Décision

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Dameus et Corps canadien des commissionnaires

2011 QCCLP 6527

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

7 octobre 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

412127-71-1005-R

 

Dossier CSST :

133570101

 

Commissaire :

Marie Beaudoin, juge administratif

 

Membres :

Jean-Marie Trudel, associations d’employeurs

 

Marcel Desrosiers, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Hervé Lesly Dameus

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Corps Canadien Commissionnaires Mtl

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 26 avril 2011, monsieur Hervé Lesly Dameus (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande de réviser une décision rendue par cette instance le 9 mars 2011.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le10 mai 2010 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 17 novembre 2009 en lien avec la lésion professionnelle initiale survenue le 6 juillet 2008.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[3]           Le travailleur allègue la découverte d’un fait nouveau qui aurait pu justifier une décision différente. Il demande à la Commission des lésions professionnelles d’annuler la décision rendue le 9 mars 2011 ou de surseoir à son application.

L’AVIS DES MEMBRES

[4]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête en révision présentée par le travailleur. Ils estiment que le travailleur n’a pas démontré l’existence d’un fait nouveau au sens de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           Le tribunal doit déterminer si la décision rendue 9 mars 2011 doit être révisée.

[6]           Le législateur prévoit à l’article 429.49 de la loi que la décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel assurant ainsi la stabilité et la sécurité juridique des parties :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[7]           Il a aussi prévu un recours en révision et en révocation pour un des motifs mentionnés à l’article 429.56 de la loi qui édicte ce qui suit :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           En l’espèce, le travailleur fonde sa requête sur le premier paragraphe de l’article 429.56 et invoque la découverte d’un fait nouveau.

[9]           La jurisprudence[2] a établi trois critères pour conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :

-          la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;

-          la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est      tenue l’audience initiale;

-          le caractère déterminant qu’aurait cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.

 

 

[10]        Le travailleur prétend que la lettre du syndic adjoint de l’Ordre professionnel des ergothérapeutes du Québec (30 mars 2011) l’informant des suites de l’enquête sur la pratique professionnelle de l’ergothérapeute qui a procédé à l’évaluation du poste de travail du travailleur constitue un fait nouveau au sens de l’article 429.56 de la loi. Cette lettre donne suite à celle qui a été portée à la connaissance du premier juge administratif (13 avril 2010) et avise le travailleur qu’un expert sera mandaté par le syndic pour émettre un avis sur la conduite de l’ergothérapeute.

[11]        S’agit-il d’un fait nouveau?

[12]        Le premier juge administratif est saisi d’un litige portant sur la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation le 17 novembre 2009 en lien avec une lésion initiale survenue le 6 juillet 2008.

[13]        Le travailleur est agent de sécurité. Il a subi une entorse à la cheville gauche, diagnostic reconnu par la CSST comme étant la conséquence d’un accident du travail. Elle écarte toutefois celui de fracture de l’astragale du pied gauche.

[14]        La décision qui refuse ce diagnostic n’est pas contestée par le travailleur.

[15]        Cette lésion est consolidée depuis le 26 mai 2009. L’atteinte permanente à l’intégrité physique est évaluée à 5.75 %. Le docteur G.H Laflamme, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale décrit des limitations fonctionnelles.

[16]        Le 24 août 2009, madame M. Pardo, ergothérapeute, à la demande de la CSST obtient le mandat de faire « la concordance entre les limitations fonctionnelles émises et les exigences du poste de travail ». Elle conclut qu’à l’exception de certaines situations d’urgence, les exigences du travail d’agent de sécurité sont compatibles avec les limitations fonctionnelles émises par le docteur Laflamme.

[17]        En conséquence, le 16 novembre 2009, la CSST déclare que le travailleur est apte à reprendre son emploi. Cette décision n’est pas contestée.

[18]        Le travailleur présente une réclamation dans laquelle il allègue avoir été victime d’une récidive, rechute ou aggravation le 17 novembre 2009. C’est le litige dont était saisie la première juge administratif. Elle conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle. Après avoir énuméré les critères jurisprudentiels qui servent à analyser une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation, elle retient que bien que certains de ces critères soient rencontrés, le travailleur n’a pas aidé sa propre cause en ne disant pas la vérité sur la présence de blessures anciennes à la cheville gauche. Elle écrit :

[48]      Toutefois, la question d’un traumatisme antérieur demeure une question pertinente à éclaircir dans le cadre de l’analyse d’une récidive, rechute ou aggravation. Le docteur Lavigueur, au soutien de son opinion concernant l’admissibilité d’une récidive, rechute ou aggravation, continue d’affirmer que le travailleur demeure pénalisé par le refus de ce diagnostic de fracture de l’astragale qu’il croit être en relation avec la lésion professionnelle initiale, et ce, en se fondant sur le fait que le travailleur, qu’il connaît depuis 2002, n’a jamais eu de problèmes antérieurs à la cheville.

 

[49]      Les différents examens radiologiques et d’imagerie médicale ne sont pas d’une clarté absolue non plus. Selon la résonance magnétique, le travailleur présente des phénomènes arthrosiques à la cheville gauche, mais aussi des traces interprétées comme des entorses anciennes. Selon le protocole radiologique, c’est la fracture de l’astragale qui serait ancienne.  Dans ces deux examens, il est question d’un ancien traumatisme à la cheville gauche.

 

[50]      Dans ce contexte, le témoignage du travailleur à cet égard est important. Et, malheureusement, son témoignage ne tient pas la route sur la présence ou non d’antécédents. Cela est consternant, puisque le fait d’avoir eu un arrêt de travail de deux jours pour une entorse de la cheville gauche en 2007 n’est pas en soi un facteur déterminant et suffisant pour refuser une récidive, rechute ou aggravation, mais en autant que l’on puisse croire le travailleur que c’est le seul épisode.

 

[51]      Or, le fait de ne pas dire la vérité ou de chercher à l’éluder, ce qui revient au même, a des conséquences, puisque l’on ne peut se fier aux réponses données. Les explications du travailleur étaient alambiquées en affirmant qu’il ne s’agissait que d’un billet médical pour une réclamation à l’assurance-emploi ou à l’assurance-salaire, laissant entendre que l’on devrait faire une différence entre une entorse à la cheville dans le cas d’une réclamation à la CSST versus une réclamation à l’assurance-salaire. Le travailleur a eu plus d’une chance de s’expliquer convenablement sur cet aspect à l’audience, mais n’en a pas saisi l’occasion. 

 

[52]      Le dossier démontre qu’il y a eu une reprise de symptômes lors du retour au travail. Cependant, il faut être en mesure de relier cet épisode à l’accident initial et non à d’autres événements ou d’autres conditions.

 

[53]      Selon l’opinion du docteur Lavigueur, cette détérioration est en lien avec la lésion professionnelle initiale, et ce, en s’appuyant sur le fait que le travailleur n’a jamais eu de problèmes antérieurs à la cheville gauche, ce qui a été contredit à l’audience. Ainsi, l’opinion du docteur Lavigueur est de ce fait moins probante.

 

 

[19]        Par ailleurs, il a été porté à la connaissance de la première juge administratif que l’ergothérapeute concernée par l’évaluation du poste de travail d’agent de sécurité faisait l’objet d’une enquête concernant sa pratique professionnelle. À ce sujet, le premier juge administratif fait la remarque suivante :

[56]      Le travailleur n’a pas contesté la décision de la CSST le déclarant apte à reprendre son emploi, malgré des limitations fonctionnelles. Toutefois, la lettre d’enquête émanant de l’Ordre des ergothérapeutes concernant l’ergothérapeute qui a procédé à l’étude du poste de travail mentionne qu’il s’est produit une problématique importante dans l’évaluation du poste de travail du travailleur. L’enquête se poursuit, mais cette donnée à elle seule devrait inciter la CSST à reprendre le processus dans la perspective où des failles ont été trouvées pour éviter que le travailleur ne soit pénalisé d’une démarche qui ne respecterait pas les règles de l’art.

 

 

[20]        Il semble que cette remarque a été considérée puisque la CSST, en mai 2011, a donné mandat à deux autres ergothérapeutes de faire l’évaluation du poste de travail d’agent de sécurité et de vérifier la compatibilité entre ces exigences et les limitations fonctionnelles émises. La conclusion retenue confirme que les exigences du travail respectent les limitations fonctionnelles émises.

[21]        À la lumière de l’ensemble de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête présentée par le travailleur.

[22]        La preuve ne met pas en évidence, la découverte d’un fait nouveau, postérieurement à la décision qui aurait pu avoir un effet déterminant sur le sort du litige.

[23]        D’une part, le fait que l’ergothérapeute fasse l’objet d’une enquête sur ses pratiques professionnelles n’a rien de nouveau. Ce fait est connu au moins depuis la lettre du 13 avril 2010 qui a été portée à la connaissance de la première juge administratif. Plus précisément, il est connu depuis cette correspondance que des problèmes importants ont été notés. La lettre qui est postérieure à la décision de la Commission des lésions professionnelles ne fait qu’informer le travailleur de la poursuite des démarches entreprises par l’ordre professionnel.

[24]        D’autre part, cet élément n’est pas pertinent à la solution du litige dont était saisie la Commission des lésions professionnelles. Il ne s’agit donc pas d’un élément qui aurait pu justifier une décision différente. En effet, l’analyse de la concordance entre les limitations fonctionnelles émises et les exigences d’un travail n’est pas utile dans le cadre du litige dont était saisi la première juge administratif. Cette analyse est toutefois la pierre angulaire d’une décision traitant de la capacité de retour au travail.

[25]        Même si l’ergothérapeute devait être blâmée d’une quelconque façon, la décision de la première juge administratif n’aurait pas été différente. Le refus aurait été maintenu car il est fondé sur le comportement même du travailleur qui, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, n’a pas offert un témoignage crédible sur un élément essentiel à la solution du litige.

[26]        Le tribunal conclut qu’il n’y a pas de motifs donnant ouverture à la révision ou à la révocation de la décision rendue le 9 mars 2011.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision ou révocation de monsieur Hervé Lesly Dameus.

 

 

__________________________________

 

 

Marie Beaudoin

 

Me Aymar Missakila

 

            Représentant de la partie requérante

 

 

Me Nicolas Joubert

LAVERY, DE BILLY

            Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Julie St-Hilaire

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

            Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Bouchard et Construction Norascon inc. et al, C.L.P. 210650-08-0306, le 18 janvier 2008, L. Nadeau.

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