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Dossier 200004-05-0302
[1] Le 21 février 2003, monsieur Michel Hélie (le travailleur) dépose une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 19 février 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme une décision rendue le 7 décembre 2001 et refuse de lui rembourser une aide technique, soit l’achat ou la location d’un lit à commande électrique.
Dossier 217678-05-0310
[3] Le 14 octobre 2003, le travailleur dépose une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 10 octobre 2003 par la CSST à la suite d’une révision administrative. Cette décision confirme deux décisions rendues les 26 février et 5 mars 2003, lesquelles sont à l’effet de refuser de rembourser le coût des médicaments Viagra, Flomax, Pantaloc et Moi-stir sol.
[4] À l’audience tenue à Sherbrooke le 23 juin 2004, le travailleur est présent et représenté et monsieur Gaétan Rosa représente l’employeur, Mine Jeffrey inc.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à la CSST de lui rembourser l’achat d’un lit à commande électrique et également de lui ordonner le remboursement des médicaments prescrits puisqu’ils sont en relation avec sa lésion professionnelle.
LES FAITS
[6] Après avoir entendu les témoignages et examiné le dossier, la Commission des lésions professionnelles retient les faits suivants dans la présente affaire.
[7] Le travailleur, qui exerçait les fonctions d’alimenteur à la mine JM Asbestos, subit un accident du travail le 11 avril 1985 en débloquant une porte d’élévateur. Il faut noter que le travailleur a été opéré en 1981 pour une greffe au niveau L5-S1.
[8] Suite à l'accident du travail, une révision de cette greffe a été faite en 1986 et en 2000, il s’est vu implanter un neurostimulateur.
[9] Le 13 janvier 2001, le docteur Christian Cloutier, neurochirurgien qui a opéré le travailleur, prescrit un lit ajustable. Le 22 février 2001, le docteur François Melançon, médecin de famille du travailleur, recommande également l’utilisation d’un lit médical ajustable.
[10] Le 1er mai 2001, le docteur Cloutier, qui fait un suivi, émet un rapport médical où il indique « ne pas se coucher et dormir à plat (180o) ».
[11] Le 22 février 2001, madame Roxane Boucher, physiothérapeute qui traite le travailleur, indique : « lorsque couché sur le dos, le confort se prolonge d’environ trente minutes grâce à l’élévation de la tête de lit. Il rapporte que pendant un séjour qu’il a passé à l’hôpital, le lit électrique avec positions variables a amélioré son confort. […] Un ajustement variable du lit aiderait sans doute monsieur à mieux passer ses nuits et apporterait un meilleur support au contour de la colonne. »
[12] Le 2 novembre 2001, le docteur Cloutier écrit à l’agent de la CSST :
La présente est pour justifier la prescription du lit électrique pour monsieur Michel Hélie.
Le patient a subi plusieurs opérations dans le but d’éliminer les douleurs chroniques au dos, conséquence d’un accident du travail du 11 avril 1985. Aucune des tentatives thérapeutiques n’a réussi à améliorer M. Hélie de façon significative et il reçoit une médication importante afin de le soulager.
À plusieurs reprises le patient a dû être hospitalisé suite à une surmédication qu’il avait pris pour soulager la douleur. De plus, lors de ses séjours à l’hôpital M. Hélie a bénéficié d’un lit électrique et il a été constaté qu’il y avait une amélioration du sommeil et une diminution de la médication.
En conséquence, il apparaît médicalement justifié de prescrire un lit électrique qui aura les effets bénéfiques suivants :
- qualité du sommeil;
- diminution de la médication et des impacts sur la santé du travailleur qui, nous vous le rappelons, a été hospitalisé à plusieurs reprises pour un état comateux secondaire à la prise de médicaments;
- diminution de risque d’attenter à sa vie chez un patient qui a une tendance suicidaire conséquente à ses douleurs.
[13] Suite à la pose de deux neurostimulateurs, le docteur Melançon juge l’état stabilisé en date du 14 janvier 2003 et produit un rapport final consolidant la lésion à cette date avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le rapport d’évaluation médicale sera produit par le docteur Marc-André Dauphin, qui émet alors des séquelles fonctionnelles de classe IV et une atteinte permanente supplémentaire de 11 %.
[14] Par ailleurs, dans son rapport d’évaluation médicale, le docteur Dauphin attribue un pourcentage pour un problème de dysfonction érectile diagnostiqué chez le travailleur qui a été vu en urologie et en neurologie. Suite au diagnostic de ce problème, certains médicaments ont été prescrits, dont le Viagra.
[15] Le travailleur est également diabétique et prend une médication quotidienne pour cette condition, soit de la Novo-metformin trois fois par jour ainsi qu’un demi Diabéta une fois par jour.
[16] Le travailleur est également suivi par un psychiatre et un psychologue pour des problèmes dépressifs secondaires à son syndrome de douleur chronique.
[17] On retrouve au dossier, datée du 23 octobre 2002, l’interprétation d’un électromyogramme anal fait par le docteur Michel Lebel. Celui-ci conclut ainsi :
CONCLUSION :
Cette étude montre donc une légère perturbation de l’arc réflexe sacré, ce qui indique une composante neurogénique à cette impuissance.
Il est à noter que ce patient est déjà porteur d’une polyneuropathie sensitivo-motrice connue et que les changements notés à l’arc sacré peuvent se retrouver dans un cas d’impuissance neurogénique tel que rencontré également dans une neuropathie diabétique.
Il est impossible de départager ce qui serait relié en termes d’atteinte neurogénique à sa neuropathie diabétique par rapport à ce qui pourrait être consécutif à un ancien accident.
[18] Le docteur Michel Grimard, médecin conseil à la CSST, dans une note adressée à l’agent d’indemnisation, traite du problème de dysfonction érectile :
On peut ainsi très bien voir que plus de la moitié des hommes diabétiques est atteinte de dysfonction érectile. Cela se comprend facilement lorsqu’on considère que les effets du diabète touchent à peu près tous les grands systèmes physiologiques de l’organisme et plus particulièrement les systèmes vasculaire et nerveux. Bien entendu, la présence et l’importance des effets secondaires du diabète varieront d’un sujet à l’autre en fonction de sa sévérité et de la qualité du contrôle de la glycémie.
[…]
Le diabète n’est évidemment pas la seule cause d’impuissance chez l’homme. Le tableau 52-1 apparaissant à la page 297 du livre de médecine interne de Harrison donne une liste exhaustive des différentes causes organiques de l’impuissance. On y retrouve les neuropathies diabétiques et une longue liste d’agents médicamenteux parmi lesquels apparaissent certains prescrits à M. Hélie.
On trouve au dossier le rapport médical de l’urologue M. Carmel du 11 octobre 2002 (no. 57002) qui mentionne deux diagnostics : dysfonction érectile et HPB (hypertrophie bénigne de la prostate). Il y a également des notes plus détaillées du docteur Carmel et un rapport de consultation du neurologue Michel Lebel qui a fait les tests habituels sur les réflexes et la transmission des influx nerveux au niveau de ce qu’on appelle l’arc sacré. Dans son rapport, le docteur Lebel ne peut s’empêcher de faire la relation entre le diabète et les changements neurologiques observés. Cependant, après avoir reconnu cela, il s’empresse d’ajouter, sans doute pour atténuer l’impact de cette reconnaissance dans le contexte d’une demande d’indemnisation à la CSST, qu’il est incapable de « départager » ce qui relève de la neuropathie diabétique de ce qui « pourrait être consécutif à un ancien accident ». Cette ambiguïté paraît plutôt calculée car la présence du diabète et celle, bien avérée, de ses phénomènes polyneuropathiques secondaires constituent l’explication causale prépondérante de la dysfonction érectile qui s’est graduellement développée chez M. Hélie au fil des années.
(notre soulignement)
[19] Prenant connaissance de la note du docteur Grimard, le docteur Melançon y répond ainsi le 31 mai 2004 :
D’une part, le docteur Grimard a tout à fait raison lorsqu’il affirme que… « le diabète vient en premier lieu »… des dysfonctions érectiles. Il a aussi tout à fait raison lorsqu’il affirme que «…une longue liste d’agents médicamenteux parmi lesquels apparaissent certains prescrits à monsieur Hélie. » font aussi partie des « différentes causes organiques de l’impuissance ».
Le docteur Grimard fait référence dans son texte à un rapport du neurologue Michel Lebel, mais il le rapporte de façon extrêmement tendancieuse. Il fait même un procès d’intentions au docteur Lebel et semble questionner son intégrité professionnelle lorsqu’il dit : «…Dans son rapport, le docteur Lebel ne peut s’empêcher de faire la relation entre le diabète et les changements neurologiques observés. Cependant, après avoir reconnu cela, il s’empresse d’ajouter, sans doute pour atténuer l’impact de cette reconnaissance dans le contexte d’une demande d’indemnisation à la CSST, qu’il est incapable de « départager » ce qui relève de la neuropathie diabétique de ce qui « pourrait être consécutif à un ancien accident ». Ce point me semble capital : le docteur Grimard fait un procès d’intention au docteur Lebel et semble, à mes yeux, aller jusqu'à mettre en doute l’intégrité de ce remarquable neurologue.
Je connais personnellement le docteur Lebel et je puis vous assurer qu’il s’agit d’un homme parfaitement intègre. S’il ne peut pas « départager » ce qui relève de la neuropathie diabétique de ce qui « pourrait être consécutif à un ancien accident », c’est qu’il ne peut pas le faire.
Dans ce cas très précis, je ne vois pas comment, d’ailleurs, on pourrait départager ces deux éléments. Il est clair que le but de la CSST et celui du docteur Grimard est de tout faire passer sur le diabète, quitte à discréditer au passage l’intégrité des médecins impliqués dans les soins à monsieur Hélie.
La note complémentaire du docteur Grimard me laisse aussi perplexe : lorsqu’il affirme que « C’est le genre de cas qui pourrait bénéficier des services du Centre de traitement de la douleur de Montréal…» il laisse entendre que tous les médecins qui se sont occupés de traiter la douleur dans ce cas très précis, notamment et surtout le docteur Cloutier, neurochirurgien spécialisé à Sherbrooke dans le traitement de la douleur chronique non cancéreuse, sont de parfaits incompétents qui ne savent pas ce qu’ils font.
Ce genre de commentaire disgracieux et tendancieux est, à mes yeux, extrêmement grave, et dénote un mépris profond pour l’équipe soignante.
En fait, je note que même « l’expert » de la CSST est d’accord pour dire que plusieurs des médicaments prescrits à monsieur Hélie peuvent potentiellement causer les problèmes dont il souffre. Dans ce cas précis, et puisqu’il est impossible de départager entre le diabète et la médication, est-ce à monsieur Hélie de faire la preuve que la médication est - au moins partiellement - en cause? Je ne le crois pas. Je crois qu’il devrait avoir droit au bénéfice du doute.
Quant au docteur Grimard, il serait approprié qu’il fasse preuve d’un peu plus de retenue dans ses commentaires désobligeants sur ses collègues.
(notre soulignement)
[20] Quant à la liste des médicaments qui ont été refusés par la CSST, le docteur Melançon exprime l'opinion suivante :
[…]
Prenons les médicaments litigieux un à un :
· Viagra : il est évident que le diabète est probablement la première cause de l'insuffisance érectile. Plusieurs médicaments peuvent aussi causer ce problème (narcotiques, médicaments du SNC, etc). Dans ce contexte, le diabète, la médication ou une combinaison des deux sont suffisants pour expliquer l'insuffisance érectile. Comme je suis dans l'incapacité de départager les effets du diabète de ceux de la médication, je crois qu'on devrait donner ici le bénéfice du doute à monsieur Hélie. À tout le moins, je crois que la CSST devrait reconnaître un effet partiel de la médication. Une sorte de partage des coûts en quelque sorte.
· Pantoloc [sic]: ici, il me semble clair que la dyspepsie de monsieur Hélie n'a strictement rien à voir avec son diabète et est secondaire de façon plus que probable soit à la médication soit au stress induit par la douleur chronique à laquelle il est soumis.
· Flomax : les même [sic] remarques que pour le viagra s'appliquent ici. Autant la médication que le diabète peuvent être en cause dans le problème de rétention urinaire de monsieur Hélie.
· Mol Stir : pour la sécheresse bucale, il me semble plus qu'évident que le diabète n'est pas en cause ici. De façon plus que probable, à mon sens, c'est l'usage combiné de plusieurs médicaments qui lui a causé ce problème, directement relié à ses accidents et à son usage secondaire de médicaments.
[…]
[21] Témoignant à l'audience, le travailleur explique qu'il a eu plusieurs chirurgies depuis son accident de 1985 et qu'il a fait une demande pour un lit électrique en mai 2001 parce qu'il a de la difficulté à dormir couché à plat à 180o. Il explique qu'il avait installé une chaise de parterre dans le salon pour dormir, ou il se couchait sur un divan, avec des coussins, mais il se réveillait plus souvent la nuit et la douleur augmentait. Dans ces cas, il prenait des médicaments pour contrer la douleur et à deux reprises, il a été hospitalisé parce qu'il était rendu dans un état comateux, ayant trop pris de médicaments contre la douleur.
[22] À l'hôpital, il était couché à 120o et son sommeil était meilleur, il se réveillait moins souvent.
[23] Ses problèmes de sommeil entraînent également des problèmes d'humeur, il a le moral bas et a pensé au suicide. Il est actuellement suivi par un psychiatre et un psychologue.
[24] Actuellement, le CLSC lui a prêté un lit d'hôpital et son sommeil est un peu plus réparateur, et même si ça n'enlève pas les douleurs, c'est mieux que sur la chaise longue ou sur un divan.
[25] Concernant la médication qu'il prend pour le dos et les douleurs chroniques, il prend du Neurontin 600 mg, trois fois par jour; des Aventyl 25 mg, trois fois par jour; de l'Hydromorph contin 24 mg, trois fois par jour; du Dilaudid 4 mg, cinq fois par jour ainsi que du Celexa 20 mg, une fois par jour.
[26] En argumentation, la représentante du travailleur soumet que l'achat d'un lit électrique devrait être autorisé, puisque cela fait partie des mesures de réadaptation sociale prévues à la loi qui ont pour but de réparer les conséquences de la lésion professionnelle. Quant aux médicaments, la lésion professionnelle entraîne la prise d'une médication très importante et même si le travailleur est diabétique, la preuve révèle qu'il n'est pas possible de départager à quoi sont attribuables certains problèmes du travailleur. Le travailleur devrait donc avoir droit au remboursement de ses médicaments puisque la preuve exigée en est une de prépondérance et non de certitude absolue.
L’AVIS DES MEMBRES
[27] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis que le travailleur a droit au remboursement de l'achat ou de la location d'un lit électrique ajustable, puisque selon la preuve, cette aide est nécessaire à sa réadaptation et pour contrer les conséquences de sa lésion professionnelle.
[28] Concernant le remboursement des médicaments, le membre issu des associations syndicales estime qu'ils devraient tous être remboursés au travailleur puisque encore là, la preuve médicale démontre qu'il est fort probable que ce soit une conséquence de la lésion professionnelle et non seulement de son diabète. Le membre issu des associations d'employeurs estime que les médicaments devraient être remboursés, sauf le Viagra qui, selon lui, est prescrit à cause de ses problèmes reliés au diabète.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[29] La Commission des lésions professionnelles doit décider si, en vertu des dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et du Règlement sur l'assistance médicale[2] (le règlement), le travailleur a droit au remboursement du coût d'un lit électrique ajustable tel que prescrit par ses médecins.
[30] La Commission des lésions professionnelles doit également décider si le travailleur a droit au remboursement des médicaments Viagra, Flomax, Pantaloc et Moi - stir sol.
[31] La CSST et son instance de révision ont refusé le remboursement d'un lit électrique au motif qu'au niveau de l'assistance médicale et du règlement adopté en vertu de l'article 189 de la loi, l'achat ou la location d'un lit orthopédique ne constituait pas un traitement pour la lésion professionnelle.
[32] Selon la preuve non contredite au dossier, le travailleur a besoin d'un lit orthopédique ajustable pour dormir. Ses médecins traitants, les docteurs Cloutier et Melançon, ont prescrit un tel lit afin d'améliorer le sommeil du travailleur et également afin de diminuer son problème de douleurs chroniques qui, comme l'a souligné le docteur Cloutier, a entraîné deux hospitalisations pour un état comateux secondaire à une prise de médicaments. Le témoignage du travailleur, tout à fait crédible, indique qu'il peut dormir un peu mieux lorsqu'il est dans une position à 120o.
[33] Les dispositions relatives à l'assistance médicale sont prévues aux articles 188 et 189 de la loi :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
[34] Selon l'interprétation faite par la jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles, cette aide technique n'est pas prévue au paragraphe 5 de l'article 189, ni au règlement adopté en vertu de celui-ci.
[35] Cependant, la Commission des lésions professionnelles croit que la demande de remboursement du travailleur peut être accordée en vertu des dispositions portant sur le droit à la réadaptation, notamment la réadaptation sociale, telle que prévue au chapitre IV de la loi.
[36] Les articles 151 et 152 de la loi mentionnent ce qui suit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:
1° des services professionnels d'intervention psychosociale;
2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
[37] Dans la présente affaire, le tribunal estime que la preuve démontre, sans contredit, que l'utilisation d'un lit orthopédique électrique permettrait au travailleur d'avoir un sommeil plus réparateur, contribuerait à améliorer sa condition et son humeur et lui permettrait de s'adapter un peu mieux à la situation qui découle de sa lésion professionnelle. Ce sont là les objectifs visés par la réadaptation sociale et comme la Commission des lésions professionnelles l'a déjà décidé dans quelques affaires, il y a lieu de conclure que le travailleur a droit au remboursement du coût d'acquisition d'un lit orthopédique ajustable prescrit par ses médecins[3].
[38] Concernant le remboursement des médicaments, la Commission des lésions professionnelles constate, relativement aux médicaments Flomax, Pantaloc et Moi‑stir sol, qu'aucune opinion contraire à celle émise par le docteur Melançon, ne fait partie de la preuve. Ceci étant dit, le docteur Melançon émet l'opinion qu'il est plus que probable que la nombreuse médication prise pour soulager les problèmes et les douleurs chroniques a entraîné la prescription de ces médicaments. Ils devront donc être remboursés au travailleur en vertu des dispositions de l'article 189 de la loi.
[39] Concernant la prescription du Viagra pour des problèmes de dysfonction érectile, les docteurs Lebel et Melançon estiment que ce problème peut être attribuable à deux causes, soit le diabète ou la prise de médication pour le problème de douleurs chroniques. Les deux médecins sont d'avis qu'ils ne peuvent départager les deux conditions pour expliquer le problème. Le docteur Grimard, quant à lui, estime que ce problème de dysfonction érectile est directement relié au problème de diabète.
[40] La Commission des lésions professionnelles constate qu'il est effectivement possible que le problème de diabète entraîne des conséquences au niveau de la dysfonction érectile. Cependant, comme l'a également mentionné le docteur Grimard, la prise de certains médicaments peut également entraîner ce type de problème. La Commission des lésions professionnelles constate également que le docteur Grimard attribue des intentions au docteur Lebel, intentions qui ne sont pas prouvées puisque la CSST n'a pas cru bon d’intervenir au dossier et d'assigner le docteur Lebel, afin qu'il s'explique sur les conclusions émises lors de l'électromyogramme. Il demeure donc au dossier de la Commission des lésions professionnelles, une preuve que l'on peut qualifier de prépondérante et qui est à l'effet de conclure qu'on ne peut départager ou déterminer de façon scientifique et avec une certitude absolue, la cause exacte des problèmes de dysfonction érectile. Le fardeau de la preuve requis en la matière étant celui de la prépondérance, le tribunal est satisfait de la preuve présentée et considère que celle-ci est suffisante pour conclure que le médicament Viagra prescrit pour contrer les problèmes de dysfonction érectile est relié aux conséquences de la lésion professionnelle. La CSST devra donc en rembourser le coût au travailleur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 200004-05-0302
ACCUEILLE la requête déposée par monsieur Michel Hélie, le travailleur;
INFIRME la décision rendue le 19 février 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE qu'en vertu des dispositions relatives à la réadaptation sociale, le travailleur a droit au remboursement de l'achat d'un lit électrique ajustable;
Dossier 217678-05-0310
ACCUEILLE la requête déposée par le travailleur;
INFIRME la décision rendue le 10 octobre 2003 par la CSST à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des médicaments Viagra, Flomax, Pantaloc et Moi‑stir sol.
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Me Luce Boudreault |
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Commissaire |
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Me Marie-Anne Roiseux |
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C.S.D. |
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Représentante de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] 1993, 125 G.O.2, 1331.
[3] Voir Leblanc et Société Ingénierie Combustion ltée, 180931-05-0203, 30 août 2002, L. Boudreault; Bouchard et Produit Forestier Domtar, 211955-02-0307, 2 octobre 2003, M. Juteau; Decelles et Carrefour Industriel LDG inc. et CSST, 181896-64-0204; 191181-64-0209; 202739-64-0303; 218444-64-0310, 28 janvier 2004, F. Poupart.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.