Décision

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Rangers et Asphalte ST

2009 QCCLP 3706

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saguenay :

Le 1er juin 2009

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossier :

364388-02-0811

 

Dossier CSST :

130951981

 

Commissaire :

Réjean Bernard, juge administratif

 

Membres :

Jean-Eudes Lajoie, associations d’employeurs

 

Guy Gingras, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Marcel Rangers

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Asphalte ST

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                Le 26 novembre 2008, monsieur Marcel Rangers (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 24 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 22 juillet 2008 et déclare irrecevable la contestation du travailleur quant à l’évaluation médicale de son médecin et maintient un atteinte permanente à l’intégrité physique évaluée à 0 % consécutivement à la lésion professionnelle du 19 juin 2007. Conséquemment, le travailleur n’aurait pas droit à une indemnité pour préjudice corporel. 

[3]                L’audience s’est tenue le 6 mai 2009 à Saguenay. Le travailleur est présent et représenté. L’entreprise Asphalte ST (l’employeur) est représentée par monsieur Patrick Sirois, son président.

[4]                Le travailleur a produit à l’audience une copie de son dossier médical détenu par le Dr Serge Bilodeau (27 pages), lequel document est coté comme pièce T-1. La cause a été mise en délibéré le même jour. 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande au tribunal de déclarer que le Dr Bilodeau est le médecin qui a pris charge du travailleur au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Il demande par ailleurs d’ordonner à la CSST de reprendre le processus d’évaluation médicale, lequel aurait été vicié en raison du fait que le rapport d’évaluation médicale n’a pas été transmis au travailleur. 

LES FAITS

[6]                Le travailleur est embauché comme journalier par l’employeur lorsqu’il est victime d’une lésion professionnelle, le 19 juin 2007, laquelle entraîne une déchirure du muscle pectoral droit. Il cesse de travailler le même jour et revient au travail à compter du 13 août 2007 en occupant toutefois des tâches moins exigeantes.

[7]                Le jour de l’événement initial, le travailleur consulte la Dre Marion Dubois qui diagnostique une déchirure du muscle pectoral droit. Le 6 juillet, il consulte la Dre Catherine Houde qui pose le diagnostic de déchirure partielle du pectoral droit.

[8]                Entre le 12 juillet et le 20 août, il rencontre à cinq reprises le Dr Serge Bilodeau, son médecin de famille. Celui-ci diagnostique d’abord une déchirure tendineuse de l’épaule droite puis une tendinite posttraumatique. Le 4 mars 2008, le médecin complète un rapport final et retient le diagnostic de tendinopathie de l’épaule droite, qu’il consolide rétroactivement au 6 août 2007. De plus, il identifie la présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles. Le Dr Bilodeau dirige le travailleur en orthopédie et précise qu’il ne confectionnera pas le rapport d’évaluation des dommages corporels.

[9]                Le 17 avril, la CSST envoie une lettre au travailleur, dans laquelle elle l’informe qu’il doit lui communiquer le nom du médecin qu’il choisira pour procéder à l’évaluation de ses séquelles. Le 30 avril, le travailleur complète lui-même l’avis par lequel il confirme, à la CSST, que le Dr Jean-Marie Lépine effectuera cette évaluation.

[10]           À l’audience, le travailleur explique que les démarches du Dr Bilodeau, pour obtenir un rendez vous avec un orthopédiste de la région, se seraient avérées infructueuses. Il aurait alors lui-même contacté l’Hôtel-Dieu de Québec et on lui aurait proposé trois orthopédistes. Il précise que son dossier comportant un accident du travail, il a dû retenir les services du Dr Lépine.

[11]           Le 21 juillet 2008, le Dr Lépine complète le rapport d’évaluation médicale du travailleur quant à ses séquelles. Il indique :

Pas de déformation grossière au niveau des pectoraux et au niveau de la musculature proximale des membres supérieurs. Il semble y avoir un peu de rétractation cutanée à l’insertion du grand pectoral au niveau de l’humérus. Légère asymétrie si nous comparons l’épaule droite avec l’épaule gauche, sans plus.

 

Pas de point fixe douloureux au niveau de la coiffe des rotateurs de l’une et l’autre des épaules.

 

Les amplitudes articulaires sont normales et symétriques au niveau des deux épaules, coudes, avant-bras, poignets, petites articulations des doigts. Les fins de mouvements ne sont pas douloureuses. Les forces sont respectées, aucun trouble moteur ou sensitif objectifs au niveau des membres supérieurs.

 

[12]           Quant à l’émission de limitations fonctionnelles, l’orthopédiste retient que :

Le patient est efficace au travail malgré une vulnérabilité de son épaule droite à l’effort. Pas de restrictions officiellement suggérées.

 

[13]           Il conclut que le travailleur a connu une bonne récupération d’un traumatisme des tissus mous à l’épaule droite. La lésion du travailleur étant consolidée et celui-ci ayant repris son travail, le médecin ne recommande pas de traitement spécifique.

[14]           Le travailleur soutient que l’examen effectué par le Dr Lépine n’a duré que 15 ou 20 minutes. L’orthopédiste ne l’aurait pas informé de ses conclusions pendant l’entrevue et il n’aurait pas reçu de copie du rapport d’évaluation médicale. Le travailleur affirme qu’il a pris connaissance de ce rapport que lorsqu’il a reçu une copie du dossier administratif.

[15]           Madame Monique Vachon, la conjointe du travailleur, a également témoigné. Elle était présente lors de l’examen effectué par le Dr Lépine, qui, selon elle, aurait été expéditif. Elle soutient qu’elle s’occupe du courrier à leur domicile et que le rapport de l’orthopédiste n’a pas été posté au travailleur.

 

 

ARGUMENTAIRE DU TRAVAILLEUR

[16]           Dans un premier volet, le Dr Bilodeau serait le médecin qui a pris charge du travailleur au sens de la loi. Il aurait examiné le travailleur à plusieurs reprises, établi un plan de traitement et complété le rapport final. 

[17]           Le Dr Bilodeau ayant établi la présence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles dans son rapport final, la CSST est liée par ce rapport et non par le rapport ultérieur du Dr Lépine. 

[18]           Dans un second volet, le représentant du travailleur soulève une entorse au processus d’évaluation médicale. Il soutient que le rapport d’évaluation médicale constitue une extension du rapport final et qu’il n’a pas été communiqué au travailleur, contrairement à ce que prescrit l’article 203 de la loi.

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

[19]           Le représentant du travailleur conclut que la décision de la CSST n’est pas fondée, car le travailleur, n’ayant pu prendre connaissance à temps du rapport d’évaluation médicale, est privé de la possibilité de présenter une contre-expertise, laquelle permettrait de faire valoir pleinement ses droits.

L’AVIS DES MEMBRES

[20]           Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. En effet, ils croient que le Dr Lépine a agi dans le cadre du mandat spécifique qui lui a été confié par le travailleur et que ce dernier ne peut contester ses conclusions.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[21]           Le tribunal doit décider qui est le médecin qui a pris charge du travailleur et si la procédure d’évaluation médicale est entachée d’une irrégularité telle, qu’elle entraîne l’annulation de la décision de la CSST.

[22]           Le docteur Bilodeau est manifestement le médecin qui a pris charge du travailleur. Il est son médecin de famille et, dans cette affaire, il a examiné le travailleur à plusieurs reprises, assuré le suivi du dossier et fixé la date de consolidation de sa lésion. 

[23]           À titre de médecin qui a pris charge du travailleur et en l’absence de contestation de son rapport dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale, ses conclusions lient le tribunal, tel que le prévoit l’article 224 de la loi.

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

[24]           Aux questions figurant sur le rapport final, le Dr Bilodeau coche « oui », quant à savoir si la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et « non » à celle qui lui demande s’il produira un rapport d’évaluation. À cette fin, il oriente le travailleur en orthopédie.

[25]           Le travailleur a choisi le Dr Lépine pour réaliser cette évaluation. En effet, la CSST lui transmet, le 17 avril 2008, une correspondance lui demandant de l’informer du choix de son médecin évaluateur. Le 30 avril 2008, le travailleur signe l’avis de confirmation qu’il transmet à la CSST, par lequel il désigne le Dr Lépine.

[26]           Le travailleur ne peut prétendre qu’il n’a pas exercé son choix. D’abord, il a lui-même effectué les démarches auprès d’un hôpital de la capitale pour s’enquérir de la disponibilité d’un orthopédiste. Parmi ceux en fonction, le Dr Lépine était le seul disponible pour ce type de dossier et le travailleur a retenu ses services. Le nombre restreint de spécialistes disponibles n’affecte en rien la qualité du choix qu’il effectue. Et d’aucune façon, la preuve ne permet d’établir que ce spécialiste lui a été désigné ou recommandé par la CSST.

[27]           La question qui se pose alors est de déterminer le statut du Dr Lépine. S’agit-il d’un simple spécialiste mandaté par le travailleur pour confectionner un rapport d’évaluation qu’il pourra écarter s’il le désavoue? Compte tenu des faits propres à cette affaire, le tribunal ne le croit pas.

[28]           Le Dr Bilodeau a indiqué dans son rapport final, qu’il ne produirait pas de rapport d’évaluation et qu’il orientait le travailleur en orthopédie. Ce dernier a choisi le Dr Lépine pour réaliser cette évaluation. Il est conséquent d’affirmer que le travailleur lui confie la portion du mandat qu’a refusé d’effectuer le Dr Bilodeau, soit évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles conformément au Règlement sur le barème des dommages corporels[2].

[29]           Le législateur a précisé le contenu d’un rapport final au second alinéa de l’article 203 de la loi.

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

[30]           L’évaluation effectuée par le Dr Lépine complète le rapport du  Dr Bilodeau et permet que ce rapport final satisfasse aux exigences imposées par l’article 203 de la loi. Suivant cette logique, les conclusions du spécialiste rapportées dans son rapport d’évaluation médicale lient le tribunal en ce qui concerne son évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. En ce sens, le tribunal adhère à la position retenue dans l’affaire Trudel et Transelec/Common inc.[3] :

plusieurs médecins peuvent agir de façon concurrente, mais sur des aspects différents du dossier, et que le médecin ayant charge de façon plus générale du travailleur peut déléguer certains aspects particuliers à d’autres médecins.

 

[31]           Il serait inopportun de permettre au médecin qui a émis un rapport final incomplet ou au travailleur de magasiner un spécialiste jusqu’à ce qu’il obtienne l’évaluation recherchée. Cependant, le médecin chargé du mandat spécifique, d’évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, doit se limiter à l’étendue de son mandat et il ne peut contredire les autres conclusions retenues par le médecin qui a complété le rapport final, notamment quant au diagnostic et la date de consolidation.

[32]           Dès lors, il importe de déterminer si le Dr Lépine a outrepassé les limites de son mandat et si ses conclusions contredisent celles du Dr Bilodeau. Le tribunal ne le croit pas.

[33]           Des suites de son examen, le Dr Lépine retient que « [l]e patient est efficace au travail malgré une vulnérabilité de son épaule droite à l’effort. Pas de restrictions officiellement suggérées. (sic) » Il conclut que le travailleur a bien récupéré du traumatisme subi, le 14 juin 2007, au niveau des tissus mous et de l’épaule droite. La lésion étant consolidée et le travailleur ayant repris son travail antérieur, il ne recommande pas de traitement spécifique et détermine un déficit anatomo-physiologique de 0 % relativement à l’atteinte des tissus mous sans séquelle fonctionnelle (code 102365).

[34]           Le Dr Lépine s’est maintenu à l’intérieur du cadre strict de son mandat et le tribunal ne voit pas de contradiction entre les conclusions des deux médecins. En effet, l’orthopédiste constate que le travailleur conserve une « vulnérabilité à l’effort de l’épaule droite », mais, il évalue que cette vulnérabilité est infrabarème et qu’elle ne nécessite pas l’émission de limitations fonctionnelles strictes.  En somme, l’orthopédiste ne nie pas que le travailleur ait pu conserver des séquelles, mais il évalue qu’elles ne sont pas suffisamment significatives pour émettre un pourcentage d’atteinte plus élevé et l’émission de limitations précises.

[35]           Même si la lecture du tribunal avait été différente et qu’il avait retenu une contradiction entre l’identification d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles faites par le Dr Bilodeau et l’évaluation qu’en fait le Dr Lépine, ses conclusions n’auraient pas divergé. En effet, tel que susmentionné, l’orthopédiste a agi à l’intérieur de son mandat spécifique et il n’a pas contredit le Dr Bilodeau quant aux autres points sur lesquels il s’est prononcé. En conséquence, le rapport d’évaluation du Dr Lépine parachève le rapport final incomplet rédigé par le Dr Bilodeau et lui permet de répondre aux exigences de contenu prescrites par l’article 203 de la loi.[4]

[36]           Le représentant du travailleur a invoqué l’arrêt Lapointe[5]. Dans cette affaire, la Cour d’appel rejette les conclusions des instances antérieures, lesquelles soutenaient que le rapport d’évaluation du spécialiste, qui complète le rapport final du médecin ayant pris charge du travailleur, ne peut être contesté quelles que soient les circonstances.[6] La trame factuelle dans la présente affaire est bien différente que celle analysée par la Cour d’appel où le spécialiste posait un diagnostic différent de celui retenu dans le rapport final et modifiait intégralement les autres questions sur lesquelles le médecin, qui avait pris charge du travailleur, s’était prononcé. Dans cette affaire, la Cour d’appel sanctionne essentiellement la substitution intégrale du rapport final par le rapport complémentaire du spécialiste.  

[37]           Finalement, la preuve démontre que le travailleur n’a pas été informé du contenu du rapport d’évaluation émis par le Dr Lépine avant que la décision de la CSST ne soit rendue. Et cela contrairement aux prescriptions du dernier alinéa de l’article 203 de la loi.

203.  […]

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

[38]           Cette dérogation vicie-t-elle le processus d’évaluation médicale au point qu’il soit nécessaire d’infirmer la décision rendue par la CSST. Le tribunal ne le croit pas.

[39]           Certes le travailleur n’a pas été informé du contenu du rapport préparé par le Dr Lépine. D’une part, le législateur n’ayant pas retenu de sanction à cet égard, il relève de l’appréciation de ce tribunal d’évaluer si une irrégularité a été commise et quelle en est sa gravité.

[40]           D’autre part, en vertu de l’article 358 de la loi, le travailleur ne peut contester les conclusions du médecin qui en a pris charge, quant aux conclusions énumérées à l’article 212 .

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .

 

 

 

 

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

[41]           Le Dr Lépine étant reconnu comme le médecin qui a pris charge du travailleur aux fins d’évaluer son atteinte permanente et ses limitations fonctionnelles, le travailleur n’aurait pu contester ses conclusions même s’il avait été informé du contenu de son rapport. De la même façon, il n’aurait pu contredire les conclusions du Dr Bilodeau quant au diagnostic et la date de consolidation.

[42]           Si le législateur a introduit cette obligation d’information dans le libellé de l’article 203 de la loi, ce n’est pas pour créer, en faveur du travailleur, un motif de contestation des conclusions du médecin qui en a pris charge, ce qui serait un non sens avec le libellé des articles 224 et 358 de la loi. Son fondement se trouve ailleurs. Il s’agit plutôt d’un rouage dans la transmission de l’information médicale concernant le travailleur, quant à savoir si le processus d’indemnisation doit être poursuivi ou interrompu.[7]

[43]           Le travailleur, dont la lésion est consolidée sans limitation fonctionnelle, est susceptible d’effectuer un retour au travail et de voir son indemnité de remplacement du revenu cesser. Dès que le médecin l’informe du contenu de son rapport final, le travailleur est censé transmettre l’information à son employeur conformément à l’article 274 de la loi.

274.  Lorsqu'un travailleur est informé par le médecin qui en a charge de la date de consolidation de la lésion professionnelle dont il a été victime et du fait qu'il en garde quelque limitation fonctionnelle ou qu'il n'en garde aucune, il doit en informer sans délai son employeur.

S'il s'agit d'un travailleur visé dans la section II du chapitre VII, celui-ci doit aussi en informer sans délai la Commission de la construction du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 274; 1986, c. 89, a. 50.

 

[44]           D’une part, l’employeur pourrait lui offrir de reprendre son travail et, d’autre part, la CSST pourrait interrompre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

[45]           Le travailleur informé de sa nouvelle situation médicale (article 203 de la loi) s’expose, en vertu de l’article 133 de la loi, à devoir rembourser le montant de l’indemnité de remplacement du revenu qu’il pourrait toucher sans droit, s’il n’a pas avisé l’employeur de sa nouvelle condition médicale. 

133.  La Commission doit recouvrer le montant de l'indemnité de remplacement du revenu qu'un travailleur a reçu sans droit depuis la date de consolidation de sa lésion professionnelle, lorsque ce travailleur :

 

1° a été informé par le médecin qui en a charge de la date de consolidation de sa lésion et du fait qu'il n'en garde aucune limitation fonctionnelle; et

 

2° a fait défaut d'informer sans délai son employeur conformément au premier alinéa de l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 133.

 

[46]           Par contre, s’il n’avait pas été informé du contenu du rapport final (article 203 de la loi) et qu’il a bénéficié de prestations sans droit, la CSST pourrait lui accorder une remise de dette compte tenu de sa bonne foi.

437.  La Commission peut, même après le dépôt du certificat, faire remise de la dette si elle le juge équitable en raison notamment de la bonne foi du débiteur ou de sa situation financière.

 

Cependant, la Commission ne peut faire remise d'une dette qu'elle est tenue de recouvrer en vertu du quatrième alinéa de l'article 60 ou de l'article 133 .

__________

1985, c. 6, a. 437.

 

[47]           En résumé, l’imputabilité du travailleur quant aux sommes reçues sans droit est relative à la communication qui lui est faite de l’information médicale pertinente eu égard à sa lésion.  L’obligation d’information imposée au médecin qui a charge du travailleur, telle que prescrite par l’article 203 de la loi, prend tout son sens quand elle est lue avec les autres dispositions pertinentes.

[48]           En conséquence, le tribunal ne peut retenir que le processus d’évaluation médicale est entaché d’une irrégularité qui justifie d’annuler la décision de la CSST. Une telle conclusion serait contraire à l’esprit de la loi, tel qu’il se dégage d’une lecture de l’article 203 de la loi mise en contexte avec les autres dispositions pertinentes.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Marcel Rangers, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue, le 24 octobre 2008, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative.

 

 

__________________________________

 

Réjean Bernard

 

 

M. Pierre-Paul Bélanger

GESTION A.B.

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           A-3.001, r. 0.01.

[3]           C.L.P. 257302-01B-0502, 24 février 2006, L. Desbois, révision rejetée, 13 juillet 2007, C.-A. Ducharme.

[4]           En ce sens, voir Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin, [1995] C.L.P. 1201 et la jurisprudence citée dans l’affaire Trudel et Transelec/Common inc, précitée note 3.

[5]           Lapointe c. CLP, C.A. Montréal, 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. A. Forget, P.-J. Dalphond et P. Rayle.

[6]           Idem, par. 26.

[7]           En ce sens, voir Trudel précité note 3, par. 56 et 57.

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