Morency et Ferme Belgirard inc. |
2012 QCCLP 1524 |
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[1] Le 8 août 2011, monsieur Bastien Morency (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 1er août 2011 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST dispose de trois contestations du travailleur. Ainsi, la CSST déclare que « les notes évolutives reçues par le travailleur ne peuvent constituer une décision de la Commission ». Elle déclare ainsi irrecevable la demande de révision du 1er mai 2011 (136700630-002).
[3] La CSST confirme également la décision initiale qu’elle a rendue le 7 juin 2011 et déclare qu’elle est justifiée de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 29 mai 2011 (136700630-003).
[4]
Enfin, la CSST déclare nulle et sans effet la décision du 20 juin 2011
et déclare sans objet la demande de révision du 20 juin 2011 (136700630-004). À
ce stade-ci, le soussigné précise que cette décision du 20 juin 2011 visait
l’annulation du plan individualisé de réadaptation du travailleur conformément
aux dispositions de l’article
L’AUDIENCE
[5]
Le travailleur est présent à l’audience tenue, à Lévis, le 14 février
2012. L’employeur, Ferme Belgirard inc., est également présent à l’audience en
la personne de monsieur Raymond Girard, son président. La CSST, intervenante au dossier conformément aux dispositions de l’article
[6] La CSST et le travailleur ont tenu à déposer des documents additionnels au soutien de leur preuve respective. Le soussigné en a autorisé le dépôt bien que celui-ci ait été fait tardivement et en contravention de la règle 11.2 des Règles de preuve et de procédure de la Commission des lésions professionnelles[2]. Ces documents sont les suivants :
C-1 : Mise à jour des notes évolutives rédigées par les agents, médecins-conseils et conseillers en réadaptation de la CSST
T-1 : Lettre du 10 février 2012 de la compagnie Hélicoptères Canadiens Limitée
[7] Des références précises seront faites au contenu de ces documents plus loin dans cette décision.
[8] Le dossier fut mis en délibéré le jour de l’audience, soit le 14 février 2012.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[9] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision rendue par la CSST le 1er août 2011 à la suite d’une révision administrative et de déclarer que sa contestation du 1er mai 2011 déposée à l’encontre de la lettre de la CSST datée du 7 avril 2011 est recevable. Il demande également au tribunal de déclarer que la CSST n’était pas justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu ni de mettre fin au plan individualisé de réadaptation.
LES FAITS
[10] En raison du caractère spécifique du présent litige, le présent tribunal se limite à ne rapporter que les faits essentiels à sa compréhension ainsi qu’à la motivation de la présente décision.
[11] Le travailleur est âgé de 33 ans à la date de l’événement à l’origine de la présente contestation et il occupait alors un emploi d’opérateur de batteuse chez l’employeur depuis le mois d’avril 2009.
[12] Le 7 décembre 2009, le travailleur subi un accident du travail qu’il décrit en ces termes sur le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement rempli le 17 décembre 2009 :
Le travailleur était opérateur d’une batteuse dans le 5e Rang de LaDurantaye. Les grains de maïs ne s’écoulaient pas bien dans le reservoir à maïs de la batteuse. Le travailleur est donc allé dans le réservoir pour vérifier le problème et son pied gauche s’est coincé dans la vis qui amène le grain. Une partie des orteilles et du pied gauche ont été sectionnée. [sic]
[13] La réclamation que le travailleur soumet à la CSST à l’égard de cet événement est acceptée par une décision rendue le 5 janvier 2010.
[14] Au cours des semaines et des mois qui suivent, le travailleur fait l’objet d’un suivi médical régulier et il se prête à de nombreux examens ainsi qu’à deux chirurgies.
[15] Le 24 août 2010, le travailleur est examiné par le docteur Michel Giguère, chirurgien orthopédiste, qui remplit alors un Rapport d’évaluation médicale. Le docteur Giguère confirme le diagnostic d’« amputation traumatique pied gauche », condition pour laquelle il attribue des déficits-anatomophysiologiques totalisant 27 % selon le Barème des dommages corporels[3] (le barème).
[16] Il attribue également les limitations fonctionnelles suivantes :
Monsieur doit éviter les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser, tirer des charges de 5 à 8 kilos;
- garder la position debout plus de 20 à 30 minutes;
- marcher de façon prolongée, plus de 30 minutes;
- circuler dans les escaliers;
- marcher en terrain accidenté ou glissant.
[17] Le 14 septembre 2010, le docteur Denise Thériault, médecin-conseil au Bureau médical régional de la CSST rédige une note évolutive par laquelle elle indique que « le REM du Dr Giguère est conforme à son examen et au Barème ».
[18] Le 30 septembre 2010, la CSST rend une décision concernant le pourcentage de l’atteinte permanente résultant de la lésion. La CSST informe le travailleur que ce pourcentage de handicap totalise 33,25 % et qu’il lui donne droit à une indemnité pour préjudice corporel au montant de 26 427,10 $.
[19]
Le 4 octobre 2010, la CSST rend une décision concernant la réadaptation.
Elle informe alors le travailleur de son droit à la réadaptation conformément
aux dispositions des articles
[20] Les notes évolutives rédigées par les agents d’indemnisation et conseillers en réadaptation de la CSST révèlent que ceux-ci se sont livrés à une prise en charge du dossier en réadaptation dès le mois de janvier 2010.
[21] À cette date, comme le travailleur a subi une amputation partielle du pied gauche, il était déjà évident que cette lésion entraînerait des séquelles permanentes graves lui donnant éventuellement droit à la réadaptation. C’est ainsi que des mesures de réadaptation physique et sociale ont déjà été identifiées et mises en place.
[22] La note évolutive du 9 février 2010 révèle qu’un premier plan d’intervention fut élaboré avec différentes ressources du Centre de réadaptation en déficience physique, Chaudière-Appalaches (CRDP-CA). La CSST confie donc un mandat qui implique l’intervention de psychologue, physiothérapeute et ergothérapeute.
[23] Les notes évolutives consignées au dossier du tribunal révèlent des interventions régulières de la part de madame Lysiane Gagnon, agent d’indemnisation, et de madame Louisette Poulin, conseiller en réadaptation.
[24] À cet égard, la note évolutive du 27 mai 2010 révèle l’intervention suivante lors d’un échange avec le travailleur :
- Aspect financier :
Nous expliquons à T qu’à cause de son type de blessure, il a la chance de bénéficier d’une équipe de réadaptation pour l’aider à progresser plus rapidement mais E paye indirectement par ses cotisations de CSST pour tous les services qu’il reçoit. Donc, si la lésion se prolonge injustement, il va en faire les frais. T nous mentionne qu’il a l’intention de se battre pour que E n’ai pas à faire les frais de sa lésion puisque selon lui E n’a pas été négligent. Il entretenait toujours sa machinerie.
[…]
* Le rôle de la CSST :
- Lui permettre de recevoir les TX dont il a besoin pour qu’il puisse améliorer sa condition physique et mentale.
- Suivre les TX recommandés par son médecin traitant.
- Compenser pour son salaire (IRR) le temps qu’il sera en arrêt de travail à cause de sa lésion.
- D’être neutre pour traiter le dossier afin que T puisse recevoir ce qu’il a droit et que E puisse aussi faire valoir son point de vu dans les limites de la loi.
- Protéger son droit de retour au travail.
- Travailler avec T et E pour que le retour au travail se fasse dans le respect de la condition physique des travailleurs chez E ou ailleurs sur le marché du travail.
* Ses obligations :
- Fournir les renseignements demandés par la CSST.
- Suivre les traitements médicaux que son médecin estime nécessaires.
- Il existe d’autres obligations que nous lui avons lui rapidement et avons inscrit.
[…]
Malgré la définition de la loi, nous réalisons Mme Simoneau et moi que T n’a pas la même définition de la consolidation pour lui sa lésion physique est consolidé puisque sa plaie au niveau de son pied est stable et il demander un RMF au médecin. Pour T, le début du port de la prothèse veut dire que la réadaptation commence puisqu’avant, il était dans la phase adaptation. Nous lui expliquons qu’au niveau de la loi, nous ne parlons pas d’adaptation mais de réadaptation physique, sociale et professionnelle. Donc actuellement, T serait en réadaptation physique. Nous ajoutons que pour les dossiers de gens qui ont des blessures graves, les équipes de professionnelle (CRDP-CA) et de la CSST (agent d’indemnisation et de réadaptation) sortons très souvent des sentiers battus puisque T nous mentionne qu’il n’est pas une personnes comme les autres. C’est à la CSST de décider avec l’accord de son médecin traitant, les étapes à franchir et si ce dernier est en accord avec les démarches, nous irons dans ce sens. Exemple : nous faisons un lien avec la réadaptation professionnelle versus les démarche chez E même s’il n’est pas consolidé.
-> Nous allons lui faire parvenir les définitions de la loi de la réadaptation : physique, sociale et professionnelles.[sic]
[Notre soulignement]
[25] Par la suite, à compter de la fin novembre 2010, madame Marie Tousignant prend en charge le dossier à titre de conseiller en réadaptation en relève à madame Louisette Poulin.
[26] Madame Tousignant rencontre le travailleur le 16 décembre 2010. La note évolutive qu’elle rédige à cette date révèle que le travailleur a exhibé sa prothèse et lui a expliqué pourquoi celle-ci ne convenait pas à ses besoins. Le travailleur a également montré les bottes qu’il a acquises au coût de 500 $ et qui lui conviendraient davantage. Le travailleur fait également allusion à certaines remarques de la psychologue du CRDP-CA faites dans le cadre de son intervention
[27] Quant à la réadaptation professionnelle, le tribunal reproduit l’extrait suivant de cette note évolutive du 16 décembre 2010 :
- Aspect professionnel :
T nous parle de son désir de suivre un cour de pilote et nous dit qu’il ne pourra refaire son travail à la ferme à cause de ses limitations. Il nous dit avoir une confirmation d’un organisme gouvernemental fédéral d’avoir les capacités de suivre le cours de pilote. (nom de l’organisme à confirmer) [sic]
[28] Le 22 décembre 2010, une seconde rencontre est tenue au domicile du travailleur dont l’objet est de procéder à l’évaluation des travaux d’entretien et du suivi du dossier de réadaptation. Le tribunal reproduit l’extrait suivant de la note évolutive rédigée par madame Tousignant à cette date quant à la réadaptation professionnelle :
[…]
T nous donne une copie e son certificat médical, de Transport Canada, plus précisément des bureaux régionaux de la médecine aéronautique civile. Ce certificat l’autorise médicalement à être pilote. Il nous dit qu’il veut être pilote d’hélicoptère et que rien ne le fera changer. Nous lui demandons s’il s’est informé du coût de ce cours. Oui, 68000$. Nous lui disons que le rôle de la conseillère en réadaptation est d’abord d’évaluer si son poste de travail lors de l’accident demeure possible à occuper avec ses limitations fonctionnelles. Il nous dit qu’il est allé chez son ancien E pcqu’il s’ennuyait et qu’il s’est rendu compte que de faire le tour de la batteuse, de se pencher pour vérifier la mécanique et de monter et descendre de la machine est trop difficile pour lui. Il nous dit que ce qu’il veut, c’est une entente avec la CSST pour son cours de pilote, qu’il veut avoir l’adrénaline qu’il ne peut plus avoir à cause de son amputation. Nous lui disons que nous allons discuter de RAT et des mesures lors de notre prochaine rencontre, que nous allons prendre l’information pour le cours de pilote mais que s’ils s’est déjà fait dire non c’est probablement parce que cette mesure n’est pas possible. Nous allons quand même vérifier. [sic]
[29] La première mention d’un tel cours de pilotage figure aux notes évolutives rédigées par madame Gagnon le 30 août 2010. Le tribunal en reproduit l’extrait suivant :
T nous dit que la CSST doit lui permettre d’être heureux dans ce qu’il va faire plus tard et ce qui le rendrait heureux c’est de suivre un cours de pilote d’hélicoptère ou d’avion. Il sait que Mme Poulin lui a déjà dit lors de notre première rencontre que la CSST ne le suivra dans la ses projets. [sic]
[30] Une autre mention à ce cours de pilotage figure à la note évolutive rédigée le 29 septembre 2010 dont le tribunal l’extrait suivant :
- Aspect légal :
T nous accuse de lui avoir menti lors de notre rencontre chez lui en janvier 2010 afin de l’obliger à prendre des décisions qui ferait l’affaire de la CSST lorsque nous lui avons dit qu’il serait très surprenant que son désir de devenir pilote d’hélicoptère soit exausé par la CSST même s’il n’était pas capable de refaire son travail. C’est à ce moment qu’il nous aurait répondu que s’il ne peut pas faire ce qui le rendrait heureux, il préférerait refaire son travail. [sic]
[31] Enfin, lors d’une troisième rencontre tenue le 9 mars 2011 avec le travailleur au bureau de la CSST, madame Tousignant aurait informé le travailleur de l’improbabilité pour lui d’obtenir un emploi de pilote d’hélicoptère pour de multiples raisons. Le tribunal reproduit les extraits suivants de la note évolutive qu’elle rédige à cette date :
[…]
Concernant la demande de formation, je dis à T que cela lui avait été refusé, et que je veux lui expliquer pourquoi. Pour accéder à cette formation, il doit d’abord avoir son secondaire, avec ses mathématiques et physique 436. Ensuite, il faudrait aller 3 ans au Cégep. Et finalement, les possibilités d’embauches dans la région me semble incertaines.
Je lui fait part de mon questionnement sur son certificat médical, a-il rencontré un médecin où il fait la demande sur internet? Je lui montre la déclaration médicale que l’on peut effectivement compléter sur le site de Transport Canada avant de recevoir une attestation.
T me répond que son cour se donne au privé, à l’école Hélicoptère Canadien, à l’aéroport de Québec. Il me dit que cela ne demande pas un sec.5. Il ajoute qu’il a rencontré un médecin et qu’il a une attestation médicale de catégorie 1, ce qui lui permet médicalement de devenir pilote professionnel. Finalement, T me dit que pour l’embauche, les emplois ne sont pas affiché, c’est l’école qui réfère les finissants.
Nous allons donc vérifier sur internet et je contacte directement l’école par téléphone. Monsieur Guy Dupont, directeur, confirme que le cours ne demande pas un secondaire 5. Cependant, il insiste sur la capacité de jugement de la personne et dit qu’il y a des cours théoriques difficiles tel que mathématiques. L’élève doit également posséder la compréhension de texte comme aptitude. Le cours demande 80 heures de théorie et 100 heures de pratique. Les frais d’inscription sont d’environ 65000$.
T nous dit qu’il sait de quoi il parle, que lorsqu’il était dans l’ouest Canadien à la plantation d’arbres, il a beaucoup voyagé en hélicoptère et sait qu’il est bon candidat à ce métier.
Je dis à T que je ne suis pas en mesure de lui répondre positivement. Je lui donnerai une réponse le plus tôt possible. Le coût de la formation est très dispendieux et nous avons un salaire d’environ 25 000$ à assurer. [sic]
[…]
[32] À la suite de cette rencontre avec le travailleur, le 16 mars 2011, madame Tousignant communique avec Hélicoptères Canadiens Limitée. Le tribunal reproduit l’extrait suivant de la note évolutive qu’elle rédige le même jour :
[…]
Discussion avec M. Xavier Soubiran, puisque M. Guy Dupont, directeur, est absent pour la semaine. Je demande s’ils accepteraient un candidat ayant une amputation au pied gauche, mais dont le talon peut servir d’appui. M. me répond que l’évaluation médicale par un Md de transport Canada est essentielle à l’acceptation d’un candidat et que c’est à un médecin de statuer sur ce volet. Par contre, il me précise que la conduite d’un hélicoptère demande l’usage fréquent des pieds.
Je demande à M.Soubiran les possibilités d’emploi suite à la réussite de ce cours. Il me répond que cela dépend des années et des besoins. Il me dit que suite à la réussite du cours, un nouveau pilote doit effectuer des tâches au sol ( laver les machines, aider les mécaniciens …). À cet étape, ils effectuent des vols de temps en temps mais cela demande de l’expérience pour être engagé ailleurs. Ce premier emploi est souvent au salaire minimum, ou un peu plus.
Concernant les tâches, un pilote a à travailler beaucoup dans la forêt (terrains accidentés), très souvent debout (laver et entretenir la machine, faire la mécanique, faire le plein et prévoir les réserves d’essence). Le pilote a donc à être debout plus de 30 minutes régulièrement. Il doit soulever des charges (essence entre autre).
L’école préconise que ses étudiants aient un secondaire 5, dû à la complexité théorique. [sic]
[33] Enfin, le 1er avril 2011, madame Tousignant communique par téléphone avec le travailleur et l’informe que la CSST ne peut lui payer son cours de pilote d’hélicoptère. Le tribunal reproduit l’extrait suivant de la note évolutive qu’elle rédige à la suite de cette conversation :
- Aspect professionnel :
[…]
… Je lui explique que j’ai discuté avec une personne de l’École à l’Aéroport et que plusieurs tâches qui font parti du rôle de pilote ne respectent pas ses limitations fonctionnelles, tel que de marcher sur un terrain accidenté (forêt) ou être debout de façon prolongé, ainsi que de faire la mécanique. T me dit qu’il a son attestation médicale, que je ne suis pas médecin et que ce n’est pas à moi à statuer sur la possibilité de faire cet emploi selon ses L.F. Effectivement, je ne suis pas médecin, mais comme je n’ai pas accès à ce rapport médical il m’est difficile de dire que T a bien informé le Md évaluateur des ses LF.
Je mentionne également à M. Morency que les perspectives professionnelles sont difficiles en début de carrière, et qu’il aurait à prendre de l’expérience au niveau entretien, mécanique avant de piloter, et que cela est habituellement au salaire minimum ou un peu plus. T me dit que non, qu’il peut pilote sans avoir à faire ces tâches de début. Je lui soumet avoir pris ces informations à l’École Hélicoptère Canadien.
T me dit que s’il ne peux faire ce métier, il doit être invalide puisque s’il ne peut faire cela, il ne pourra rien faire. Je lui dit qu’il y a des emplois qu’il doit pouvoir faire et que je lui propose une ouverture à explorer la situation avec une conseillère ou un conseiller en orientation. T me dit de lui envoyeur par écrit le refus de défrayer l’école d’hélicoptère et il me contactera ensuite. Je lui dit que je lui enverrai mes notes évolutives. T me demande également de répondre à sa dernière demande. Je lui spécifie qu’il n’est pas dans mes fonctions de décrire ce que je pense d’une loi ou d’un principe par écrit à un travailleur. Nous pourrons en rediscuter. [sic]
[Notre soulignement]
[34] Le 7 avril 2011, madame Tousignant adresse une lettre au travailleur par laquelle elle lui envoie copie de la note évolutive qu’elle a rédigée le 1er avril 2011. Le tribunal reproduit le texte suivant de cette lettre :
Tel que convenu, je vous envoies une copie des notes évolutives où vous retrouverez mon refus de débourser votre cours de pilote d’hélicoptère. [sic]
[35] Le travailleur conteste ce document de la CSST par lettre du 1er mai 2011. Cette lettre est adressée à la Commission des lésions professionnelles qui l’a fait suivre à la CSST par télécopie en date du 6 mai 2011. Le message de cette transmission par télécopie est le suivant :
Monsieur Morency considère la lettre de Marie Tousignant du 7 avril 2011 comme une décision refusant de débourser son cours de pilotage. Veuillez rendre une décision à votre niveau.
[36] La CSST a traité cette demande (136700630-002). Il s’agit donc du premier élément de la contestation soumise à l’attention du tribunal.
[37] La mise à jour des notes évolutives déposée par le procureur de la CSST (document coté sous C-1) révèle que le travailleur et les agents et conseillers en réadaptation de la CSST se sont engagés dans un « dialogue de sourds » à partir du mois d’avril 2011.
[38] C’est ainsi que la CSST a rendu une décision le 7 juin 2011 par laquelle elle informe le travailleur de la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, conformément aux dispositions de l’article 142, 2o d) de la loi. Il s’agit du deuxième objet de la contestation (136700630-003). La CSST impose cette mesure en raison du défaut du travailleur de commencer un processus d’orientation professionnelle, ce qui avait été évoqué auparavant.
[39] La CSST informe donc le travailleur que la suspension du versement de cette indemnité a déjà été faite depuis le 29 mai précédent. On y ajoute que la CSST pourrait également être obligée de réévaluer le plan de réadaptation s’il ne collabore pas d’ici le 14 juin 2011.
[40]
Le 20 juin 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle informe le
travailleur qu’elle met fin au plan de réadaptation. Cette décision est rendue
conformément aux dispositions de l’article
[41] Le 1er août 2011, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative qui fait l’objet de la présente contestation.
[42] À ce stade-ci, le soussigné considère pertinent de préciser que cette décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative précise qu’« aucun plan individualisé de réadaptation n’avait été préparé et mis en œuvre par la Commission ».
[43] Enfin, le 10 février 2012, Hélicoptères Canadiens Limitée émet une lettre dont le tribunal reproduit les extraits suivants :
Évaluation pour monsieur Bastien Morency
Cours théoriques : Début juin 2011
Cours pratiques : Début janvier 2012
Monsieur Morency a débuté son évaluation de pilote avec une formation de cours théoriques auquel il a donné entière satisfaction à son examen PSTAR, avec une note de passage de 50/50.
Par la suite, il a débuté une formation en vol sur hélicoptère Robinson 44. Très rapidement, il a démontré un réelle aptitude et une grande compétence faisant apparaitre un bon esprit pratique et technique. Son évaluation, basée sur 10 heures de vol, démontre qu’une formation de pilote commerciale hélicoptères basée sur 100 heures de formation serait couronnée de succès. [sic]
[44] Il s’agit là de l’essentiel de la preuve documentaire constituant le dossier.
[45] Le travailleur a témoigné à l’audience sur l’invitation du tribunal. Il a confirmé qu’il prétendait que la CSST ne collaborait pas avec lui dans le cadre de la réadaptation.
[46] Le travailleur s’est longuement exprimé sur les diverses doléances qu’il avait adressées à la CSST et qui visaient les allégations de fraude qu’il avait soulevées ainsi que les diverses démarches qu’il avait entreprises auprès du Protecteur du citoyen en plus d’une demande d’accès à la facturation de la Régie de l’assurance maladie du Québec à l’égard du traitement administratif de son dossier.
[47] À ce stade-ci, le tribunal tient à souligner que l’essentiel de ces démarches figure aux notes évolutives rédigées par les agents d’indemnisation et conseillers en réadaptation de la CSST, mais dont aucun extrait ne fut rapporté étant donné que ceux-ci n’ont pas de pertinence eu égard à la présente décision.
[48] Le travailleur a longuement expliqué l’intérêt qu’il avait pour le cours de pilotage et qu’il était en total désaccord avec le refus de la CSST d’en défrayer les coûts, car celle-ci devait lui donner satisfaction, que cela était même son obligation.
[49] Monsieur Raymond Girard, l’employeur, a également témoigné à l’audience. Il a tenu à préciser au tribunal que le travailleur était un individu débrouillard et appliqué dans son travail et qu’il était très dommage qu’il ait été victime d’une blessure aussi grave.
[50] Par ailleurs, il a exprimé son dépit de voir que le travailleur et la CSST ne pouvaient s’entendre sur la façon de régler ce dossier.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[51] Compte tenu du fait que le travailleur n’est pas représenté, le soussigné a invité le procureur de la CSST à soumettre ses arguments en premier, étape après laquelle le travailleur et l’employeur pourraient exprimer leurs représentations au tribunal.
[52] Ainsi, le procureur de la CSST a plaidé, d’entrée de jeu, que la lettre du 7 avril 2011 ne constituait pas une décision rendue par la CSST. Par cette lettre, madame Tousignant, conseiller en réadaptation au dossier, transmettait des extraits des notes évolutives du dossier qu’elle avait rédigées quelques jours auparavant au sujet du cours de pilotage exigé par le travailleur.
[53] Quant à la décision rendue par la CSST le 7 juin 2011, celle-ci constituait un coup de semonce pour susciter la collaboration du travailleur. Enfin, la décision du 20 juin 2011 a été rendue nécessaire par l’inaction du travailleur qui avait d’ailleurs été informé de cette mesure lors de la décision précédente du 7 juin 2011.
[54] En somme, elle a plaidé que le travailleur semblait éprouver un problème de perception du processus de réadaptation de la CSST.
[55] Ainsi, le travailleur a choisi une voie qui lui est personnelle et qui ne correspond pas aux objectifs et aux paramètres généraux de la réadaptation, au sens de la loi et de la réglementation qui sont applicables.
[56] Le travailleur a réitéré les propos qu’il avait soumis lors de sa déposition et demandé au tribunal de faire droit à sa contestation.
[57] L’employeur a simplement exprimé le vœu au tribunal que les deux parties puissent collaborer à résoudre ce problème qui n’en est pas un en réalité.
L’AVIS DES MEMBRES
[58]
Conformément aux dispositions de l’article
[59] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que l’ensemble de la preuve dont dispose le tribunal démontre que les deux parties sont engagées dans un cul-de-sac que l’on peut qualifier également de « dialogue de sourds ».
[60] Il constate que le travailleur s’est retiré de toute discussion avec la CSST à partir des mois d’avril et mai 2011 et qu’il s’est retranché dans ses positions qui sont catégoriques.
[61] Par ailleurs, il considère dommage que la CSST n’ait eu d’autre choix que de prendre les décisions qui font l’objet de la présente contestation alors qu’une solution aurait dû constituer l’aboutissement du processus de réadaptation.
[62]
Le membre issu des associations des employeurs partage totalement l’avis
de son collègue et elle souligne, quant au premier objet de contestation, que
la lettre du 7 avril 2011 ne peut constituer une décision de la CSST parce qu’elle ne répond pas aux exigences de l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[63] La Commission des lésions professionnelles doit statuer sur la présente contestation en deux volets. D’une part, elle doit décider de la recevabilité de la contestation datée du 1er mai 2011 produite par le travailleur à l’encontre de la lettre émise par la CSST le 7 avril 2011.
[64] D’autre part, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée, dans un premier temps, de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu comme elle l’a fait par la décision du 7 juin 2011 et, dans un deuxième temps, si elle était justifiée de mettre fin au plan individualisé de réadaptation comme elle l’a fait dans la décision rendue le 20 juin 2011.
[65] À ce stade-ci, le soussigné considère pertinent de rappeler que la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative, qui fait l’objet de la présente contestation, a conclu qu’aucun plan individualisé de réadaptation n’avait été préparé et mis en œuvre par la CSST.
[66]
Aux fins de rendre sa décision, le tribunal doit analyser les
dispositions des articles
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 145.
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
__________
1985, c. 6, a. 146.
147. En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission.
__________
1985, c. 6, a. 147.
[67]
Par ailleurs, il convient également de reproduire les dispositions de
l’article
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[68] Enfin, l’article 183 prévoit des dispositions très strictes quant au pouvoir de la CSST de mettre un terme à un plan individualisé de réadaptation :
183. La Commission peut suspendre ou mettre fin à un plan individualisé de réadaptation, en tout ou en partie, si le travailleur omet ou refuse de se prévaloir d'une mesure de réadaptation prévue dans son plan.
À cette fin, la Commission doit donner au travailleur un avis de cinq jours francs l'informant qu'à défaut par lui de se prévaloir d'une mesure de réadaptation, elle appliquera une sanction prévue par le premier alinéa.
__________
1985, c. 6, a. 183.
[69] En tout premier lieu, le soussigné tient à rétablir une incohérence commise dans la décision faisant l’objet de la présente contestation et qui veut qu’aucun plan individualisé de réadaptation n’ait été mis en œuvre dans la présente affaire.
[70] Une telle prétention est catégoriquement contredite par l’ensemble de la preuve documentaire dont dispose le tribunal.
[71] Le soussigné fait plus particulièrement référence aux notes évolutives rédigées par les officiers de la CSST, qui, bien que constituant du ouï-dire, n’en démontrent pas moins que, dès le mois de janvier 2010, les mesures de réadaptation ont été adoptées dans le traitement administratif de cette réclamation en raison de la gravité de la blessure subie par le travailleur.
[72] S’il est vrai que de telles mesures conservatoires ne peuvent automatiquement constituer un plan individualisé de réadaptation, il demeure qu’un tel plan fut élaboré, à tout le moins depuis le 27 mai 2010, dont le tribunal a reproduit de larges extraits de la note évolutive rédigée par madame Lysiane Gagnon auparavant au paragraphe [24] de la présente décision.
[73] Ce faisant, il s’avère totalement insoutenable de prétendre qu’aucun plan de réadaptation n’a été mis en œuvre par la CSST. Bien plus, ces mêmes notes évolutives révèlent que le travailleur y a collaboré amplement et pendant plusieurs mois.
[74] Ceci étant exposé, il convient maintenant d’analyser les trois objets constituant la présente contestation.
[75] Ainsi, la lettre du 7 avril 2011, en elle-même, ne constitue pas une décision de la CSST. Par contre, le texte de cette lettre fait nommément référence à un refus dont la justification est détaillée dans l’extrait de la note évolutive rédigée par madame Tousignant le 1er avril 2011.
[76]
Ces deux éléments correspondent exactement à ce que prévoit l’article
[77]
Cet article 147 ne peut pas être plus clair et il prévoit qu’il n’est
pas nécessaire pour la CSST de rendre une décision sur le papier corporatif portant
le logo de la CSST ainsi que les éléments requis par l’article
354. Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.
__________
1985, c. 6, a. 354.
[78] La particularité de l’article 147 réside précisément dans la possibilité de dispenser la CSST de rendre une décision formelle sur son papier corporatif lorsque les décisions sont prises dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation. Ces dispositions sont particulières et exclusives à ce chapitre de la loi.
[79]
Ainsi, aucune analogie ne peut être tracée avec la jurisprudence rendue
à l’égard des avis de paiement ou autres présumées décisions rendues par la CSST de façon informelle et contrairement aux dispositions de l’article
[80] En matière de réadaptation, le législateur a dispensé l’administrateur du régime de rendre une telle décision formelle à chaque modification du plan individualisé de réadaptation.
[81] De ce fait, la note évolutive rédigée par madame Tousignant le 1er avril 2011 transmise par lettre au travailleur le 7 avril 2011 constitue la décision de la CSST rendue quant au refus de payer au travailleur un cours de pilotage.
[82]
Cette lettre du 7 avril 2011 ainsi que la note évolutive qui
l’accompagne correspondent d’ailleurs en tous points aux prescriptions exigées
par l’article
[83] Par conséquent, la contestation du travailleur datée du 1er mai 2011 est recevable. Il appartient donc au tribunal de statuer sur le fond de cette contestation.
[84]
À cet égard, il convient de reproduire les articles
170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.
Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.
__________
1985, c. 6, a. 170.
171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.
Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.
__________
1985, c. 6, a. 171.
[85]
En plus de ces obligations, l’article 172 prévoit qu’un travailleur peut
bénéficier d’un programme de formation professionnelle ainsi que de services de
support en recherche d’emploi et d’orientation professionnelle tel que prévu à
l’article
[86] Cette avenue fut d’ailleurs proposée au travailleur par madame Tousignant le 1er avril 2011, ce dont il fut fait mention aux extraits de la note évolutive qu’elle rédige à ce moment et qui ont été rapportés auparavant au paragraphe [33] de la présente décision.
[87] Toutes ces dispositions de la loi exigent la collaboration du travailleur.
[88]
Par ailleurs, l’article
[89] Le texte intégral de cet article est le suivant :
181. Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.
Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.
__________
1985, c. 6, a. 181.
[90] Ainsi, dans la présente affaire, il est évident qu’un cours de pilotage ne correspond pas à l’obligation à laquelle est astreinte la CSST contrairement aux prétentions du travailleur.
[91] En conséquence, le présent tribunal doit conclure que la décision de refus de lui accorder une formation consistant en un cours de pilotage d’hélicoptère est pleinement justifiée dans les circonstances et qu’elle a été prise conformément à la loi.
[92] Malgré ce constat, il demeure que le travailleur peut assurément se voir attribuer un emploi convenable selon la procédure appropriée et dans la mesure où il collabore avec la CSST, obligation qu’il n’a pas le choix de respecter.
[93] La présente contestation oppose un travailleur qui, malgré un handicap sévère, est manifestement articulé, débrouillard, volontaire et convaincu. Cependant, il disperse son énergie sur plusieurs sujets dont certains sont totalement étrangers au dossier de sa réclamation.
[94] En outre, les deux parties se sont engagées dans un bras de fer qui a conduit aux deux décisions dont l’une met fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu et l’autre au plan individualisé de réadaptation.
[95] Cependant, lorsqu’il révise l’ensemble de la preuve qui lui est soumise, le tribunal hésite à conclure que ces deux décisions étaient pleinement justifiées en raison du retrait du travailleur de son processus de réadaptation, car les torts sont partagés en partie. Le soussigné déplore cette situation et la désapprouve compte tenu des grandes capacités du travailleur.
[96] L’ensemble de la preuve révèle que le travailleur, à l’évidence, est capable d’exercer un emploi qui lui sera convenable et qui sera attribué selon les règles prévues par la loi et les règlements. Certes, celui-ci devra collaborer à nouveau avec la CSST dans l’aboutissement de son plan individualisé de réadaptation qui consiste à déterminer un emploi convenable selon les paramètres que doit respecter la CSST. Le soussigné lui intimera l’obligation de collaborer à la réalisation de cet objectif ultime.
[97] Pour ces raisons, le soussigné considère pertinent et nécessaire de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle procède à la détermination d’un emploi convenable, avec la collaboration du travailleur, tel que la loi le prévoit. Un délai sera accordé aux parties pour parvenir à ce résultat final.
[98]
Il rend donc une ordonnance à ce sujet précis conformément aux
dispositions des articles
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
378. La Commission des lésions professionnelles et ses commissaires sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement.
Ils ont en outre tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs fonctions; ils peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu'ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties.
Ils ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.
1985, c. 6, a. 378; 1997, c. 27, a. 24.
[99] Dans ces circonstances, le soussigné demeurera saisi du présent dossier, de même que les membres qui l’accompagnaient lors de l’audience, et ce, jusqu’à ce qu’une décision finale intervienne quant à la détermination d’un emploi convenable et qu’elle mette fin au présent litige. Le soussigné verra personnellement au respect de cette ordonnance.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la contestation déposée par le travailleur, monsieur Bastien Morency, à la Commission des lésions professionnelles le 8 août 2011;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er août 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la contestation de monsieur Bastien Morency datée du 1er mai 2011 déposée à l’encontre de la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er avril 2011 et transmise par lettre datée du 7 avril 2011;
DÉCLARE, quant au fond de cette décision, que la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne peut souscrire à la demande de monsieur Bastien Morency de lui payer une formation de pilote d’hélicoptère;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 20 mai 2011;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la santé du travail était justifiée de mettre fin au plan individualisé de réadaptation de monsieur Bastien Morency par décision du 20 juin 2011;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle puisse convenir, avec la collaboration de monsieur Bastien Morency, de la détermination d’un emploi convenable et la capacité du travailleur à l’exercer, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
ACCORDE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et à monsieur Bastien Morency un délai de 120 jours pour la réalisation de cet exercice;
ORDONNE à monsieur Bastien Morency de collaborer à la réalisation de cet objectif, de concert avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail et conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que, dans ces circonstances exceptionnelles, monsieur Bastien Morency a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu rétroactivement au 29 mai 2011 et jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur la détermination d’un emploi convenable et la capacité du travailleur à l’exercer, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Denys Beaulieu |
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Me Odile Tessier |
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Vigneault Thibodeau Bergeron |
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Représentante de la partie intervenante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.