Décision

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L.B. et [Compagnie A]

2009 QCCLP 658

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

30 janvier 2009

 

Région :

Outaouais

 

Dossier :

342156-07-0803

 

Dossier CSST :

117742627

 

Commissaire :

Suzanne Séguin, juge administratif

 

Membres :

Raymond Groulx, associations d’employeurs

 

Robert Potvin, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

L… B…

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

[Compagnie A]

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]                Le 10 mars 2008, monsieur L… B… (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 février 2008 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 19 février 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du médicament Lévitra.

[3]                L’audience s’est tenue le 29 janvier 2009 à Gatineau en présence du travailleur qui n’est pas représenté. [La Compagnie A] (l’employeur), bien que dûment convoqué, n’est pas représenté à l’audience. La cause est mise en délibéré à la date de l’audience, soit le 29 janvier 2009.

[4]                La présente décision est caviardée étant donné le caractère privé de certaines informations qu’elle contient.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit au remboursement du Lévitra.

 

LES FAITS

[6]                Le 3 décembre 1999, le travailleur subit une maladie professionnelle en raison de la surdité professionnelle dont il souffre.

[7]                Le 10 juin 2005, la CSST déclare que les nouveaux diagnostics d’acouphène et de névrose secondaire à l’atteinte auditive sont en relation avec la lésion professionnelle du 3 décembre 1999.

[8]                Le docteur Jean-François Coupal, omnipraticien qui a pris charge du travailleur, en assure un suivi constant et pose les diagnostics d’anxiété, d’angoisse et de dépression majeure et prescrit de l’Effexor, du Rivotril et du Seroquel et recommande un suivi par un psychologue.

[9]                Le 21 novembre 2006, le docteur Berthiaume rencontre le travailleur à la demande de la CSST. Il prend, au moment de l’examen, de l’Effexor, du Mirapex, du Rivotril, de Levocap, du Dalmane, du Verapamil et de l’Asaphen.

[10]           Le travailleur relate qu’il a des problèmes de mémoire et que sa concentration est très mauvaise. Il ajoute qu’il est de plus en plus anxieux et hypersensible aux bruits. Il est très nerveux au volant et il se décrit comme irritable.

[11]           À l’examen mental, le contenu de la pensée révèle des plaintes somatiques chroniques, un sentiment de diminution physique et cognitif, ainsi qu’une angoisse très importante. Le travailleur présente de légères difficultés de mémoire et de concentration en rapport avec son anxiété. L’humeur est anxieuse et dysphorique et l’autocritique est faible.

[12]           Le docteur Berthiaume pose le diagnostic de trouble somatoforme indifférencié avec composante anxiodépressive. Il suggère de faire un sevrage graduel du Rivotril et du Dalmane et d’utiliser, de façon prédominante, du Seroquel, tout en continuant à utiliser l’Effexor.

[13]           Il ajoute que la lésion professionnelle entraîne des limitations fonctionnelles importantes en raison de son trouble somatoforme indifférencié et aussi en raison de son humeur anxieuse et dépressive, de ses troubles cognitifs, de sa tendance à se percevoir comme une victime et comme quelqu’un qui n’est pas capable de faire face au monde du travail. Il conclut donc qu’il sera difficile de lui trouver un emploi convenable.

[14]           Le docteur Berthiaume estime que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique dont le déficit anatomophysiologique est de 15 % pour une névrose de groupe 2, c’est-à-dire que :

L’intensité symptomatique de la névrose, quoique d’ordinaire variable, oblige le sujet à un recours constant à des mesures thérapeutiques soulageantes, à une modification de ses activités quotidiennes conduisant à une réduction plus ou moins marquée de son rendement social et personnel. Le syndrome peut s’accompagner de désordres psychophysiologiques fonctionnels nécessitant un traitement symptomatique et occasionnant un arrêt intermittent des activités régulières.

 

 

[15]           Le 4 janvier 2007, le docteur Coupal écrit dans « l’information médicale complémentaire écrite » qu’il est d’accord avec les diagnostics posés par le docteur Berthiaume ainsi qu’avec les traitements et la nature des limitations fonctionnelles permanentes.

[16]           Par contre, il écrit qu’il n’a pas la connaissance pour évaluer l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique.

[17]           Le 8 février 2007, le docteur Coupal prescrit du Lévitra ainsi que du Seroquel, de l’Effexor et du Clonazepam.

[18]           Le 19 février 2007, la CSST refuse la demande de remboursement du Lévitra au motif que le médicament n’est pas relié au traitement de la lésion professionnelle. Cette décision est maintenue à la suite d’une révision administrative le 4 février 2008, d’où la présente contestation.

[19]           Le 11 avril 2007, le travailleur rencontre la docteure Suzanne Benoit, psychiatre, membre du Bureau d’évaluation médicale, afin qu’elle produise son avis sur l’existence et le pourcentage de l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique.

[20]           Le travailleur lui relate qu’il ne réussit pas à avoir des relations sexuelles avec son épouse à cause des effets secondaires de sa médication. De plus,  il a des oublis, son sommeil n’est pas vraiment bon, il est agressif, irritable et il peut avoir des idées suicidaires. Il est très centré et très hypervigilant à toute forme de bruit qui pourrait survenir.

[21]           À l’examen, la docteure Benoit note un tremblement important. Elle écrit que l’humeur est dysphorique, caractérisée par beaucoup de frustrations et d’anxiété et un état de victimisation important. Elle ajoute qu’il est centré sur son hyperacousie, sur ce qui pourrait le rendre inconfortable et c’est ce qui occupe son existence actuellement.

[22]           Elle conclut que le travailleur présente l’équivalent d’un trouble somatoforme atypique chronique et une symptomatologie anxiodépressive sous forme d’un trouble d’adaptation et qu’il est régressé actuellement d’une façon très significative.

[23]           La docteure Benoit estime que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique dont le déficit anatomophysiologique est de 15 % pour une névrose de groupe 2 étant donné que le travailleur a recours constamment à des mesures thérapeutiques soulageantes.

[24]           Le 24 mai 2007, le docteur Coupal écrit dans son rapport médical que le travailleur a fait son deuil du travail, qu’un plateau est atteint en santé mentale et qu’il continuera à lui prescrire de l’Effexor, du Seroquel, du Clonazepam et du Cialis.

[25]           Le 22 mai 2008, le docteur Coupal prescrit du Mirapex, du Seroquel, de l’Effexor, du Clonazepam et du Levocarb et il écrit que :

À qui de droit :

 

Plusieurs des médicaments du patient causent fréquemment ↓ libido ↓ orgasme ↓ érection qui sont souvent corrigés par le Lévitra.

 

En effet, l’Effexor est très efficace mais est souvent associé à l’impuissance, ce qui est corrigé par le Lévitra. Il prend d’autres médicaments qui peuvent causer de l’impuissance (Mirapex - Clonazepam - Seroquel) mais de beaucoup le pire est l’Effexor.

 

En plus, la dépression est une autre cause de perte d’orgasme, d’érection et de libido. Le patient est en rémission partielle.

 

L’angoisse est une autre cause d’impuissance. Le patient est resté très anxieux, malgré les médicaments puissants.

 

[26]           À l’audience, le travailleur explique qu’il attribue ses problèmes de dysfonction sexuelle à l’anxiété qu’il ressent et à la prise de médicaments.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[27]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales accueilleraient la requête du travailleur puisque, selon eux, la preuve médicale prépondérante démontre que le Lévitra est en relation avec la lésion professionnelle du travailleur.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du Lévitra.

[29]           Les articles 188 et 189 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoient ce qui suit :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

Le tribunal souligne.

 

[30]           Le travailleur a donc droit au remboursement des médicaments que requiert son état en raison de sa lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si le Lévitra, prescrit par le docteur Coupal, est en relation avec la lésion professionnelle du travailleur dont les diagnostics sont un acouphène, une névrose secondaire à l’atteinte auditive et un trouble somatoforme indifférencié avec composante anxiodépressive.

[31]           Le docteur Coupal prescrit des médicaments au travailleur afin de contrer sa symptomatologie anxiodépressive et il ne fait pas de doute que ces médicaments, dont le Mirapex, l’Effexor, le Seroquel et le Clonazepam sont en relation avec le diagnostic de trouble somatoforme indifférencié avec composante anxiodépressive.

[32]           Selon l’opinion du docteur Coupal ces médicaments, dont l’Effexor, causent la baisse de libido, d’orgasme et une dysfonction érectile. La dépression et l’angoisse sont aussi source d’impuissance.

[33]           Comme le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire L’Écuyer et Wal-Mart Canada inc.[2] :

[57]      Or, tant les médicaments prescrits que l’atteinte psychologique sont reliés à la lésion professionnelle. Leurs effets secondaires doivent donc être considérés en relation avec cette lésion.

 

 

[34]           Donc, le tribunal estime que la preuve prépondérante démontre que la prise de médicaments rendue nécessaire par la lésion professionnelle, dont l’Effexor, ont pour effet secondaire la baisse de libido, d’orgasme et la dysfonction érectile.

[35]           Par  conséquent, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a droit au remboursement du médicament Lévitra étant donné qu’il a pour but de corriger les effets secondaires des médicaments pris en raison de la lésion professionnelle.

 

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur L… B…, le travailleur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 février 2008 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du médicament Lévitra.

 

 

__________________________________

 

Suzanne Séguin

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

 

[2]           C.L.P. 316487-71-0705, 15 mai 2008, C. Racine

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