos et des chocolatines ce qui laisse croire que la travailleuse emballe différents produits au cours d’une même journée, ce qui n’est nullement le cas.
[104] En fait, le tribunal constate que cette bande est loin d’être représentative de l’emploi qu’occupe la travailleuse. Cela étant, le tribunal ne peut pas accorder beaucoup de crédibilité à l’évaluation faite pas le docteur Legendre.
[105] À ce chapitre, le tribunal estime que l’opinion contraire fournie par le docteur Bossé est beaucoup plus crédible, car visiblement, celui-ci ne s’est pas prononcé avant d’avoir longuement interrogé la travailleuse à ce sujet, ce qui lui a permis d’acquérir une meilleure connaissance de son poste de travail et de donner une opinion plus éclairée et plus objective.
[106] Or, selon le docteur Bossé, cet emploi implique des mouvements répétés et puissants en pince digitale de même que des mouvements contraignants et répétés en déviation des poignets et, il y a tout lieu de croire, qu’il s’agit d’un emploi susceptible de provoquer une tendinite de De Quervain. Après avoir entendu la travailleuse, le tribunal est également de cet avis.
[107] Après avoir lu l’ensemble de la littérature médicale produite par l’employeur, le tribunal l’est encore davantage, car la majorité des auteurs soutienne que les sollicitations musculo-squelettiques impliquant une répétitivité ou une force élevée, ou les deux, occupent une place importante dans la genèse des tendinites main-poignet, y incluant celle de De Quervain.
[108] On mentionne également que la sollicitation des tendons long abducteur et court extenseur est principalement liée à la préhension d’objet avec pince digitale ou à des mouvements répétés de flexion extension du pouce, ou à des efforts répétés ou prolongés du pouce ou à des gestes nécessitant l’application d’une pression avec le pouce.
[109] Le risque de développer une tendinite de De Quervain augmente lorsque les mouvements du pouce sont combinés à des mouvements du poignet ou lorsqu’il y a une combinaison de mouvements ou d’éléments à risques mais cela n’est pas essentiel.
[110] Finalement, on fait état que les personnes qui effectuent des mouvements du poignet tout en maintenant une prise de pince digitale avec les doigts ou qui travaillent souvent en flexion du poignet avec abduction du pouce ont des tâches qui sollicitent les tendons long abducteur et court extenseur.
[111] Cela étant, le tribunal constate que les facteurs de risques qui ont été considérés par le docteur Bossé sont également plus justes et plus conformes à ce qui est généralement reconnu par la communauté médicale.
[112] Qui plus est, contrairement au docteur Legendre, le tribunal ne retient pas que l’étude de NIOSH fait mention que la tendinite de De Quervain d’origine professionnelle est reliée à une combinaison de facteurs, notamment à des efforts significatifs. L’auteur fait référence à cette notion seulement en regard des tendinites qui impliquent les tendons extenseurs et fléchisseurs du poignet, et non, pour celles qui requièrent une gestuelle au niveau du long abducteur et du court extenseur du pouce. D’ailleurs, on peut difficilement concevoir qu’une personne pourrait soulever un poids significatif (exemple un objet de 25 livres) seulement avec un mouvement de pince digitale.
[113] Les objets manipulés de cette manière sont généralement petits et légers mais cela ne veut pas dire qu’il n’implique pas un certain effort (une pression) au niveau de l’index et du pouce pour les soulever et les déplacer, sans risque de les échapper.
[114] C’est notamment ce que le docteur Bossé retient lorsqu’il fait mention des efforts effectués par la travailleuse lorsqu’elle manipule et soulève entre autres les contenants de brioches et le tribunal n’en doute pas un instant, et ce, d’autant plus que la travailleuse doit saisir ses plats d’aluminium flexible seulement par le rebord pour ne pas endommager le crémage des brioches.
[115] Le tribunal rejette également l’argument de Me Ferland voulant qu’il s’avère davantage probable que ce soit l’arthrose dont est porteuse la travailleuse à la base du pouce droit qui soit à l’origine de la tendinite de De Quervain plutôt que son travail, car cette hypothèse relationnelle n’est nullement soutenue en preuve. Le docteur Legendre ne fait aucune relation entre les deux maladies de la travailleuse et la littérature n’en fait pas davantage état. On soutient seulement que ces maladies ont plusieurs symptômes en commun de sorte que l’arthrose et la tendinite de De Quervain peuvent être confondues et peuvent constituer des diagnostics différentiels.
[116] Bref, le tribunal estime que la preuve offerte par l’employeur en vue d’empêcher l’application de la présomption de l’article 29 de la loi en faveur de la travailleuse, n’est pas convaincante.
[117] À tout événement, le tribunal estime que cette réclamation pourrait également être acceptée sous l’égide de l’article 30 de la loi, et ce, compte tenu que l’opinion médicale qui prévaudrait dans le cadre de cette analyse serait, une fois de plus, celle fournie par le docteur Bossé.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête soumise le 19 mars 2010 par madame Francine Richard ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 10 mars 2010, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que madame Francine Richard souffre d’une maladie professionnelle et qu’elle a droit aux bénéfices de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Thérèse Demers |
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François Massie |
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C.S.N |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Patricia Ferland |
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Previgesst |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] Dans sa décision, la CSST mentionne que cette réclamation fut déposée le 16 novembre 2009 mais cela n’est pas exact. Tel qu’il appert de l’estampille de réception apposée par la CSST, cette réclamation a été soumise le 12 novembre 2009.
[2] L.R.Q. c. A-3.001
[3] Lors d’un échange avec l’agente de la CSST en date du 3 décembre 2009, la travailleuse dit ne pas avoir soumis de réclamation auprès de la CSST dès le départ, car deux de ses supérieurs lui ont dit que ce n’était pas relié à son emploi. Elle réitère le tout à l’audience et l’employeur n’offre aucune preuve pour contredire les propos de la travailleuse.
[4] Il importe également de préciser que le test de Finkelstein est positif lors de cette évaluation initiale.
[5] Il s’agit d’une erreur. La travailleuse n’a jamais soumis de réclamation pour un événement survenu le 16 novembre 2009. Sa réclamation de maladie professionnelle a toutefois été reçue à la CSST, le 12 novembre 2009.
[6] Des petits contenants transparents et minces.
[7] Foster-Ford et Catelli (1989) inc., 56830-61-9402, 12 octobre 1995, B. Lemay ; Lamontagne et Bois francs Impérial ltée, 102428-62-9806, 10 mars 1999, C. Demers ; Ouellet et Le groupe immobilier Rioux inc., 137570-01A-0004, 16 février 2001, J.-M. Laliberté ; Toutant et Guitabec inc.,155065-04B-0102, 19 septembre 2001, L. Collin ; Cadieux et B.O.L.D., 216395-64-0309, 1er juin 2004, R. Daniel.
[8] Girard et Imp. Logobec International inc., 282714-62-0602, 27 mars 2007, L. Couture
[9] Bermex International inc. et Rouleau, [2005] C.L.P. 1574 , révision rejetée, 233846-04-0405,19 mars 2007, L. Nadeau, (06LP-287).
[10] C.L.P. 379919-02-0906, 17 décembre 2009, J. Grégoire.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.