Décision

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Godin et Postes Canada

2009 QCCLP 1851

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Salaberry-de-Valleyfield

17 mars 2009

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

349891-62C-0806

 

Dossier CSST :

118883230

 

Commissaire :

Richard Hudon, juge administratif

 

Membres :

Ronald G. Hébert, associations d’employeurs

 

Osane Bernard, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvianne Godin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Postes Canada

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 3 juin 2008, madame Sylvianne Godin (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 avril 2008 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 25 février 2008 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais occasionnés par l’achat d’un véhicule muni d’une transmission automatique.

[3]                À l’audience tenue à Salaberry-de-Valleyfield le 11 mars 2009, la travailleuse est présente et la CSST est représentée; la Commission des lésions professionnelles a été avisée du fait que Postes Canada (l’employeur) ne serait pas représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais additionnels occasionnés par l’achat d’un véhicule muni d’une transmission automatique.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d'avis de rejeter la requête de la travailleuse. Cette dernière était déjà propriétaire d’un véhicule muni d’une transmission automatique et elle n’a aucune limitation fonctionnelle qui l’empêche de conduire un véhicule muni d’une transmission manuelle. La travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais occasionnés pour une transmission automatique.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais occasionnés pour l’achat d’un véhicule avec transmission automatique.

[7]                La travailleuse occupe son emploi de factrice lorsqu’elle subit un accident du travail le 6 juillet 2000. À cette date, elle heurte son genou gauche sur une tablette d’un camion. Le diagnostic initialement posé et accepté par la CSST est une contusion du genou gauche.

[8]                Le 20 mars 2001, la CSST reconnaît la relation entre l’événement du 6 juillet 2000 et les diagnostics de chondrite fémorale et rotulienne et une entorse du croisé antérieur du genou gauche. Le diagnostic d’arthrose du genou gauche est refusé.

[9]                Le docteur Catherine Browman, chirurgienne orthopédiste, consolide la lésion de la travailleuse le 12 décembre 2001; elle est d’avis que la lésion a entraîné une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[10]           Un membre du Bureau d'évaluation médicale évalue l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles et des décisions sont rendues suite à son avis. Cet avis est rendu par le docteur Georges-Henri Laflamme, chirurgien orthopédiste. Le docteur Laflamme évalue le déficit anatomo-physiologique à 2% pour syndrome patello-fémoral. Il précise qu’il n’a retrouvé aucune instabilité ou laxité ligamentaire importante ou légère. L’examen objectif du genou gauche révèle une rotule douloureuse, la palpation des facettes interne et externe étant particulièrement sensible, et une douleur à la palpation aux niveaux de l’interligne interne et du coin postéro-interne de même que la patte d’oie. Le docteur Laflamme recommande les limitations fonctionnelles suivantes :

·         limiter les activités où il faudrait monter et descendre les escaliers et pentes de façon fréquente ou très prolongée;

·         limiter les activités où il faudrait soulever, porter, pousser ou tirer des charges dépassant 25 kilogrammes de façon fréquente ou prolongée;

·         limiter les activités où il faudrait adopter la position accroupie de façon prolongée ou fréquente.

 

 

[11]           Le 19 juillet 2002, la CSST décide que la travailleuse est capable, à compter du 19 juillet 2002, d’exercer un emploi convenable d’assistant facteur.

[12]           Le 6 juin 2005, la travailleuse présente une réclamation à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation qui serait survenue le 29 mai 2005. Cette réclamation est refusée par la CSST le 23 septembre 2005, décision qui n’a pas été contestée. La Commission des lésions professionnelles, même si la réclamation de la travailleuse est refusée, note que le docteur Browman, dans un rapport final daté du 2 octobre 2006, mentionne que les séquelles et les limitations sont les mêmes qu’en 2001.

[13]           La travailleuse, le 6 juillet 2007, contacte la CSST; elle mentionne qu’elle doit changer son véhicule et qu’à cause de son accident du travail elle ne peut plus conduire avec une transmission manuelle. La travailleuse est avisée verbalement, le 8 juillet 2007, que les frais pour une transmission automatique ne sont pas remboursables.

[14]           Le 24 juillet 2007, la travailleuse conteste le refus verbal du remboursement des frais réclamés, ce qui donne suite aux décisions rendues par la CSST. La travailleuse motive ainsi sa demande de remboursement :

Depuis mon accident en juillet 2000, je ne suis plus capable de conduire un véhicule manuel. La position dans la qu’elle je me retrouve quand je suis dans la circulation me cause une sensation de brûlure dans le genou et rends incapable de tenir la pédale de vitesse, ce qui a comme effet de faire arrêter le véhicule.

 

Mes atteinte permanente me limite donc dans le choix de véhicule et je dois débourser un supplément afin d’avoir un véhicule automatique.

 

Je demande donc à la CSST de bien vouloir me rembourser les frais supplémentaire engendrer par les séquelle de ma blessure. [sic]

 

 

[15]           À la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse dit que son genou gauche ne réagit pas bien quand elle utilise la pédale d’embrayage d’une transmission manuelle. Elle ressent un brûlement et son genou lâche, ce qui lui occasionne des problèmes pour conduire un véhicule avec une transmission manuelle. Elle souligne qu’elle ne pourrait aller travailler si elle n’avait pas un véhicule avec une transmission automatique. La travailleuse dit qu’elle n’a pas le choix de conduire un véhicule avec une transmission automatique et qu’il s’agit d’une séquelle de l’accident du travail subi le 7 juillet 2000.

[16]           Les dispositions applicables de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) sont les suivantes :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

155.  L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.

__________

1985, c. 6, a. 155.

 

156.  La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

__________

1985, c. 6, a. 156.

 

 

184.  La Commission peut :

 

1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[17]           Le droit à la réadaptation de la travailleuse est clairement établi puisque la lésion professionnelle du 7 juillet 2000 a entraîné une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique.

[18]           Les frais réclamés par la travailleuse sont dans la catégorie de la réadaptation sociale qui prévoit, notamment, la possibilité d’adapter un véhicule automobile. Ici, il n’est pas vraiment question de l’adaptation d’un véhicule mais de l’achat d’un véhicule muni d’une transmission automatique ce qui, dans un sens large, peut être assimilé à une adaptation.

[19]           La représentante de la CSST plaide que l’adaptation d’un véhicule doit être rendue nécessaire en raison des conséquences de la lésion professionnelle et dépose deux décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles pour appuyer son propos[2].

[20]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la travailleuse n’a pas subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et que les limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle subie le 7 juillet 2000 ne justifient pas ou ne rendent pas nécessaires l’adaptation d’un véhicule.

[21]           La travailleuse possède, depuis plusieurs années, un véhicule avec transmission automatique. Elle souligne qu’il s’agissait de véhicules usagés et que la différence entre un véhicule avec transmission manuelle et celui muni d’une transmission automatique n’était pas évidente. C’est lorsqu’elle décide d’acquérir un véhicule neuf qu’elle constate qu’il y a des frais additionnels.

[22]           La Commission des lésions professionnelles retient que la travailleuse, avant la lésion du 7 juillet 2000, a fait le choix de posséder un véhicule muni d’une transmission automatique. Que le véhicule soit usagé ou neuf ne change rien à ce choix personnel. Justement, en 2007, la travailleuse fait un autre choix personnel, soit celui d’acquérir un véhicule neuf au lieu d’un véhicule usagé.

[23]           La Commission des lésions professionnelles a parfois autorisé le remboursement des frais additionnels occasionnés pour l’achat d’un véhicule muni d’une transmission automatique. Les circonstances sont par contre tout à fait différentes des présentes. Voyons, par exemple, les circonstances qui ont conduit à la décision rendue dans l’affaire Sirois et Entreprise de lavage Ritcher inc.[3] :

·         le travailleur subit des lésions aux épaules entraînant une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 17,30%;

·         les limitations fonctionnelles découlant de la lésion professionnelle empêche le travailleur de conduire un véhicule muni d’une transmission manuelle, la conduite d’un tel véhicule étant peu sécuritaire;

·         la Société de l’assurance automobile du Québec a émis un permis restrictif, le travailleur ne devant conduire que des véhicules munis d’une transmission automatique.

 

 

[24]           La travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais additionnels engagés pour faire l’acquisition d’un véhicule muni d’une transmission automatique.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée 3 juin 2008 par madame Sylvianne Godin;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 avril 2008 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Godin n’a pas droit au remboursement des frais occasionnés par l’achat d’un véhicule muni d’une transmission automatique.

 

 

 

 

__________________________________

 

Richard Hudon

 

 

 

 

 

 

 

 

Monsieur Jean-Pierre Labelle

Vézina Labelle & Associés

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 

Me Sonia Sylvestre

Panneton, Lessard, avocats

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Régnier et Ministère des Transports, C.L.P. 241843-62A-0408, 7 juin 2005, D. Rivard; Cayouette et Gestion Clément Cayouette, C.L.P. 244581-63-0409, 7 juin 2006, J.-P. Arsenault.

[3]           [2004] C.L.P. 694 .

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