Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

30 mars 2006

 

Région :

Yamaska

 

Dossiers :

251972-62B-0412, 251973-62B-0412, 255189-62B-0502

272892-62B-0510, 279370-62B-0601

 

Dossier CSST :

117955716

 

Commissaire :

Me Marie Danielle Lampron

 

Membres :

Jacques Lesage, associations d’employeurs

 

Lucy Mousseau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

Romain Coulombe

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Constructions F.A.K. inc. (fermé)

 

Parties intéressée

 

 

Et

 

Société d’assurance automobile du Québec

 

 

Commission de la santé et de la sécurité du travail

 

Parties intervenantes

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 251972-62B-0412

[1]                Le 23 décembre 2004, monsieur Romain Coulombe (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (ou CLP ou tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 14 décembre 2004 conjointement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et la Société d’assurance automobile du Québec (la SAAQ).

[2]                Par cette décision, la CSST et la SAAQ concluent qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic de dysfonction érectile et l’accident du travail survenu au travailleur le 30 novembre 1999 ou encore avec l’accident d’automobile survenu le 15 janvier 2003.

Dossier 251973-62B-0412

[3]                Le 21 décembre 2004, le travailleur dépose à la CLP une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 16 décembre 2004 par la CSST à la suite d’une révision administrative de deux décisions.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme en partie une décision qu’elle a initialement rendue le 10 novembre 2004 et conclut que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des médicaments suivants : Viagra, Effexor et Amitriptyline. La CSST confirme une autre décision rendue le 10 novembre 2004 et refuse le remboursement de certaines aides techniques.

Dossier 255189-62B-0502

[5]                Le 14 février 2005, le travailleur dépose à la CLP une requête par laquelle il conteste une décision rendue conjointement par la CSST et la SAAQ le 26 janvier 2005.

[6]                Par cette décision, la CSST conclut qu’il n’y a pas de relation entre le nouveau diagnostic de dépression majeure posé par le Dr Chartrand et l’accident du travail. La SAAQ conclut également à l’absence de relation entre ce diagnostic et les accidents d’automobile du 15 janvier 2003 et du 23 mai 2004.

Dossier 272892-62B-0510

[7]                Le 11 octobre 2005, le travailleur dépose à la CLP une requête par laquelle il conteste une décision conjointe rendue par la CSST et la SAAQ le 20 septembre 2005.

[8]                Par cette décision, la CSST annule une décision du 15 juillet 2005 et détermine pour le travailleur un emploi convenable de préposé au service à la clientèle, qu’il est capable de l’exercer depuis le 14 juillet 2005, et que le revenu annuel estimé de cet emploi est de 18 770,40 $. La CSST continue le versement des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce que le travailleur occupe cet emploi ou au plus tard jusqu’au 13 juillet 2006, date à laquelle ses indemnités seront réduites. La SAAQ réfère pour sa part le travailleur à une décision conjointe rendue le 27 juin 2005 sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi y déterminé.

 

Dossier 279370-62B-0601

[9]                Le 11 janvier 2006, le travailleur dépose à la CLP une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 6 janvier 2006 à la suite d’une révision administrative de deux décisions.

[10]           Par cette décision, la CSST annule une décision rendue le 29 septembre 2005 et elle rétablit celle du 16 juin 2005 qui confirme le droit du travailleur à des travaux d’entretien de lavage des vitres de sa résidence. La CSST confirme aussi une décision initialement rendue le 30 septembre 2005 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’acquisition de marchepieds pour son nouveau véhicule.

[11]           Le travailleur et son procureur sont présents à l’audience du 14 février 2006 de même que la procureure de la CSST. La procureure de la SAAQ a avisé de son absence, le travailleur l’ayant informée qu’il n’avait plus aucune prétention à l’encontre de la SAAQ[1]. Les dossiers ont été pris en délibéré le 16 mars 2006, sur réception de l’argumentation écrite des procureurs présents à l’audience, le dernier document reçu étant la réplique du procureur du travailleur.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 251972-62B-0412

[12]           Le travailleur demande de déclarer que le diagnostic de dysfonction érectile est relié à son accident du travail de novembre 1999.

Dossier 251973-62B-0412

[13]           Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des médicaments Viagra, Effexor et Amitriptyline. Il ne conteste plus la partie de la décision qui concerne le refus des aides techniques.

Dossier 255189-62B-0502

[14]           Le travailleur demande de reconnaître le diagnostic de dépression majeure comme étant relié à l’accident du travail de novembre 1999 et aux conséquences de sa lésion professionnelle.

Dossier 272892-62B-0510

[15]           Le travailleur demande de déclarer que l’emploi de préposé au service à la clientèle déterminé par la CSST n’est pas un emploi convenable pour lui et qu’il est incapable d’exercer cet emploi compte tenu de sa lésion professionnelle.

Dossier 279370-62B-0601

[16]           Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût des marchepieds pour son nouveau véhicule. Il précise au tribunal que bien que la CSST lui ait accordé le droit au lavage des vitres de sa résidence, elle ne l’a pas encore remboursé.

L’AVIS DES MEMBRES

[17]           Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter les requêtes du travailleur : le membre souscrit aux arguments de la procureure de la CSST quant à l’impact de la toxicomanie et est d’avis que le diagnostic de dépression majeure ainsi que celui de dysfonction érectile ne sont pas en relation avec l’accident du travail et la rechute subséquente. Le travailleur n’a donc pas droit aux médicaments réclamés.

[18]           Quant à l’emploi déterminé, le membre issu des associations d'employeurs est d’avis qu’il s’agit d’un emploi convenable et que le travailleur était capable de l’exercer en juillet 2005. Le membre est aussi d’avis que le travailleur n’a pas droit aux marchepieds réclamés.

[19]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir les requêtes du travailleur, la preuve démontrant, de façon prépondérante, que le diagnostic de dépression majeure et celui de dysfonction érectile ont été émis avant la prise de cannabis et que ces diagnostics sont directement reliés aux douleurs chroniques qui découlent de sa lésion professionnelle. Il a droit aux médicaments Viagra, Effexor et Amitriptyline réclamés pour ces pathologies.

[20]           Quant à l’emploi déterminé par la CSST, le membre issu des associations syndicales est d’avis qu’il ne s’agit pas d’un emploi convenable, vu les probables limitations fonctionnelles de la lésion psychologique, qui influencent notamment l’humeur. Le membre note que les deux experts entendus ont conclu à l’incapacité à exercer l’emploi, vu l’actuelle consommation de cannabis et la forte médication. Le membre est d’avis que le travailleur a droit aux marchepieds, puisque cela permet d’atténuer les conséquences de sa lésion professionnelle au genou, le travailleur conduisant le véhicule et occupant également la place passager.

LA PREUVE ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossiers 251972-62B-0412 & 251973-62B-0412

[21]           Le tribunal doit décider si le diagnostic de dysfonction érectile est relié à l’événement de novembre 1999 survenu au travail et si le travailleur a droit remboursement du coût des médicaments Viagra, Effexor et Amitriptyline.

Dossier 255189-62B-0502

[22]           Le tribunal doit décider si le diagnostic de dépression majeure est relié à l’événement de novembre 1999 survenu au travail.

Dossier 272892-62B-0510

[23]           Le tribunal doit décider si l’emploi de préposé au service à la clientèle est un emploi convenable pour le travailleur et si ce dernier est capable de l’exercer depuis le 14 juillet 2005.

Dossier 279370-62B-0601

[24]           Le tribunal doit décider si le travailleur a droit au remboursement du coût des marchepieds pour son nouveau véhicule.

                                               *************************************

[25]           Le tribunal considère, pour les motifs ci-après exposés, qu’il y a lieu de faire droit à l’ensemble des requêtes du travailleur.

[26]           Précisons d’emblée qu’en raison de l’ampleur des documents au dossier, qui contient près de 1 200 pages, le tribunal n’entend pas rapporter chacune des décisions ou expertises ou rencontres effectuées par le travailleur auprès des divers intervenants depuis son accident du travail de novembre 1999. Le tribunal en a cependant pris bonne note et y référera lorsque nécessaire.

[27]           Le tribunal a entendu le témoignage du travailleur et celui de sa conjointe, qui n’a pas assisté au témoignage de son époux. Le tribunal a également entendu les témoignages de deux médecins experts en psychiatrie, le Dr Beltrami, à la demande du travailleur, et le Dr Legault, à la demande de la CSST. Ces médecins avaient déjà examiné le travailleur, le Dr Beltrami, fin mai 2005, et le Dr Legault, début octobre 2005.

[28]           Débutons par le litige concernant la dépression majeure, la dysfonction érectile et les médicaments pour ces pathologies.

[29]           Un rappel de certains faits s’impose. Le travailleur, est victime d’un accident du travail en novembre 1999, lui causant un étirement musculaire au quadriceps de la jambe droite avec entorse au genou droit, lésion qui sera consolidée en février 2000, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. En septembre 2000, le travailleur présente une rechute, récidive ou aggravation, à savoir une déchirure du ligament croisé antérieur, pour laquelle le Dr Masri procédera à une reconstruction de ligament par arthroscopie en octobre 2001, à laquelle lésion s’ajoutera éventuellement une algodystrophie réflexe du genou droit (p. 816).

[30]           Le travailleur bénéficie de traitements de physiothérapie et est suivi régulièrement par son médecin, le Dr Huot. En février 2002, ce médecin demande une consultation au Dr Chartrand concernant la lésion du genou et prescrit également une psychothérapie avec psychologue en raison d’un trouble d’adaptation.

[31]           Le 13 février 2002, le Dr Chartrand note que le travailleur se dit pire qu’avant l’opération. Le médecin pose un diagnostic de séquelles post-opératoires, avec signes de dystrophie réflexe et trouble d’adaptation et prescrit une scintigraphie osseuse, dont le résultat ne permettra pas d’éliminer une dystrophie réflexe. Il recommande également une psychothérapie avec psychologue. Le Dr Huot est d’accord avec les diagnostics du Dr Chartrand et recommande des techniques de relaxation (p.436). Le Dr Chartrand effectue ensuite le suivi médical.

[32]           Le travailleur bénéficie donc d’une thérapie avec madame Grignon, psychologue, pour apprendre à moduler sa douleur et gérer les émotions négatives et l’anxiété reliée à la douleur (p.442). Lors de l’entrevue initiale, madame Grignon notait en axe I, un trouble douloureux associé à l’algodystrophie ainsi que des facteurs psychologiques de dépression sévère avec anxiété élevée. Soulignons qu’à cette époque aucun des médecins n’a posé un diagnostic de dépression ou d’anxiété.

[33]           En août 2002, dans un rapport d’évaluation médicale (qui sera contesté), le Dr Chartrand conclut que le travailleur présente des douleurs importantes et qu’il y a des signes de dystrophie réflexe. Il consolide la lésion physique au 28 août 2002, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles, précisant que le trouble d’adaptation est non consolidé. Il est d’avis que le travailleur ne peut occuper un travail de façon régulière.

[34]           En octobre 2002, à la demande de la CSST, le Dr Des Marchais examine le travailleur. Dans son rapport qui infirme celui du Dr Chartrand, le médecin est d’avis que le patient ne présente pas d’algodystrophie. Il note par ailleurs ceci : « nous n’avons qu’un syndrome douloureux, une image radiologique surtout de non utilisation du membre, malgré l’avis de la résonance magnétique. Remarquons que le questionnaire de ce patient a été relativement laborieux, étant donné les divers éléments de syndrome associés de réaction psychologique par rapport à son état personnel ».

[35]           En octobre 2002, madame Grignon ne doute pas de la motivation du patient à travailler, mais note qu’il a besoin de support pour être rassuré quant à ses capacités d’employabilité et pour éviter une rechute. Elle suggère une psychoéducation pour lui apprendre à se responsabiliser par rapport à son estime de soi, notant qu’il a de la difficulté à gérer sa colère et son irritabilité (p.482).

[36]           En novembre 2002, madame Choquette, psychologue, note une symptomatologie avec présence d’un trouble d’adaptation avec affect dépressif et anxiété en relation avec la douleur. Elle propose un traitement visant à permettre un ajustement plus adéquat à la persistance de la douleur et aux limitations fonctionnelles, tout en abordant les éléments de gestion de l’irritabilité et des accès de colère, de même que le deuil du métier de plâtrier et des capacités antérieures (p. 488).

[37]           Le travailleur affirme que la CSST a payé le coût des traitements de psychothérapie avec madame Grignon (64 traitements au total p. 118), mais que ceux avec madame Choquette ont été refusés, car la CSST ne voulait pas qu’il change de thérapeute. Il trouvait d’ailleurs qu’on insistait trop sur un retour au travail et qu’on ne comprenait pas qu’il porte une orthèse au genou. Il appert que la CSST a refusé le diagnostic de trouble d’adaptation (p. 701, p. 810).

[38]           La CSST a refusé une réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation faite en janvier 2003, pour un problème au genou gauche (genou opposé) ainsi qu’au bras, poignet, épaule gauche et au cou. Soulignons que le Dr Lambert a conclu à une absence de récidive, rechute ou aggravation à cette date au motif que la pathologie aux membres inférieur et supérieur gauche n’était pas objectivée. Le Dr Lambert précisa être en désaccord avec le Dr Chartrand, estimant que la médication n’entraînait pas une incapacité totale même si elle pouvait influencer le tableau. Il émit l’avis que c’était plutôt la condition psychologique avec douleurs chroniques qui influençait le tableau, le syndrome de douleurs chroniques n’étant pas contrôlé, il influençait donc énormément la perception de la douleur du patient (p. 560).

[39]           En mai 2003, madame Rouleau, ergothérapeute, rencontre le travailleur à la demande de la conseillère en réadaptation de la CSST. Elle note que la douleur est au centre de la vie du travailleur et que les douleurs de ce dernier n’ont toujours pas été traitées, soulignant que le médecin traitant aurait tenu des propos qui ont brisé le lien de confiance, de sorte qu’elle ne peut entreprendre un programme de développement des capacités de travail et de gestion de la douleur (p.502).

[40]           En septembre 2003, la CSST donne des explications au travailleur quant au processus de détérioration physique conséquente à douleur et propose au travailleur de reprendre sa psychothérapie avec madame Grignon mais le travailleur refuse. La CSST note que le travailleur ne veut pas avoir des moyens actifs tels psychothérapie et ergothérapie pour tenter de s’améliorer (p. 79-80).

[41]           Quant à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles de la récidive, rechute ou aggravation de septembre 2000, elles ont été déterminées par la Commission des lésions professionnelles. Dans sa décision[2], le tribunal retient les conclusions émises en mai 2003, par le Dr Laflamme, à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale.

[42]           Dans son avis (p. 515), le Dr Laflamme note la présence de douleur en préopératoire, qui n’est pas expliquée par la lésion anatomique qui perdure en postopératoire, le travailleur n’ayant pas été soulagé par la reconstruction du ligament croisé antérieur, avec une symptomatologie étiquetée d’algodystrophie réflexe. Comme médication, il note que le travailleur prend de l’Oxycontin au besoin. Le Dr Laflamme n’a pas retenu la nécessité d’une orthèse au genou, considérant même que c’était contre-indiqué.

[43]           L’atteinte permanente retenue est la suivante : laxité du ligament croisé antérieur non symptomatique (déficit anatomo-physiologique DAP 1 %), ankylose de flexion 5° (dap 1 %), déficit en flexion de 10° (dap 1%), atrophie de la cuisse droite (dap 3 %), atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles (dap 2%), cicatrice vicieuse (dap 4 %).

[44]           Quant aux limitations fonctionnelles, le Dr Laflamme émet l’avis suivant : « considérant les limitations fonctionnelles  notées chez ce travailleur et le tableau douloureux symptomatique dû à une condition d’algodystrophie, je crois que les restrictions fonctionnelles doivent être aussi sévères que classe II, donc modérées : « Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de :  - soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 15 kg; - effectuer des mouvements répétitifs fréquents de flexion, d’extension du genou; - rester debout plusieurs heures; - pivoter sur le membre inférieur en cause; ‑monter fréquemment plusieurs escaliers; - marcher en terrain accidenté ou glissant et travailler dans une position instable, tels échafaud, escalier ».

[45]           Dans sa décision qui établit ces séquelles, le tribunal précise ce qui suit : «bien que le tribunal ne soit pas saisi de cette question, il semble qu’il y aurait lieu de référer le travailleur à la Clinique de la douleur puisque l’analyse du dossier porte à croire que le syndrome de douleur chronique influence le tableau fonctionnel du patient beaucoup plus que sa condition physique. D’ailleurs, les rapports de mesdames Grignon et Rouleau abondent dans le même sens ». Le tribunal retenait à cet égard l’avis émis en juillet 2004 par le Dr Lambert, pour qui ce qui influençait le plus la capacité du travailleur de travailler était le tableau de douleur chronique qui n’était pas contrôlé. Soulignons que ce médecin éliminait alors un syndrome de non organicité et recommandait un suivi à la Clinique de la douleur, lequel n’a pas eu lieu.

[46]           Outre son accident du travail, le travailleur a été victime de deux accidents d’automobile : le premier, en janvier 2003, entraîna une entorse cervico-dorso-lombaire sans séquelles, et le second, en mai 2004, entraîna une amputation de la phalange moyenne et distale du 5e doigt droit. Cette dernière lésion a entraîné une atteinte de classe III du membre supérieur droit (total de 2 points et Classe de gravité 2). Un emploi de gardien de terrain de stationnement a été déterminé par la SAAQ (p. 817, 905).

[47]           En avril 2004, le travailleur demande à la CSST un support psychologique (p.111).

[48]           Le 23 juin 2004, le Dr Chartrand prescrit du Viagra et note que le travailleur est inapte au travail en raison de la prise d’Oxycontin. La CSST refusera ce médicament, d’où l’une des contestations du travailleur.

[49]           Le 28 juin 2004, le travailleur produit une réclamation pour un problème de dysfonction érectile. La CSST refusera le lien entre cette pathologie et l’événement de 1999 (p. 819), d’où l’une des contestations du travailleur.

[50]           En août 2004, la CSST note que le travailleur a été référé au Dr Alarie par le Dr Chartrand et que le Dr Alarie a remis au travailleur deux échantillons de Viagra pour deux mois et le fait participer à une recherche.

[51]           Le 20 septembre 2004, le Dr Alarie, spécialiste dans les problèmes de dysfonction sexuelle, pose le diagnostic de dépression majeure (Beck augmenté à 26) et d’anxiété importante et qu’il y a nécessité de traiter ces conditions (p. 566).

[52]           Le 26 octobre 2004, à la demande de la CSST, le Dr Chartrand décrit ainsi la médication actuelle du travailleur : Effexor, Oxycontin, Élavil et Tylénol. La CSST refusera l’Effexor, ce que contesta le travailleur.

[53]           En janvier 2005, la CSST indique avoir reçu un rapport médical du Dr Chartrand mentionnant un nouveau diagnostic de dépression majeure. Elle conclut qu’il n’y a pas de relation entre ce diagnostic et l’événement initial. Le travailleur conteste cette décision, d’où l’un des présents litiges.

[54]           En mars 2005, dans son rapport d’évaluation médicale pour la dysfonction érectile, le Dr Chartrand indique qu’elle est reliée aux douleurs au genou droit et lombaire. Le médecin recommande de plus une évaluation en psychiatrie, vu l’importance d’une dépression et d’un trouble d’adaptation.

[55]           Dans ce rapport, le Dr Chartrand réfère à des consultations du travailleur au Dr Alarie, les 9 août et 20 septembre 2004, où ce dernier recommande un traitement pour dépression ainsi que la prise de Viagra, et que ce médicament a aidé le patient. Le Dr Chartrand précise que le patient n’avait aucun problème au niveau sexuel avant les douleurs chroniques découlant de son accident de travail.

[56]           Le médecin établit à 11,5 % l’atteinte permanente (incluant le déficit pour douleurs et perte de jouissance de la vie) qui résulte de la dysfonction sexuelle en rapport avec la douleur. Le médecin note ainsi la médication prise : Élavil 25 mg le soir pour le sommeil, Oxycontin 10 mg 2 fois par jour, Tylénol 500 mg 4 fois par jour, Effexor 75 mg 1 fois par jour et Viagra 100 mg au besoin.

[57]           En juillet 2005, la CSST rend une décision concernant un emploi convenable de préposé au service à la clientèle et conclut que le travailleur est capable d’exercer cet emploi à compter du 14 juillet 2005; le travailleur contesta cette décision qui sera maintenue, d’où l’un des présents litiges.

[58]           Quant à la relation entre un diagnostic de dépression et des douleurs chroniques, la Commission des lésions professionnelles a reconnu un tel lien de causalité dans plusieurs affaires récentes, dont Lachapelle et JMJ Corbeil enr. et CSST[3] ainsi que dans Desjardins et Électrolux Canada Corporation[4].

[59]           Dans Dion et Coffrages Alliance Ltée et CSST[5], la Commission des lésions professionnelles a également reconnu un problème de dysfonction érectile en relation avec des douleurs chroniques ou une dépression, bien qu’aucune atteinte organique n’ait été prouvée :

[43] Il n’y a aucune preuve permettant de conclure que la dysfonction sexuelle diagnostiquée chez le travailleur puisse être reliée à une atteinte organique.

 

[44] Dans son expertise du 11 septembre 2003, le Dr Moussette est d’opinion que l’étiologie de cette atteinte dysfonctionnelle au niveau sexuel est soit reliée au syndrome douloureux résiduel ou soit à la médication antidépressive. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit là des conséquences de la lésion professionnelle. Le tribunal considère donc qu’il a une preuve prépondérante de relation avec la lésion professionnelle d’octobre 2001.

 

 

[60]           Le tribunal considère que la preuve, tant factuelle que médicale, est prépondérante pour relier le diagnostic de dépression majeure aux douleurs chroniques qui découlent de la lésion professionnelle subie par le travailleur et pour relier la dysfonction érectile à la dépression ainsi qu’à la médication prise.

[61]           D’une part, comme le diagnostic de dépression majeure ainsi que celui de dysfonction érectile ont été retenus par le médecin qui a charge du travailleur et que ces diagnostics n’ont pas fait l’objet d’une contestation de nature médicale devant le Bureau d'évaluation médicale, le tribunal est lié par ces diagnostics en vertu de l’article 224 de la loi :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

212.(…)

 

1°   le diagnostic;

 

2°   la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3°   la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4°   l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5°   l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

[62]           Le tribunal ne peut donc retenir en preuve une opinion médicale qui réfute l’existence même de ces diagnostics, la compétence du tribunal étant limitée au lien de causalité entre ces diagnostics et l’accident du travail subi par le travailleur et les lésions professionnelles qui en ont résulté.

[63]           Pour les mêmes raisons, le tribunal n’entend pas élaborer sur l’argumentation de la procureure de la CSST qui demande de ne pas retenir le diagnostic de dépression majeure au motif que le travailleur n’aurait pas présenté une telle pathologie, compte tenu des éléments au dossier.

[64]           D’autre part, la preuve médicale démontre que le Dr Alarie est un médecin clinicien habileté à distinguer les éléments d’une dépression, ce que confirme sa mention quant au test BECK avec résultat 26. La preuve médicale démontre également que le diagnostic de dépression majeure est un diagnostic qui diffère d’un simple trouble d’adaptation. Le tribunal ne peut ainsi inférer du refus du diagnostic de trouble d’adaptation qu’il s’ensuivra automatiquement un refus du diagnostic de dépression majeure par la suite. Rappelons qu’à l’époque de l’apparition du trouble d’adaptation, il y avait soupçon d’une dystrophie sympathique réflexe, qui a été reconnue par la suite (p.669).

[65]           La preuve probante et non contredite démontre qu’avant son accident du travail, le travailleur n’avait aucun problème particulier au niveau psychologique ou au niveau érectile.

[66]           Or, l’ensemble du dossier témoigne de la présence de douleurs chroniques après l’accident du travail. Qui plus est, la preuve démontre que ces douleurs chroniques n’étaient pas contrôlées en juillet 2004, époque où le Dr Lambert, physiatre consultant, recommandait un suivi en Clinique de la douleur, au motif que le syndrome de douleur chronique était ce qui influençait le plus la condition physique du travailleur et sa capacité à travailler.

[67]           Comme il n’y avait pas encore eu de suivi à la Clinique de la douleur à l’époque de l’audience précédente en mai 2005, devant une autre formation du tribunal, et que la preuve démontre, de façon prépondérante, qu’à cette date, le travailleur ne consommait pas de cannabis, la soussignée considère que la dépression majeure qui a été diagnostiquée par le médecin du travailleur en juin 2004 est, selon la prépondérance des probabilités, reliée aux douleurs chroniques résultant de la lésion professionnelle du travailleur et non à sa consommation de cannabis. Il en est de même de la dysfonction érectile, qui peut découler des douleurs chroniques, de la dépression et de l’anxiété du travailleur, comme l’indique le Dr Chartrand (p.166).

[68]           C’est d’ailleurs ce que note le Dr Beltrami lorsqu’il réfère aux tests passés par le Dr Alarie : «  Le docteur Pierre Alarie ayant lui-même fait passer les tests de Beck et Alsa sur la dépression et l’anxiété, a associé cela (difficulté érectile) à des troubles dépressifs et anxieux » (p. 616).

[69]           Le tribunal considère que l’opinion du Dr Beltrami, psychiatre et sexologue clinicien, est prépondérante à celle du DLegault, psychiatre, en ce qui concerne la question du lien de causalité entre le diagnostic de dépression et les douleurs chroniques de même qu’entre le diagnostic de dysfonction érectile et les douleurs chroniques.

[70]           Le Dr Legault est d’avis que le travailleur ne souffre pas d’une dépression majeure en relation avec l’accident de travail, puisqu’il présente avant tout un problème de toxicomanie et de dépendance au cannabis, en ce que sa consommation est constante, chronique, croissante et importante et remonte à plusieurs années et qu’elle peut à elle seule expliquer la condition du travailleur (p. 1001). À titre d’exemple, il explique qu’en consommant du cannabis pour dormir, le travailleur perturbe les mécanismes normaux autorégulateurs en période de sommeil, laissant ainsi croître l’anxiété.

[71]           Le Dr Legault est d’avis que c’est la toxicomanie qui est responsable, en très grande partie, des problèmes de l’humeur présentés par le travailleur de même que ses problèmes relationnels et motivationnels, de sorte qu’ils ne sont pas reliés à l’accident du travail. Le Dr Legault est d’avis que les troubles de l’humeur, qu’ils soient associés ou non à la consommation, perturbent la fonction sexuelle et que la consommation est aussi contributive à la dysfonction. Il ne retient aucune limitation fonctionnelle ou séquelle reliée à l’accident.

[72]           Considérant le témoignage du travailleur ainsi que celui de son épouse, qui démontrent, de façon probante, que la consommation de cannabis a débuté en mai 2005, alors que les diagnostics de dépression et de dysfonction érectile datent de juin 2004, le tribunal ne retient pas l’opinion du Dr Legault qui relie ces pathologies au problème de consommation de cannabis.

[73]           Rappelons que le travailleur avait consommé du cannabis lorsqu’il s’est présenté à l’examen du Dr Legault, en octobre 2005, de sorte qu’il y a lieu de nuancer l’examen clinique et les propos tenus. Ainsi, le tribunal considère plausibles les explications du travailleur quant aux contradictions sur le début de sa consommation, sa quantité et fréquence, d’autant plus que le témoignage du travailleur a été corroboré par celui de son épouse, qui n’a pas assisté au témoignage du travailleur. Soulignons également qu’en aucun moment avant l’expertise du Dr Beltrami, à la fin du mois de mai 2005, il n’a été fait mention d’une consommation de cannabis par aucun des nombreux intervenants du dossier (incluant ceux rencontrés dans le cadre des dossiers SAAQ).

[74]           La preuve démontre que le travailleur a cru, de bonne foi, que la prise de cannabis était un moyen efficace de soulager ses douleurs, et c’est pourquoi il tenta de gérer et traiter ainsi sa douleur à compter de mai 2005. Cet élément doit s’analyser dans le contexte des douleurs chroniques. Le travailleur s’est d’ailleurs dit prêt à cesser sa consommation.

[75]           Le tribunal retient donc comme prépondérante l’opinion du Dr Beltrami voulant que la pathologie anxiodépressive du travailleur soit due à la douleur et que les troubles somatoformes et la douleur chronique ne seraient pas arrivés si l’accident et la première lésion organique n’avaient pas eu lieu : les douleurs chroniques ont été déclenchées par un phénomène physique et elles sont maintenant entretenues par un phénomène psychologique directement relié à celles-ci.

[76]           Le tribunal souscrit également à l’opinion du Dr Beltrami voulant que la dysfonction érectile découle des problèmes de douleurs chroniques qui n’ont pas été véritablement traitées ainsi que de la pathologie anxiodépressive.

[77]           Compte tenu de ces conclusions, d’autant plus que le tribunal n’est pas saisi de la question médicale des soins et traitements, il s’ensuit que le travailleur a droit à l’assistance médicale que requiert son état, et par le fait même aux médicaments qu’il réclame, à savoir Viagra, Effexor et Amitriptyline, ceux-ci étant reliés à la dysfonction érectile ainsi qu’à la dépression et aux douleurs chroniques.

[78]           Bien que le procureur du travailleur ait élaboré sur les limitations fonctionnelles ainsi que les séquelles qui découlent de la lésion psychologique ou du problème érectile, le tribunal n’a pas compétence pour se saisir de ces questions, puisqu’en l’absence d’une contestation de nature médicale, la CSST ainsi que la Commission des lésions professionnelles sont liées par les conclusions du médecin qui a charge du travailleur. Il en est de même des questions médicales qui concernent la date de consolidation, la nécessité des soins et traitements et l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique. Le tribunal ne peut donc établir le déficit anatomo-physiologique dont fait état le procureur du travailleur dans son argumentation écrite.

[79]           En ce qui concerne l’achat de deux marchepieds pour le nouveau véhicule du travailleur, le tribunal considère que la preuve est prépondérante pour conclure qu’il s’agit d’une mesure de réadaptation nécessaire pour pallier aux conséquences de la lésion professionnelle subie par le travailleur.

[80]           À cet égard, l’article 155 de la loi prévoit ce qui suit :

155. L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.

__________

1985, c. 6, a. 155.

 

 

[81]           La preuve démontre que le travailleur a besoin d’un marchepied pour ne pas solliciter indûment son genou droit dans une position à risque, que ce soit pour accéder ou sortir du véhicule. Rappelons que parmi les limitations fonctionnelles qui découlent de sa lésion au genou droit, on lui recommande d’éviter de pivoter sur son membre inférieur lésé etc.

[82]           La preuve démontre de plus que le véhicule sur lequel le travailleur désire obtenir des marchepieds est le seul véhicule de la famille. La preuve non contredite démontre que la conjointe du travailleur est elle aussi appelée à conduire le véhicule alors que le travailleur est passager, notamment en raison des douleurs chroniques qui résultent de la lésion professionnelle.

[83]           Comme le type de marchepied que le travailleur avait précédemment sur son véhicule ne fonctionne plus sur le nouveau véhicule et que le type de marchepied ne se vend pas à l’unité mais par paire et que l’acquisition de ces marchepieds permet un accès plus sécuritaire au véhicule, le tribunal fait droit à la requête du travailleur, cette mesure correspondant bien au but visé par l’article 1 de la loi :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[84]           Le tribunal n’entend pas élaborer longuement sur l’incapacité actuelle du travailleur à exercer l’emploi déterminé par la CSST, puisque les deux médecins experts ont émis l’avis que l’actuelle consommation de cannabis et la forte médication, notamment l’Oxycontin, qui peut également mener à une dépendance, constituent un obstacle dont il faudra s’occuper.

[85]           Quant à l’emploi de préposé au service à la clientèle, le tribunal souscrit à l’opinion du Dr Beltrami et aux arguments du procureur du travailleur, et considère qu’il est peu probable que tant que les douleurs du travailleur ne seront pas mieux contrôlées, que cet emploi puisse constituer un emploi convenable, la composante psychologique des douleurs ayant un impact considérable sur l’humeur, ce qui est aussi le cas de la consommation de cannabis, ce qui constitue un obstacle à l’heure actuelle à l’employabilité dans une tâche directement au service à la clientèle, le travailleur ne pouvant pas être compétitif actuellement en pareil domaine (ex : qualités requises : entregent, diplomatie, courtoisie, patience etc.).

[86]           Soulignons également qu’au moment de déterminer un emploi convenable, la CSST doit tenir compte de l’état global de santé d’un travailleur, et donc de toutes les conditions personnelles de celui-ci, ceci afin de lui permettre d'utiliser sa capacité résiduelle et de ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur dans son ensemble. C’est d’ailleurs ce qui a été décidé à plusieurs reprises:

La capacité résiduelle s’évalue non seulement en fonction des limitations fonctionnelles  résultant d’une lésion professionnelle mais également en tenant compte des autres pathologies qui affectent la condition du travailleur au moment de la détermination de l’emploi convenable[6].

 

Au moment de la détermination d’un emploi convenable, il y a lieu de tenir compte de la condition personnelle et globale de la travailleuse. En effet, tant à ce qui a trait aux capacités fonctionnelles dont traite l’article 171 qu’à la capacité résiduelle dont traite l’article 2, dans chaque cas, la doctrine de la vulnérabilité de la victime (thin skull rule) trouve application. Il s’agit d’une règle qui doit s’appliquer non seulement au moment de la détermination de la survenance d’une lésion professionnelle mais par la suite également, y compris en matière d’identification d’emploi convenable[7].

 

 

[87]           Ainsi, dans la détermination d’un emploi convenable, la CSST devra également tenir compte des conditions personnelles du travailleur, incluant le trouble d’adaptation que l’on retrouve tout au long du dossier, et ce, même si ce diagnostic a fait l’objet d’un refus par la CSST. Il y aura donc lieu de connaître les limitations fonctionnelles, s’il en est, qui découlent de cette pathologie.

[88]           Bien que non saisi de cette question, le tribunal estime néanmoins pertinent de souligner aux intervenants au dossier, incluant le médecin qui a charge du travailleur, qu’il y aurait lieu que le travailleur soit dirigé vers une équipe multidisciplinaire, afin de contrôler sa prise de médicaments (et autres substances) et pour lui faire comprendre (voire accepter) que sa condition physique ne le rend pas totalement incapable de travailler et qu’il doit se prendre en mains pour trouver des solutions constructives et participer activement à une thérapie cognitivo-comportementale.

 

[89]           Vu l’absence de prétentions du travailleur envers la SAAQ alors que la procureure de la CSST n’a soumis aucune prétention voulant que ce puisse être le cas, le tribunal considère qu’il y a absence de preuve pour modifier les décisions en litige en ce qui concerne la partie SAAQ.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 251972-62B-0412

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Romain Coulombe;

MODIFIE en partie la décision rendue le 14 décembre 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société d’assurance automobile du Québec;

DÉCLARE que le diagnostic de dysfonction érectile est en relation avec l’accident du travail survenu au travailleur en novembre 1999 et la récidive, rechute ou aggravation de septembre 2000;

CONFIRME que le diagnostic de dysfonction érectile n’est pas relié aux accidents d’automobile subis par le travailleur en 2003 et en 2004.

Dossier 251973-62B-0412

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Romain Coulombe;

MODIFIE en partie la décision rendue le 16 décembre 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût des médicaments Viagra, Effexor et Amitriptyline;

Le reste de la décision demeure inchangé.

Dossier 255189-62B-0502

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Romain Coulombe;

MODIFIE en partie la décision rendue le 26 janvier 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société d’assurance automobile du Québec;

DÉCLARE que le diagnostic de dépression majeure est en relation avec l’accident du travail subi par le travailleur en novembre 1999 et la récidive, rechute ou aggravation de septembre 2000;

CONFIRME que le diagnostic de dépression majeure n’est pas en relation avec les accidents d’automobile subis par le travailleur en 2003 ou 2004.

Dossier 272892-62B-0510

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Romain Coulombe;

MODIFIE en partie la décision rendue le 20 septembre 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société d’assurance automobile du Québec;

DÉCLARE que l’emploi de préposé de service à la clientèle n’est pas un emploi convenable pour le travailleur et que ce dernier n’était pas capable de l’exercer le 14 juillet 2005 et que le travailleur avait droit à la poursuite d’une indemnité de remplacement du revenu;

Le reste de la décision demeure inchangé.

279370-62B-0601

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Romain Coulombe;

MODIFIE la décision rendue le 6 janvier 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du coût de marchepieds pour son nouveau véhicule;

Le reste de la décision demeure inchangé.

 

 

__________________________________

 

Marie-Danielle Lampron

 

Commissaire

 

 

Me Steve Marsan

P.M. Consultants inc.

Représentant de la partie requérante

 

Me Lucie Martineau

GÉLINAS ET ASSOCIÉS

Représentante de la partie intervenante SAAQ

 

Me Karine Savard

PANNETON, LESSARD

Représentante de la partie intervenante CSST

 



[1]         Le travailleur s’est désisté à l’audience des dossiers suivants : 251969-62B-0412, 255108-62B-0502, 268390-62B-0508 et 272481-62B-0509.

[2]         216790-62B-0309 & 235086-62B-0405, 2005-07-11, Y. Ostiguy (audience du 6 mai 2005)

[3]          239332-64-0407 et al., 2005-12-21, C-A. Ducharme

[4]          149947-63-0011 et al., 2005-03-17, D. Beauregard

[5]          [2004] CLP 182

[6]          Tremblay et Les Coffrages CCC ltée [1995] CALP 771 ; CSST et Construction MG Larochelle inc, 68739-01-9505, 96-05-10, C. Bérubé; Coleman et Henderson Barwick inc. 70282-60-9506, 97‑08-21, C. Demers.

[7]          Ahmed et Canadelle inc. (Giltex), 69561-60-9505, 97-03-07, G. Robichaud

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.