Toitures PLM inc. et Carrier |
2009 QCCLP 4779 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 22 décembre 2008, monsieur Ghislain Carrier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c. A-3.001) (la Loi) à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles (le Tribunal) le 19 novembre 2008.
[2] Par cette décision, le Tribunal accueille la requête de Toitures P.L.M. inc. (l’employeur) et déclare que le revenu brut du travailleur aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à verser s’établit à 20 508,56 $.
[3] Le travailleur et l’employeur sont représentés lors de l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles sur la présente requête le 13 mai 2009. La cause est mise en délibéré le 9 juillet 2009, à la suite du dernier document reçu.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur allègue plusieurs erreurs constituant des vices de fond de nature à invalider la décision rendue. Il allègue également la survenance d’un fait nouveau et demande donc de réviser la décision rendue le 19 novembre 2008 et de déterminer que son revenu brut aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à verser s’établit à 35 976,56 $.
LES FAITS ET L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[5] Le CSST, tant dans sa décision initiale que celle rendue à la suite d’une révision administrative, a déterminé que le montant du revenu brut aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur s’établit à 55 438,53 $.
[6] Le Tribunal a accueilli la requête de l’employeur et a établi le montant à 20 508,56 $.
[7] À la suite de la décision rendue, la Commission de la Construction du Québec, alors qu’elle faisait enquête sur le nombre d’heures effectuées par le travailleur au moment de l’audience, a reconnu 248 heures supplémentaires au carnet d’apprentissage du travailleur, faisant en sorte qu’il avait le nombre d’heures nécessaires pour se présenter à l’examen de qualification du métier de couvreur. Il s’est présenté à cet examen en date du 27 avril 2009 et l’a réussi.
[8] Le travailleur soumet qu’il s’agit ici d’un fait nouveau au sens du premier alinéa de l’article 429.56 de la Loi.
[9] L’employeur ne conteste pas être en présence d’un fait nouveau qui donne ouverture à une révision de la décision rendue. Étant donné que la Commission des lésions professionnelles estime elle aussi, pour les motifs qui seront exposés, être en présence d’un fait nouveau donnant ouverture à une nouvelle décision, seul ce motif de révision sera analysé.
L’AVIS DES MEMBRES
[10] Monsieur Réjean Lemire, membre issu des associations syndicales, et monsieur Alain Allaire, membre issu des associations d’employeurs, sont d’avis d’accueillir la requête en révision du travailleur. Le fait que le nombre d’heures travaillées ait été modifié, faisant en sorte que le travailleur ait pu obtenir sa qualification, constitue un fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. Comme l’enquête a été complétée après l’audience tenue par le Tribunal, cet élément de preuve n’était pas disponible à ce moment-là.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[11] L’article 429.56 de la Loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.
[12] Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[13] Il faut toutefois rappeler le caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles tel qu’énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49.
(…)
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[14] Aussi, rappelons que le recours en révision ne peut pas permettre de compléter ou bonifier une preuve. Une partie ne peut pas tenter de venir combler les lacunes de la preuve qu'elle a eu l'occasion de faire valoir en premier lieu par le recours en révision. Agir ainsi compromettrait le principe de stabilité et de finalité des décisions.
[15] La Commission des lésions professionnelles doit aujourd’hui déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par le Tribunal en raison de la découverte d’un fait nouveau.
[16] La jurisprudence[1] a établi trois critères afin de conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :
1- la découverte postérieure à la décision d’un fait qui existait au moment de l’audience;
2- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3- le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.
[17] Dans le cas qui nous occupe, le travailleur allègue qu’il a découvert, après la décision, qu’il avait effectivement des heures supplémentaires comptabilisées dans son carnet d’apprentissage lesquelles ont un impact et doivent être prises en considération pour la détermination de son salaire annuel.
[18] Il s’agit, pour la Commission des lésions professionnelles en révision, d’un fait qui existait, soit le nombre d’heures travaillées, mais cet élément de preuve n’était pas disponible et le travailleur ne pouvait donc en faire la preuve tel que le souligne d’ailleurs le Tribunal :
[99] Le travailleur affirme qu’il manque approximativement 300 heures travaillées pour Nobel en 2006 et que ces heures n’ont pas été rapportées à la CCQ. Il ajoute que la CCQ a poursuivi Nobel à ce sujet et que cette dernière est en faillite. Le tribunal ne voit rien au dossier CCQ faisant état d’une poursuite au sujet d’heures travaillées mais non rapportées. La CCQ poursuit Nobel pour des heures non rapportées, les dossiers devraient refléter qu’une poursuite est pendante car cela affecte le relevé du travailleur. Rien au dossier.
[100] Le registre syndical mentionne des heures travaillées et non perçues et ne mentionne en aucun cas une poursuite pendante ou des réclamations au nom des travailleurs en cause. Rien ne permet de situer les dates où le travailleur aurait fourni cette prestation de travail à Nobel. De plus, selon son témoignage il a été en arrêt de travail pendant deux mois en 2006. La preuve ne permet pas de circonscrire les dates où cette prestation a été fournie.
[19] Par ailleurs, cet élément de preuve est déterminant quant au sort du litige tel que l’on peut le constater au paragraphe 113 de la décision rendue.
[20] En effet, le Tribunal estime alors la détermination du salaire à partir du fait que le travailleur est apprenti et à partir du nombre d’heures travaillés sans tenir compte du fait qu’il a franchi le cap des 2000 heures. Le Tribunal considère faire face à une possibilité et non à une probabilité prépondérante. Or, maintenant il s’git d’une probabilité prépondérante et il faut en tenir compte.
[21] La Commission des lésions professionnelles en révision constate donc la présence d’un fait nouveau qui justifie une décision différente.
[22] En raison de la présence des nouveaux éléments qui lui ont été soumis, la Commission des lésions professionnelles doit donc procéder à réviser la décision rendue et la modifier afin de tenir compte des heures supplémentaires et de leurs conséquences sur le montant à retenir comme base salariale du travailleur pour l’établissement de son montant d’indemnité de remplacement du revenu.
[23] À ce titre, les parties s’entendent pour conclure que le revenu brut du travailleur doit être déterminé à 35 976,56 $.
[24] La Commission des lésions professionnelles estime qu’il s’agit d’un montant conforme aux faits prouvés.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Ghislain Carrier, le travailleur;
RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 19 novembre 2008;
DÉCLARE que le revenu brut du travailleur servant de base au calcul de son indemnité de remplacement du revenu est de 35 976,56 $.
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Pauline Perron |
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Me Janick Dufour |
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Leblanc Lamontagne & associés |
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Représentante de la partie requérante |
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Mme Rebecca Lambert et Me Michel Morissette |
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Trudeau, Morissette & Saint-Pierre |
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Représentants de la partie intéressée |
[1] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque.
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