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[1] Le 5 juillet 2005, monsieur Michel Breton, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 juin 2005, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 14 janvier 2005 refusant de rembourser au travailleur des produits naturels au motif qu’ils ne sont pas remboursables en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] L’employeur est une entreprise fermée et n’est pas représenté à l’audience. Bien que dûment convoquée, la partie intervenante n’est pas présente à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles. Le 20 février 2006, elle faisait toutefois parvenir au tribunal ses représentations écrites dans la présente affaire. Le travailleur est présent et est représenté, à l’audience tenue à Joliette, le 12 juillet 2006, par la Commission des lésions professionnelles.
[4] À l’audience, la Commission des lésions professionnelles accorde au travailleur un délai jusqu’au 26 juillet 2006 pour produire une prescription de produits naturels de la part du docteur Tran qui serait antérieure à la prescription du 17 novembre 2004. Le 4 août 2006, le procureur du travailleur informe le tribunal ne pas avoir retrouvé une telle prescription. Le dossier est par conséquent mis en délibéré à compter du 4 août 2006.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement des produits naturels suivants : Provex CV, Phytomega, Vitality for Men, Vitality Mineral Complex, Florify, Cell Wise et Replenex.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir en partie la requête du travailleur. En effet, ils sont d’avis que les produits naturels Provex CV, Phytomega, Vitality for Men, Vitality Mineral Complex et Cell Wise ne sont pas en relation avec les conséquences de la lésion du 2 mars 1990 ou de ses rechutes. Ils sont par ailleurs d’avis que le Florify et le Replenex sont en relation avec les conséquences de la rechute du 1er avril 2004.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit ou non au remboursement des produits naturels qu’il réclame en vertu de la loi.
[8] L’article 188 de la loi prévoit qu’un travailleur qui est victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion. L’article 188 édicte ce qui suit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
[9] Le paragraphe troisième de l’article 189 de la loi prévoit que l’assistance médicale comprend les médicaments et autres produits pharmaceutiques. Cet article se lit comme suit :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[10] Dans la présente affaire, la CSST refuse le remboursement au travailleur des produits naturels qu’il réclame au motif que ceux-ci ne sont pas visés par le paragraphe troisième de l’article 189 de la loi. La CSST allègue que la loi ne définit pas l’expression « médicaments ou autres produits pharmaceutiques », mais que selon le sens commun, un médicament est une substance ou une préparation administrée en vue d’établir un diagnostic médical, de traiter ou de prévenir une maladie ou de restaurer, corriger, ou modifier les fonctions organiques. Elle ajoute que la prescription médicale du docteur Tran, du 17 novembre 2004, n’établit d’aucune façon en quoi les produits naturels précités sont requis en raison de la lésion professionnelle qu’a subie le travailleur à la cheville gauche le 2 mars 1990. Elle ajoute que le docteur Gilles Roger Tremblay, qui a procédé à l’expertise du travailleur le 27 mai 2005, précise par ailleurs à son expertise qu’il n’y a aucune preuve médicale que ces médicaments sont efficaces.
[11] La Commission des lésions professionnelles a déjà décidé qu’un supplément nutritionnel, vendu dans la section des aliments naturels, pouvait être considéré comme un médicament ou un autre produit pharmaceutique au sens de l’article 189 de la loi[2].
[12] Dans l’affaire Lagacé[3], la Commission des lésions professionnelles décidait que les termes « médicaments et autres produits pharmaceutiques » étaient suffisamment larges pour inclure les produits naturels et que, dans la mesure où il s’agit d’un produit pharmaceutique prescrit par un médecin pour soulager les douleurs résultant de la lésion professionnelle, le travailleur avait droit au remboursement. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles autorisait le remboursement de glucosamine.
[13] Pour les mêmes motifs, le présent tribunal est d’avis que les produits naturels réclamés par le travailleur constituent des « médicaments ou autres produits pharmaceutiques » au sens du paragraphe troisième de l’article 189 de la loi.
[14] Pour réussir dans sa demande, le travailleur doit maintenant faire la démonstration d’une relation entre la prise des médicaments ou produits pharmaceutiques dont il réclame le remboursement et la lésion professionnelle de mars 1990 ou d’une de ses rechutes.
[15] Le tribunal est d’avis que le travailleur a fait la démonstration que les produits Florify et Replenex sont en relation avec les conséquences de la rechute du 1er avril 2004.
[16] En l’instance, il s’agit d’un travailleur qui exerce le métier de serrurier lorsqu’il est victime d’un accident du travail, le 2 mars 1990, alors qu’il glisse et tombe sur une plaque de glace en effectuant un appel de service chez un client pour déverrouiller les portes de sa voiture. Le travailleur s’inflige une fracture bimalléolaire de la cheville gauche pour laquelle il subit une intervention chirurgicale le 3 mars 1990. La lésion est consolidée au 31 juillet 1990, avec la présence d’une atteinte permanente de 5 % et de limitations fonctionnelles pour une période d’un an.
[17] Le 21 février 1991, le travailleur est victime d’une rechute, récidive ou aggravation alors qu’il subit l’exérèse de la plaque et de la vis au tibia et au péroné gauches. La lésion est consolidée au 17 avril 1991 et le travailleur se voit accorder une atteinte permanente de 5 %, de même que des limitations fonctionnelles pour une période de six mois.
[18] Le 3 mai 2000, il est victime d’une nouvelle rechute, récidive ou aggravation alors qu’il subit une arthrorésonance magnétique de la cheville gauche qui révèle de discrètes modifications de séquelles de fracture de la diaphyse péronière.
[19] Le 1er avril 2004, le travailleur est victime d’une nouvelle rechute, récidive ou aggravation alors que le docteur Tran diagnostique chez lui de l’arthrite traumatique à la cheville gauche et consolide la lésion avec la présence d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il prescrit également au travailleur une orthèse de support articulaire adaptée au soulier gauche et recommande une tomodensitométrie axiale de la cheville gauche en relation avec la fracture comminutive du 2 mars 1990 et des douleurs arthritiques.
[20] Le Rapport d’évaluation médicale (REM) effectué le même jour conclut au diagnostic de synovite chronique traumatique de la cheville gauche et de traumatisme sévère évoluant à de l’arthrite de l’articulation. Il accorde au travailleur une atteinte permanente de 18,5 %, de même que des limitations fonctionnelles.
[21] Lors d’une expertise du 13 mai 2005, le docteur Gilles Roger Tremblay rapporte que le travailleur ne veut pas subir d’arthrodèse de la cheville, mais se plaint d’une douleur constante au niveau de la cheville avec une douleur qui se répand à la face antérieure et interne du genou gauche et une douleur à la région inguinale gauche.
[22] Le travailleur témoigne que, le 1er avril 2004, le docteur Tran qui lui suggère de prendre des produits naturels tels que de la glucosamine pour éliminer ses douleurs articulaires à la cheville. Il explique que le docteur Tran n’a pas proposé de marque et qu’il s’est rendu à la pharmacie pour acheter les produits Adrien Gagnon. Il explique que ceux-ci n’ont pas fonctionné et que le docteur Tran lui a recommandé de choisir une marque dont la concentration était plus haute que la marque qu’il avait choisie. Il s’est donc tourné vers les produits Mélanuca. Il témoigne qu’après deux semaines d’utilisation, il a ressenti une amélioration et que ses douleurs articulaires se sont graduellement améliorées.
[23] Le travailleur témoigne qu’il consulte le docteur Tran le 17 novembre 2004 et lui montre ses produits naturels. Le 17 novembre, le docteur Tran diagnostique de l’arthrite traumatique à la cheville gauche et prescrit de continuer les produits naturels.
[24] Le travailleur témoigne avoir commencé à utiliser des produits naturels vers le 21 avril 2004 et avoir ressenti une amélioration du fonctionnement de ses intestins et une diminution de ses douleurs articulaires. Il explique avoir arrêté la prise des produits naturels pendant un mois et qu’après trois semaines d’arrêt ses douleurs articulaires et ses problèmes intestinaux ont repris.
[25] Il explique que le Replenex est de la glucosamine. Il ajoute que la prise de ce médicament lui a apporté un soulagement de ses douleurs articulaires à la cheville gauche. Lorsqu’il a arrêté la prise de glucosamine, il a ressenti des douleurs et de l’enflure à la cheville, et la reprise de ce produit a stabilisé sa condition et soulagé ses douleurs articulaires.
[26] Le travailleur témoigne que suite à son hospitalisation du 2 mars 1991 pour l’extraction des plaques et des vis, il a été victime d’une ostéite et a reçu des doses massives de pénicilline qui ont détruit sa flore intestinale et lui ont occasionné des problèmes intestinaux. Il témoigne avoir eu des problèmes de selles liquides pendant une période de dix ans qui l’ont amené à changer son alimentation. Il a également développé des hémorroïdes saignantes depuis quatre ans qu’il relie à ces circonstances. Il témoigne que la prise de Florify a réglé ses problèmes intestinaux.
[27] Quant aux produits Provex CV, Phytomega, Vitality for Men, Vitality Mineral Complex et Cell Wise, il explique qu’il s’agit de multivitaminés quotidiens qui améliorent et maintiennent sa santé générale.
[28] La Commission des lésions professionnelles est d’avis d’accueillir en partie la réclamation du travailleur et de déclarer que le travailleur a droit au remboursement des médicaments ou produits pharmaceutiques Replenex et Florify, lesquels sont en relation avec les conséquences de la lésion professionnelle du 1er avril 2004.
[29] Le tribunal retient que le Replenex (glucosamine) a apporté un soulagement au travailleur de ses douleurs articulaires reliées à une synovite chronique traumatique de la cheville gauche et à un traumatisme sévère évoluant à de l’arthrite de l’articulation de la cheville, consécutives à la rechute acceptée du 1er avril 2004.
[30] À cet égard, il retient que la documentation produite par le travailleur établit une relation causale suffisamment probable entre la prise du Replenex et le soulagement de ses douleurs articulaires. Le tribunal retient également le témoignage crédible et non contredit du travailleur à l’effet que la prise de la glucosamine apporte un effet bénéfique à l’arthrite de la cheville gauche dont il est victime. Il est d’avis que le travailleur a fait la démonstration d’une preuve suffisante et prépondérante de relation entre la prise du Replenex et son arthrose et sa synovite chronique de la cheville gauche.
[31] Quant au médicament Florify, le tribunal est également d’avis de retenir le témoignage du travailleur à l’effet que la prise de ce médicament a amélioré ses problèmes intestinaux. À cet égard, le tribunal retient, de la documentation produite par le travailleur, que l’utilisation de glucosamine a l’effet secondaire d’augmenter les gaz intestinaux et d’occasionner des selles molles. Le tribunal est par conséquent d’avis qu’il y a une relation entre la prise du Florify pour régler ses problèmes intestinaux et les effets secondaires de la glucosamine qui est en relation avec les douleurs articulaires consécutives à la lésion professionnelle du 1er avril 2004.
[32] Quant aux compléments vitaminés et minéraux constitués par le Provex CV, Phytomega, Vitality for Men, Vitality Mineral Complex et le Cell Wise, le tribunal est d’avis que ces multivitaminés quotidiens que le travailleur prend pour conserver un meilleur état de santé général, ne peuvent être mis en relation avec la lésion professionnelle subie par le travailleur. En effet, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas établi, par preuve médicale prépondérante, l’existence d’une relation entre la prise de ces médicaments et la lésion professionnelle à la cheville gauche de mars 1990 ou de ses rechutes.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Michel Breton, le travailleur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 juin 2005, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des médicaments ou produits pharmaceutiques Replenex et Florify.
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Francine Mercure |
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Commissaire |
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Me André Laporte |
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Laporte & Lavallée |
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Représentant de la partie requérante |
AVIS :
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