Robitaille et Servisair inc. |
2012 QCCLP 3162 |
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[1] Le 9 janvier 2012, monsieur Stéphan Robitaille (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 24 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme, dans un premier temps, la décision qu’elle a initialement rendue le 8 août 2011, déclare que le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique de 6,90 % à la suite de sa lésion professionnelle du 11 juillet 2010 et que cette atteinte permanente lui donne droit à une indemnité pour dommages corporels de 4 878,71 $.
[3] Par cette même décision, la CSST confirme une autre décision qu’elle a initialement rendue le 16 septembre 2011 et déclare que la CSST ne peut payer au travailleur les frais pour la plantation d’une haie de cèdres ainsi que pour des travaux de réparation intérieure et extérieure de sa résidence.
[4] Enfin, cette décision confirme également une troisième décision rendue par la CSST en date du 11 octobre 2011 et déclare que la CSST ne peut payer au travailleur un matelas orthopédique.
[5] Une audience s’est tenue à Saint-Jérôme le 22 mars 2012 en présence du travailleur qui se représente seul. Servisair inc. (l’employeur) était absent à l’audience, comme son représentant en avait avisé la Commission des lésions professionnelles par une lettre du 21 mars 2012.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST le 24 novembre 2011, de déclarer qu’il a droit à une indemnité pour dommages corporels supérieure à celle déterminée par la CSST, qu’il a droit à une aide financière pour faire effectuer certains travaux de réparation et de rénovation à sa résidence et qu’il a droit au remboursement du coût relié à l’acquisition d’un matelas orthopédique.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[7] L’avis d’enquête et d’audition qui a été expédié aux parties par la Commission des lésions professionnelles le 6 février 2012 mentionnait que le tribunal devait se prononcer sur une question préliminaire, soit le hors délai apparent de la requête déposée par le travailleur auprès de la Commission des lésions professionnelles en date du 9 janvier 2012.
L’AVIS DES MEMBRES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[8] La membre issue des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête du travailleur est recevable puisqu’elle a été produite à l’intérieur du délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), et ce, en tenant compte d’un délai de livraison postale normal pour la réception de la décision rendue par la CSST le 24 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[9] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si le travailleur a produit sa réclamation à l’intérieur du délai prévu par la loi et, dans la négative, déterminer s’il a démontré un motif raisonnable permettant de le relever des conséquences de son défaut d’avoir respecté ce délai.
[10] Le délai pour soumettre une requête à la Commission des lésions professionnelles est prévu par les dispositions de l’article 359 de la loi qui prévoit :
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
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1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.
[11] Dans le présent dossier, la CSST rend une décision le 24 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative.
[12] Le 24 novembre 2011 étant un jeudi, la Commission des lésions professionnelles considère qu’en tenant compte d’un délai normal de livraison postale de trois jours ouvrables, il est probable que le travailleur ait reçu cette décision le ou vers le mardi 29 novembre 2011.
[13] Dans les circonstances, le délai de 45 jours accordé au travailleur pour produire sa requête auprès de la Commission des lésions professionnelles afin de contester cette décision expirait le 13 janvier 2012.
[14] La Commission des lésions professionnelles constate donc qu’en produisant sa requête auprès de la Commission des lésions professionnelles le 9 janvier 2012, le travailleur a respecté le délai prévu par l’article 359 de la loi. Le tribunal déclare donc sa requête recevable.
L’AVIS DES MEMBRES SUR LE FOND DU LITIGE
[15] La membre issue des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales partagent le même avis et rejetteraient la requête du travailleur.
[16] En ce qui concerne l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique que conserve le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle du 11 juillet 2010, ils expriment l’opinion que le pourcentage de 6,90 % a été déterminé par le médecin qui a charge du travailleur et que ce pourcentage a été établi conformément au Règlement sur le barème des dommages corporels[2] (le règlement). Pour sa part, l’indemnité pour dommages corporels a été calculée conformément aux dispositions de la loi en fonction de l’atteinte permanente déterminée.
[17] Pour ce qui est du remboursement pour les travaux reliés à la plantation d’une haie de cèdres ou pour les travaux de réparation et de rénovation de la résidence du travailleur, ils considèrent qu’il ne s’agit pas de travaux d’entretien courant du domicile. Les dispositions de l’article 165 de la loi ne sont donc pas applicables.
[18] Enfin, ils estiment que le travailleur n’a pas droit au remboursement pour l’achat d’un matelas orthopédique dans l’état actuel du dossier, puisque le travailleur n’a aucune prescription médicale recommandant l’acquisition d’un tel matelas.
LES FAITS ET LES MOTIFS SUR LE FOND DU LITIGE
[19] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique que conserve le travailleur à la suite de la lésion professionnelle qu’il a subie le 11 juillet 2010 a été évaluée en conformité avec les dispositions de la loi et du règlement et si l’indemnité pour dommages corporels qui en découle a été calculée conformément à la loi.
[20] La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer si le travailleur a droit au remboursement pour des travaux de réparation et de rénovation de sa résidence ainsi que pour la plantation d’une haie de cèdres.
[21] Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer du droit du travailleur en regard du remboursement du coût relié à l’acquisition d’un matelas orthopédique.
[22] Avant de répondre à chacune des demandes du travailleur, la Commission des lésions professionnelles croit à propos de faire un résumé du dossier du travailleur afin de bien cerner les questions en litige.
[23] Le travailleur occupe un emploi d’agent de rampe pour le compte de l’employeur depuis le mois de décembre 1989. Il s’agit d’un emploi qui consiste essentiellement à embarquer et débarquer les bagages des passagers à l’intérieur des soutes à bagages des avions.
[24] Le 11 juillet 2010, alors qu’il s’affaire à manipuler les bagages à l’intérieur de la soute à bagages d’un avion de la compagnie aérienne Canjet, le travailleur entend un craquement au niveau de son dos et ressent instantanément une douleur intense au niveau de sa colonne lombaire.
[25] Le 13 juillet 2010, le travailleur consulte le docteur Pierre Juneau qui produit une attestation médicale dans laquelle il pose le diagnostic d’entorse lombaire.
[26] Le suivi médical sera assuré par le docteur Juneau et le diagnostic d’entorse lombaire sera maintenu. Le 12 janvier 2011, devant la persistance de la symptomatologie du travailleur, le docteur Juneau dirige le travailleur vers un examen d’imagerie par résonance magnétique. Cet examen sera pratiqué le 24 janvier 2011 et sera interprété par le docteur François Hudon, radiologiste, de la façon suivante :
OPINION :
1. Discopathie chronique L4 L5 avec hernie discale d’importance modérée à long rayon postéro-latérale droite avec compression modérée sur le sac dural incluant l’émergence dure-mérienne de la racine L5 droite.
2. Discopathie chronique L3 L4 avec discrète hernie postéro-centrale et postéro-latérale droite.
3. Discopathie L5 S1 avec minime hernie postéro-centrale sous-ligamentaire.
4. Arthrose facettaire.
[27] À compter de la visite médicale du 26 janvier 2011, le docteur Juneau ajoutera le diagnostic de hernie discale postéro-latérale droite au niveau L4-L5 à celui d’entorse lombaire. Ces deux diagnostics apparaîtront sur tous les rapports médicaux produits par le docteur Juneau jusqu’au 6 mai 2011, date où il produit un rapport médical final consolidant la lésion professionnelle avec présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Sur ce rapport final, le docteur Juneau précise cependant qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation médicale et qu’il n’a pas dirigé le travailleur vers un autre médecin pour la production de ce rapport.
[28] Le 29 juillet 2011, le docteur Jean Perreault produit un rapport d’évaluation médicale dans lequel il détermine que le travailleur conserve un déficit anatomo-physiologique de 6 %, soit 2 % pour une hernie discale non opérée, 3 % pour une perte de 15 degrés de la flexion antérieure et 1 % pour une perte de 5 degrés d’extension de la colonne dorso-lombaire. Le docteur Juneau retient également que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de classe I de l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (IRSST) pour la colonne lombaire.
[29] Lors de l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur explique qu’à la suite de la production du rapport médical final par le docteur Juneau, il a communiqué avec son agente d’indemnisation à la CSST pour discuter des prochaines étapes à venir dans son dossier. L’agente lui a alors mentionné qu’il devait se trouver un médecin pour procéder à l’évaluation de son atteinte permanente. Après qu’il lui ait indiqué ne pas connaître d’autres médecins, l’agente de la CSST lui a donné les noms et coordonnées de trois médecins qui produisent des rapports d’évaluation médicale pour la CSST. Le travailleur indique avoir choisi, parmi les médecins suggérés, le docteur Perreault puisque c’était celui dont le bureau était le plus près de son domicile et qu’il connaissait l’endroit où le bureau de ce dernier était situé. La Commission des lésions professionnelles note que ce témoignage corrobore les notes évolutives du 12 mai 2011 qui mentionnent :
Comme son md ne fera pas le REM et qu’il ne l’a pas référé à un md évaluateur, je donne des noms de quelques cliniques de la région au T afin qu’il tente d’obtenir un RV pour son REM. T me fera un suivi dès qu’il aura une date.
[30] Dans les circonstances du présent dossier, la Commission des lésions professionnelles considère que le docteur Perreault a été librement choisi par le travailleur. Il ne s’agit pas d’un médecin désigné ou imposé par la CSST au travailleur qui pourrait permettre de conclure que le rapport d’évaluation médicale n’a pas été produit par le médecin qui a charge du travailleur. En effet, la preuve ne démontre pas que le travailleur a été soumis à des pressions indues de la part de son agente de la CSST afin de choisir un médecin plutôt qu’un autre. Celle-ci s’est limitée à soumettre au travailleur le nom de médecins qui seraient en mesure de procéder à la rédaction d’un rapport d’évaluation médicale et elle ne s’est d’aucune façon immiscée dans le choix du travailleur.
[31] Dans des situations similaires au présent dossier, la Commission des lésions professionnelles a déjà reconnu qu’il s’agit d’un choix libre et volontaire du travailleur et que le médecin ainsi choisi devient le médecin qui a charge du travailleur en ce qui concerne la question de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.[3]
[32] Puisque la question de l’atteinte permanente est une question médicale prévue par les dispositions de l’article 212 de la loi, la CSST est liée par les conclusions du médecin qui a charge du travailleur sur cette question, et ce, en conformité avec les dispositions de l’article 224 de la loi qui prévoit :
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[33] Puisqu’il s’agit d’une question médicale sur laquelle la CSST est liée en vertu de l’article 224 de la loi, le travailleur ne peut demander la révision de cette question comme le prévoit le deuxième alinéa de l’article 358 de la loi qui stipule :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .
Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l'article 315.2 .
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.
(nos soulignés)
[34] Cependant, la Commission des lésions professionnelles a toute la latitude pour s’assurer que le rapport d’évaluation médicale respecte le Règlement sur le barème des dommages corporels[4].
[35] Après vérifications du rapport produit par le docteur Perreault le 29 juillet 2011, la Commission des lésions professionnelles constate que celui-ci est conforme à ce règlement. La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur conserve un déficit anatomo-physiologique de 6 % à la suite de sa lésion professionnelle.
[36] Ce même règlement prévoit qu’il faut ajouter un pourcentage additionnel pour compenser les douleurs et perte de jouissance de la vie qui résulte du déficit anatomo-physiologique. En conséquence, un pourcentage de 0,9 % doit être ajouté lorsque le déficit anatomo-physiologique se situe entre 6 et 6,99 % (code 225063). L’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique doit donc être établie à 6,90 %.
[37] En ce qui concerne le montant de l’indemnité pour dommages corporels qui correspond à cette atteinte permanente, elle doit être déterminée en conformité avec l’article 84 de la loi qui prévoit :
84. Le montant de l'indemnité pour préjudice corporel est égal au produit du pourcentage, n'excédant pas 100 %, de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique par le montant que prévoit l'annexe II au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en fonction de l'âge du travailleur à ce moment.
Le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est égal à la somme des pourcentages déterminés suivant le barème des préjudices corporels adopté par règlement pour le déficit anatomo-physiologique, le préjudice esthétique et les douleurs et la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.
Si un préjudice corporel n'est pas mentionné dans le barème, le pourcentage qui y correspond est établi d'après les préjudices corporels qui y sont mentionnés et qui sont du même genre.
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1985, c. 6, a. 84; 1999, c. 40, a. 4.
[38] Puisque le travailleur était âgé de 42 ans lorsqu’il a subi sa lésion professionnelle le 11 juillet 2010, le montant prévu par l’annexe II de la loi était de 70 706 $. En multipliant ce montant par 6,90 %, nous obtenons un montant de 4878,71 $.
[39] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la décision rendue par la CSST le 24 novembre 2011 est bien fondée à cet égard.
[40] Le tribunal doit maintenant décider du droit du travailleur de se voir rembourser les frais pour la plantation d’une haie de cèdres ainsi que pour des travaux de réparation et de rénovation de sa résidence.
[41] La demande du travailleur se fonde sur les dispositions de l’article 165 de la loi qui prévoit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[42] La première condition que doit remplir le travailleur pour pouvoir se prévaloir des dispositions de l’article 165 de la loi est d’avoir subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique à la suite de sa lésion professionnelle.
[43] Dans le cas qui nous concerne, la CSST a reconnu que le travailleur remplit cette première condition puisqu’elle a rendu une décision le 16 septembre 2011 par laquelle elle acceptait de rembourser des frais encourus pour des travaux d’entretien courant du domicile du travailleur, soit pour le déneigement en période hivernale. Le tribunal n’a nullement l’intention de remettre en question cette reconnaissance.
[44] Dans le présent dossier, la question essentielle est de déterminer si les travaux pour lesquels le travailleur demande le remboursement constituent des travaux d’entretien courant du domicile.
[45] Avant tout, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que le travailleur a témoigné devant elle en mentionnant que les travaux pour lesquels la décision de la CSST a été rendue n’ont pas été effectués à ce jour.
[46] Le présent tribunal est en accord avec la jurisprudence du tribunal qui mentionne que le rôle du tribunal n’est pas de rendre un jugement contenant une déclaration de principe assimilable à un jugement déclaratoire sur ce qui pourrait constituer des travaux d’entretien courant du domicile. Le principe veut que les frais aient été engagés pour que le tribunal puisse rendre sa décision.[5]
[47] Ceci étant dit, le tribunal croit malgré tout opportun d’indiquer au travailleur ce que constituent des travaux d’entretien courant du domicile, afin de le guider dans les demandes futures qu’il pourra soumettre à la CSST.
[48] La loi ne précise pas ce que doit comprendre la notion de travaux d’entretien courant. La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il faut comprendre de cette expression qu'il s'agit des travaux d'entretien habituels, ordinaires du domicile qui visent sa conservation en bon état, par opposition à des travaux d'entretien inhabituels ou extraordinaires.
[49] Le tribunal est donc d’avis que la plantation d’une haie de cèdres ne constitue pas un travail habituel et ordinaire contrairement au taillage d’une telle haie qui constitue, de l’avis du tribunal, un travail d’entretien habituel et ordinaire. La plantation d’une haie est plutôt assimilable à l’installation d’une nouvelle clôture et la Commission des lésions professionnelles a déjà déterminé qu’une telle installation ne représente pas un travail d’entretien courant.[6]
[50] En ce qui concerne les travaux de réparation et de rénovation de sa résidence, le travailleur a indiqué au tribunal son intention de procéder à l’installation de poutres de bois au balcon arrière de sa résidence en vue de le transformer en solarium. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce genre de travaux doivent être qualifiés de travaux majeurs et inhabituels de rénovation qui ne peuvent constituer des travaux d’entretien courant du domicile.
[51] Le tribunal comprend que le travailleur vit une certaine frustration puisqu’il est une personne ayant de grandes habiletés manuelles et qu’il effectuait lui-même de nombreux travaux de réparation et de rénovation de sa résidence avant son accident du travail. Cependant, il apparaît clairement que le législateur a fait un choix et a décidé de rembourser pour des travaux d’entretien courant qui sont, de façon habituelle, effectués par la majorité des travailleurs. En contrepartie, il a décidé que les travaux inhabituels ne pouvaient faire l’objet d’un remboursement par la CSST, même si ceux-ci auraient été accomplis par le travailleur s’il n’avait pas subi de lésion professionnelle.
[52] Au bénéfice du travailleur, la Commission des lésions professionnelles souligne que le déneigement, la tonte du gazon, la taille des arbres et arbustes, le ratissage des feuilles, les travaux de peinture intérieure et extérieure de la résidence, le sablage et le vernissage de planchers de bois, le grand ménage annuel, le montage et démontage des abris temporaires d’hiver pour un stationnement ainsi que l’application d’un enduit protecteur pour l’asphalte ont déjà été reconnus comme constituant des travaux d’entretien courant du domicile. Il est cependant important de préciser que la précédente énumération ne se veut pas exhaustive.
[53] À l’opposé, les travaux de rénovation inhabituels ne sont généralement pas reconnus comme constituant des travaux d’entretien courant. À cet égard, le présent tribunal réfère à l’énumération effectuée par le juge administratif Watkins dans l’affaire Rainville et MGR Fabrication et Réparation inc.[7] :
[116] La jurisprudence a défini ce qu’il faut entendre de l’expression « entretien courant du domicile ». Il s’agit des travaux d’entretien habituels et ordinaires du domicile par opposition à des travaux d’entretien inhabituels ou extraordinaires.
[117] C’est ainsi que le tribunal a déjà déterminé sur ce sujet que :
- des travaux de solidification des fondations d'une résidence ne sont pas des travaux d'entretien courant mais des travaux inhabituels;
- le remplacement de la tuyauterie d'une cheminée installée depuis 22 ans est une réfection majeure inhabituelle;
- les travaux de réfection des planchers de bois sont des travaux d'amélioration du domicile de nature volontaire et, à ce titre, leur coût ne peut être remboursé ;
- la rénovation générale d'un domicile ne constitue pas un travail d'entretien et les coûts engendrés par celle-ci ne peuvent être remboursés;
- le remplacement des fenêtres d'une maison est une réfection majeure inhabituelle;
- la construction d'une galerie et le remplacement d'une porte ne sont pas des travaux d'entretien courant du domicile. Il ne s'agit pas là de travaux habituels et ordinaires;
- des travaux afférents à la toiture d'une maison ne sont pas des travaux d'entretien courant du domicile en raison de leur caractère inhabituel;
- la modification d'un système de chauffage, soit le remplacement d'une « fournaise au bois » par un système de type « bi-énergie », est une réfection majeure inhabituelle qui ne relève pas des travaux d'entretien courant d'un domicile;
- les travaux d'installation d'une nouvelle clôture au domicile du travailleur ne font pas partie des travaux d'entretien courant du domicile. Il s'agit plutôt de travaux de construction ou de réaménagement d'un terrain, lesquels ne sont pas couverts par la loi;
- la réparation d'un solage en raison d'une infiltration d'eau ne constitue pas des travaux d'entretien courant du domicile. Il s'agit d'une réparation inhabituelle ou extraordinaire qui représente plutôt de l'entretien majeur et ne peut faire l'objet d'assistance financière;
- le remplacement d’une porte et la pose de 4 fenêtres ne constituent pas des travaux courants;
- les travaux d’abatage d’arbres, d’excavation et d’aménagement paysager réalisés à la résidence du travailleur ne sont pas des travaux d’entretien courant.
(références omises)
[54] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur n’a pas droit au remboursement pour les travaux d’entretien courant du domicile réclamés.
[55] Finalement, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement pour l’acquisition d’un matelas orthopédique.
[56] Le refus de la CSST est justifié de la façon suivante dans la décision rendue le 24 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative :
La Révision administrative retient que le Règlement sur l’assistance médicale ne prévoit le remboursement d’un matelas que pour la prévention et le traitement des escarres de décubitus des suites d’une lésion professionnelle. Par conséquent, la Commission ne peut payer un matelas au travailleur parce qu’il ne se retrouve pas dans cette situation.
[57] La Commission des lésions professionnelles est entièrement d’accord avec la prétention de la CSST selon laquelle le travailleur ne peut se voir rembourser les frais reliés à l’acquisition d’un matelas orthopédique en conformité avec les dispositions du Règlement sur l’assistance médicale[8]. Cependant, cette constatation n’amène pas automatiquement la conclusion que le travailleur n’a pas droit à un tel remboursement. En effet, le tribunal estime qu’une demande de remboursement pour un matelas orthopédique peut être examinée en vertu des dispositions de la loi relatives à la réadaptation sociale lorsqu’elle ne peut être couverte en vertu de celles relatives à l’assistance médicale. À ce sujet, le présent tribunal se rallie à l’opinion exprimée par le juge administratif Therrien dans l’affaire Duval et Blais & Langlois inc.[9] lorsqu’il affirme :
[23] Or, le matelas prescrit par le médecin du travailleur le 10 janvier 2010 ne vise aucunement le traitement de la lésion professionnelle, ni la compensation de limitations fonctionnelles temporaires. La lésion du travailleur est consolidée depuis le 8 octobre 2009 et des limitations fonctionnelles permanentes très sévères sont déjà identifiées et reconnues par la CSST.
[24] C’est d’ailleurs pour répondre à ces situations particulières que la jurisprudence récente de la Commission des lésions professionnelles4 analyse les demandes d’aide technique associées à une atteinte permanente sous l’angle du droit du travailleur à une réadaptation sociale prévu aux l’articles 145 et 151 de la loi.
[…]
[27] Même si cette nouvelle jurisprudence n’est pas unanime6, le soussigné y adhère, car elle s’inscrit parfaitement dans l’interprétation large et libérale de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, une loi sociale de protection dont l’objet, décrit à son article 1, comprend la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle, notamment par le processus de réadaptation sociale.
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[Soulignements du tribunal]
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4 Tardif et Pro-Animo Internationnal inc., C.L.P. 384771-64-0907, 18 mars 2010, I. Piché; Pagé et Fromagerie de Corneville, C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins; Longtin et Les plastiques Reach ltée, C.L.P. 389701-62A-0909, 22 novembre 2010, E. Malo.
6 Voir Ouellet et Société des alcools du Québec, C.L.P. 393691-01A-0911, 15 septembre 2010, N. Michaud.
[58] La Commission des lésions professionnelles est cependant d’avis qu’il faut minimalement que le matelas orthopédique soit recommandé par un professionnel de la santé afin de pouvoir faire l’objet d’un remboursement par la CSST.
[59] Considérant que le travailleur ne possède pas une telle recommandation, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’elle ne peut faire droit à sa demande dans l’état actuel du dossier.
[60] En terminant, le tribunal tient à préciser qu’il considère que le travailleur pourrait éventuellement avoir droit au remboursement d’un tel matelas dans la mesure où il est recommandé par un professionnel de la santé et que l’acquisition d’un tel matelas satisfait les objectifs prévus par l’article 151 de la loi qui prévoit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DÉCLARE recevable la requête de monsieur Stéphan Robitaille, le travailleur;
REJETTE quant au fond la requête du travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 24 novembre 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique de 6,90 % à la suite de sa lésion professionnelle du 11 juillet 2010;
DÉCLARE que le travailleur a droit à une indemnité pour dommages corporels de 4 878,71 $, en raison de cette atteinte permanente;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts reliés à la plantation d’une haie de cèdres;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts reliés aux travaux de rénovation de sa résidence;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts reliés à l’acquisition d’un matelas orthopédique.
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Michel Letreiz |
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M. Olivier Tremblay |
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C.M.I. Préventive du Québec inc. |
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Représentant de la partie intéressée |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] R.R.Q., c. A-3.001, r. 2.
[3] Voir notamment : Trudel et Transelec/Common inc., C.L.P. 257302-01B-0502, 24 février 2006, L. Desbois; Gauthier et Restaurant Edwardo inc., C.L.P 354316-01A-0807, 20 mars 2009, M. Racine; Jean et Alcoa ltée, 2011 QCCLP 6213.
[4] Précitée, note 2.
[5] Voir notamment : Ouellet et Excavation Leqel 1993 ltée, C.L.P. 144557-03B-0008, 13 février 2001, P. Brazeau; Lamontagne et C.L.S.C. Samuel de Champlain, C.L.P. 175805-62-0112, 7 janvier 2004, É. Ouellet; Duciaume et Entrepreneur Minier CMAC inc. (Mine), 2011 QCCLP 3777 .
[6] Fiset et Transport Meloche inc. et C.S.S.T., C.L.P. 224932-62A-0401, 24 août 2004, C. Demers
[7] C.L.P. 339535-04B-0802, 20 juin 2008, M. Watkins.
[8] R.R.Q., c. A-3.001, r. 1.
[9] 2011 QCCLP 696 .
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