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[1] Le 14 novembre 2003, madame Pascale Lapierre (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 14 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Premièrement, cette décision confirme la décision initiale de la CSST rendue le 16 juin 2003 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 29 avril 2003 et qu’elle n’a pas droit aux indemnités prévues à la loi.
[3] Deuxièmement, la CSST confirme sa décision initiale rendue le 10 septembre 2003 et déclare qu’elle est liée par les conclusions émises par le Bureau d’évaluation médicale (BEM) dont les diagnostics de contusion thoracique, de contusion lombaire et d’entorse lombaire. Ces lésions sont consolidées le 12 juin 2003 sans nécessité de traitement après cette date, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles. La révision administrative ajoute que cette dernière décision recevra application seulement si une instance supérieure reconnaissait que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 29 avril 2003.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse, madame Pascale Lapierre, demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer en partie la décision rendue par la direction de la révision administrative de la CSST le 14 octobre 2003 et de déclarer qu’elle a été victime d’un accident « à l’occasion » de son travail.
[5] Le 29 avril 2003, les parties ont demandé que l’audition porte uniquement sur la notion de « à l’occasion du travail ».
[6] Pour ce qui est du dossier médical, les parties demandent qu’il en soit traité ultérieurement lors d’une autre audition, s’il y a lieu.
LES FAITS
[7] La travailleuse est inscrite sur une liste de disponibilité à titre d’infirmière chez l’employeur depuis février 2000.
[8] Au moment de l’événement, la travailleuse était assignée en région éloignée et elle devait séjourner dans un motel de Mont-Laurier, désigné par l’employeur.
[9] Le 29 avril 2003, vers 8 h 15, la travailleuse prenait sa douche dans la chambre du motel lorsqu’elle a glissé dans la baignoire. Elle est tombée en se heurtant le dos sur le bord du bain. Elle a ressenti une douleur dans le haut du dos, dans le cou, ainsi qu’un engourdissement au pouce gauche.
[10] Le jour même, elle consulte au CLSC de Maniwaki. Le docteur Wegrzycki examine la travailleuse et pose le diagnostic de contusions thoraciques et lombaire et de dérangement intervertébral mineur cervical. Il prescrit des anti-inflammatoires, l’application de glace et du repos.
[11] Par la suite, la travailleuse consulte le docteur Boileau qui retient le diagnostic de contusion dorsale et d’entorse lombaire. Il demande une scintigraphie osseuse et il réfère la travailleuse en physiothérapie.
[12] Le 21 mai 2003, la scintigraphie osseuse lue par le docteur Veilleux conclut à un examen dans les limites de la normale.
[13] Le 12 juin 2003, le docteur Jacques Potvin, neurochirurgien, produit un rapport d’évaluation médicale à la demande de l’employeur. Il conclut à un diagnostic de contusion thoracique gauche et myalgie paraspinal secondaire dont la coïncidence et la relation avec le fait accidentel semble plausible. Il ne recommande pas de traitement au-delà du 16 juin 2003. Il consolide la lésion au 12 juin 2003 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, ni limitations fonctionnelles.
[14] Par la suite, la travailleuse est suivie par les docteurs Boileau et Truong.
[15] Le 27 août 2003, le docteur Hany Daoud, orthopédiste, évalue la travailleuse, à titre de membre du BEM. Il retient les diagnostics de contusion thoracique gauche et de contusion lombaire avec entorse lombaire. Il consolide la lésion au 12 juin 2003 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.
[16] À l’audience, la travailleuse témoigne. Elle explique que lors de son embauche chez l’employeur, en février 2000, la disponibilité pour participer à des collectes mobiles était un pré-requis. Ces collectes pouvaient avoir lieu en région.
[17] La notion de collecte mobile dans la convention collective est définie, entre autre, comme étant toute collecte qui s’effectue en dehors du Centre des donneurs de sang. La travailleuse mentionne qu’elle n’est pas titulaire d’un poste mais qu’elle est inscrite sur la liste de disponibilité. Ses disponibilités sont de 4 jours/semaine jusqu’à 36 heures/semaine.
[18] Elle peut être appelée à travailler à l’extérieur de 2 à 3 jours/semaine. Normalement, elle est assignée environ 60% du temps au service de collecte mobile et 40% du temps au centre permanent.
[19] Lors d’une collecte mobile ou d’un mobile, il y a habituellement deux équipes de formées. Une première équipe, plus restreinte, commence une heure plus tôt pour procéder à l’installation des équipements sur les lieux où se fera la collecte. La deuxième équipe arrive une heure plus tard pour être en place à l’ouverture de la collecte. Ces équipes sont formées d’avance, normalement au moment où l’horaire est affiché.
[20] Par contre, il peut arriver qu’un membre de la première équire soit dans l’impossibilité de se présenter le matin même. À ce moment-là, il peut être remplacé soit par une autre personne sur la liste de disponibilité ou par un membre de l’autre équipe si la collecte est en région. C’est dans cette perspective que la travailleuse se dit disponible le soir après le travail et le matin avant le départ pour la collecte au cas où son horaire serait changé.
[21] Habituellement, lors d’un mobile en région, les membres de l’équipe se rendent au siège social et de là, ils sont véhiculés par l’employeur jusqu’au lieu de la collecte. À la fin de la journée, les membres de l’équipe sont reconduits par l’employeur au motel ou hôtel que celui-ci a réservé pour la durée du séjour.
[22] Le 28 et 29 avril 2003, la travailleuse faisait partie de l’équipe d’un mobile qui avait lieu à Mont-Laurier et Maniwaki. Elle raconte que tôt le matin du 28 avril 2004, elle s’est rendue au siège social d’Héma Québec à Montréal afin de prendre l’autobus mis à la disposition du personnel pour la durée du mobile.
[23] Avec les membres de l’équipe, elle quitte Montréal, en direction de Mont-Laurier vers 8.45 heures. Arrivée sur place, la travailleuse procède avec ses collègues à la collecte de sang qui s’est terminée vers 21 heures. Du lieu de la collecte, les membres de l’équipe sont montés dans l’autobus mis à leur disposition pour être reconduits au motel et prendre possession de leur chambre réservée et payée par l’employeur.
[24] La travailleuse souligne que lorsqu’elle se rend en région, les heures de travail sont calculées à partir du départ de Montréal jusqu’à l’arrivée en soirée au motel choisi par l’employeur. Elle reçoit une allocation fixe pour les repas à l’extérieur. Lorsqu’elle doit sortir pour les repas, durant les heures de la collecte, l’employeur se charge du transport, s’il y a lieu.
[25] L’employeur fournit les uniformes et les souliers. Par ailleurs, elle est responsable de leur entretien. Le soir, après les heures de travail, elle peut faire des activités personnelles. La travailleuse précise qu’elle est rejoignable le soir ou le matin à sa chambre au cas où il y aurait des modifications dans l’horaire de la journée. Elle cite, à titre d’exemple, le cas où elle devrait faire un remplacement dans l’équipe assignée à l’installation du matériel avant l’heure d’ouverture de la collecte. Dans ce cas, elle devrait être prête à quitter le motel une heure plus tôt que prévue.
[26] Elle mentionne que les heures de travail sont variables lors d’une collecte mobile ou d’un mobile. Elle doit être disponible le temps nécessaire. À titre d’exemple, si une collecte est prévue de 10 heures à 20 heures et qu’il y a affluence, elle devra travailler après la fermeture jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de donneur dans la salle.
[27] Monsieur Pierre Harvey, superviseur de collecte mobile chez l’employeur depuis six mois, témoigne. Il précise qu’une collecte mobile est itinérante et lorsqu’il est question d’un mobile, il s’agit d’une collecte en région éloignée.
[28] Un mobile est planifié six semaines à l’avance et l’horaire est affiché. L’employeur tient compte de la disponibilité et de l’ancienneté du personnel. Les employés doivent manifester leur intérêt quatre semaines à l’avance.
[29] L’employé dont les services sont retenus a le choix de se rendre sur les lieux du mobile par ses propres moyens ou de prendre le transport mis à leur disposition par l’employeur.
[30] L’employé est responsable de ses bagages. Si celui-ci choisit de prendre le transport mis à sa disposition par l’employeur, le chauffeur s’occupe des bagages par la suite.
[31] Le superviseur doit émettre un rapport sur les heures travaillées des employées. Les échanges d’horaire sont acceptés s’il n’y a pas d’heures supplémentaires à payer par l’employeur et si les modalités sont respectées.
[32] En région, il n’y a pas de prime de nuit ni de prime d’éloignement. Les employés reçoivent une allocation pour les repas. Lorsqu’ils arrivent à l’hôtel, les employés sont libres. Ils ne sont pas en disponibilité.
L’AVIS DES MEMBRES
[33] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête doit être accueillie. En effet, la chambre est payée et choisie par l’employeur. Les heures de travail sont longues et le fait que l’équipe reste sur place bénéficie à l’employeur.
[34] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête doit être rejetée. En effet en prenant sa douche, la travailleuse exerçait une activité personnelle. Il n’y a aucun lien de subordination. Aucune disponibilité n’est exigée entre l’arrivée le soir et le départ le matin du motel. Le fait que la travailleuse reçoive une allocation de repas lors de son séjour en région ne crée pas un lien suffisant.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[35] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 29 avril 2003.
[36] Les notions d’accident du travail et de lésion professionnelle sont ainsi définies à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi).
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[37] L’article 28 de la loi établit une présomption de lésion professionnelle dans certaines conditions. Cet article se lit comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 28.
[38] En l’espèce, cette présomption ne peut recevoir application puisque l’événement rapporté par la travailleuse n’est pas survenu alors qu’elle était à son travail.
[39] La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si la travailleuse a subi un accident du travail « à l’occasion du travail » tel que définit à l’article 2 de la loi.
[40] Il n’est pas contesté que le 29 avril 2003, la travailleuse a subi une blessure, soit une contusion thoracique gauche, une contusion lombaire et une entorse lombaire, lors d’un événement imprévu et soudain soit en glissant dans la baignoire.
[41] La notion de « à l’occasion du travail » n’est pas définie dans la loi. Par ailleurs, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a élaboré des paramètres qui permettent de mieux cerner cette notion. L’analyse qui en a été faite a permis d’établir un certain consensus autour des critères qui ont été développés. Cependant, il appartient à l’adjudicateur d’en apprécier la pertinence dans chaque cas qui lui est soumis. Ces critères sans être exhaustifs sont :
· la connexité ou l’utilité relative de l’activité qui occasionne la lésion et le travail
· le lien de subordination entre l’employeur et le travailleur au moment de l’événement
· l’intérêt que l’employeur retire de l’activité recherchée au moment de l’événement
· la finalité de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail
· le lieu de l’événement
· le moment de l’événement
· la disponibilité du travailleur au moment de l’événement
· la rémunération ou non rémunération au moment de l’événement
· exercice par le travailleur d’un privilège accordé par convention ou autrement.
[42] La soussignée tient à préciser qu’il n’est pas obligatoire que tous ces critères s’appliquent conjointement pour conclure à un lien de connexité suffisant avec le travail. Un seul peut suffire. Chaque cas est un cas d’espèce et il doit être apprécié en fonction des circonstances qui lui sont propres.
[43] Les parties ont déposé plusieurs jurisprudences traitant de la notion « à l’occasion du travail ». Dans la cause Évelyn Mitchell et Air Canada la commissaire Francine Juteau fait un survol de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles souvent citée où on a interprété de façon libérale la notion de « à l’occasion du travail ». La commissaire s’exprime ainsi :
« En 1991, la Commission d’appel décidait qu’un travailleur s’étant blessé alors qu’il prenait sa douche dans un hôtel ou il séjournait pour assister à une conférence à la demande de son employeur constituait un accident du travail. Dans cette décision, la Commission d’appel a examiné la jurisprudence sur le sujet, étendant son étude à la jurisprudence américaine qui a spécifiquement statué sur les accidents survenant aux travailleurs appelés à voyager et qui doivent séjourner à l’hôtel ou qui doivent prendre leurs repas dans les restaurants. Le commissaire cite à ce sujet une importante décision de la cour d’appel de l’état de New York qui rappelle que : (1)
« ...Such accidents are compensable if the employee is required to travel in the employer’s business, is directed to remain at a certain place for a specified lenght of time, and is injured while engaged in a reasonable activity. »
La Commission d’appel arrivait aux mêmes conclusions dans l’affaire Guénette et Produits Mark-V (2) alors qu’elle concluait à la lésion professionnelle dans le cas d’un travailleur qui s’était frappé le pied sur un meuble dans une chambre d’hôtel où il se trouvait à la demande de son employeur. L’allocation d’hébergement et de repas était déterminée par ses conditions de travail.
En l’espèce, l’accident est survenu alors que la travailleuse séjournait à l’hôtel lors d’une escale. Dans une décision rendue en 1996 (3), la Commission d’appel concluait à l’accident du travail alors que la travailleuse, agent de bord en escale, se blessait au pied en revenait à son hôtel après avoir pris son repas à l’extérieur.
Plus récemment, la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée à deux reprises (4 & 5) dans des affaires impliquant des accidents survenus à des agents de bord en escale. Bien qu’il s’agissait dans les deux cas d’accidents survenus sur le trajet entre l’hôtel et le restaurant, les commissaires ont exposé les particularités des tâches d’agent de bord et ils ont conclu que le lien de subordination entre l’employeur et le travailleur était maintenu puisque le travailleur se trouvait en mission, c’est-à-dire qu’il se trouvait en ce lieu à cause de son travail d’agent de bord, qu’il devait demeurer disponible, qu’il pouvait être rejoint en tout temps et devait respecter certaines directives de l’employeur durant l’escale.
De l’ensemble de la jurisprudence, il ressort que la preuve d’un lien entre l’activité exercée et le travail semble un critère déterminant à la reconnaissance d’un accident du travail.
Dans l’affaire Leclerc et Isotemp Ltée (6), la Commission d’appel souligne qu’un accident qui survient au moment où le travailleur se trouve dans l’exercice d’une activité faisant partie de ses conditions de travail constitue une lésion professionnelle si cette activité est connexe au travail et utile à l’employeur. Dans cette décision, la Commission d’appel retient que la notion de conditions de travail doit recevoir un sens large :
« La notion de conditions de travail doit s’entendre ici dans son sens large et elle couvre ainsi de telles conditions qui résultent soit d’une convention collective, soit d’un décret, soit de règlements ou directives en vigueur chez un employeur, soit d’un contrat particulier de louage de services, soi même des usages et coutumes en vigueur dans une entreprise. Il peut donc s’agir de conditions de travail explicites ou implicites, et elles peuvent également être à caractère obligatoire ou à caractère facultatif. »
[44] Aussi dans l’affaire Air Canada & André G Richard, (4) précitée, la commissaire Me Mireille Zigby, concluait en ces termes :
« Si le fait d’aller prendre un repas au restaurant est en soi une activité personnelle lorsque le travailleur réside chez lui, il en va tout autrement lorsqu’il se trouve en mission pour le compte de l’employeur dans une ville éloignée de son domicile. »
[45] La jurisprudence déposée par l’employeur porte un regard différent sur la notion de « à l’occasion du travail » tout en appliquant les mêmes critères (7).
[46] Dans Maçonnerie Dynamique ltée et Jean Gaudreault, (8) la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. Le travailleur exerçait le métier de maçon et il travaillait sur un chantier à St-Romuald lorsque l’employeur lui a offert de travailler sur un chantier à Alma. Compte tenu de la distance à parcourir, l’employeur lui donne une allocation pour couvrir ses frais de déplacements et de pension. Cependant, le travailleur avait le libre choix de l’endroit où il résiderait ainsi que de l’endroit où il prenait ses repas. Il était aussi libre d’accepter ou de refuser cette nouvelle affectation. Un matin, il a fait une chute dans l’escalier de l’endroit où il résidait. Un diagnostic de fracture de l’humérus droit a été posé. Il en est résulté une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles.
[47] La commissaire après avoir analysé la preuve conclut que :
« Suivant la preuve entendue, l’incident ne s’est pas produit sur les lieux du travail. Il s’est produit alors que le travailleur se préparait pour se rendre au restaurant. Il avait fait sa toilette et retournait à sa chambre afin de s’y habiller. L’activité à laquelle il se livrait est une activité purement personnelle qui n’a pas en soi de lien avec le travail. Que le travailleur se rende ou non au travail, il se lève le matin, fait sa toilette et s’habille. »
«... Considérant qu’il avait le choix de l’endroit où il résidait et qu’il se livrait à une activité purement personnelle alors qu’il ne se trouvait ni sur les lieux du travail ni en service commandé à un moment où son quart de travail n’avait pas débuté, il y a lieu de conclure qu’il ne s’agit pas d’un accident survenu à l’occasion du travail. »
[48] Dans Daniel Boisvert et Via Rail Canada inc, (8) la commissaire conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. Dans cette affaire, le travailleur occupait le poste de directeur des services à bord d’un train reliant Montréal à Jonquière. À son arrivée, l’employeur avait choisi et réservé un hôtel à Jonquière où le travailleur devait résider pour pouvoir reprendre son travail le lendemain matin. Le travailleur s’est blessé à la piscine en poursuivant des individus qui avaient lancé des roches. Un diagnostic de fracture du pilon tibial droit a été posé.
[49] Après analyse, la commissaire conclut :
« Il n’est pas contesté que le travailleur n’était pas rémunéré au moment de la survenance de l’accident. Quant au lieu où il s’est produit, il est également admis que l’hôtel est choisi et réservé par l’employeur et que le travailleur n’a pas d’autre choix que de dormir là pour pouvoir reprendre son travail le lendemain matin.
La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce seul fait n’est pas suffisant en soi pour conclure à un lien de subordination entre l’employeur et le travailleur. En effet, 30 minutes après l’arrivée du train en gare, non seulement le travailleur est libéré et non rémunéré mais en plus, il est tout à fait libre de faire les activités de son choix. La preuve en est que lors de la survenance de l’événement, il était, tout comme il pouvait le faire, à la piscine de l’hôtel. Il serait difficile de prétendre qu’au cours d’une telle activité, il existe un lien de subordination entre l’employeur et le travailleur.
La jurisprudence a également élaboré la notion d’activité purement personnelle qui, lorsqu’elle existe, permet d’éliminer l’existence d’un accident du travail. Le tribunal est d’avis que l’activité exercée par le travailleur au moment de la survenance de l’événement entre tout à faire dans cette catégorie et est suffisante à elle seule pour enlever au travailleur le bénéfice de la loi. Qui plus est, la lésion est survenue non pas en relaxant à la piscine mais bien lors de l’exercice d’un choix tout à fait personnel du travailleur de poursuivre les individus qui avaient lancé des roches autour de la piscine.
Dans ce contexte, le critère de la finalité de l’activité exercée par rapport au travail ne saurait venir en aide au travailleur puisque, manifestement, le fait de courir après des individus et de faire une chute n’est d’aucune façon une activité considérée comme pouvant être à l’avantage de l’employeur. »
[50] Dans Réal Jutras et Transport SAS Drummund, (9) le travailleur occupait un poste de camionneur de longue distance lorsqu’il s’est blessé en renversant une tasse d’eau chaude sur son pied pendant qu’il était dans une aire de repos. Un diagnostic de brûlure au deuxième degré au pied gauche et aux orteils a été posé. De la preuve, la partie requérante fait ressortir, entre autre, que la brûlure est survenue dans le camion appartenant à l’employeur, que la brûlure est survenue pendant une période de repos et que la blessure subie par le travailleur ne s’est pas produite pendant les heures de travail.
[51] De l’analyse, le commissaire retient, entre autre, ce qui suit :
« De plus, la preuve produite par l’employeur démontre que le temps consacré au période de repas et de repos ne sont pas des périodes rémunérées. Ces deux constatations mettent en échec les critères relatifs au moment où se produit l’accident et l’absence de rémunération pendant l’activité de repos. Certes, il est aussi mis en preuve que le travailleur reçoit une allocation pour ses frais de déplacement et de séjour. Cependant, en accord avec les décisions à cet effet, la Commission des lésions professionnelles estime que cet élément ne crée pas un lien suffisant avec le travail pour permettre de conclure que l’accident s’est produit à l’occasion du travail.
Quant au critère de l’autorité ou de la subordination de l’employeur pendant cette activité de repos, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il n’y en a aucune. Tel qu’établi par le témoignage du travailleur et de monsieur Brouillette, le camionneur reste totalement libre de choisir le lieu et le moment où il décide de s’arrêter en autant bien sûr qu’il respecte les lois relatives au nombre total d’heure de conduite avant une période de repos.
(...)
La Commission des lésions professionnelles estime qu’elle est purement personnelle au travailleur et n’est aucunement justifiée ou liée ou nécessitée par le travail.
Enfin, la Commission des lésions professionnelles estime que l’activité au cours de laquelle le travailleur s’est brûlé n’a aucune connexité ou utilité en regard de l’accomplissement du travail du camionneur. En fait, l’activité n’a pas plus de connexité ou d’utilité avec le travail que si elle s’était déroulée au domicile du travailleur avant qu’il ne parte aller cherche son camion. »
[52] Dans l’affaire Carole Courchesne et Syndicat des employés Hôtel-Dieu d’Amos, (10) la travailleuse occupait un emploi au Centre hospitalier Hôtel-Dieu d’Amos et elle était vice-présidente et responsable du dossier santé et sécurité au travail. Lors de l’événement, la travailleuse devait participer à une manifestation dans le cadre de la négociation des conventions collectives. Elle se rend à Montréal dans l’autobus nolisé par le syndicat afin de passer la nuit dans un établissement hôtelier choisi par celui-ci qui défraie les coûts de l’hébergement. Durant la nuit, elle se lève pour aller à la salle de bain, tombe et se blesse à la tête chemin faisant. Un diagnostic de trauma crânien avec troubles auditifs est posé. Après analyse de la preuve et de la jurisprudence, le commissaire est d’avis que l’accident dont a été victime la travailleuse n’est pas survenu à l’occasion de son travail qui était de participer à une manifestation collective, dans le cadre d’une activité syndicale, commandée par son employeur le syndicat des employés de l’Hôtel-Dieu d’Amos.
[53] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles retient que même s’il est indéniable que la travailleuse exerçait une activité personnelle lors de l’événement, cette activité était normale, raisonnable, prévisible et profitable à l’employeur, non seulement au niveau de l’apparence mais aussi au niveau de l’hygiène qui doit être sans faille lors des collectes.
[54] Il a été mis en preuve que l’employeur défrayait le coût des uniformes et la travailleuse devait s’occuper de leur entretien.
[55] Dans ce contexte, il n’est pas faux de prétendre que l’employeur accordait de l’importance à l’apparence du personnel infirmier appelé à participer à une collecte de sang d’où l’utilité relative de l’activité exercée par la travailleuse au moment de l’événement.
[56] L’employeur soutient qu’en dehors des heures de travail, la travailleuse n’est pas rémunérée et qu’elle n’est pas en disponibilité.
[57] Par ailleurs, la travailleuse précise qu’en région les heures de travail ne sont pas fixes et dépendent de l’achalandage lors de la collecte. Même si elle n’est pas rémunérée en dehors des heures de travail, il n’en demeure pas moins que son horaire peut être susceptible de modification. À cet effet, la travailleuse évoque la possibilité d’être obligée de remplacer un membre de la première équipe. Elle devrait donc être disponible pour commencer à travailler une heure avant l’horaire fixé. Elle précise qu’elle peut être avisée à la dernière minute d’où la nécessité d’être disponible.
[58] Il ne fait nul doute dans l’esprit de la Commission des lésions professionnelles qu’un lien de subordination subsiste entre l’employeur et la travailleuse au moment de l’événement.
[59] La seule raison pour laquelle la travailleuse était à Mont-Laurier au moment où elle se blesse le 29 avril 2003, c’est à cause de son travail. Le fait de rester sur place lors des collectes de sang en région bénéficie à l’employeur.
[60] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’accident survenu à la travailleuse le 29 avril 2003 est survenu à l’occasion d’une activité rencontrant plusieurs des critères précités permettant ainsi de conclure que cette activité était en relation avec son travail.
[61] La Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 29 avril 2003 à l’occasion du travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de la travailleuse, madame Pascale Lapierre;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 14 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse, madame Pascale Lapierre a subi une lésion professionnelle le 29 avril 2003.
CONVOQUE à nouveau les parties pour une audition sur la deuxième partie du litige à une date qui sera fixée ultérieurement.
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Me Louise Turcotte |
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Commissaire |
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Me Luce Bastien |
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C.S.Q. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Claire Burdett |
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GROUPE SANTÉ PHYSIMED |
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Représentant de la partie intéressée |
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JURISPRUDENCE CITÉE
(1) Évelyn Mitchell & Air Canada, 126883-73-, 27 avril 2000, F. Juteau
Zaheeruddin et Défense Nationale A.E.T.E. [1991] C.A.L.P. 935
Capizzi c. Southern District reporters inc, 459 Ne2d847 [1984] et 471 N.Y. S.2d (1984)
(2) C.A.L.P. 2114-03-9008, 1992-12-29, M. Carignan
(3) Air Canada et Trépanier-Vigneault, 66024-60-9501, 96-04-16, S. Lemire
(4) Air Canada et André G. Richard, 91669-60E-9710, 98-08-20, M. Zigby
(5) Air Canada et Ingrid Boutz, 94041-60E-9802, 98-08-28, G. Robichaud
(6) Leclerc et Isotemp ltée, 1989, C.A.L.P. 1061
(7) Maçonnerie dynamique Ltée et Jean Gaudreault, 163370-32-0106, 2002-04-15, G. Tardif
(8) Daniel Boisvert et Via Rail Canada inc, 175519-620112, 2002-0424, H. Marchand
(9) Réal Jutras et Transport S.A.S. Drummond inc, 180356-04B-0203, 2003-04-29, L. Collin
(10) Carole Courchesne et Synd. Employés Hôtel-Dieu d’Amos, 130542-08-001, 2000-12-01, J.M. Dubois
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.