Décision

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                              COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE
                              LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC                   MONTRÉAL, le 22 juin 1989

     DISTRICT D'APPEL         DEVANT LE COMMISSAIRE:   Guy Beaudoin
     DE QUÉBEC
                              ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:  Guy Vallières,
                                                       m.d.
     

RÉGION: Mauricie / Bois-Francs DOSSIER: 03881-04-8707 DOSSIER CSST: 9537 371 AUDITION TENUE LE: 23 février 1989 A: Shawinigan MONSIEUR CLÉMENT MONGRAIN 3465, boul. des Hêtres C.P. 3022 Shawinigan (Québec) G9N 7N6 PARTIE APPELANTE et CONSOLIDATED BATHURST INC.

C.P. 850 Division Belgo Shawinigan (Québec) G9N 6W5 PARTIE INTÉRESSÉE 03881-04-8707 2/ D É C I S I O N Le 15 juillet 1987, monsieur Clément Mongrain (le travailleur) en appelle d'un décision du bureau de révision de Mauricie - Bois-Francs rendue le 14 mai 1987.

Cette décision majoritaire, le membre représentant les travailleurs étant dissident, confirme la décision rendue le 21 janvier 1987 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) qui conclut que, le 25 novembre 1986, le travailleur n'a subi ni un accident du travail ni une lésion professionnelle.

OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande a la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que le 25 novembre 1986, il a subi une lésion professionnelle et qu'il ne doit pas rembourser la somme de $ 371.94 que la Commission lui réclame en relation avec cette lésion.

03881-04-8707 3/ LES FAITS Les parties, le travailleur et Consolidated Bathurst Inc. (l'employeur) admettent pour l'essentiel les faits comme ils sont relatés à la décision du bureau de révision: Le travailleur "travaille pour Consolidated Bathurst Inc. depuis 33 ans et occupe la fonction de magasinier depuis le 20 janvier 1986. Son horaire de travail est de 8 heures à 17 heures.

Le 25 novembre 1986, M. Clément Mongrain, à sa sortie du travail, subit une blessure qu'il décrit comme suit sur l'avis de l'employeur et demande de remboursement daté du 26 novembre 1986: "En descendant l'escalier dans le passage de La Baie, je me suis tourné la cheville droite en posant le pied sur la marche (2ième du bas), je suis tombé." Vers 17 heures, après avoir pris sa douche, il quitte l'usine en empruntant la sortie menant vers le stationnement de la Baie Shawinigan.

Cette sortie comporte cinq escaliers; c'est un passage plus ou moins bien éclairé. Il se souvient que sur trois lumières, l'une ne fonctionnait pas et les deux autres avaient des globes sales. L'accident est arrivé dans le dernier escalier dans les deux dernières marches. En posant le pied sur l'une d'elles, il s'est tourné la cheville et est tombé, il a alors ressenti une douleur à la cheville. Il boitait pour se rendre à son camion, environ 300 pieds plus loin dans le stationnement.

Le 26 novembre 1986, le Dr Yves Lapointe qu'il a consulté émet une attestation médicale à la C.S.S.T. ou le diagnostic est d'entorse à la cheville droite. Le 27 novembre 1986, le même médecin donne un certificat médical d' incapacité 03881-04-8707 4/ au travailleur à être remis à l'employeur afin qu'il puisse bénéficier de l'assurance incapacité de l'usine. Son diagnostic est: l'Entorse récidivante cheville droite".

Le 1er décembre 1986, l'employeur envoie à la Commission, une lettre explicative alléguant que le travailleur a subi un accident personnel c'est-à-dire une entorse au deuxième degré le 16 août 1986. Le travailleur lui aurait déclaré se tourner fréquemment la cheville depuis cet événement. Il est d'avis que l'accident du 25 novembre n'est que l'évolution d'une laxité ligamentaire post-entorse du 16 août 1986 et qu'il n'y a eu réellement aucun événement subi et imprévu." L'employeur indique que si le docteur J.P. Bergeron témoignait à l'audience, il viendrait faire la même déclaration qu'il a faite devant le bureau de révision et rapporter comme suit dans la décision portée en appel: "Il pose l'hypothèse que l'entorse subie par le travailleur en août 1986 a engendré une laxité ligamentaire qui fait que M. Mongrain est susceptible de se tourner le pied beaucoup plus facilement que la normale des gens. Pour appuyer ses dires, il cite le rapport du Dr Lapointe qui a diagnostiqué une entorse récidivante de même que la déclaration que le travailleur lui a faite à l'effet que depuis son accident d'août 1986, il se tournait la cheville droite très souvent c'est-à-dire trois à quatre fois par semaine." De son côté, le travailleur confirme la même déposition qu'il a faite devant le bureau de révision: 03881-04-8707 5/ "Le travailleur admet avoir eu une entorse à la cheville droite en août 1986 qui l'a obligé à se déplacer avec une béquilles de 7 à 9 jours et pour laquelle il s'est absenté du travail environ 15 jours.

Depuis ce temps, il n'a pas eu d'autres problèmes avec sa cheville, même qu'il jouait au tennis 2 à 3 fois par semaine." Le 21 janvier 1987, la Commission rend la décision suivante: "Nous devons vous informer que nous ne pouvons accepter votre réclamation puisque votre accident n'est pas survenu par le fait ou à l'occasion du travail. En effet, IL N'Y A PAS EU DE FAIT ACCIDENTEL SELON L'ARTICLE 2 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES.

( . . .) De plus, la CSST a dû rendre à votre employeur une somme de 371.94$ en remboursement de l'indemnité qu'il vous a versée pour la période du 26-11-1986 au 10-12-1986. Nous vous demandons de bien vouloir nous expédier un chèque, couvrant le remboursement complet, et d'y indiquer le numéro de votre dossier.

Établir de chèque à l'ordre de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et l'expédier à l'adresse de la direction régionale figurant en en-tête." Le 14 mai 1987, le bureau de révision confirme cette décision.

Le 15 juillet 1987, le travailleur en appelle la décision du bureau de révision.

03881-04-8707 6/ ARGUMENTATION DES PARTIES Le travailleur soutient que l'incident du 25 novembre 1986 correspond à la définition d'un accident du travail que fournit la loi.

Le travailleur soutient qu'il s'est imposé une entorse "à l'occasion de son travail" puisqu'il était sur la propriété de l'employeur et qu'en descendant un escalier pour quitter les lieux il exerçait une activité rattachée à son travail. Il existait alors un lien de subordination du travailleur envers son employeur.

Le travailleur soutient en deuxième lieu que l'événement imprévu et soudain consiste dans une torsion imprévue et soudaine de son pied qui entraîne une entorse puisqu'il ne peut y avoir entorse sans torsion du pied.

Le travailleur dépose une abondante jurisprudence à l'appui de ses prétentions et demande à la Commission d'appel de décider qu'il a subi une lésion professionnelle le 25 novembre 1986 et qu'il n'a pas à effectuer le remboursement que la 03881-04-8707 7/ Commission lui réclame en raison de sa lésion professionnelle.

L'employeur soumet que le travailleur qui a le fardeau de la preuve, n a pas réussi à faire la preuve de l'existence d'un événement imprévu c'est- à-dire un événement qui doit être imprévisible. En effet, dans le présent cas, le fait de descendre un escalier est un geste habituel et banal qui ne comporte aucun aspect de l'événement imprévu et soudain que l'on trouve à la définition d'un accident du travail. Il s'agit plutôt, soutient l'employeur, d'une fragilité de la cheville du travailleur qui constitue une condition personnelle pré-existante.

L'employeur soutient également que le travailleur en descendant un escalier alors qu'il quitte le travail, n'exerce pas une activité directement ou indirectement reliée à son travail et par conséquent le travailleur ne s'est pas imposé une entorse à l'occasion de son travail.

L'employeur soumet de son côté une abondante jurisprudence à l'appui de ses prétentions. Il 03881-04-8707 8/ demande à la Commission d'appel de déclarer que, le 25 novembre 1986, le travailleur n'a pas été victime d'une lésion professionnelle.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel, pour décider si le 25 novembre 1986, le travailleur a subi une lésion professionnelle, se réfère aux définitions de lésion professionnelle et d'accident du travail que fournit la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001): "lésion professionnelle": une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; "accident du travail": un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle; S'agit-il d'un événement imprévu et soudain? La preuve indique que le travailleur s'est infligé une entorse à la cheville droite en descendant un escalier. De toute évidence, il ne s'agit pas d'un événement brutal causé par une force extérieure.

Cependant, il ne peut s'agir non plus d'un geste 03881-04-8707 9/ habituel car s'il en était ainsi, on arriverait à la conclusion absurde que chaque fois que le travailleur descend une marche il s'impose une entorse à la cheville droite.

La Commission d'appel considère qu'il n'est pas nécessaire qu'un événement imprévu et soudain soit constitué d'un fait différent, détaché, divisible d'autres faits et facilement identifiable, comme s'il s'agissait d'un mouvement d'horlogerie où des engrenages mettent en marche d'autres engrenages.

Il peut s'agir aussi d'un fait contigu, indivisible et concomitant avec d'autres événements.

De toute évidence, le 25 novembre 1986, l'entorse à la cheville droite du travailleur ne s'est pas produite d'elle-même. Elle ne peut s'expliquer que par un mouvement anormal ayant imposé aux ligaments de la cheville une élongation qui s'est traduite par une douleur, d'où le diagnostic d'entorse.

L'hyperlaxité de la cheville du travailleur ne peut expliquer à elle seule son entorse. S'il existe une fragilité chez le travailleur, elle ne l'a pas empêché d'exercer son emploi pendant plus de deux 03881-04-8707 10/ mois entre l'entorse du 16 août et celle du 25 novembre 1986.

La Commission d'appel conclut, de la preuve, que le 25 novembre 1986, l'entorse du travailleur résulte d'un événement imprévu et soudain.

S'agit-il d'un événement imprévu et soudain survenu à l'occasion du travail? La preuve indique que le travailleur descendait un escalier sur la propriété de l'employeur alors qu'il quittait le travail.

La Commission d'appel se réfère à l'affaire Centre hospitalier Charles Lemoyne et Jacqueline Duquette [19871 C.A.L.P. 305, qui cite l'arrêt de la Cour suprême du Canada: Workmen's Compensation Board c.

Canadian Pacific Railway Co. [19521 2 R.C.S. 359.

"The employee has, of course, his own field of activity which at some point meets that of his employement; and it is now settled that the risks extend not only to those met while he is actually in the performance of the work of the employer, but also while he is entering upon that work and departing from it. Ordinarily the place of the risks is the employer's premises, including means of approach and departure;(...) [Les italiques sont du soussigné.]" 03881-04-8707 11/ Comme la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est similaire à celle dont la Cour suprême a procédé à l'étude dans cet arrêt, la Commission d'appel considère qu'il y a lieu d'interpréter en l'instance les termes "à l'occasion de son travail" dans le sens qui y est dégagé par la Cour suprême.

On note ainsi que le juge Rand constate qu'il est établi que les risques découlant de l'emploi s'étendent non seulement aux risques encourus par le travailleur alors qu'il est dans l'exécution de son travail pour l'employeur, mais également aux risques encourus lorsqu'il arrive et repart du travail et qu'ordinairement les locaux de l'employeur, incluant les voies d'accès, sont les lieux où il y a de tels risques." La Commission d'appel considère, selon la preuve, que le travailleur, le 25 novembre 1986, a subi une entorse "à l'occasion de son travail".

La Commission d'appel conclut que le 25 novembre 1986, le travailleur a subi une blessure résultant d'un événement imprévu et soudain à l'occasion de son travail. En conséquence, il a été victime d'une lésion professionnelle.

Cette conclusion règle le sort de la réclamation de la Commission à l'effet que le travailleur lui rembourse un montant de 371,94$. Il n'existe pas un trop-perçu puisque le travailleur a subi une lésion professionnelle.

03881-04-8707 12/ POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE l'appel; INFIRME la décision du bureau de révision rendue le 14 mai 1987; DECLARE que le 25 novembre 2986, monsieur Clément Mongrain a subi une lésion professionnelle DECLARE que monsieur Clément Mongrain ne doit pas rembourser le montant exigé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 janvier 1987.

GUY BEAUDOIN, commissaire

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