Chiasson et United Parcel Service Canada ltée

2011 QCCLP 6220

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

23 septembre 2011

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

421961-03B-1010

 

Dossier CSST :

134438886

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administratif

 

Membres :

Gaétan Gagnon, associations d’employeurs

 

Pierre Lessard, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Johanne Gagnon, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Michel Chiasson

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

United Parcel Service Canada ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 18 octobre 2010, monsieur Michel Chiasson (le travailleur) dépose une requête devant la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 19 mars 2010, déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 10 février 2010 et qu’il n’a donc pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]           Le travailleur et United Parcel Service Canada ltée (l'employeur) sont présents et représentés à l’audience qui a lieu devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Lévis le 14 septembre 2011. La cause est mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle le 10 février 2010, soit un canal carpien droit. Plus précisément, le procureur du travailleur soutient, d’une part, que le canal carpien droit dont a souffert le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail, conformément à l’article 30 de la loi ou, subsidiairement, que ce canal carpien droit fait suite à un accident du travail au sens élargi de ce terme en raison de la surcharge de travail vécue entre 2006 et la fin de l’année 2009.

LES FAITS

[5]           Le travailleur est à l’emploi de l'employeur depuis 1989.

[6]           Au cours de cette période, excepté entre 1995 et 2005, il a occupé l’emploi de chauffeur-livreur.

[7]           Le travailleur témoigne à l’audience et apporte des précisions sur l’emploi qu’il occupe chez l'employeur. Il indique que son horaire de travail s’échelonne du lundi au vendredi de 8 h 15 à environ 18 h 15-18 h 30. Il dispose d’une pause repas de 45 minutes qu’il prend habituellement vers 12 h 15 et une pause-santé de 15 minutes qu’il prend en après-midi.

[8]           Appelé à décrire une journée type à titre de chauffeur-livreur chez l'employeur, le travailleur indique qu’à son arrivée au travail, il va chercher l’ordinateur de base (DIAD) qui lui fournit toute l’information sur les livraisons qu’il aura à faire au cours de la journée. Cet ordinateur de base, dont un exemplaire a été apporté par le travailleur à l’audience, mesure, selon l’estimation qu’en fait le tribunal, environ 7 à 8 pouces de largeur et environ 12 pouces de longueur par environ 2 pouces d’épaisseur. Le travailleur précise qu’il pèse environ 7 livres. Il utilise ce modèle d’ordinateur de base depuis 2000.

[9]           Après avoir récupéré son ordinateur de base, le travailleur assiste à une réunion quotidienne convoquée par la direction visant à fournir des informations sur divers sujets. Ensuite, il se rend à son camion, vérifie les premiers arrêts qu’il doit faire et les colis qu’il doit y livrer et s’assure qu’il a suffisamment de livraisons pour son quart de travail minimal de 8 heures. Si le volume des livraisons lui semble incomplet, il retourne au centre de distribution et va chercher des colis additionnels à livrer dans un secteur adjacent à celui qu’il doit parcourir dans le cadre de sa journée. Il transporte les colis du centre de distribution à son camion. Il les dispose à l’endroit où il reste de l’espace dans le camion. Son camion comporte deux tablettes de chaque côté où il peut mettre des colis de même qu’au sol.

[10]        Le travailleur informe le tribunal qu’il dispose d’un diable pour transporter les colis, mais qu’il l’utilise peu souvent puisqu’il lui arrive, dépendamment des clients, d’avoir accès à un quai de débarquement ou encore les colis ne sont pas suffisamment lourds ou il n’a pas accès avec un diable à l’adresse résidentielle où il doit livrer des colis. Il fait donc beaucoup de manipulations et le poids des colis varie entre 0 à 150 livres. Avant de commencer ses livraisons, le travailleur doit effectuer une vérification mécanique de son camion qui lui prend habituellement de 3 à 4 minutes. Ainsi, il estime que l’ensemble des démarches préalables à son départ pour les livraisons prend environ 10 minutes par quart de travail.

[11]        Le travailleur informe le tribunal que de 1989 à 2004, il a conduit des camions manuels sans servodirection puis, à compter de 2004, il a bénéficié d’un camion à transmission automatique avec servodirection.

[12]        Le travailleur livre des colis sur le territoire de la Rive-Sud de Québec, notamment à St-Nicolas, St-Rédempteur, St-Étienne-de-Lauzon, St-Agapit, etc. Il parcourt environ 225 à 250 km par jour.

[13]        Le travailleur estime entre 125 et 150 le nombre de colis qu’il livre par jour. Cependant, il apporte une nuance à cette affirmation en indiquant qu’entre 2006 et la fin 2009, il a été appelé à livrer beaucoup plus de boîtes qu’à l’habitude.

[14]        En effet, au cours de cette période, son quart de travail a été modifié. Il effectuait des livraisons entre 7 et 8 h chez quatre principaux clients commerciaux, soit Woosley, une entreprise de plomberie, Walmart, Golf Town et Deschênes. Pour effectuer ce type de livraisons, l'employeur mettait à sa disposition un camion autre que le camion qu’il utilise pour son parcours régulier qui pouvait être soit manuel ou automatique, dépendamment des camions disponibles.

[15]        Dans le cadre de cette livraison particulière, il pouvait manipuler entre 150 et 200 boîtes, dépendamment des jours et de la période de l’année. Le travailleur insiste sur le fait qu’au cours de cette période de livraison d’une durée d’une heure, il livrait plusieurs colis à la fois, ce qui l’amenait à utiliser son ordinateur de base pour entrer des données et surtout numériser le code-barre des différents colis de manière accrue par rapport à ce qu’il avait à faire dans le cadre de son parcours régulier de travail. Bien qu’il était convenu avec l'employeur que, en général, puisqu’il débutait son quart de travail plus tôt, soit à 7 h, il devait terminer plus tôt en fin de journée, ce n’était pas toujours le cas dans la réalité.

[16]        Le travailleur estime qu’entre 2006 et la fin 2009, il faisait entre 8 et 10 heures supplémentaires par semaine alors qu’en général, il en fait entre 5 et 6 par semaine.

[17]        Après avoir complété ses livraisons particulières, le travailleur retournait au centre de distribution et prenait possession de son camion automatique pour effectuer son parcours habituel de livraison tel que décrit plus haut.

[18]        Chaque fois que le travailleur doit procéder à une livraison, il commence par vérifier dans son ordinateur, la livraison qui doit être faite et peut être appelé à entrer des données sur le DIAD, ce qu’il fait à l’aide de ses deux pouces sur le clavier localisé au bas de l’ordinateur.

[19]        Lorsqu’il lui arrive à l’adresse de livraison, le travailleur saisit le DIAD qui repose dans un support à sa droite dans le camion, se rend dans la boîte arrière du camion, numérise le code-barre du ou des colis à livrer, puis prend les colis et les transporte à l’adresse identifiée sur ceux-ci. Pour procéder à la numérisation du code-barre, le travailleur saisit le DIAD de sa main droite dans un mouvement de préhension à pleine main. Son poignet effectue un mouvement variant de la prosupination à la pronation complète accompagné de déviation radiale dans des amplitudes variables, le lecteur optique se situant sous la portion avant de l’ordinateur.

[20]        Il doit ensuite obtenir une signature du client sur le bloc-notes incorporé au DIAD et compléter la livraison en entrant les données requises. Il lui arrive d’avoir à entrer des adresses, puisqu’au début de son quart de travail, lorsqu’il prend possession de son véhicule, les colis sont classés par secteur et non par adresse. Il doit donc compléter, dans le système informatique, les adresses requises en fonction des livraisons à effectuer.

[21]        Le travailleur précise que le matin, il effectue plus de livraisons dans un secteur rapproché et, en après-midi, il en fait un peu moins puisqu’il doit couvrir un plus vaste territoire. En après-midi, il fait également de la cueillette de colis. Il estime en faire environ 4 de manière régulière et 6 ou 7 sur appel.

[22]        Appelé à décrire les tâches qu’il considère problématiques et à l’origine du syndrome du canal carpien droit dont il a souffert, le travailleur cible l’utilisation du numériseur du DIAD à l’aide d’une main. Il est d’avis que le poids de ce numériseur, supporté par une seule main qui doit effectuer des mouvements parfois extrêmes du poignet droit dépendamment du type de colis et de la quantité à numériser dans le camion en fonction du positionnement de ces colis, soit à l’origine de sa pathologie. Le travailleur est d’avis que c’est la surcharge de travail qu’il a vécue entre 2006 et la fin de 2009, alors qu’il effectuait des livraisons plus importantes entre 7 et 8 h du matin, qui a occasionné plus de mouvements à risque et le développement de sa pathologie.

[23]        Le travailleur indique qu’excepté la période de livraison entre 7 et 8 h le matin, pendant le reste de la journée, le délai entre les livraisons est très variable en fonction du secteur à couvrir et du type de livraison.

[24]        Le travailleur informe le tribunal qu’il a commencé à ressentir des engourdissements à la main droite à compter de 2008 et qu’il en avait alors discuté avec son médecin lors de son rendez-vous médical annuel, mais sans plus.

[25]        Il informe le tribunal qu’à compter de la fin de l’année 2009, l’employeur lui a fourni un nouveau modèle d’ordinateur de base beaucoup plus petit, plus maniable et moins lourd.

[26]        Le travailleur dit qu’il parvenait à soulager ses engourdissements en agitant son membre supérieur droit. Cependant, les engourdissements ont augmenté graduellement jusqu’à devenir permanents quelques mois avant la première consultation du 10 février 2010. Ces engourdissements amenaient beaucoup d’inconfort la nuit.

[27]        Ainsi, lors de son rendez-vous annuel du 10 février 2010 auprès de la docteure Chantal Brochu, son médecin de famille, le travailleur l’a informée du caractère permanent des engourdissements qu’il ressentait à la main droite et des difficultés qu’il avait à dormir en raison de ceux-ci. Après avoir examiné le travailleur, la docteure Brochu complète une attestation médicale destinée à la CSST où elle pose le diagnostic de tunnel carpien droit, prescrit une orthèse nocturne et le réfère en orthopédie à Montmagny.

[28]        Le 18 février 2010, le travailleur voit le docteur Garneau, orthopédiste, qui confirme le diagnostic de tunnel carpien droit et fixe une chirurgie pour décompression. En attente de cette chirurgie, il autorise la poursuite du travail régulier selon la tolérance du travailleur. Le travailleur confirme que dans les faits, il a continué d’occuper son emploi de chauffeur-livreur jusqu’à la chirurgie qui a eu lieu le 30 juin 2010. Le travailleur s’est alors absenté du travail pendant huit semaines, puis a repris son emploi régulier, sans difficulté, considérant qu’il y a eu récupération à 100 % de sa condition.

[29]        Le 24 février 2010, le travailleur produit une réclamation à la CSST en lien avec le canal carpien droit dont il souffre.

[30]        Dans le cadre de l’analyse de cette réclamation, madame France Aly, agente d’indemnisation responsable du dossier du travailleur, communique avec lui afin d’obtenir plus de précisions sur son emploi et sur l’apparition des douleurs.

[31]        Il appert des notes évolutives rédigées par l’agente d’indemnisation après sa conversation avec le travailleur que les premiers symptômes sont apparus en 2008, qu’ils étaient intermittents et qu’ils sont devenus permanents en novembre 2009.

[32]        Tout comme dans le cadre de son témoignage à l’audience, le travailleur précise à l’agente d’indemnisation qu’il associe sa lésion à son travail et particulièrement à l’utilisation de l’appareil de données DIAD.

[33]        Quant au reste, le travailleur reprend la description de ses tâches telle qu’il l’a énoncée à l’audience et ne mentionne cependant pas la surcharge de travail qu’il allègue être survenue entre 2006 et 2009, alors qu’il devait faire des livraisons de 7 à 8 h le matin.

[34]        Après analyse, la CSST refuse la réclamation du travailleur. Comme principal motif, elle retient que les tâches sont variées, que les mouvements à risque ne se retrouvent pas dans toutes ses tâches, que le travailleur n’effectue pas de mouvements répétitifs sollicitant son poignet droit sur des périodes de temps prolongées, qu’il n’a pas de cadence imposée, que les notions de force et d’effort ne sont pas toujours présentes, qu’il y a peu ou pas de positions contraignantes sur des périodes de temps prolongées, qu’il n’y a pas de positions statiques, que le travailleur bénéficie de périodes de repos compensatrices pour les structures anatomiques sollicitées, qu’il utilise ses deux mains dans son travail et qu’il n’a pas fait la démonstration qu’un canal carpien droit est caractéristique du travail effectué ou qu’il est directement relié aux risques particuliers de ce travail selon l’article 30 de la loi.

[35]        La révision administrative confirme ce refus aux mêmes motifs. Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.

[36]        Le 21 mars 2011, le travailleur est évalué par le docteur Mitchell Saul Pantel, à la demande de l'employeur. Il appert du rapport que rédige le docteur Pantel à la suite de son évaluation que le travailleur est porteur d’un antécédent de tendinite au poignet droit survenue le 25 septembre 2003 pour lequel il a fait une réclamation à la CSST qui l’a refusée.

[37]        De plus, le docteur Pantel indique que le travailleur n’est pas porteur de diabète, d’hypothyroïdie, d’arthrite ou d’arthrose. Il est cependant connu pour une hypertension artérielle et de l’hypercholestérolémie.

[38]        Au moment où le travailleur est évalué par le docteur Pantel, il a déjà subi sa chirurgie pour décompression du canal carpien droit. D’ailleurs, le docteur Pantel confirme que le travailleur a repris son emploi de chauffeur-livreur à compter du 1er septembre 2010 et que la période postopératoire s’est très bien déroulée. Le travailleur n’a fait l’objet d’aucun suivi médical par la suite, relativement à cette condition.

[39]        Le docteur Pantel réfère ensuite aux symptômes que le travailleur associe à l’utilisation de l’appareil DIAD. Il note que le travailleur estime le poids de cet appareil à 7 livres.

[40]        Au terme de son examen, le docteur Pantel retient le diagnostic de syndrome du tunnel carpien status post-décompression avec évolution favorable (condition personnelle). Il est d’avis que la lésion est consolidée depuis le 1er septembre 2010, date où le travailleur a réintégré son emploi, que les soins ou traitements sont suffisants et qu’il n’existe aucune relation entre la condition du travailleur les tâches exercées chez l'employeur. Il est donc d’avis que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[41]        Dans les notes médico-administratives que le docteur Pantel joint à son évaluation, il se prononce plus spécifiquement sur la relation causale en ces termes :

7. Relation causale

 

Il y a absence de relation causale entre le diagnostic qu’a posé le médecin traitant de syndrome de tunnel carpien et le travail de monsieur.

 

Il ne s’agit pas alors d’un accident de travail étant donné l’absence de fait accidentel, l’absence d’événement soudain ou imprévu ou événement traumatique qui aurait pu causer un tel diagnostic, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une maladie professionnelle en raison que le travail qu’a effectué monsieur n’est pas un risque reconnu pour ce genre de maladie.

 

La tâche d’entrée de données dans un DIAD ne constitue pas un geste suffisant pour causer un diagnostic de syndrome de tunnel carpien.

 

On remarque que monsieur effectue ce travail sur une période de 22 ans et que l’utilisation de cet appareil fait partie des tâches depuis les 10 dernières années. Monsieur est seulement symptomatique depuis les dernières 2 années, avant qu’il ne consulte. Il y a alors absence de relation causale temporelle et une absence de relation avec les tâches ou les gestes qu’il doit effectuer d’autant plus qu’il est important de mentionner que monsieur aura une variation de tâches sur la route de livraisons, que le poids et la grandeur des colis qu’il doit livrer varient, qu’il a des périodes de conduite de véhicule entre les livraisons de colis.

 

Il ne s’agit pas alors d’un travail de nature répétitive et il y a des pauses ou variations de tâches entre les gestes, malgré que la main et le poignet soient sollicités dans le cadre de ses fonctions. La variation des tâches sollicite ses structures anatomiques de façon différente selon le travail qu’il effectue. Ceci ne constitue pas une exigence supra-physiologique sur les mains ou poignets sur des périodes prolongées.

 

Il y a une variation de postures et variations des poids qu’il doit manipuler. Pour ces raisons, je vous recommande de maintenir votre contestation au sujet de l’admissibilité de la présente réclamation auprès de la CSST et CLP.

 

[sic]

[42]        Le docteur Pantel témoigne à l’audience par visioconférence. Dans un premier temps, il informe le tribunal qu’il a une formation d’omnipraticien exerçant en médecine familiale et qu’il détient une maîtrise en santé au travail. Sa qualification à titre d’omnipraticien exerçant en médecine du travail est reconnue par le tribunal.

[43]        Il réfère ensuite à l’expertise médicale qu’il a rédigée le 21 mars 2011. Sans en reprendre tous les détails, il insiste sur certains points dont le fait que le travailleur n’a pas eu d’électromyogramme avant la chirurgie pour décompression du canal carpien droit, chirurgie qui, par ailleurs, a permis à la condition d’évoluer favorablement.

[44]        Le docteur Pantel poursuit son témoignage en référant à de la littérature médicale et plus particulièrement à un article produit par l’American Medical Association intitulé « AMA Guides to evaluation of work ability and return to work »[2].

[45]        Il insiste sur le fait que cet article a été publié en 2011 et qu’il remet en question le lien de causalité que des études épidémiologiques antérieures ont pu faire entre le syndrome du canal carpien et le travail. Ces auteurs réfèrent à une controverse qu’ils qualifient de considérable, entourant l’étiologie du syndrome du canal carpien. Le docteur Pantel réfère plus spécifiquement à la portion de l’article qui remet en question la vraisemblance d’un lien de causalité entre cette pathologie et le travail en ces termes :

Most of the litterature on causation of CTS is flawed. Most of the studies are cross sectional, which means that they can generate hypotheses for testing by prospective studies, but by themselves they do not prove causation. Many of the studies use a clinical definition of CTS and not nerve conduction testing for diagnosis, so  in studies on the relationship of work activity to CTS, many of the individuals labeled as having CTS do not actually have it. Fifty-nine medical conditions (diseases or injuries) have been reported to be associated with CTS. Thus, in a single individual with CTS, it is impossible to reason from the literature whether work activity was part of the cause of the CTS.

[…]

[46]        Sur la base de cet extrait de littérature médicale, le docteur Pantel se questionne sur l’existence possible d’un lien de causalité entre tout travail et le syndrome du canal carpien bilatéral.

[47]        À tout événement, référant aux études épidémiologiques les plus souvent retenues par le tribunal dont celles de NIOSH[3], le docteur Pantel rappelle que pour conclure à une « strong evidence epidemiologic » entre le syndrome du canal carpien droit dont souffre le travailleur et l’emploi de chauffeur-livreur qu’il exerce chez l'employeur, il doit y avoir la démonstration de la combinaison de trois facteurs de risque, soit l’application de force, des postures contraignantes et la notion de répétitivité.

[48]        Fait à noter, à l’audience, le docteur Pantel a demandé au travailleur de mimer les positions qu’il adopte lorsqu’il a à maintenir ou utiliser le DIAD dans le cadre de son travail. À partir de ses observations, le médecin signale que lorsque le travailleur tient le DIAD à deux mains, le poids de l’appareil est soutenu par la paume de la main et les quatre doigts de chacune des mains. Le travailleur n’a pas à effectuer une préhension de l’objet avec le pouce et les doigts, mais le DIAD repose plutôt en appui sur la paume de sa main et ses quatre doigts. Il note que le travailleur actionne les boutons servant à la saisie de données à l’aide de ses deux pouces indifféremment.

[49]        Appelé à se prononcer sur l’exposition et la répétitivité, le docteur Pantel rappelle que, pendant la période de 2006 à la fin de 2009 que le travailleur incrimine, il a effectivement eu à manipuler un nombre important de colis pendant une période d’une heure le matin, soit de 7 à 8 h, avant d’entreprendre sa journée normale de travail. Le docteur Pantel insiste sur le fait que sa journée normale de travail totalise environ 10 heures.

[50]        Or, selon lui, en s’appuyant sur la littérature, il constate que pour conclure à la présence de facteurs de risque permettant d’établir une « strong evidence », le travailleur doit être exposé pendant tout son quart de travail.

[51]        En l’espèce, partant de l’hypothèse que le travailleur a à numériser plus de code-barres pendant une heure le matin, soit de 7 h à 8 h, il n’en demeure pas moins que pendant le reste de la journée, il a des tâches très variées qui lui offrent des repos compensateurs.

[52]        Ainsi, le docteur Pantel insiste sur le fait que les tâches effectuées par le travailleur au poste de chauffeur-livreur chez l'employeur ne se comparent aucunement à l’exposition à laquelle peut être soumis un travailleur sur une ligne de production alors qu’une cadence lui est imposée.

[53]        Dans le cas présent, le travailleur n’a pas à effectuer une répétition du même geste. Il est donc d’avis que la notion de répétitivité ne s’applique aucunement à cette situation. Il écarte ainsi ce facteur de risque.

[54]        Pour le docteur Pantel, maintenir un poids de 7 livres de la main droite n’exige pas une force significative pouvant occasionner un canal carpien. Il rappelle que le travailleur a à manipuler des charges beaucoup plus importantes que cet appareil dans le cadre de ses tâches régulières de travail qu’il exerce depuis plus de 20 ans et, qu’au surplus, s’il a à exercer une certaine force pour soutenir, à l’aide de sa main droite, le DIAD, cette force implique une sollicitation des muscles de l’avant-bras pour en supporter le poids et non du poignet. Il écarte également ce facteur de risque.

[55]        En ce qui a trait à la notion de posture contraignante, la littérature médicale identifie les flexions, les extensions, les déviations radiales et cubitales du poignet dans des positions extrêmes comme étant des postures pouvant être qualifiées de contraignantes, en lien avec un syndrome du canal carpien.

[56]        En l’espèce, le docteur Pantel est d’avis que le travailleur effectue, occasionnellement, des flexions et des extensions du poignet de même que des déviations radiales. Il n’effectue pas vraiment de déviations cubitales. Quant aux déviations radiales, elles s’effectuent dans une amplitude presque neutre qui, à la limite, ne dépasse pas 30°. Les postures du poignet droit dont le travailleur doit adopter ne le sont pas plus de 2 fois par minute ou pendant plus de 50 % de son temps de travail.

[57]        Le docteur Pantel ne voit donc pas dans les postures adoptées par le travailleur de postures contraignantes pour le poignet droit permettant d’établir un lien de causalité entre ces postures et le syndrome du canal carpien.

[58]        Le docteur Pantel rappelle que pour conclure à une « strong evidence » entre l’emploi de chauffeur-livreur et le syndrome du canal carpien droit diagnostiqué, le travailleur devait démontrer la combinaison de trois facteurs de risque. Selon lui, aucun de ces facteurs n’est présent en l’espèce.

[59]        Au surplus, le docteur Pantel insiste sur le fait que les symptômes sont apparus en 2008, mais sont devenus permanents en novembre 2009, au moment où le travailleur a commencé à utiliser un ordinateur de base de plus petit format et plus léger, plus maniable et plus facile à utiliser selon ce qu’il a précisé à l’audience. De plus, la preuve révèle qu’à compter de la fin de l’année 2009, le travailleur a cessé de faire des livraisons entre 7 et 8 h.

[60]        Dans ce contexte, le docteur Pantel s’explique mal comment les symptômes ont pu continuer de s’intensifier jusqu’à devenir permanents alors même que le travailleur était moins exposé à ce qu’il qualifie de facteur de risque.

[61]        De plus, le docteur Pantel rappelle que le travailleur utilisait le DIAD depuis 2000 et qu’il est surprenant que les premiers symptômes soient apparus en 2008 en présence de facteurs de risque allégués par le travailleur. Cette absence de relation temporelle lui permet également d’écarter un lien causal entre le syndrome du canal carpien droit et les tâches de chauffeur-livreur exercées chez l'employeur.

[62]        En réaction à un article de littérature médicale produit par le procureur du travailleur, soit le « Guide pour le diagnostic des lésions musculosquelettiques attribuables au travail répétitif - le syndrome du canal carpien »[4], le docteur Pantel insiste sur le fait qu’il s’agit d’une étude datant de 1995, alors que la littérature à laquelle il réfère est beaucoup plus récente, soit 2011. Il signale que depuis cette première étude en 1995, des recherches plus poussées ont permis d’écarter certains mouvements qui étaient à l’époque considérés à risque. Il accorde donc peu de valeur à cette étude.

[63]        Le tribunal a également entendu le témoignage de monsieur Sean Doherty, directeur des opérations chez l'employeur depuis février 2011, mais à l’emploi de l’entreprise depuis juillet 2002. Monsieur Doherty a apporté des précisions en lien avec un rapport de production produit par l'employeur couvrant la période du 1er janvier 2010 au 27 février 2010.

[64]        Ce rapport vise la productivité du travailleur et fournit plusieurs informations, dont le nombre de colis que le travailleur a manipulés. Ces données permettent de confirmer le témoignage du travailleur selon lequel, en moyenne, sur un quart normal de travail s’échelonnant de 8 h 15 à 18 h 15, il manipule entre 125 et 150 colis. Pour la période de référence s’échelonnant du 1er janvier au 27 février 2010, il aurait manipulé en moyenne 142 colis. Ce nombre était cependant doublé, selon le travailleur, dans la période où il devait faire de la livraison de 7 à 8 h. Le tribunal ne bénéficie cependant pas de données propres à cette période de livraison.

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[65]        Le procureur du travailleur soutient que ce dernier a été victime d’une maladie professionnelle sous l’angle de l’article 30 de la loi.

[66]        Plus précisément, il est d’opinion que le travailleur a démontré que le syndrome du canal carpien droit dont il a souffert est relié aux risques particuliers de son travail de chauffeur-livreur tel qu’exercé chez l'employeur.

[67]        Pour en venir à cette conclusion, le procureur du travailleur s’appuie notamment sur la littérature médicale qu’il a déposée et plus précisément sur le fait que dans le cadre de l’ensemble des tâches qu’il a effectuées, le travailleur exécute des gestes en flexion, extension, déviations radiale et cubitale du poignet droit, autant lorsqu’il manipule des colis que lorsqu’il conduit son camion, devant alors faire une préhension du volant lorsqu’il saisit le DIAD qui repose dans un étui à sa droite dans le camion, lorsqu’il actionne les boutons pour entrer les données ou lorsqu’il numérise le code-barre des différents colis.

[68]        À son avis, le docteur Pantel minimise les mouvements adoptés par le travailleur dans le cadre de ses tâches en parlant de déviation radiale limitée à 30°. À ce sujet, le procureur du travailleur soutient que l’amplitude articulaire dans laquelle il procède à la déviation radiale dépend du positionnement de la boîte ou du colis qu’il devra numériser et, à ce titre, il réfère aux photos produites à l’audience illustrant l’intérieur du camion où se trouvent des boîtes.

[69]        À son avis, le travailleur est soumis à une combinaison de facteurs de risque, soit des postures contraignantes lorsqu’il a à numériser à l’aide du DIAD le code-barre des colis, l’application de force pour soutenir à une seule main le DIAD et finalement, la répétitivité, particulièrement lorsqu’il effectue des commandes importantes entre 7 h et 8 h pour les différents clients identifiés dans le cadre de son témoignage.

[70]        De même, le procureur du travailleur indique que le travailleur doit faire un mouvement de pince lorsqu’il appuie sur le bouton permettant d’embrayer la transmission automatique de son camion. Il est donc d’avis que le travailleur a subi une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers de son travail de chauffeur-livreur tel qu’exercé chez l’employeur.

[71]        Subsidiairement, si le tribunal ne retient pas cette hypothèse, le procureur du travailleur argue que ce dernier a été victime d’un accident du travail au sens élargi de ce terme à la suite de la surcharge de travail qu’il a vécue entre 2006 et la fin de 2009 alors qu’il faisait en moyenne 8 à 10 heures supplémentaires par semaine. C’est au cours de cette période qu’il a développé son syndrome du canal carpien en fonction des facteurs de risque identifiés plus haut. Il insiste également sur le fait que la pathologie s’est développée au membre dominant, ce qui permet d’établir un lien causal selon lui.

[72]        Quant au procureur de l’employeur, il est plutôt d’avis que le travailleur n’a pas satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait en ce qu’il n’a pas démontré qu’il souffre d’une maladie reliée aux risques particuliers du travail de chauffeur-livreur tel qu’exercé chez l’employeur.

[73]        Il appuie ses prétentions principalement sur le témoignage non contredit du docteur Pantel qui procède à une revue intéressante de la littérature médicale sur le sujet permettant de douter de toute causalité entre le syndrome du canal carpien et l’exposition au travail, mais qui est allé plus loin en démontrant également que le travailleur n’était pas exposé aux facteurs de risque permettant d’établir une telle relation, soit la répétitivité, l’application de force et les postures contraignantes.

[74]        Le procureur de l’employeur réfère le tribunal à deux décisions appuyant ses prétentions[5].

[75]        Il termine son argumentation en indiquant que le travailleur n’a pas non plus démontré qu’il a été victime d’un accident du travail au sens élargi de ce terme.

L’AVIS DES MEMBRES

[76]        Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales partagent le même avis.

[77]        Ils considèrent que le travailleur n’a pas satisfait au fardeau de preuve qui lui incombait en ce qu’il n’a pas démontré que le syndrome de canal carpien droit dont il a souffert est relié aux risques particuliers de son travail de chauffeur-livreur chez l’employeur.

[78]        Pour en arriver à cette conclusion, les membres se basent sur la preuve médicale offerte et notamment sur le témoignage du docteur Pantel ainsi que sur la littérature médicale produite qui permet de conclure, en la juxtaposant à la preuve factuelle, que le travailleur n’a pas été exposé aux facteurs de risques permettant d’établir un lien de causalité avec le syndrome du canal carpien droit dont il souffre.

[79]        De plus, les membres sont d’opinion que le travailleur n’a pas démontré de circonstances exceptionnelles permettant de conclure à la présence d’un accident du travail au sens élargi de ce terme entre 2006 et 2009. Pour que le travailleur ait gain de cause, en ce sens, les membres sont d’avis qu’ils devaient, d’une part, démontrer les circonstances particulières et, d’autre part, établir le lien de causalité entre ces circonstances et la pathologie, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

[80]        Vu ce qui précède, les membres sont d’avis de rejeter la requête déposée par le travailleur le 18 octobre 2010 et de confirmer la décision rendue par la CSST le 13 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[81]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 février 2010.

[82]        En vue de se prononcer sur cette question, le tribunal est lié par le diagnostic de canal carpien droit posé par le médecin qui a charge et non remis en question par l’intermédiaire de la procédure d’évaluation médicale. C’est donc sur la base de ce diagnostic que portera son analyse.

[83]        La loi définit ainsi la notion de lésion professionnelle :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[84]        Dans le présent dossier, le travailleur soutient, dans un premier temps, qu’il a subi une maladie reliée aux risques particuliers de son travail de chauffeur-livreur tel qu’exercé chez l’employeur, conformément à l’article 30 de la loi qui prévoit ce qui suit :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[85]        Dans le cas présent, le travailleur n’a pas démontré que le syndrome du canal carpien dont il a souffert est caractéristique de l’emploi de chauffeur-livreur tel qu’il est exercé chez l’employeur.

[86]        En effet, le simple témoignage du travailleur ne suffit pas à cette fin. Pour conclure à l’aspect caractéristique de la maladie, le travailleur aurait dû produire des études épidémiologiques ou, à tout le moins, démontrer statistiquement que plusieurs chauffeurs-livreurs effectuant les mêmes tâches de travail que lui dans le même environnement de travail souffrent de la même maladie.

[87]        Il reste donc à déterminer si le syndrome du canal carpien dont a souffert le travailleur est relié aux risques particuliers de l’emploi de chauffeur-livreur tel qu’exercé chez l’employeur.

[88]        La Commission des lésions professionnelles a eu à déterminer la preuve requise lorsque les risques particuliers du travail sont invoqués au soutien de l’admissibilité d’une réclamation pour maladie professionnelle[6].

[89]        Selon les paramètres ainsi établis, il faut d’abord procéder à une analyse des structures anatomiques atteintes par la maladie afin d’identifier les facteurs biomécaniques, physiques ou organisationnels sollicitant ces structures. Il faut par ailleurs regarder l’importance de l’exposition, que ce soit en matière de durée, d’intensité ou de fréquence ainsi que la relation temporelle. Le tribunal fait siens ces paramètres qui s’appliquent au présent dossier.

[90]        Quant aux facteurs biomécaniques ou facteurs de risque généralement en cause reconnus par la littérature médicale comme étant à l’origine d’un syndrome du canal carpien, le tribunal prend note que la littérature récente à laquelle réfère le docteur Pantel semble remettre en cause l’existence même d’un lien de causalité entre tout travail et le syndrome du canal carpien. Il s’agit là d’un nouveau courant de pensée prévalant dans la communauté médicale, mais ne faisant pas consensus pour l’instant.

[91]        Dans ce contexte, le tribunal base plutôt son analyse sur les facteurs de risque généralement reconnus, soit l’utilisation de la force, la répétitivité et les postures contraignantes. Plus précisément, les gestes de flexion, d’extension, de déviation radiale ou cubitale du poignet, de flexion des doigts et de préhension de la main sont habituellement considérés à risque. Une combinaison de ces facteurs de risque est requise pour conclure à l’existence d’une relation causale.

[92]        Dans le cadre de l’appréciation de la preuve offerte, le tribunal doit donc rechercher la présence ou non de ces facteurs de risque.

[93]        À la lumière de la preuve offerte quant à la description des tâches effectuées par le travailleur, le tribunal retient qu’il pose des gestes de préhension des mains de même que des gestes de flexion, d’extension et de déviation radiale des poignets. Toutefois, ces gestes sont majoritairement posés dans des amplitudes physiologiques.

[94]        De plus, bien que le travailleur ait diverses tâches à effectuer selon un certain rythme dans le cadre d’une journée type de travail, il n’est pas soumis à une cadence imposée, ayant notamment à se déplacer entre les divers endroits où il doit procéder aux livraisons et ayant à effectuer à cette fin des distances plus ou moins longues et à manipuler des colis de poids et de dimensions variables.

[95]        De même, sur la base du témoignage du travailleur, il appert que dans une journée type, il y a une variété importante de gestes posés dépendamment des livraisons du jour, des endroits où ces livraisons doivent être faites, du type de clientèle (commerciale et résidentielle), etc.

[96]        De ce fait, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas à effectuer, de façon répétitive, des mouvements à risque de développer un syndrome du canal carpien tels que des mouvements de flexion, d’extension, de déviation radiale ou cubitale avec application de force dans des postures contraignantes.

[97]        Il en ressort que les facteurs de risque identifiés, soit la répétitivité de mouvements, les postures contraignantes et l’utilisation de force ne se retrouvent pas, de manière significative, en l’espèce.

[98]        À ce sujet, le tribunal retient le témoignage du docteur Pantel qu’il considère prépondérant en l’espèce, selon lequel les gestes posés par le travailleur ne le sont pas sur une base répétitive et n’impliquent pas l’application de force ou de postures extrêmes du poignet droit pouvant constituer des postures contraignantes au sens où l’entend la littérature médicale.

[99]        Au surplus, le tribunal ne retient pas la thèse soutenue par le procureur du travailleur selon laquelle le travailleur a été soumis à des circonstances particulières, voire à une situation inhabituelle entre 2006 et 2009 alors qu’il avait à effectuer des livraisons entre 7 et 8 h, ce qu’il a cessé de faire à la fin de l’année 2009.

[100]     Bien qu’au cours de cette période, le travailleur a été appelé à faire un peu plus d’heures supplémentaires, le tribunal ne retrouve pas, dans la preuve offerte, d’éléments permettant d’établir un lien de causalité entre ces heures supplémentaires, les tâches qu’elles ont générées et le syndrome du canal carpien droit, pour les motifs exposés plus haut.

[101]     Le tribunal conclut donc que le travailleur n’a pas satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait en ce qu’il n’a pas démontré, à l’aide d’une preuve prépondérante, que le syndrome du canal carpien droit dont il a souffert est relié aux risques particuliers des tâches de chauffeur-livreur telles qu’exercées chez l’employeur.

[102]     De plus, le travailleur n’a pas démontré qu’il a subi un accident du travail au sens élargi de ce terme et qu’il existe une relation entre cet accident du travail et le syndrome du canal carpien droit diagnostiqué.

[103]     Par conséquent, le tribunal conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 10 février 2010 et qui n’a donc pas droit aux prestations prévues à la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée par monsieur Michel Chiasson, le travailleur, le 18 octobre 2010;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Michel Chiasson n’a pas subi de lésion professionnelle le 10 février 2010.

 

 

 

Ann Quigley

 

Me Daniel Thimineur

TEAMSTERS QUÉBEC (C.C.91)

Représentant de la partie requérante

 

Me Christian Létourneau

FRASER Milner Casgrain

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2] James B. TALMAGE, J. Mark MELHORN  et Mark H. Hyman (editors), AMA Guides to evaluation of wotk ability and  Return to Work,Chicago, AMA Press, 2011, pp. 196-197.

           

[3] Chap. 5A: « Carpal Tunnel Syndrome », dans UNITED STATES, DEPARTMENT OF HEALTH AND HUMAN SERVICES, PUBLIC HEALTH SERVICE, CENTERS FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION et P. Bruce BERNARD, Musculoskeletal Disorders and Workplace Factors: A Critical Review of Epidemiologic Evidence for Work-Related Musculoskeletal Disorders of the Neck, Upper Extremity, and Low Back, Washington, NIOSH, 1997, 5a-1 - 5a-67.

           

[4]           Louis PATRY, Michel ROSSIGNOL, Marie-Jeanne COSTA et Martine BAILLARGEON, Guide pour le diagnostic des lésions musculosquelettiques attribuables au travail répétitif, vol. 1, « Le syndrome du canal carpien », Sainte-Foy, Éditions Multimondes, Montréal, Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec, Québec, Régie régionale de la santé et des services sociaux, 1997, 33 p.

[5]           C.L.P. 175810-04-0201, La Brasserie Labatt ltée et Trépanier, 19 janvier 2004, J.-F. Clément; Ladouceur et Auberge Mon chez-nous et als, 2010 QCCLP 6278 .

[6]           Industries de Moulage Polytech inc. et Pouliot, C.L.P. 144010-62B-0008, 20 novembre 2001, N. Blanchard; voir au même effet : Cadieux et B.O.L.D., C.L.P. 216395-64-0309, 1er juin 2004, R. Daniel.

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