Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Lévis

17 décembre 2003

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

197607-03B-0301   197608-03B-0301   197609-03B-0301 217901-03B-0310

 

Dossier CSST :

117604652

 

Commissaire :

Me Claude Lavigne

 

Membres :

Esther East, associations d’employeurs

 

Robert Le Parc, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Dre Johanne Gagnon

______________________________________________________________________

 

 

 

Nicole Lagueux

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Cafétéria de Olymel

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

DOSSIER 197607-03B-0301

[1]                Le 15 janvier 2003, Me Marc Bellemare, pour madame Nicole Lagueux (la travailleuse), dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle il conteste la dĂ©cision rendue le 13 janvier 2003 par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST), Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la rĂ©vision administrative confirme la dĂ©cision rendue initialement par la CSST le 30 janvier 2002 oĂą elle refuse le remboursement du mĂ©dicament Tylenol rĂ©clamĂ© par la travailleuse.

DOSSIER 197608-03B-0301

[3]                Ce mĂŞme 15 janvier 2003, Me Bellemare dĂ©pose une autre requĂŞte Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles au nom de la travailleuse oĂą il conteste cette fois une autre dĂ©cision rendue le 13 janvier 2003 par la CSST, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[4]                Par cette autre dĂ©cision, la rĂ©vision administrative confirme les dĂ©cisions rendues par la CSST les 22 octobre et 4 dĂ©cembre 2002 et dĂ©clare que les mesures de rĂ©adaptation appliquĂ©es par la CSST Ă©taient adĂ©quates et conformes Ă  la loi; dĂ©clare que l’emploi de commis au service Ă  la clientèle est un emploi convenable pour la travailleuse et dĂ©clare finalement que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi Ă  compter du 21 octobre 2002, d’oĂą la fin du versement de ses indemnitĂ©s de remplacement du revenu Ă  cette date.

DOSSIER 197609-03B-0301

[5]                Le 15 janvier 2003, Me Bellemare, toujours pour la travailleuse, dĂ©pose une requĂŞte Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles oĂą il conteste l’autre dĂ©cision rendue par la CSST le 13 janvier 2003 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[6]                Par cette dernière dĂ©cision du 13 janvier 2003, la rĂ©vision administrative confirme la dĂ©cision rendue par la CSST le 5 dĂ©cembre 2002 et dĂ©clare que l’état dĂ©pressif de la travailleuse n’est pas une lĂ©sion professionnelle de quelque nature que ce soit.

DOSSIER 217901-03B-0310

[7]                Le 15 octobre 2003, Me Lu Chan Khuong, pour la travailleuse, dĂ©pose une requĂŞte Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles oĂą elle conteste la dĂ©cision rendue le 14 octobre 2003 par la CSST, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[8]                Par cette autre dĂ©cision, la rĂ©vision administrative confirme la dĂ©cision rendue par la CSST les 18 fĂ©vrier et 13 mars 2003 et dĂ©clare que la travailleuse ne peut ĂŞtre reconnue victime d’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation Ă  compter du 28 novembre 2002; dĂ©clare que l’anxiĂ©tĂ© secondaire Ă  la recherche d’emploi avec trouble de sommeil et trouble de l’humeur ne peut ĂŞtre reconnue en relation avec l’évĂ©nement Ă  l’origine; dĂ©clare que la travailleuse n’a pas droit aux prestations prĂ©vues Ă  la loi et dĂ©clare finalement que la travailleuse n’a pas droit au remboursement pour les frais de dĂ©placement encourus pour les visites mĂ©dicales des 28 novembre, 2 dĂ©cembre et 31 dĂ©cembre 2002 ainsi que celle du 16 janvier 2003.

[9]                Audience tenue le 3 dĂ©cembre 2003, Ă  St-Joseph de Beauce, en prĂ©sence de la travailleuse et de sa reprĂ©sentante, Me Lu Chan Khuong. CafĂ©tĂ©ria de Olymel (l’employeur) est, pour sa part, reprĂ©sentĂ© par madame Lise Ferland. La CSST, après ĂŞtre intervenue dans ce dossier, le 30 janvier 2003, suivant l’application de l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) est, pour sa part, reprĂ©sentĂ©e par madame Martine Guay et Me Odile Tessier.

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

DOSSIER 197607-03B-0301

[10]           La reprĂ©sentante de la travailleuse demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer que la travailleuse a droit au remboursement du coĂ»t engagĂ© pour se procurer des Tylenol extra-forte le 28 dĂ©cembre 2001.

DOSSIER 197608-03B-0301

[11]           La reprĂ©sentante de la travailleuse demande cette fois Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer que l’emploi de commis au service Ă  la clientèle n’est pas un emploi convenable pour la travailleuse.

DOSSIERS 197609-03B-0301 ET 217901-03B-0310

[12]           La reprĂ©sentante de la travailleuse demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de reconnaĂ®tre que l’état dĂ©pressif dans lequel se trouve la travailleuse depuis le 25 avril 2002 constitue une lĂ©sion professionnelle en ce sens qu’elle est en Ă©troite relation avec les consĂ©quences de sa lĂ©sion professionnelle du 28 septembre 1999 et qu’il en est de mĂŞme pour la lĂ©sion vĂ©cue le 28 novembre 2002.

[13]           Quant aux frais de dĂ©placement encourus pour consulter son mĂ©decin aux mois de novembre, dĂ©cembre 2002 et janvier 2003, ce dĂ©bat est accessoire Ă  celui de l’admissibilitĂ© de la lĂ©sion psychologique et le sort qui lui est rĂ©servĂ© doit ĂŞtre analogue.

 

LES FAITS

[14]           La travailleuse, aujourd’hui âgĂ©e de 58 ans, exerce la fonction de cuisinière depuis 1994 et plus particulièrement pour l’employeur depuis 3 ans.

[15]           Le 29 septembre 1999, elle consulte la docteure HĂ©lène ThĂ©berge pour des douleurs vĂ©cues Ă  son Ă©paule gauche. Ă€ cette occasion, la docteure ThĂ©berge retient comme diagnostic celui de tendinite de l’épaule gauche, condition pour laquelle des traitements de physiothĂ©rapie lui sont prescrits.

[16]           Le 13 octobre 1999, les parties complètent une formule « Avis de l'employeur et demande de remboursement Â» concernant le dĂ©but d’incapacitĂ© de travailler vĂ©cu par la travailleuse le 28 septembre 1999, dĂ©but d’incapacitĂ© de travailler lui-mĂŞme associĂ© Ă  la description de l’évĂ©nement suivant :

« Soulever les chaudrons, mouvements Ă  rĂ©pĂ©tition.

Avance Ă  partir du 29-09-99. [sic]

 

 

[17]           Devant le peu de rĂ©sultats obtenus par les traitements de physiothĂ©rapie dĂ©butĂ©s le 29 octobre 1999, la docteure ThĂ©berge rĂ©fère la travailleuse, le 3 fĂ©vrier 2000, au docteur Gilles Mathon, rhumatologue et physiatre.

[18]           Le 21 fĂ©vrier 2000, le docteur Mathon examine la travailleuse et en vient Ă  un examen objectif dans les limites de la normale. Toutefois, la mise en tension de la coiffe des rotateurs est difficile Ă  cause de la douleur subjective provoquĂ©e. Il dĂ©cide donc de poursuivre l’investigation par une Ă©chographie de l’épaule, investigation qui, le 23 mars 2000, met en Ă©vidence une toute petite irrĂ©gularitĂ© de la partie acromiale du tendon du sus-Ă©pineux compatible avec des phĂ©nomènes de tendinite.

[19]           Dans son rapport du 8 juin 2000, la docteure ThĂ©berge dĂ©crit une douleur exacerbĂ©e depuis quelque temps et, le 22 juin 2000, elle rĂ©fère Ă  un dĂ©but de capsulite.

[20]           Ă€ la demande de la CSST, le docteur Jean-François Fradet, chirurgien orthopĂ©diste, examine la travailleuse le 28 juin 2000 afin d’émettre son opinion sur les cinq sujets prĂ©vus Ă  l’article 212 de la loi. Dans son rapport qui en a suivi le mĂŞme jour, le docteur Fradet note une disproportion lors de son examen objectif au point de ne pas retenir le diagnostic de tendinite active au niveau de l’épaule gauche de la travailleuse. Il fait ressortir que tout au long de son examen, la travailleuse a pleurĂ© dès qu’il a Ă©tĂ© question du dĂ©but de ses douleurs. Il consolide donc cette lĂ©sion le jour de son examen sans autre traitement, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

[21]           SensibilisĂ©e par la CSST du contenu du rapport du docteur Fradet, la docteure ThĂ©berge maintient, le 2 aoĂ»t 2000, son diagnostic de tendinite sur laquelle s’est greffĂ©e une capsulite, condition qui l’incite Ă  reconnaĂ®tre des restrictions et de poursuivre les traitements de physiothĂ©rapie.

[22]           Le 2 aoĂ»t 2000, le docteur Mathon corrobore le dĂ©but de capsulite prĂ©sentĂ© par la travailleuse Ă  son Ă©paule gauche.

[23]           Le 11 aoĂ»t 2000, la travailleuse passe une scintigraphie active qui tĂ©moigne d’une lĂ©gère hypercaptation de la rĂ©gion acromio-humĂ©rale gauche probablement en relation avec une atteinte inflammatoire Ă  ce niveau.

[24]           Saisi du litige sur les cinq sujets prĂ©vus Ă  l’article 212 de la loi, le docteur Marcel Dufour, orthopĂ©diste et membre du Bureau d'Ă©valuation mĂ©dicale, examine la travailleuse le 6 septembre 2000. Dans son avis Ă©mis le 21 septembre 2000, le docteur Dufour confirme le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs Ă  l’épaule gauche de la travailleuse ayant Ă©voluĂ© en capsulite rĂ©tractile, lĂ©sion qui n’est pas actuellement consolidĂ©e. Il suggère de poursuivre les traitements en mobilisant l’épaule gauche sous anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale suivis de traitements intensifs en physiothĂ©rapie avec infiltration de stĂ©roĂŻde au niveau de l’articulation glĂ©no-humĂ©rale et au niveau de la rĂ©gion sous-acromiale après, bien sĂ»r, avoir vĂ©rifiĂ© cette histoire d’allergie Ă  la cortisone.

[25]           Le 30 octobre 2000, le docteur Pierre du Tremblay, chirurgien orthopĂ©diste, recommande de poursuivre les traitements de physiothĂ©rapie pour cette capsulite Ă  l’épaule gauche de la travailleuse sur fond de tendinite.

[26]           Le 23 novembre 2000, la docteure ThĂ©berge note une amĂ©lioration lente mais progressive des mouvements de l’épaule gauche de la travailleuse. Elle rĂ©itère la nĂ©cessitĂ© de poursuivre les traitements de physiothĂ©rapie et il en sera de mĂŞme lors des consultations mĂ©dicales subsĂ©quentes.

[27]           Dans une information mĂ©dicale complĂ©mentaire Ă©crite du 23 avril 2001, le docteur du Tremblay envisage des limitations fonctionnelles chez la travailleuse et en fait une brève nomenclature.

[28]           Le 29 mai 2001, le docteur du Tremblay demande une rĂ©sonance magnĂ©tique qui, le 7 juillet 2001, est interprĂ©tĂ©e par le docteur Gilles Bouchard en ces termes :

« Aspect lĂ©gèrement hĂ©tĂ©rogène du tendon du sus-Ă©pineux compatible avec des modifications lĂ©gères de tendinose et/ou tendinite. Toutefois un minime foyer millimĂ©trique de dĂ©chirure intra-tendineuse ne pourrait pas ĂŞtre complètement exclu. Â»

 

 

[29]           Le 16 juillet 2001, la docteure ThĂ©berge parle d’un Ă©tat stable avec douleurs accentuĂ©es lors d’efforts modĂ©rĂ©s.

[30]           Le 28 aoĂ»t 2001, le docteur du Tremblay produit un rapport mĂ©dical oĂą il rĂ©fère Ă  la capsulite pratiquement rĂ©sorbĂ©e chez la travailleuse mais envisage tout de mĂŞme de faire une scopie en rĂ©fĂ©rence aux douleurs Ă  cette Ă©paule gauche et, le 5 octobre 2001, procède Ă  une arthroscopie et une acromioplastie au niveau de l’épaule gauche de la travailleuse.

[31]           Le 22 novembre 2001, la docteure ThĂ©berge prĂ©cise que la travailleuse a encore des douleurs importantes depuis sa chirurgie. Elle modifie la mĂ©dication pour du Voltaren au lieu du Celebrex.

[32]           Dans son rapport du 27 dĂ©cembre 2001, la docteure ThĂ©berge note une rĂ©activation importante de la douleur au moindre effort. Elle suggère de poursuivre les traitements de physiothĂ©rapie dĂ©butĂ©s le 7 dĂ©cembre de mĂŞme que les exercices. Elle prescrit en plus Ă  la travailleuse du Tylenol 500.

[33]           Le 5 janvier 2002, le docteur du Tremblay demande de cesser les traitements de physiothĂ©rapie et, dans son rapport final Ă©mis le 19 fĂ©vrier 2002, consolide la lĂ©sion de la travailleuse au 1er mars 2002 avec prĂ©vision d’atteinte permanente Ă  son intĂ©gritĂ© physique et prĂ©vision de limitations fonctionnelles.

[34]           Le 30 janvier 2002, la CSST Ă©crit Ă  la travailleuse pour l’informer qu’elle refuse de lui rembourser le coĂ»t engendrĂ© pour l’achat de Tylenol extra-forte, dĂ©cision que cette dernière porte en rĂ©vision le 28 fĂ©vrier 2002.

[35]           Le 3 avril 2002, le docteur du Tremblay Ă©value les sĂ©quelles laissĂ©es par la lĂ©sion professionnelle de la travailleuse. Dans son rapport d'Ă©valuation mĂ©dicale signĂ© le 5 avril 2002, le docteur du Tremblay quantifie Ă  4 % le dĂ©ficit anatomo-physiologique de cette dernière et lui reconnaĂ®t les limitations fonctionnelles suivantes :

« La patiente devrait Ă©viter tout mouvement rĂ©pĂ©titif au niveau de l’épaule gauche. Elle devrait Ă©galement Ă©viter les positions statiques prolongĂ©es au niveau de l’épaule gauche, Ă©viter la manipulation frĂ©quente d’objets de poids de 5 Ă  10 kilos. Elle devrait ĂŞtre rĂ©orientĂ©e vers un travail plus sĂ©dentaire ou clĂ©rical. Â»

 

 

[36]           Chose assez Ă©tonnante, la docteure ThĂ©berge ne semble pas avoir Ă©tĂ© sensibilisĂ©e de la consolidation de la lĂ©sion de la travailleuse puisqu’elle la rĂ©fère Ă  une anesthĂ©siste, la docteure Marie-Chantale CĂ´tĂ© qui, le 4 avril 2002, l’examine. La docteure CĂ´tĂ© rapporte que la travailleuse a dĂ©veloppĂ© une humeur plutĂ´t triste Ă  la suite de ses limitations qui l’affectent quotidiennement. Elle ira mĂŞme jusqu’à pleurer Ă  deux reprises lors de son entrevue. Elle suggère de poursuivre les anti-inflammatoires et de dĂ©buter le Neurontin Ă  100 mg au dĂ©but. Elle tente Ă©galement le changement vers l’Oxycontin au lieu de l’Empracet et lui propose des antidĂ©presseurs.

[37]           Le 25 avril 2002, la docteure ThĂ©berge produit un rapport mĂ©dical oĂą elle porte le diagnostic d’état dĂ©pressif chez la travailleuse secondaire aux symptĂ´mes douloureux rĂ©siduels et au handicap chronique. Ă€ cette occasion, la docteure ThĂ©berge prescrit des antidĂ©presseurs Ă  la travailleuse et la rĂ©fère en psychologie.

[38]           Lors de la rencontre de la travailleuse Ă  son domicile, le 3 mai 2002, l’agente responsable de son dossier Ă  la CSST reproduit assez bien le contexte de cet Ă©change qui convient ici de reproduire dans son intĂ©gralitĂ©.

« Rencontre t chez elle. Elle me dit que cela va bien aujourd’hui mais labile comme ....

Elle me parle de la clinique de la douleur, elle aurait eu des problèmes suite à des injections á de douleurs.

Elle a décidé de prendre uniquement vioxx.

La t dit avoir besoin d’aide parce qu’elle ne se voit pas vivre de même. Elle pleure facilement mais rit à l’occasion. Les activités qu’elle fait un peu de ménage. Elle fait sa bouffe pour elle et son mari. Elle conduit un peu son auto. Elle éprouve donc des problèmes ....... à faire ses AVD.

Elle me dit avoir peur de l’avenir, surtout pour se trouver un emploi à son âge. Elle se met à pleurer et me dit qu’elle fait brûler un lampion devant la statue de St-Joseph depuis le 11 septembre 2001.

Elle consulte un psychologue à Québec car elle n’a aucune confiance aux gens des environs surtout pas ceux de la Beauce.

Elle me dit qu’elle m’a traité de maudite car je lui avait signifié qu’il se pouvait qu’elle ait des limitations fonctionnelles et qu’elle ne voulait pas l’accepter et qu’elle a une tête dure, qu’elle voulait retourner chez Olymel. Je lui souligne que l’on peut dire tenace ou tête de cochon, elle part à rire. Je lui signifie que d’être tenace et de vouloir retourner dans un emploi était correct et que j'aurais aimé mieux l'aider dans cela mais cela ne s’est pas passé tout à fait de cette façon. Elle me redit qu’elle m’en a voulu longtemps. Elle me parle de l’agent d’indem M. Fournel qu’elle voulait le poursuivre car il lui a dit qu’il aurait eu une dénonciation à l’effet qu’elle travaillait dans une cabane à sucre.

Je lui explique que cela arrive que des gens appellent pour des choses comme cela mais de ne pas s’en faire. Elle semble se calmer.

Elle se lève à + reprises, le téléphone sonne beaucoup. Elle lève l’acoustique puis d’un coup raccroche. Elle me dit que c’est assez, qu’elle est tannée. Elle revient s’asseoir  et nous rediscutons. Elle me parle de ses douleurs à nouveau.

Elle m’indique que son père est très important dans sa vie et qu’elle ne sait pas ce qu’elle ferait sans lui. Elle se remet à pleurer. Elle me dit qu’elle a son salon de bronzage dans le s-sol et ce avant la lésion et que c’est son père qui l’aide. Elle me parle que l’emploi chez Olymel était idéal pour elle car c’était le matin et elle pouvait s’occuper de son salon de bronzage en ...+ le soir.

Je lui explique que nous pouvons l’aider au niveau de ses activitĂ©s Ă  la maison puis pourrions envisager d’embaucher qq afin de l’aider Ă  dĂ©terminer un EC. Elle paraĂ®t soulagĂ©e. Je l’informe que pour le nouveau diagnostic, je devrais donner le dossier Ă  un agent d’indem mais que cela ne m’empĂŞche pas d’engager des ressources pour les aspects mentionnĂ©s soit aide dans AVQ + AVD. + aide pour trouver un travail. C’est d’accord pour documents, lors moment de partir, elle dit que notre rencontre lui a fait du bien et qu’elle a moins peur. Je lui dit que je suis contente aussi. Â» [sic]

[39]           Le 8 mai 2002, monsieur Éric Beaulieu, travailleur social et psychothĂ©rapeute, Ă©crit Ă  la docteure ThĂ©berge pour dresser un compte rendu de sa rencontre avec la travailleuse. Ainsi, il confirme, si l’on veut, l’état dĂ©pressif de la travailleuse et souligne qu’elle Ă©prouve beaucoup de ressentiment contre la CSST qui veut la recycler dans le domaine de la vente. Il lui demande si elle veut bien prĂ©ciser son diagnostic pour les fins de la CSST.

[40]           Le 23 mai 2002, la docteure ThĂ©berge dĂ©crit Ă  nouveau la mĂŞme douleur chez la travailleuse et fait part de son intolĂ©rance aux antidĂ©presseurs prescrits, d’oĂą le changement pour du Paxil. Elle demande Ă©galement une nouvelle rĂ©sonance magnĂ©tique afin d’éliminer une dĂ©chirure de la coiffe Ă  l’épaule gauche.

[41]           SensibilisĂ©e par le mĂ©decin rĂ©gional de la CSST, le 10 juin 2002, sur le fait que le docteur du Tremblay a consolidĂ© la lĂ©sion Ă  l’épaule gauche de la travailleuse le 1er mars 2002 et sur le contenu du rapport d'Ă©valuation mĂ©dicale qui en a suivi, le 5 avril 2002, la docteure ThĂ©berge se dit d’accord tant sur cette date de consolidation que sur le contenu de ce rapport. Quant au nouveau diagnostic d’état dĂ©pressif, la docteure ThĂ©berge convient avec ce mĂ©decin rĂ©gional de mieux documenter ce problème et de suivre l’évolution en rĂ©adaptation. La docteure ThĂ©berge ira jusqu’à envisager une Ă©volution plutĂ´t favorable, sachant la prise en charge prochaine de son dossier pour rĂ©orientation.

[42]           Dans le cadre du processus de rĂ©adaptation entrepris par la CSST, madame Lydia Provencher, consultante externe de main-d’oeuvre, est mandatĂ©e pour identifier un ou des emplois convenables potentiels pour la travailleuse. Il s’ensuit une première rencontre le 12 juin 2002 oĂą madame Provencher rĂ©fère au fait que la travailleuse lui a mentionnĂ© dormir uniquement de deux Ă  trois heures par nuit et que cela Ă©tait très difficile pour elle. Madame Provencher rapporte qu’à ce moment, la travailleuse pleure lorsqu’elle dit cela.

[43]           Le 28 juin 2002, monsieur Beaulieu Ă©crit Ă  la CSST pour demander l’autorisation pour soins psychologiques. Dans sa lettre, il constate que la travailleuse a perdu ce qu’elle avait de plus prĂ©cieux, soit son indĂ©pendance. Il note que la travailleuse pleure lorsqu’elle aborde les sĂ©quelles de son accident du travail et exprime beaucoup de peine et de frustration Ă  propos de ses douleurs, ses troubles de sommeil et la perte de son emploi. Dans ses commentaires cliniques, monsieur Beaulieu s’exprime comme suit :

« On a affaire Ă  une dame au tempĂ©rament fort. Elle a toujours menĂ© sa vie comme bon lui semblait. Elle se dĂ©crit elle-mĂŞme comme une personne qui ne se laisse pas piler sur les pieds. Il faut savoir qu’elle n’a jamais Ă©tĂ© malade auparavant. Elle projetait de se rendre Ă  65 ans avant de prendre sa retraite. Elle adorait son travail. Elle croyait pouvoir s’en sortir seule.

 

Or, le facteur temps combiné avec celui de la douleur a finalement eu raison de sa volonté. Cet accident de travail lui a fait perdre le contrôle de sa vie. Pour elle, son indépendance était directement reliée à ses capacités physiques. Elle se réalisait pleinement dans son travail. Elle était respectée par ses collègues et ses patrons.

 

Il lui aura fallu 2 ans avant d’accepter l’idée de perdre cet emploi. Pendant ce temps, elle a lutté contre ses sentiments dépressifs au point d’épuiser ses défenses psychologiques habituelles.

 

La CSST s’achemine vers une rĂ©orientation pour lui dĂ©terminer un emploi convenable. Cette Ă©tape a pour effet d’exacerber sa dĂ©tresse psychologique. Â»

 

 

[44]           Afin d’attĂ©nuer les douleurs Ă  l’épaule gauche de la travailleuse, la docteure ThĂ©berge lui prescrit, le 20 juin 2001, du Dilaudid et constate, dès le 4 juillet 2002, certains effets bĂ©nĂ©fiques.

[45]           Le 18 juillet 2002, la docteure ThĂ©berge dĂ©crit une exacerbation importante de la douleur lors des exercices en ergothĂ©rapie, d’oĂą l’augmentation du Dilaudid Ă  raison de 1 comprimĂ© quatre fois par jour.

[46]           Le 4 septembre 2002, madame Provencher produit son rapport oĂą elle cible deux emplois convenables potentiels pour la travailleuse soit celui de commis au guichet de poste et celui de commis aux plaintes. Madame Provencher souligne Ă©galement que la travailleuse aimerait agrandir son salon de bronzage et devenir ainsi autonome.

[47]           Le 18 octobre 2002, monsieur Beaulieu, après dix rencontres avec la travailleuse, dresse un bilan oĂą il souligne que la condition dĂ©pressive de la travailleuse est rĂ©sorbĂ©e en grande partie mais il demeure prudent face Ă  la dĂ©termination Ă©ventuelle de l’emploi convenable.

[48]           Le 22 octobre 2002, la CSST Ă©crit Ă  la travailleuse pour l’informer qu’elle retient comme emploi convenable celui de commis au service Ă  la clientèle au salaire estimĂ© de 16 684 $. Elle dispose Ă©galement de sa capacitĂ© Ă  l’exercer Ă  compter du 21 octobre 2002, dĂ©cision que le reprĂ©sentant de la travailleuse porte en rĂ©vision le 1er novembre 2002.

[49]           Le 28 novembre 2002, la docteure ThĂ©berge diagnostique chez la travailleuse un trouble de l’humeur avec anxiĂ©tĂ©.

[50]           Le 2 dĂ©cembre 2002, la travailleuse passe cette rĂ©sonance magnĂ©tique qui rĂ©vèle la prĂ©sence de signes en relation avec une tendinose discrète du sus-Ă©pineux.

 

[51]           Le 5 dĂ©cembre 2002, la CSST refuse le diagnostic d’état dĂ©pressif mentionnĂ© par son mĂ©decin les 25 avril et 20 juin 2002.

[52]           Le lendemain, le reprĂ©sentant de la travailleuse porte en rĂ©vision les dĂ©cisions rendues par la CSST les 4 et 5 dĂ©cembre 2002.

[53]           Le 14 dĂ©cembre 2002, la CSST refuse le plan d’affaires proposĂ© par la travailleuse Ă  l’effet d’agrandir son salon de bronzage.

[54]           Le 6 janvier 2003, monsieur Beaulieu produit un rapport de suivi psychologique oĂą il souligne que ce n’est pas rare de constater des troubles de sommeil et de l’humeur chez certains travailleurs quelque temps après la dĂ©termination d’un emploi convenable. Il partage l’approche de la docteure ThĂ©berge quant au trouble anxieux consĂ©cutif Ă  la recherche d’emploi puisque la travailleuse se sent dĂ©munie et qu’elle a perdu confiance en ses moyens. Il suggère alors dix rencontres supplĂ©mentaires pour aider la travailleuse Ă  reconstruire ses dĂ©fenses psychologiques et retrouver sa confiance en elle.

[55]           Le 13 janvier 2003, la CSST, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative, rend trois dĂ©cisions. La première oĂą elle confirme sa dĂ©cision du 30 janvier 2002 Ă  l’effet de ne pas rembourser le coĂ»t engendrĂ© pour l’achat du Tylenol. La seconde par laquelle elle confirme ses dĂ©cisions du 22 octobre et 4 dĂ©cembre 2002 et dĂ©clare que les mesures de rĂ©adaptation appliquĂ©es par la CSST Ă©taient adĂ©quates et conformes Ă  la loi; dĂ©clare que l’emploi de commis au service Ă  la clientèle est un emploi convenable pour la travailleuse et qu’elle est capable de l’exercer Ă  compter du 21 octobre 2002. Quant Ă  la troisième dĂ©cision, la rĂ©vision administrative confirme la dĂ©cision rendue par la CSST le 5 dĂ©cembre 2002 et dĂ©clare que l’état dĂ©pressif de la travailleuse n’est pas une lĂ©sion professionnelle sous quelque forme que ce soit, dĂ©cisions que conteste le reprĂ©sentant de la travailleuse Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles le 15 janvier 2003.

[56]           Le 18 fĂ©vrier 2003, la CSST refuse la rĂ©clamation pour rĂ©cidive, rechute ou aggravation survenue le 28 octobre 2002 et, par le fait mĂŞme, refuse les frais de dĂ©placement engagĂ©s pour les visites mĂ©dicales des 28 novembre, 2 et 31 dĂ©cembre 2002 de mĂŞme que celle du 16 janvier 2003, dĂ©cision que la travailleuse porte en rĂ©vision le 27 fĂ©vrier 2003.

[57]           Ă€ la demande du reprĂ©sentant de la travailleuse, le docteur Jean-Pierre Bernatchez, psychiatre, examine la travailleuse le 17 mars 2003 afin de rĂ©pondre Ă  diffĂ©rentes questions dont, entre autres, la relation avec cet Ă©tat psychologique et cet accident du 28 septembre 1999 et ses consĂ©quences orthopĂ©diques. Dans son expertise rĂ©digĂ©e le mĂŞme jour, le docteur Bernatchez retient le diagnostic suivant :

« Â Â  Axe I :        Trouble de l’adaptation avec humeur mixte : chronique.

 

      Axe II :       PersonnalitĂ© obsessionnelle compulsive.

 

      Axe III :       Tendinite et capsulite Ă  l’épaule gauche avec limitations fonctionnelles permanentes. Tendinite Ă  l’épaule droite, Ă©picondylite au coude droit.

 

      Axe IV :      La confrontation avec la permanence des sĂ©quelles et l’impossibilitĂ© de retour Ă  son ancien emploi de cuisinière a Ă©tĂ© pour elle un stresseur majeur en ce sens que cela a entraĂ®nĂ© chez elle une perte d’estime, un sentiment de dĂ©valorisation, une atteinte Ă  l’image de soi. La dĂ©cision de la CSST de lui dĂ©terminer un emploi convenable sans lui assurer une formation adĂ©quate est un stresseur supplĂ©mentaire aggravant la condition psychique.

 

      Axe V :      60. Â»

 

 

[58]           Au chapitre de son opinion, le docteur Bernatchez s’exprime alors comme suit :

« Il est tout Ă  fait clair, Ă  mon avis, que les sĂ©quelles permanentes et les limitations fonctionnelles permanentes de cet accident, lesquelles empĂŞcheront pour toujours Madame de revenir Ă  son emploi de cuisinière dans lequel elle trouvait toute sa valorisation personnelle ont entraĂ®nĂ© un trouble de l’adaptation.

 

Jusqu’à ce que l’évaluation définitive des séquelles orthopédiques et la consolidation soit prononcée, elle avait gardé espoir d’une récupération satisfaisante et il n’y avait pas eu d’atteinte psychiatrique.

 

Lorsqu’il y a eu confirmation des séquelles et de l’impossibilité de retour à son ancien travail, Madame a subi ainsi sur le plan psychique une perte importante, une diminution d’estime de soi, une atteinte à l’image de soi. Elle perdait ainsi son sentiment d’autonomie et sa source de valorisation personnelle et c’est à partir de ce moment que sont apparus les symptômes dans la sphère psychique qui correspondent à un trouble de l’adaptation avec humeur mixte.

 

Elle a été en thérapie et il y a eu amélioration significative de la condition jusqu’à la détermination de l’emploi convenable.

 

Le fait que la CSST refuse de lui permettre une formation supplémentaire a créé chez elle non seulement  une insécurité importante face à l’idée de postuler un emploi pour lequel elle n’a aucune expérience ni formation en plus à son âge, mais surtout, et c’est là le facteur le plus important, à mon avis, en raison de son style de personnalité pour lequel le sentiment d’être en contrôle est essentiel, une impossibilité psychique d’aller dans la direction d’aller postuler un genre d’emploi dans lequel elle sent qu’elle n’a aucune compétence.

 

Il importe donc de comprendre que ce n’est pas que Madame ne veut pas collaborer, ne veut pas faire un retour au travail ou que c’est la détermination en soi de l’emploi convenable qui la fait réagir ainsi, mais bien plutôt le fait de lui refuser une formation pour cet emploi convenable, laquelle formation lui permettrait, en accord avec son style de personnalité, de développer un sentiment de confiance et de compétence et en somme de contrôle et ainsi d’avoir davantage d’assurance pour aller faire face à un employeur.

C’est ce contexte qui a entraîné une aggravation du trouble de l’adaptation et ceci, à mon avis, est en lien direct avec les séquelles et les limitations fonctionnelles de l’accident.

 

On ne peut donc actuellement établir de DAP puisque Madame n’est pas actuellement consolidée sur le plan psychiatrique.

 

Le suivi psychothérapeutique devrait être continué pour aider Madame dans son trouble d’adaptation et devrait donc, à mon avis, être défrayé par la CSST.

 

Un élément important qui favoriserait le succès de la démarche de réinsertion au travail de cette dame serait qu'on lui accorde une période de formation qui augmenterait son sentiment de compétence et surtout son sentiment d’être en contrôle face à une situation nouvelle pour elle. Ceci serait tout à fait en accord avec sa personnalité.

 

Je tiens ici à souligner qu’à son âge, le stress d’aller postuler pour un tout nouveau type d’emploi dans lequel on a ni expérience ni formation préalable n’est certainement pas banal. Il ne faut pas minimiser les difficultés et exigences du marché du travail et sans formation ni expérience, Madame n’est certainement pas la candidate idéale pour un employeur.

 

Par ailleurs, il est bien certain que s’il Ă©tait possible Ă  Madame d’obtenir une aide-subvention pour le commerce de salon de bronzage qu’elle opère dĂ©jĂ , cela serait certainement facilitant, dans le sens oĂą Madame pourrait y trouver plus facilement un sentiment de contrĂ´le d’autonomie qui met Ă  profit l’expĂ©rience qu’elle a dĂ©jĂ  dans le domaine. Â» [sic]

 

 

[59]           Le 14 octobre 2003, la rĂ©vision administrative confirme les deux dĂ©cisions rendues par la CSST le 18 fĂ©vrier 2003 tant sur le refus de la rĂ©clamation pour rĂ©cidive, rechute ou aggravation vĂ©cue le 28 novembre 2002 que sur le refus de rembourser les frais de dĂ©placement encourus pour les visites mĂ©dicales, dĂ©cisions qui donnent lieu Ă  la contestation dĂ©posĂ©e Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles le 15 octobre 2003 au nom de la travailleuse.

[60]           Ă€ l’audience, la reprĂ©sentante de la travailleuse dĂ©pose, sous les cotes T-1 et   T-2, des extraits du Code canadien des professions. La reprĂ©sentante de la CSST, quant Ă  elle, dĂ©pose en liasse sous la cote I-1, une mise Ă  jour du dossier de la travailleuse. Par la suite, la travailleuse et madame Martine Guay livrent tĂ©moignage.

[61]           Du tĂ©moignage de la travailleuse, la Commission des lĂ©sions professionnelles retient qu’elle a des douleurs Ă  l’épaule gauche depuis le mois de septembre 1999 et consulte rĂ©gulièrement la docteure ThĂ©berge pour cette condition.

[62]           Elle fait usage de nombreux mĂ©dicaments malgrĂ© la consolidation de sa lĂ©sion fixĂ©e au 1er mars 2002 tels que Hydromorphone, Paxil, Vioxx, Tylenol extra-forte, Dilaudid, pour ne nommer que ceux-ci. Le Tylenol lui est prescrit par son mĂ©decin puisqu’elle ne peut faire usage de plus d’un comprimĂ© de Vioxx par jour.

[63]           Elle n’a jamais eu de problèmes psychologiques avant sa lĂ©sion professionnelle et aujourd’hui accepte difficilement sa condition physique.

[64]           Elle consulte un psychothĂ©rapeute depuis le mois de mai 2000 et, malgrĂ© le fait que la CSST ne dĂ©fraie plus le coĂ»t des consultations depuis la 12e rencontre, elle poursuit nĂ©anmoins ces consultations car elle en a besoin et cela lui procure un certain bien-ĂŞtre.

[65]           Elle reprend ses antĂ©cĂ©dents professionnels dont, entre autres, sa dernière fonction de cuisinière.

[66]           Elle a su concilier sa vie professionnelle en travaillant comme cuisinière le matin et comme travailleuse autonome dans l’après-midi oĂą elle gère un salon de bronzage.

[67]           MalgrĂ© qu’elle n’ait pas complĂ©tĂ© son secondaire III, elle parle et Ă©crit très bien le français et se dĂ©brouille en anglais.

[68]           Elle a rencontrĂ© madame Provencher Ă  trois reprises entre juin et septembre 2002 dans le but d’identifier un emploi convenable pour elle.

[69]           Elle ne connaĂ®t pas la fonction de commis au service Ă  la clientèle et aurait aimĂ© bĂ©nĂ©ficier d’une formation avant la dĂ©termination de cet emploi pour se sensibiliser avec l’informatique.

[70]           Elle ne se sent pas capable d’exercer ce travail de commis au service Ă  la clientèle et Ă©prouve de l’anxiĂ©tĂ© face Ă  ses dĂ©marches pour se trouver cet emploi. Elle ira jusqu’à dire qu’elle n’a pas eu d’assistance de la part de la CSST si ce n’est les quatre noms de personnes ressources avancĂ©s par sa conseillère en orientation. Après deux tentatives infructueuses, elle a dĂ©cidĂ© de jeter ces quatre noms Ă  la poubelle.

[71]           En contre-interrogatoire, la reprĂ©sentante de la CSST s’attarde sur le curriculum vitae de la travailleuse dont, entre autres, les forces qu’elle y mentionne. La travailleuse parle de ces forces au passĂ©.

[72]           En terminant, la travailleuse a espoir de s’en sortir et d’être capable de rĂ©intĂ©grer le marchĂ© du travail.

[73]           Du tĂ©moignage de madame Martine Guay, la Commission des lĂ©sions professionnelles retient qu’elle est chef d’équipe en rĂ©adaptation Ă  la CSST depuis 1995 et a Ă©tĂ© conseillère en rĂ©adaptation pendant 17 ans pour cet organisme.

[74]           Elle a pris en charge le dossier de la travailleuse en rĂ©adaptation au mois de mai 2002.

[75]           MalgrĂ© la mention d’état dĂ©pressif tel que le mentionne la docteure ThĂ©berge le 25 avril 2002 et dĂ©tresse psychologique que rapporte monsieur Beaulieu dans son rapport du 28 juin 2002, elle estime tout de mĂŞme que la travailleuse semblait apte Ă  s’intĂ©grer dans un processus de rĂ©adaptation visant son retour au travail dans un emploi convenable. Madame Guay rĂ©fère Ă  ce moment aux diffĂ©rents intervenants qui mentionnaient que cela allait très bien avec la travailleuse.

[76]           Elle n’a pas jugĂ© bon d’accepter la formation demandĂ©e par la travailleuse puisqu’elle avait une expĂ©rience professionnelle diversifiĂ©e.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[77]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter l’ensemble des contestations de la travailleuse.

[78]           Selon elle, les problèmes d’ordre psychologique que prĂ©sente la travailleuse les 25 avril et 28 novembre 2002 relèvent exclusivement d’une dĂ©marche administrative avec la CSST et, au surplus, constate que l’état dĂ©pressif de la travailleuse n’est pas en soi un diagnostic de maladie psychologique.

[79]           Ainsi, la CSST Ă©tait justifiĂ©e de ne pas dĂ©frayer le coĂ»t pour les frais de dĂ©placement engagĂ©s pour rencontrer son mĂ©decin pour cette condition aux mois de novembre, dĂ©cembre 2002 et janvier 2003.

[80]           Quant Ă  l’emploi convenable, elle reconnaĂ®t en celui-ci le respect des critères de l’emploi convenable tel que le dĂ©finit la loi et souscrit Ă©galement au refus pour un programme de formation et/ou plan d’affaires proposĂ© par la travailleuse. Pour elle, la travailleuse possède une expĂ©rience diversifiĂ©e sur le marchĂ© du travail qui comble amplement certaines lacunes.

[81]           Finalement, le refus de payer les Tylenol extra-forte se fonde sur l’absence d’ordonnance mĂ©dicale Ă  cet effet de la part de son mĂ©decin traitant.

[82]           Le membre issu des associations syndicales estime, quant Ă  lui, que la preuve prĂ©pondĂ©rante permet d’établir de façon crĂ©dible et vraisemblable que les problèmes psychologiques que prĂ©sente la travailleuse, les 25 avril et 28 novembre 2002, dĂ©bordent amplement la simple relation administrative avec la CSST. Pour lui, la chronicitĂ© du phĂ©nomène douloureux impliquant l’épaule gauche de la travailleuse associĂ©e Ă  la perte du contrĂ´le de sa vie, perte de son emploi, perte de l’estime d’elle, constituent ici autant d’élĂ©ments de preuve qui, pris dans leur ensemble, permettent d’expliquer raisonnablement cet Ă©tat dĂ©pressif que prĂ©sente la travailleuse.

[83]           C’est principalement en raison de cet Ă©tat dĂ©pressif qu’il croit que toute dĂ©marche en rĂ©adaptation prĂ©maturĂ©e au mois de mai 2002, d’oĂą la conclusion qu’il tire sur l’annulation de cet emploi convenable.

[84]           Quant au litige portant sur les frais de dĂ©placement pour les consultations auprès de son mĂ©decin aux mois de novembre, dĂ©cembre 2002 et janvier 2003, il est d’avis que la CSST doit les assumer et qu’il en est de mĂŞme en ce qui a trait au Tylenol extra-forte puisque ce mĂ©dicament a Ă©tĂ© prescrit par son mĂ©decin traitant le 27 dĂ©cembre 2001.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

DOSSIER 197607-03B-0301

[85]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer si la CSST doit payer le coĂ»t engendrĂ© pour l’achat du Tylenol extra-forte engagĂ© par la travailleuse le 28 dĂ©cembre 2001.

[86]           La loi prĂ©voit, Ă  son article 188, que le travailleur victime d’une lĂ©sion professionnelle a droit Ă  l’assistance mĂ©dicale que requiert son Ă©tat, l’assistance mĂ©dicale comprenant, entre autres, selon l’article 189, 3e alinĂ©a, les mĂ©dicaments et autres produits pharmaceutiques.

[87]           L’article 194 de la loi Ă©tablit que le coĂ»t de l’assistance mĂ©dicale est Ă  la charge de la CSST.

[88]           Dans la mesure oĂą la CSST n’a pas entrepris une dĂ©marche en bonne et due forme pour contester la nĂ©cessitĂ© pour la travailleuse de faire usage du Tylenol extra-forte, on doit, Ă  ce moment, reconnaĂ®tre qu’elle demeure liĂ©e par cette prescription.

[89]           Dès lors, la CSST est tenue de rembourser ce mĂ©dicament prescrit Ă  la travailleuse mĂŞme si, dans les faits, ce produit se retrouve en vente libre sur les tablettes.

[90]           On pourrait toujours prĂ©tendre que la travailleuse n’a pas produit une prescription au soutien de l’achat de ces Tylenol mais, encore ici, un simple appel tĂ©lĂ©phonique Ă  la docteure ThĂ©berge aurait permis de clarifier cette situation puisque dans ses notes manuscrites du 27 dĂ©cembre 2001, elle prescrivait bel et bien du Tylenol extra-forte Ă  la travailleuse.

DOSSIER 197608-03B-0301

[91]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer si le plan individualisĂ© de rĂ©adaptation visant la dĂ©termination d’un emploi convenable correspond Ă  ce que la loi prĂ©voit en pareille circonstance et, subsĂ©quemment, si l’emploi de commis au service Ă  la clientèle est convenable Ă  la travailleuse.

DOSSIERS 197609-03B-0301 ET 217901-03B-0310

[92]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer si la travailleuse prĂ©sente, les 25 avril et 28 novembre 2002, une lĂ©sion professionnelle Ă  titre de rĂ©cidive, rechute ou aggravation et, subsĂ©quemment, dĂ©terminer si la CSST est tenue de rembourser la travailleuse des frais engagĂ©s pour se dĂ©placer pour rendre visite Ă  son mĂ©decin aux mois de novembre, dĂ©cembre 2002 et janvier 2003.

[93]           Compte tenu des particularitĂ©s du cas sous Ă©tude, la Commission des lĂ©sions professionnelles est d’avis de disposer en premier lieu des litiges axĂ©s sur la lĂ©sion psychologique que prĂ©sente la travailleuse les 25 avril et 28 novembre 2002 et, si nĂ©cessaire, de traiter des litiges portant sur la rĂ©adaptation sociale.

[94]           La loi dĂ©finit Ă  son article 2, la « lĂ©sion professionnelle Â» comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[95]           Il ressort de cette dĂ©finition qu’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation peut, pour les droits prĂ©vus Ă  la loi prĂ©citĂ©e, constituer une lĂ©sion professionnelle.

[96]           En semblable matière, la Commission des lĂ©sions professionnelles et antĂ©rieurement la Commission d’appel en matière de lĂ©sions professionnelles (la Commission d’appel) ont, Ă  maintes reprises, rĂ©itĂ©rĂ© toute l’importance pour le travailleur de dĂ©montrer, par une preuve prĂ©pondĂ©rante, la relation entre la nouvelle pathologie et la lĂ©sion professionnelle antĂ©rieure.

[97]           Ă€ ce titre, la Commission des lĂ©sions professionnelles retient de la preuve que la travailleuse n’a jamais prĂ©sentĂ© de lĂ©sion psychologique avant que ne survienne sa lĂ©sion professionnelle du 28 septembre 1999 impliquant son Ă©paule gauche.

[98]           Au dĂ©but, elle prĂ©sente une tendinite de l’épaule gauche qui Ă©volue vers une capsulite.

[99]           MalgrĂ© les traitements conservateurs qui se sont Ă©chelonnĂ©s sur plusieurs mois, sa condition physique ne s’est aucunement amĂ©liorĂ©e.

[100]       Le 5 octobre 2001, le docteur du Tremblay opère la travailleuse, opĂ©ration vĂ©cue sous forme d’arthroscopie et acromioplastie.

[101]       Cette intervention chirurgicale n’a pas donnĂ© les rĂ©sultats escomptĂ©s puisque la travailleuse demeure avec des douleurs intenses et chroniques au niveau de son Ă©paule gauche.

[102]       Devant l’échec de ces traitements, il n’est donc pas Ă©tonnant de voir la travailleuse dĂ©velopper une humeur plutĂ´t triste que prend soin de dĂ©crire la docteure Marie-Claude CĂ´tĂ©, le 4 avril 2002. Cette dernière rapporte Ă©galement que la travailleuse s’est mise Ă  pleurer Ă  deux reprises lors de son examen.

[103]       Dès le 25 avril 2002, la docteure ThĂ©berge, mĂ©decin qui suit la travailleuse depuis le tout dĂ©but, dĂ©crit dans ses notes manuscrites que la travailleuse pleure Ă  l’entrevue. Elle est triste et dĂ©couragĂ©e. La travailleuse n’accepte pas de rester avec des douleurs intolĂ©rables, handicap physique qui l’empĂŞche de poursuivre son travail. La docteure ThĂ©berge retient finalement le diagnostic d’état dĂ©pressif et rĂ©fère la travailleuse Ă  un psychothĂ©rapeute après lui avoir prescrit des antidĂ©presseurs.

[104]       Le travailleur social et psychothĂ©rapeute consultĂ© par la travailleuse pour cet Ă©tat dĂ©pressif le qualifie de sĂ©vère lors de sa première consultation le 8 mai 2002, consĂ©cutif aux douleurs chroniques et perte de son emploi. Dans son rapport datĂ© du 28 juin 2002, monsieur Beaulieu ira jusqu’à rĂ©fĂ©rer Ă  une dĂ©tresse psychologique exacerbĂ©e par ce processus de rĂ©adaptation entrepris par la CSST.

[105]       InterrogĂ© spĂ©cifiquement sur la relation entre ce problème psychologique que prĂ©sente la travailleuse et son accident du 28 septembre 1999 et les consĂ©quences orthopĂ©diques, le docteur Jean-Pierre Bernatchez, psychiatre, rĂ©fère, dans son expertise rĂ©digĂ©e le 17 mars 2003, au diagnostic Ă  son axe I de trouble de l’adaptation avec humeur mixte : chronique. Ă€ son axe II, il parle d’une personnalitĂ© obsessionnelle compulsive. Ă€ son axe III, d’une tendinite et capsulite Ă  l’épaule gauche avec limitations fonctionnelles permanentes et son axe IV, soumet que la confrontation avec la permanence des sĂ©quelles et l’impossibilitĂ© de retourner Ă  son emploi de cuisinière a Ă©tĂ© pour la travailleuse un stresseur important majeur en ce sens que cela a abouti Ă  une perte d’estime d’elle, un sentiment de dĂ©valorisation, une atteinte Ă  l’image de soi. La dĂ©cision de la CSST de lui dĂ©terminer un emploi convenable, sans lui assurer une formation adĂ©quate, est un stresseur supplĂ©mentaire aggravant la condition psychique.

[106]       Le docteur Bernatchez insiste au chapitre de son opinion pour dire que ce sont les sĂ©quelles permanentes et les limitations fonctionnelles engendrĂ©es par cet accident, et qu’elles empĂŞchent pour toujours la travailleuse de revenir Ă  son emploi de cuisinière dans lequel elle trouvait toute la valorisation personnelle, qui ont entraĂ®nĂ© un trouble d’adaptation, approche que partage d’emblĂ©e la Commission des lĂ©sions professionnelles.

[107]       Ainsi, que ce soit la docteure CĂ´tĂ©, la docteure ThĂ©berge, monsieur Beaulieu ou le docteur Bernatchez, tous s’entendent pour faire Ă©tat que la travailleuse prĂ©sente une lĂ©sion psychologique qui est en Ă©troite relation avec sa lĂ©sion professionnelle initiale et des consĂ©quences qu’elle entraĂ®ne.

[108]       La Commission des lĂ©sions professionnelles ne retient donc pas l’analyse qu’en fait la rĂ©vision administrative sur le plan psychologique lorsqu’elle souligne qu’elle ne peut accepter le problème psychologique dĂ©coulant de la non-acceptation par la travailleuse de sa rĂ©fĂ©rence en rĂ©adaptation sociale. Limiter la problĂ©matique psychologique de la travailleuse qu’à cet aspect du dossier, c’est faire abstraction des autres consĂ©quences engendrĂ©es par cette lĂ©sion professionnelle qui, par surcroĂ®t, se trouvent abondamment avancĂ©es dans le dossier par les diffĂ©rents intervenants.

[109]       La Commission des lĂ©sions professionnelles ne partage pas Ă©galement l’argument de l’avocate rĂ©gionale lorsqu’elle Ă©carte le diagnostic d’état dĂ©pressif comme diagnostic psychologique.

[110]       Il est vrai que le diagnostic d’état dĂ©pressif ne correspond pas Ă  celui que l’on retrouve dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), outil de rĂ©fĂ©rence utilisĂ© pour les maladies psychologiques. Toutefois, la Commission des lĂ©sions professionnelles ne peut, sur ce seul fait, pĂ©naliser la travailleuse et ainsi se fermer les yeux volontairement sur les symptĂ´mes qui le sous-tendent tels que humeur triste, pleurs, dĂ©couragement, perte de sommeil, pour ne nommer que ceux-ci.

[111]       Par ailleurs, ce diagnostic d’état dĂ©pressif est prĂ©cisĂ© par le docteur Bernatchez dans son expertise du 17 mars 2003 lorsqu’il fait la nomenclature des cinq axes au chapitre de son diagnostic.

[112]       On peut donc retenir comme diagnostic de la lĂ©sion psychologique celui d’état dĂ©pressif ou, si l’on veut, trouble d’adaptation avec humeur mixte, diagnostic qui est en Ă©troite relation avec les consĂ©quences de la lĂ©sion professionnelle, du moins, c’est la conclusion qui s’impose si l’on prend en considĂ©ration les nombreuses pertes auxquelles doit faire face la travailleuse telles que la perte d’une partie de sa capacitĂ© physique, la perte d’une certaine qualitĂ© de vie, la perte d’estime d’elle-mĂŞme, perte de son emploi, perte de contrĂ´le de sa vie, perte de la qualitĂ© de son sommeil.

[113]       C’est dans ce contexte des plus particuliers que la Commission des lĂ©sions professionnelles retient que la travailleuse prĂ©sente une lĂ©sion professionnelle Ă  titre de rĂ©cidive, rechute ou aggravation le 25 avril 2002 sur le plan psychologique.

[114]       Cette lĂ©sion psychologique a donnĂ© lieu Ă  la prescription d’antidĂ©presseurs chez la travailleuse et un suivi psychologique effectuĂ© par monsieur Beaulieu.

[115]       MĂŞme si monsieur Beaulieu rĂ©fère dans son rapport d’étape du 18 octobre 2002 que l’état ou la condition dĂ©pressive de la travailleuse est rĂ©sorbĂ©e en grande partie, cette mention n’est pas en soi suffisante pour nous permettre de conclure Ă  une consolidation de cette lĂ©sion psychologique Ă  cette date et interprète les consultations mĂ©dicales subsĂ©quentes dont celle du 28 novembre 2002 comme une continuitĂ© de cette lĂ©sion première.

[116]       De plus, en aucun moment les mĂ©decins consultĂ©s par la travailleuse ont consolidĂ© cette lĂ©sion psychologique dans le temps.

[117]       Cette conclusion fait en sorte que la travailleuse avait bel et bien droit de se faire rembourser les frais engagĂ©s pour ses dĂ©placements afin de consulter son mĂ©decin aux mois de novembre et dĂ©cembre 2002 de mĂŞme qu’au mois de janvier 2003.

DOSSIER 197608-03B-0301

[118]       Tel que dĂ©jĂ  mentionnĂ©, la Commission des lĂ©sions professionnelles doit disposer du litige portant sur l’emploi convenable et le refus par la CSST d’accorder Ă  la travailleuse un programme de formation ou le refus d’accĂ©der Ă  son plan d’affaires proposĂ© par elle.

[119]       D’entrĂ©e de jeu, la Commission des lĂ©sions professionnelles s’étonne que la CSST ait pu, dès le mois de mai 2002, entreprendre une dĂ©marche sĂ©rieuse en rĂ©adaptation avec la travailleuse compte tenu du rapport mĂ©dical de la docteure ThĂ©berge du 25 avril 2002 lorsque cette dernière dĂ©crit très bien l’état dans lequel se trouve actuellement la travailleuse. Elle rapporte que cette dernière pleure pendant l’entrevue. Elle est triste et dĂ©couragĂ©e face aux douleurs intolĂ©rables auxquelles se joint le handicap physique qui compromet son retour dans son emploi de cuisinière.

[120]       Cet Ă©tat dĂ©pressif constatĂ© par la docteure ThĂ©berge l’incite Ă  prescrire Ă  la travailleuse des antidĂ©presseurs de mĂŞme qu’une rĂ©fĂ©rence en psychologie.

[121]       Lors de sa rencontre du 8 mai 2002, monsieur Beaulieu, psychothĂ©rapeute, est Ă  mĂŞme de corroborer l’état de la travailleuse allant jusqu’à rĂ©fĂ©rer Ă  un Ă©tat dĂ©pressif sĂ©vère.

[122]       Ce tableau est Ă©galement repris par ce mĂŞme monsieur Beaulieu dans son rapport du 28 juin 2002 allant mĂŞme jusqu’à parler de dĂ©tresse psychologique exacerbĂ©e par ce processus de rĂ©adaptation.

[123]       Dès lors, la Commission des lĂ©sions professionnelles doute sĂ©rieusement que la travailleuse Ă©tait capable, psychologiquement, de s’impliquer dans une dĂ©marche de rĂ©adaptation, alors qu’à sa face mĂŞme, la travailleuse ne semble pas avoir fait le deuil de son emploi prĂ©lĂ©sionnel et encore moins d’accepter le tableau de douleurs chroniques qui l’affligent quotidiennement.

[124]       Ă€ cette preuve se greffe celle oĂą la travailleuse est suivie mĂ©dicalement pour sa lĂ©sion Ă  son Ă©paule gauche malgrĂ© la consolidation de sa lĂ©sion fixĂ©e au 1er mars 2002.

[125]       MĂŞme si la docteure ThĂ©berge se dit d’accord avec cette date de consolidation de la lĂ©sion de la travailleuse, comment expliquer l’exacerbation de douleurs lors de traitements d’ergothĂ©rapie au point de justifier le mĂ©decin Ă  hausser Ă  quatre comprimĂ©s par jour le Dilaudid ?

[126]       Sans vouloir reprocher Ă  la CSST sa dĂ©marche entreprise en rĂ©adaptation, la Commission des lĂ©sions professionnelles estime nĂ©anmoins que celle-ci est prĂ©maturĂ©e en l’instance et le sera tant et aussi longtemps que la travailleuse n’aura pas atteint un plateau de rĂ©cupĂ©ration sur le plan psychologique.

[127]       Dans l’éventuelle reprise de cette dĂ©marche de rĂ©adaptation, la Commission des lĂ©sions professionnelles tient Ă  souligner que, compte tenu de la personnalitĂ© de la travailleuse, la CSST devra faire preuve de prudence dans la dĂ©termination d’un emploi convenable afin de permettre Ă  la travailleuse de dĂ©velopper l’assurance nĂ©cessaire pour se familiariser avec cet emploi Ă©ventuel et ainsi minimiser l’éventuelle contestation.

[128]       En conclusion, la Commission des lĂ©sions professionnelles annule Ă  toutes fins que de droit cet emploi convenable dĂ©terminĂ© par la CSST le 22 octobre 2002.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DOSSIER 197607-03B-0301

ACCUEILLE la requĂŞte dĂ©posĂ©e Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles le 15 janvier 2003 au nom de madame Nicole Lagueux (la travailleuse);

INFIRME la décision rendue le 13 janvier 2003 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais encourus pour l’achat de Tylenol extra-forte le 28 décembre 2001.

DOSSIER 197608-03B-0301

ACCUEILLE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles au nom de la travailleuse le 15 janvier 2003;

INFIRME l’autre décision rendue le 13 janvier 2003 par la CSST, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE prématuré le processus de réadaptation entrepris au mois de mai 2002 devant mener à la détermination de l’emploi convenable de commis au service à la clientèle le 22 octobre 2002;

ANNULE à toutes fins que de droit la détermination de cet emploi convenable de commis au service à la clientèle déterminé à la travailleuse.

DOSSIERS 197609-03B-0301 ET 217901-03B-0310

ACCUEILLE à nouveau la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 15 janvier 2003 au nom de la travailleuse;

INFIRME la décision rendue le 13 janvier 2003 par la CSST, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse présente, le 25 avril 2002, une lésion professionnelle à titre de récidive, rechute ou aggravation;

DÉCLARE qu’elle a droit aux avantages et privilèges prévus à la loi pour cette lésion professionnelle;

ACCUEILLE également la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles au nom de la travailleuse le 15 octobre 2003;

INFIRME la décision rendue le 14 octobre 2003 par la CSST, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion que présente la travailleuse le 28 novembre 2002 ne constitue pas une lésion professionnelle à titre de récidive, rechute ou aggravation mais bel et bien une continuité de sa lésion professionnelle présentée le 25 avril 2002;

DÉCLARE finalement que la travailleuse a droit d’être remboursée des frais encourus pour se déplacer afin de consulter son médecin pour cette condition aux mois de novembre et décembre 2002 de même qu’au mois de janvier 2003.

 

 

__________________________________

 

Me Claude Lavigne

 

Commissaire

 

 

 

Me Lu Chan Khuong

BELLEMARE, ASSOCIÉS

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Odile Tessier

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 

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