Lepage et CSSS Rouyn-Noranda | 2012 QCCLP 6444 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES | ||
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Drummondville | 10 octobre 2012 | |
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Région : | Abitibi-Témiscamingue | |
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Dossier : | 433121-08-1103-R2 | |
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Dossier CSST : | 129738688 | |
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Commissaire : | Lise Collin, juge administratif | |
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Membres : | Denis Sauvé, associations d’employeurs | |
| Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales | |
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Barry Lepage |
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Partie requérante |
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CSSS Rouyn-Noranda |
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Partie intéressée |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 3 avril 2012, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue le 15 février 2012 par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision rejette une requête en révision déposée par la CSST à l’encontre d’une décision rendue par le tribunal le 14 juin 2011.
[3] Cette première décision du tribunal accueille une requête produite par monsieur Barry Lepage (le travailleur) et déclare qu’il a droit au remboursement des frais encourus dans un centre de thérapie sportive.
[4] La CSST est représentée à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision le 29 mai 2012. Le travailleur est absent, mais sa procureure a produit une argumentation écrite. CSSS Rouyn-Noranda (l'employeur) n’est pas intervenu. L’affaire est mise en délibéré le 29 mai 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] La CSST invoque l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et demande à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision de réviser la décision rendue le 15 février 2012 par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision, au motif que cette décision contient un vice de fond de nature à l’invalider.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis d'accueillir la requête en révision produite par la CSST. Le juge administratif siégeant en révision aurait dû reconnaître l'erreur manifeste commise par le tribunal qui ne s'est pas prononcé sur l'application de l'article 189 de la loi alors qu'il s'agissait là du litige dont il était saisi.
[7] Le membre issu d'associations syndicales est d'avis de rejeter la requête produite en révision produite par la CSST. La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision n'a commis aucune erreur déterminante en concluant comme elle l'a fait puisque le tribunal s'était prononcé sur l'application de l'article 189 de la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit décider s’il y a lieu de réviser la décision en révision rendue par le tribunal le 15 février 2012.
[9] Après avoir pris connaissance de la preuve et des arguments soumis de part et d’autre, et reçu l’avis des membres issus des associations syndicales et d’employeurs, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il n’y a pas lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision le 15 février 2012. Cette conclusion repose sur les éléments suivants.
[10] Selon l’article 429.49 de la loi, les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel.
[11] Une décision peut toutefois être révisée ou révoquée sous certaines conditions prévues à l’article 429.56 de la loi.
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[12] Il appartient à la partie qui demande la révision ou la révocation d’une décision de démontrer au moyen d’une preuve prépondérante l’un des motifs prévus par le législateur à l’article 429.56 de la loi, en l’occurrence un vice de fond de nature à l’invalider.
[13] Depuis les décisions rendues dans les affaires Produits forestiers Donohue inc. et Franchellini[2], la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision interprète la notion de « vice de fond de nature à invalider la décision » comme faisant référence à une erreur manifeste en droit ou en fait qui a un effet déterminant sur le sort du litige. C’est donc dire que le pouvoir de révision ou de révocation est une procédure d’exception qui a une portée restreinte.
[14] D’ailleurs, la Cour d’appel dans les arrêts Fontaine et Touloumi[3] a donné son aval à cette interprétation en disant qu’une requête en révision interne ne peut être accueillie que lorsque la décision rendue est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés.
[15] Ainsi, il y a une erreur manifeste et déterminante lorsqu’une conclusion n’est pas supportée par la preuve et repose plutôt sur des hypothèses, lorsqu’une décision repose sur de fausses prémisses, fait une appréciation manifestement erronée de la preuve, ignore une règle de droit ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[4].
[16] D’abord, en accord avec ce qui est indiqué dans les affaires citées par le procureur de la CSST[5], la révision d’une décision rendue par le tribunal siégeant en révision est possible lorsque l’un des motifs prévus à l’article 429.56 de la loi est invoqué en regard de cette décision.
[17] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ne retient donc pas la position de la procureure du travailleur à ce sujet. Dans son argumentation écrite, la procureure du travailleur soulève une objection préliminaire voulant que la deuxième requête en révision produite par la CSST soit jugée irrecevable, se référant à la décision rendue dans l’affaire Zoom Réseau Affichage intérieur et CSST[6]. Elle rappelle en premier lieu qu’une requête en révision est déjà en soi une exception au caractère final des décisions du tribunal. Quant à la recevabilité d’une deuxième requête en révision, la procureure réfère à la décision rendue dans l’affaire Tremblay et Centre de réadaptation Sud-Ouest et CSST[7] à l’effet qu’est irrecevable une deuxième requête en révision soulevant encore une fois le même motif ou un motif qui aurait pu être soulevé dans la première requête à l’encontre de la décision initiale. Elle soumet que dans le présent cas, la CSST ne cherche vraisemblablement qu’à obtenir une interprétation qui lui serait plus favorable, ce qui va à l’encontre des motifs de révision. Elle prétend que la CSST n’a aucune nouvelle preuve à présenter de nature à justifier une modification des décisions déjà rendues, reprenant dans sa deuxième requête les arguments soumis au soutien de la première, ce qui ne respecte certainement pas le caractère inusité des circonstances retenues par les tribunaux pour ouvrir le droit à la révision.
[18] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime plutôt que le vice de fond invoqué par le procureur de la CSST correspond à une erreur manifeste de droit ou de fait déterminante quant à l’issue du litige, de sorte que rien n’empêche qu’une décision rendue en révision puisse comporter un tel vice de fond.
[19] Mais, encore faut-il que la CSST démontre qu’il en existe un nouveau en rapport avec la décision rendue en révision par le tribunal le 15 février 2012. La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision est d'avis que cette démonstration n'a pas été faite de façon prépondérante.
[20] En l’espèce, dans un premier temps, le tribunal devait décider si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus dans un centre de thérapie sportive. Lors de l’audience tenue le 31 mai 2011 devant le tribunal, ni le travailleur, ni l’employeur n’étaient présents, mais leurs procureurs ont soumis des notes et autorités au soutien de leur prétention. La CSST quant à elle n'était pas représentée.
[21] Après avoir exposé les faits entourant l’apparition de la lésion professionnelle et les conséquences qui en découlent, le tribunal retient que le travailleur se voit prescrire par son médecin des traitements de mise en forme chez Opti-forme, traitements qui se poursuivent du 17 avril au 7 mai 2010.
[22] Puis, le tribunal rappelle que le principe de base dans la reconnaissance des soins prescrits par un médecin est prévu aux articles 188 et 189 de la loi :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S‑4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S‑5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L‑0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[23] Cela fait, le tribunal écrit que les soins prescrits par le médecin qui a charge du travailleur sont directement reliés à la lésion professionnelle qu’il a subie et ils ont pour but d’améliorer sa condition, de sorte que ces soins répondent aux exigences de l’article 188 de la loi.
[24] Le tribunal poursuit son raisonnement en disant que les soins et les traitements prescrits n’ont pas fait l’objet de contestation en vertu du processus d’évaluation médicale prévu à la loi, de sorte que l’opinion du médecin ayant charge du travailleur lie donc la CSST et le tribunal.
[25] Le tribunal ajoute que le Règlement sur l’assistance médicale (règlement) ne peut prévoir tous les types de soins et de traitements possibles et ne peut venir atténuer la portée de l’article 188. Le tribunal est d’avis que le règlement ne vient qu’encadrer les modalités de paiement pour certaines catégories de soins et de traitements, sans plus. Le tribunal écarte donc l’argument voulant qu’un traitement doit être prévu au règlement.
[26] La CSST dépose une requête en révision à l’encontre de cette décision. Dans sa requête, le procureur de la CSST soutient qu’en décidant comme le tribunal l’a fait que les soins prescrits par le médecin qui a charge du travailleur répondent aux exigences de l’article 188 de la loi, il commet des erreurs déterminantes puisque l’article 189 de la loi définit ce qu’est l’assistance médicale et restreint les soins ou traitements à ceux qui y sont spécifiés, incluant ceux visés par le règlement adopté par la CSST. Or, puisque les soins reçus par le travailleur et donnés par un thérapeute sportif ne sont ni visés par l’article 189, ni par le règlement, ils ne peuvent donner lieu à un remboursement.
[27] Le procureur de la CSST s’inscrit en faux contre l’affirmation du tribunal selon lequel le règlement ne peut prévoir tous les types de soins et de traitements possibles et ne peut servir à atténuer le libellé de l’article 188 de la loi. Il soutient que le paragraphe 5 de l’article 189 de la loi permet à la CSST de limiter les soins ou traitements qui peuvent faire l’objet d’un remboursement aux seuls soins et traitements qui sont spécifiés dans le règlement.
[28] De plus, le procureur de la CSST reproche au tribunal d’avoir retenu que les soins ou les traitements prescrits n’ont pas fait l’objet de la procédure d’évaluation médicale prévue aux articles 199 et suivants de la loi, ce dont il convient. Il ajoute toutefois que même si la CSST est liée par les conclusions du médecin qui a charge quant aux soins nécessités par l’état d’un travailleur, elle ne peut lui rembourser le coût des soins réclamés puisque l’assistance médicale est limitée aux seuls soins ou traitements mentionnés à l’article 189 de la loi et à ceux inclus au règlement.
[29] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision tient donc une audience le 25 janvier 2012 en présence du procureur de la CSST. Le travailleur n’est pas présent, mais une argumentation écrite a été produite par sa représentante.
[30] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision expose les faits et les motifs retenus par le tribunal pour accueillir sa contestation.
[31] Elle fait ensuite état des motifs invoqués par la CSST aux paragraphes [11], [12] et [13] de sa décision qu’il convient de reproduire :
[11] Au soutien de la requête en révision, le représentant de la CSST soumet que la décision comporte une erreur manifeste et déterminante parce que seul le coût des traitements prévus au Règlement sur l'assistance médicale peut être remboursé. Il écrit notamment ce qui suit :
L'article 189 de la loi définit en quoi consiste l'assistance médicale et restreint les soins ou traitements qui font l'objet de l'assistance médicale à ceux spécifiés à l'article 189, incluant ceux qui sont visés au Règlement sur l'assistance médicale adopté par la CSST en application du paragraphe 5 dudit article.
Les soins qui ont été prodigués à monsieur Lepage par un thérapeute sportif ne sont ni visés par les paragraphes un à quatre de l'article 189 ni par le Règlement sur l'assistance médicale et ne peuvent, en conséquence, donner lieu à un remboursement.
[12] Dans l'argumentation écrite qu'elle a fait parvenir, la représentante de monsieur Lepage soumet que le coût des traitements que celui-ci a reçus pouvait lui être remboursé en vertu des articles 188 ou 184 paragraphe 5 de la loi, ce dernier se lisant comme suit :
184. La Commission peut :
[…]
5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
[…]
__________
1985, c. 6, a. 184.
[13] Lors de l'audience, le représentant de la CSST reprend son argumentation et il plaide qu'on ne doit pas tenir compte de l'article 184 paragraphe 5 de la loi parce que le juge administratif n'a pas fondé sa conclusion sur cette disposition de la loi et qu'on ne peut savoir s'il aurait accordé le remboursement sur cette base.
[32] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision rapporte ensuite l’avis unanime des membres issus des associations syndicales et d’employeurs à l’effet que la requête de la CSST doit être rejetée puisqu’ils considèrent que la décision ne comporte pas de vice de fond parce que la conclusion à laquelle en vient le tribunal résulte de son interprétation des dispositions de la loi.
[33] Puis dans les paragraphes [16] à [30] de sa décision, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision expose les motifs de la décision qui mène au rejet de la requête produite par la CSST.
[34] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision rappelle d’abord les principes devant la guider dans l’exercice de ses fonctions.
[35] Au paragraphe [24] de sa décision, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision écrit ce qui suit :
[24] Cela signifie qu’à moins qu'elle ne soit fondée sur une erreur de fait ou de droit manifeste et déterminante, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion pour la raison qu'il n'apprécie pas la preuve ou qu'il n'interprète pas les règles de droit applicables de la même manière que le premier juge administratif.
[36] Puis, au paragraphe [25], la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision écrit que la conclusion retenue par le tribunal résulte de son interprétation des articles 188 et 189, cinquième paragraphe de la loi. Elle ajoute :
[25] […] Ce n'est pas parce qu'une autre conclusion fondée sur l'interprétation traditionnelle7, voulant que les seuls traitements remboursables avant la consolidation de la lésion professionnelle soient ceux prévus à l'article 189, paragraphe 5, était possible que cela donne ouverture à la révision.
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7 Presseault et Tembec inc., C.L.P. 163781-08-0106, 30 décembre 2003, M. Beaudoin; Laurin et Mont Sutton inc., C.L.P. 283109-71-0602, 23 novembre 2006, P. Perron; Major et Municipalité de Morin Heights, 2010 QCCLP 4934; Ferra et Tbc Constructions inc., 2011 QCCLP 1231; Bastien et Vidéotron ltée, 2011 QCCLP 2349; Trottier et Aide à la communauté et services à domicile, 2011 QCCLP 4450
[37] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision poursuit en disant que par ailleurs, il y a lieu de tenir compte du fait que depuis un certain temps, la jurisprudence semble adopter différentes avenues sur cette question. Ainsi, la position adoptée par le tribunal dans la présente affaire est celle qui a été suivie dans la décision Savoie et Produits forestiers Saucier (F)[8].
[38] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision fait également référence à d’autres décisions dans lesquelles le remboursement de traitements non prévus au règlement a été accordé en vertu du cinquième paragraphe de l’article 184, et ce, même si les traitements avaient été reçus avant la consolidation de la lésion professionnelle et non dans un contexte de réadaptation, voulant ainsi référer au fait que l’article 184 fait partie du chapitre de la loi portant sur la réadaptation.
[39] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision indique référer plus particulièrement à deux décisions rendues en 2008[9], tout en rappelant que dans ces décisions, il était fait référence à une autre décision rendue dans l’affaire Laroda et Hôpital Rivière-des-Praries[10], cette dernière décision faisant état du principe selon lequel la loi doit recevoir une interprétation large et libérale.
[40] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision termine en disant que cette situation jurisprudentielle justifie d’autant plus de ne pas réviser la décision rendue par le tribunal puisque l’existence d’une divergence d’opinions au sein de la jurisprudence ne constitue pas un motif de révision. La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision rejette donc la requête en révision produite par la CSST.
[41] C’est cette décision rendue par le tribunal siégeant en révision qui fait l’objet de la présente requête en révision.
[42] La CSST reproche maintenant à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision d’avoir commis un vice de fond en décidant qu’il n’y a pas lieu d’intervenir parce que la conclusion retenue par le tribunal repose sur son interprétation des articles 188 et 189, paragraphe 5 de la loi. Elle estime que le tribunal siégeant en révision limite le débat à une question de divergence d’opinions quant à l’interprétation de la loi alors qu’il aurait dû constater des erreurs manifestes et déterminantes commises par le tribunal.
[43] De plus, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision commet un autre vice de fond en invoquant l’article 184, paragraphe 5 puisque ce faisant, elle introduit de nouveaux arguments.
[44] Il soutient que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision est inintelligible en ce qu’elle ne répond pas à la seule question en litige, à savoir l’omission pour le tribunal d’appliquer l’article 189 de la loi ou le règlement. En écrivant qu’il s’agit d’une question d’interprétation et de divergence jurisprudentielles, le tribunal siégeant en révision omet de régler la question de l’application de l’article 189 de la loi, autrement dit, d'appliquer une règle de droit.
[45] Pour sa part, la procureure du travailleur plaide que la deuxième requête en révision doit être rejetée. La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que le recours en révision n’est pas une occasion de bonifier une preuve ou de peaufiner ses arguments, qu’il ne saurait s’agir d’une nouvelle occasion pour apprécier de nouveau la preuve faite initialement ou encore autoriser une partie à combler les lacunes d’une preuve qu’elle aurait dû présenter en première instance.
[46] À cet effet, elle tient à rappeler que la CSST n’est pas intervenue devant le premier juge administratif pour lui exposer les arguments qu’elle présente maintenant devant le tribunal siégeant en révision, citant la décision rendue dans l’affaire Bossé et Mirinox[11]. Elle soumet que le silence de la CSST lors de l’audience initiale constitue même un obstacle à une requête en révision, seuls le travailleur et l’employeur ayant soumis des notes et autorités.
[47] Elle rappelle qu’une requête en révision ne peut être assimilée à un appel, que dans sa deuxième demande en révision, le procureur de la CSST revient à la charge avec les mêmes arguments soumis lors de la première demande de révision, reprochant au tribunal d’avoir mal interprété les articles 188 et 189 de la loi, interprétation reposant sur un courant jurisprudentiel bien établi.
[48] Quant aux reproches adressés à la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision au sujet du fait qu’elle a introduit de nouveaux arguments au stade de la révision en discutant de l’article 184 de la loi, ils ne sont pas fondés. La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision a plutôt conclu que le tribunal avait suivi un courant jurisprudentiel qui adopte depuis un certain temps différentes avenues sur l’interprétation des articles 188 et 189 de la loi, c’est plutôt le travailleur qui avait invoqué l’article 184 de la loi au soutien de son argumentation écrite produite devant le tribunal.
[49] Finalement, elle ajoute à son argumentation celle produite devant le premier administratif dans laquelle elle invoquait entre autres arguments l’article 184 de la loi en référant notamment à la décision rendue dans l’affaire Savoie et Produits forestiers Saucier[12], décision à laquelle la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision a fait référence.
[50] Au terme de son délibéré, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision constate d'abord que la seconde requête en révision de la CSST reprend en substance les mêmes arguments que ceux invoqués au soutien de la première, à savoir que la décision rendue par le tribunal comporte une erreur manifeste et déterminante parce que de l'avis de la CSST, seul le coût des traitements prévus au Règlement sur l'assistance médicale peut être remboursé, que l'article 189 de la loi définit en quoi consiste l'assistance médicale et qu’il restreint les soins ou traitements qui font l'objet de l'assistance médicale à ceux spécifiés à l'article 189, incluant ceux qui sont visés au Règlement sur l'assistance médicale adopté par la CSST en application du paragraphe 5 dudit article.
[51] Or, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision a déjà disposé de cet argument en disant qu'il n'y avait pas lieu de réviser la décision du tribunal puisqu’elle repose sur son interprétation des articles 188 et 189 de la loi.
[52] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision a-t-elle commis une erreur manifeste et déterminante en écrivant qu’il s’agit d’une question d’interprétation et de divergence jurisprudentielles? La réponse à cette question est négative.
[53] D’abord, le premier tribunal n'a pas refusé d'appliquer l'article 189 de la loi. Il a cité les articles 188 et 189 de la loi donc il ne les a pas ignorés. Ensuite, lorsque le tribunal discute au paragraphe [17] de sa décision du règlement, il discute du cinquième paragraphe de l'article 189 et explique sa position. Il est donc faux de prétendre que le tribunal a omis d'appliquer une règle de droit.
[54] Certes, le tribunal a appliqué l'article 189 d'une manière qui ne plaît pas à la CSST, mais ce désaccord n'est pas un motif de révision. Il est d'ailleurs manifeste en écoutant argumenter le procureur de la CSST qu'il souhaite une plus grande cohérence jurisprudentielle sur cette question. Or, le recours en révision n'est pas le remède approprié pour améliorer cette situation.
[55] Ensuite, lorsque la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime que lorsqu’elle écrit que le tribunal a interprété l'article 189 de la loi, qu’il s'agit d'une question d'interprétation et de divergence jurisprudentielle, elle choisit d'aborder la requête de la CSST en empruntant une avenue possible, qui se défend et qu'elle défend. La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision pour une seconde fois n'a pas à intervenir.
[56] Enfin, l'argument soulevé de façon subsidiaire par la CSST, au sujet d'une erreur déterminante faite par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision lorsqu’elle discute au paragraphe [27] de sa décision de l'article 184, paragraphe 5 de la loi n’est pas fondé. Cet article, rappelons-le, se lit comme suit :
184. La Commission peut :
[…]
5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 184.
[57] Le procureur de la CSST affirme qu'en discutant de cette disposition, la Commission des lésions professionnelles qui siégeait en révision introduit de nouveaux arguments alors qu'elle doit se limiter à décider si la décision rendue par le tribunal comportait une erreur déterminante.
[58] Les commentaires de la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision au sujet de l'article 184.5 de la loi doivent être replacés dans leur contexte. Il venait d'être dit que la conclusion retenue par le tribunal résultait de son interprétation des articles 188 et 189, paragraphe 5, qu’une conclusion différente était retenue dans d'autres décisions et qu'il y en a d'ailleurs qui se sont appuyés sur l'article 184, paragraphe 5, pour accorder le remboursement de certains frais non prévus au règlement sur l'assistance médicale pour finalement en tirer l'argument que devant l'existence d'une divergence jurisprudentielle, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision se devait de ne pas intervenir.
[59] Il n’y a, dans ces considérations, aucune erreur manifeste et déterminante, mais plutôt une motivation supplémentaire pour discuter de cet argument soulevé par la procureure du travailleur et pour appuyer la conclusion à laquelle en arrive la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision produite par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 3 avril 2012.
| __________________________________ |
| Lise Collin |
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Me Hélène Côté | |
F.I.Q. | |
Représentante de la partie requérante | |
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Me Louis Cossette | |
VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON | |
Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchenelli et Sousa, [1998] C.L.P. 783.
[3] CSST et Fontaine, [2005] C.L.P. 626; CSST et Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).
[4] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733.
[5] Sanscartier et Logidec inc. et CSST, C.L.P. 356199-71-0808-R, 31 mars 2011, D. Beauregard; Gadoury et Serres Gallichan ltée et CSST, C.L.P. 386139-08-0908, 28 novembre 2011, J. Landry.
[6] C.L.P. 78630-72-9604-R, 6 décembre 2000, S. Mathieu.
[7] 1993 CALP 12775.
[8] 2009 QCCLP 6045.
[9] Masse et Centre hospitalier régional de Lanaudière, 2008 QCCLP 2440; Franche et Travaux Publics et Services, 2008 QCCLP 4860.
[10] 2007 QCCLP 1609.
[11] C.L.P. 352202-31-0806, 6 novembre 2009, C. Racine.
[12] Déjà citée note 8.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.