Décision

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Modèle de décision ( 81/2 x 11)

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

1er décembre 2005

 

Région :

Laval

 

Dossier :

192821-61-0210

 

Dossier CSST :

122211394

 

Commissaire :

Ginette Morin

 

Membres :

Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Richard Supple, associations syndicales

 

Assesseur :

 

Pierre Taillon, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Chantal Viau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Air Canada

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 22 octobre 2002, la travailleuse, madame Chantal Viau, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 septembre 2002 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 16 avril 2004 et déclare que madame Viau n’a pas subi de lésion professionnelle le 18 février 2002.

[3]                Par cette même décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 19 avril 2002 et déclare qu’en l’absence d’une lésion professionnelle initiale survenue le 18 février 2002, madame Viau n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation de cette lésion le 27 mars 2002.

[4]                Madame Viau est présente à l’audience tenue à Laval les 16 juin et 6 octobre 2005 et elle est représentée. L’employeur, Air Canada, est aussi représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Madame Viau demande de déclarer qu’elle a subi des lésions professionnelles les 18 février et 27 mars 2002 et qu’elle a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête de madame Viau doit être rejetée.

[7]                Il estime que madame Viau ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue par l’article 29 de la loi parce que la preuve ne démontre pas qu’elle a été en contact avec des oreillers ou des couvertures contaminés à une date donnée. Il estime aussi que madame Viau n’a pas démontré que la maladie parasitaire diagnostiquée chez elle le 18 février 2002 est une maladie directement reliée aux risques particuliers de son travail d’agente de bord. Étant donné cet avis qu’il retient, il estime que madame Viau n’a pas subi, le 27 mars 2002, une récidive, rechute ou aggravation.

[8]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête de madame Viau doit être accueillie.

[9]                Il estime que la gale diagnostiquée chez madame Viau est une maladie professionnelle. Bien qu’il s’agisse d’une parasitose, il considère que la présomption de maladie professionnelle prévue par l’article 29 de la loi ne peut trouver application puisque la preuve ne démontre pas que le travail d’agent de bord implique des contacts avec du matériel contaminé. Il estime cependant que la preuve offerte démontre que la gale dont a souffert madame Viau est une maladie directement reliée aux risques particuliers de ce travail. Il estime aussi que madame Viau a subi, le 27 mars 2002, une récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[10]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si madame Viau a subi des lésions professionnelles les 18 février et 27 mars 2002.

[11]           La notion de « lésion professionnelle » est définie comme suit à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

 

[12]           C’est d’une maladie professionnelle et d’une récidive, rechute ou aggravation de cette maladie dont il est question dans la présente affaire.

[13]           En effet, madame Viau travaille comme agente de bord pour le compte de l’employeur et elle prétend que la gale diagnostiquée chez elle par son médecin traitant, la docteure Anne-Marie Gravel, est une maladie professionnelle qui s’est manifestée le 18 février 2002. Cette date correspond en fait à celle où, comme le précise la docteure Gravel dans son rapport médical du 15 mars 2002, ce médecin a pour la première fois posé le diagnostic de gale.

[14]           Dans ce rapport médical, la docteure Gravel indique qu’elle a examiné madame Viau le 18 février et qu’elle a à ce moment diagnostiqué la gale chez cette dernière. Elle indique aussi que l’historique n’a pas permis d’identifier une source d’infestation, sauf peut-être le travail qu’exerce madame Viau, lequel implique un contact avec des couvertures et des oreillers. La docteure Gravel indique également qu’elle a revu madame Viau le 8 mars 2002 et que cette dernière était alors toujours symptomatique de sa maladie[2].

[15]           Madame Viau prétend également qu’elle a subi, le 27 mars 2002, une récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle étant donné l’eczéma sévère diagnostiqué chez elle à cette date par la docteure Gravel.

[16]           Dans son rapport médical du 27 mars, la docteure Gravel pose le diagnostic d’eczéma sévère secondaire aux traitements antiscabieux administrés et elle prescrit du repos pour une semaine.

[17]           La notion de « maladie professionnelle » est ainsi définie à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

 

[18]           Les articles 29 et 30 de la loi prévoient ce qui suit concernant la reconnaissance d’une maladie professionnelle :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

 

[19]           Pour sa part, la section II de l’annexe I de la loi prévoit, à titre de maladie causée par des agents infectieux, la parasitose  :

 

 

 

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

[…]

 

SECTION II

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS INFECTIEUX

 

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

[...]

 

[...]

2. Parasitose :

un travail impliquant des contacts avec des humains, des animaux ou du matériel contaminé par des parasites, tels sarcoptes scabiei, pediculus humanis;

 

 

[20]           Après considération de la preuve, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que madame Viau n’a pas contracté une maladie professionnelle.

[21]           En effet, la Commission des lésions professionnelles estime que madame Viau ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle édictée par l’article 29 de la loi.

[22]           Dans le dictionnaire médical auquel s’est référée la représentante de l’employeur[3], la gale est définie comme étant une « affection cutanée due à des parasites de l’ordre des acariens, les sarcoptes (Sarcoptes scabiei ) ». La gale diagnostiquée chez madame Viau par la docteure Gravel est donc une parasitose et elle constitue une maladie énumérée à l’annexe I de la loi.

[23]           Cependant, la preuve ne démontre pas de façon prépondérante que le travail d’agent de bord est un travail qui implique des contacts avec du matériel contaminé par des sarcoptes scabiei.

[24]           Lors de son témoignage, madame Viau explique qu’à l’époque où sont apparus les premiers symptômes de sa maladie, soit vers le 8 février 2002, elle était affectée à un vol effectuant un aller-retour durant la même journée entre Montréal et Fort Lauderdale. Elle explique aussi qu’elle devait manipuler des oreillers et des couvertures pour les distribuer aux passagers ou pour les ranger une fois le vol rendu à destination.

[25]           Madame Viau indique qu’elle n’avait pas l’obligation de distribuer des oreillers et des couvertures à tous les passagers, mais seulement à ceux qui en faisaient la demande. Une fois de retour à Montréal, elle avait cependant l’obligation de ranger ces articles dans les compartiments servant à cette fin. De plus, même si c’est l’équipe de nettoyage qui devait ramasser ces articles lors de l’escale à Fort Lauderdale, il arrivait souvent qu’elle doive le faire puisque cette équipe n’avait pas toujours le temps d’exécuter cette tâche.

[26]           Madame Viau indique également que, la plupart du temps, ce sont des couvertures et des oreillers ayant été utilisés lors du vol de la veille qui se trouvaient dans l’avion au moment du départ pour Fort Lauderdale. De plus, à cet endroit, les couvertures et les oreillers n’étaient jamais remplacés par des propres. C’étaient les mêmes articles qui servaient aux nouveaux passagers.

[27]           Le témoignage de madame Viau à ce sujet n’est pas contredit, mais tout ce qu’il établit, c’est que les couvertures et oreillers qu’elle a été appelée à manipuler n’étaient pas toujours d’une propreté impeccable. Il n’établit pas, comme l’exige l’annexe I de la loi, que le travail d’agent de bord est un travail qui, de par sa nature, implique des contacts avec du matériel contaminé par des sarcoptes scabiei.

[28]           L’extrait du compte rendu d’une réunion du comité de santé et de sécurité du travail tenue le 19 décembre 2002 retrouvé au dossier ne peut servir à cette fin. Il est uniquement fait état à ce compte rendu d’une plainte logée concernant une infestation de gale qui aurait été « suspectée ». On ne retrouve aucune information plus précise au sujet de cette plainte notamment, concernant le fait qu’elle s’est ou non avérée bien fondée après enquête.

[29]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la note rédigée par un membre du syndicat également retrouvée au dossier ne peut non plus servir à établir que le travail d’agent de bord implique généralement un contact avec du matériel contaminé par des parasites.

[30]           En effet, le signataire de cette note réfère à des études qui, selon lui, démontreraient que les couvertures manipulées par les agents de bord sont souvent contaminées. Ces études n’ont cependant pas été déposées en preuve, de sorte que le tribunal n’a pu lui-même en prendre connaissance. De plus, selon ce qui est rapporté dans cette note, les études en question auraient démontré que les couvertures sont souvent contaminées par différentes bactéries, mais pas par des parasites.

[31]           La présomption de maladie professionnelle peut aussi trouver application dans le cas d’un travailleur souffrant d’une parasitose alors qu’il exerce un travail qui implique des contacts avec des humains.

[32]           En référant à l’affaire Ménard et C.E.T.A.M.[4], la représentante de l’employeur prétend que, lorsqu’il est allégué qu’une parasitose a été contractée par le biais d’un contact humain, la preuve doit démontrer que l’humain en question était contaminé par l’agent infectieux à l’origine de la maladie parasitaire diagnostiquée chez le travailleur.

[33]           Pour sa part, en référant à la position adoptée dans l’affaire Service de police de la CUM et Boucher[5], le représentant de madame Viau prétend que cette preuve n’a pas à être faite dans ce cas précis.

[34]           À la lecture de cette affaire, on comprend que le tribunal a considéré que, parce que le mot « contaminé » est employé au singulier, il qualifie seulement le mot « matériel » qui le précède et non pas les mots « humains » et « animaux ». Par conséquent, le travailleur qui prétend avoir contracté une maladie parasitaire dans le contexte d’un travail qui implique des contacts avec des humains, n’a pas à démontrer qu’il s’agissait d’humains contaminés par la même maladie.

[35]           Comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans la décision qu’elle rend en révision, cette conclusion est loin d’être absurde :

[47] Dans le présent cas, toutefois, et avec respect, il est loin d’être absurde ou de sembler contraire à la volonté du législateur d’interpréter, dans des cas de parasitose, le mot «contaminé» au singulier comme s’appliquant au mot «matériel» qui le précède et non au «contact avec des humains ou des animaux», comme le souligne d’ailleurs la Commission des lésions professionnelles dans sa décision.  La Commission des lésions professionnelles n’avait pas à aller plus loin.

 

[48] Considérant que la présomption de l’article 29 appliquée à la section des maladies causées par des agents infectieux, est une présomption édictée par le législateur pour favoriser l’administration de la preuve de l’existence d’une lésion professionnelle et non le contraire, cette présomption doit être interprétée comme favorisant la preuve du travailleur et non pas celle de l’employeur.  Dans un cas de parasitose, si médicalement il est reconnu que de simples contacts avec des humains sont suffisants pour la provoquer, pourquoi faudrait-il, à moins que le législateur ne l’ait expressément exigé, comme il semble l’avoir fait dans l’hépatite virale, qu’il y ait preuve au préalable de contamination?  À quoi servirait dès lors la présomption s’il fallait prouver la contamination au préalable?  Si on doit prouver que les humains avec qui l’on a été en contact étaient contaminés, il n’y a plus besoin de présomption.

 

 

[36]           À l’inverse, la Commission des lésions professionnelles estime que l’on ne peut conclure que les conditions d’application de l’article 29 sont rencontrées du seul fait que le travailleur chez qui une maladie parasitaire est diagnostiquée exerce un travail qui implique des contacts humains, peu importe la nature des contacts.

[37]           En effet, cette approche conduirait à des situations peu satisfaisantes dans la mesure où cette unique exigence ferait en sorte que cette présomption trouverait application dans tous les cas où l’emploi exercé par le travailleur implique un contact avec le public, comme une caissière de super marché, un commis dans un magasin à grande surface, un pompiste, une caissière d’établissement financier, etc.

[38]           Le mot « contact » est défini comme étant « l’état ou la position de deux corps ou de deux substances qui se touchent »[6], de sorte que, de l’avis du tribunal, la notion de « contact humain » qui est associée à la maladie parasitaire doit être interprétée dans le sens d’un contact physique avec des humains.

[39]           En outre, parce que le législateur réfère, sous la rubrique « Genres de travail », à un travail qui « implique » des contacts avec des humains, il doit nécessairement s’agir d’un travail qui, en raison de sa nature, exige d’avoir des contacts significatifs avec des humains comme par exemple, le travail de préposé aux bénéficiaires.

[40]           Dans l’affaire Service de police de la CUM[7], il s’agissait d’ailleurs d’un policier ayant dû maîtriser physiquement un individu nu et en sueur. Comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans sa décision en révision, c’est cette « preuve d’un contact étroit avec les humains dans un contexte à risque » qui a été considérée comme permettant l’application de la présomption prévue par l’article 29.

[41]           Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve est insuffisante aux fins de conclure que le travail d’agent de bord en est un qui implique des contacts physiques significatifs avec des humains.

[42]           Le témoignage de madame Viau a essentiellement porté sur l’état des oreillers et des couvertures qu’elle doit manipuler. Bien qu’elle ait indiqué qu’elle doive parfois prêter assistance à des passagers, elle n’a pas élaboré sur ce volet de ses tâches, de sorte que le tribunal ne dispose d’aucune information sur la nature et la fréquence des contacts physiques que ce travail comporte réellement.

[43]           D’ailleurs, bien que son représentant ait fait valoir que la présomption de maladie professionnelle doive trouver application parce que le travail d’agent de bord implique des contacts avec des humains, il ressort de l’ensemble du témoignage de madame Viau qu’elle associe sa maladie aux oreillers et aux couvertures qu’elle doit manipuler plutôt qu’à l’assistance qu’elle doit parfois prêter à des passagers.

[44]           Ne pouvant bénéficier de la présomption de maladie professionnelle, madame Viau devait donc démontrer, au moyen d’une preuve prépondérante, que la maladie parasitaire qu’elle a contractée est une maladie reliée directement aux risques particuliers de son travail d’agente de bord. Il n’est en effet pas soutenu ni démontré en preuve qu’il s’agit d’une maladie caractéristique de ce travail.

[45]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que cette preuve ne lui a pas été faite.

[46]           En effet, madame Viau n’a pas travaillé au cours de la période du 21 décembre 2001 au 23 janvier 2002 en raison d’une sinusite. Par la suite, elle a travaillé les 24 et 25 janvier, elle était en congé les 26 et 27 janvier et elle a de nouveau travaillé les 28, 29 et 30 janvier 2002. Après cette dernière date, elle a travaillé les 6, 7 et 8 février 2002.

[47]           Selon la littérature médicale produite par madame Viau[8], la période d’incubation de la gale est de deux à six semaines dans le cas d’une première infestation et celle-ci déclare que ses premiers symptômes sont apparus vers le 8 février 2002, soit une semaine et demi avant que la docteure Gravel diagnostique cette maladie chez elle le 18 février suivant.

[48]           Compte tenu de la date à laquelle les premiers symptômes de la gale se sont manifestés chez madame Viau, de la durée de la période d’incubation de cette maladie, et de la période au cours de laquelle celle-ci n’a pas travaillé en raison d’une sinusite, il faut donc conclure que seules les journées de travail des 24 et 25 janvier 2002 sont potentiellement en cause.

[49]           La Commission des lésions professionnelles retient aussi que madame Viau ne déclare pas qu’elle a dû, durant une de ces deux journées de travail, prêter assistance à un passager en intervenant auprès de celui-ci de manière particulière. De plus, elle indique, lors de son témoignage, qu’il n’a pas été porté à sa connaissance que les agents de bord qui travaillaient avec elle les 24 et 25 janvier avaient contracté la gale.

[50]           La Commission des lésions professionnelles retient également que l’hypothèse voulant que madame Viau ait contracté la gale à une de ces deux dates en manipulant un oreiller ou une couverture contaminés n’est pas supportée par une preuve prépondérante.

[51]           On peut retenir du témoignage de madame Viau qu’elle a certes manipulé quelques oreillers et couvertures les 24 et 25 janvier 2002 une fois de retour à Montréal puisqu’il est de sa responsabilité de les ranger à la fin du vol. On peut aussi retenir qu’elle a possiblement manipulé quelques-uns de ces articles pour les distribuer à des passagers durant le vol ou encore, pour les ramasser lors de l’escale à Fort Lauderdale.

[52]           Cependant, la preuve médicale démontre qu’il demeure peu probable que madame Viau ait contracté la gale en manipulant ces articles le 24 ou le 25 janvier 2002.

[53]           En effet, selon la littérature médicale soumise en preuve, tant par madame Viau[9] que par l’employeur[10], est unanime à ce sujet. La gale se transmet avant tout par contact physique direct et, parce que le sarcopte scabiei ne survit pas plus que deux jours lorsqu’il est en dehors de son hôte humain, la contamination indirecte au moyen d’articles eux-mêmes contaminés demeure une éventualité beaucoup plus rare.

[54]           De plus, il ressort de cette littérature, que la contamination indirecte se fait au moyen d’articles précis tels, des draps, des couvertures, des serviettes, des sous - vêtements, et donc, par des articles qui viennent très intimement en contact avec la peau durant un certain temps. Selon cette preuve, il est donc difficile de conclure de façon probante que c’est un oreiller ou une couverture manipulés durant seulement quelques secondes qui est à l’origine de la gale contractée par madame Viau.

[55]           C’est d’ailleurs à cette même conclusion qu’en est venue le docteur Jean Gagnon, médecin conseil de la CSST, lorsqu’il a fait l’étude de la réclamation de madame Viau :

« la gale est une dermatose causée par le « sarcopte scabiei ». La contamination est interhumaine et se fait par contact direct en particulier chez les membres de la famille ou chez les partenaires sexuels. Une contamination indirecte est possible par l’environnement mais de façon occasionnelle car le parasite peut survivre pendant 2 à 3 jours dans des draps, les vêtements ou la poussière de maison. Les épidémies peuvent survenir dans les hôpitaux et les maisons de santé. Ce qu’il faut se rappeler c’est le contact direct avec un porteur de gale ou avec des objets contaminés tels les draps. »

 

 

[56]           Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que la gale diagnostiquée chez madame Viau le 18 février 2002 ne constitue pas une maladie professionnelle. Par conséquent, madame Viau ne peut avoir subi, le 27 mars 2002, une récidive, rechute ou aggravation de cette maladie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de la travailleuse, madame Chantal Viau;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 septembre 2002 à la suite d’une révision administrative; et

DÉCLARE que madame Chantal Viau n’a pas subi de lésions professionnelles les 18 février 2002 et 27 mars 2002.

 

 

__________________________________

 

Ginette Morin

 

Commissaire

 

 

 

 

Monsieur Normand Whear

F.A.T.A.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Lucie Guimond

DESJARDINS DUCHARME STEIN MONAST

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]          L. R. Q., c. A-3.001

[2]          Dans une décision non contestée du 31 octobre 2002, la CSST détermine que, puisqu’elle a refusé de reconnaître la maladie professionnelle alléguée du 18 février 2002, madame Viau n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation de cette maladie le 8 mars 2002.

[3]          Larousse médical, Paris, Larousse, 2000, pp. 415 et 416

[4]          C.A.L.P. 62357-62-9408, 24 novembre 1995, A. Archambault

[5]          C.L.P. 113906-63-9904, 27 janvier 2000, Y. Lemire, révision rejetée, 23 janvier 2002, G. Robichaud

[6]          Le petit Larousse illustré 1998, Paris, Larousse-Bordas, 1997, p. 254

[7]          Précitée, note 5

[8]          Madame Viau a soumis des articles et extraits d’ouvrages médicaux consultés par Internet et dont les références exactes ne sont pas identifiées. Pour éviter d’alourdir cette note, seules les données suivantes relatives aux titres des documents et à leur provenance sont fournies : Facts About Scabies, extrait d’un ouvrage intitulé The Best Control; La gale, Société canadienne de pédiatrie, Gale, Société canadienne de pédiatrie; Parasitoses cutanées et ectoparasitoses, Journée de dermatologie; Scabies, Fact Sheet, Health and Safety; Scabies Fact Sheet, Community & Family Health Administrations; La gale dans les établissements pour personnes âgées en France en 1996, Bulletin épidémiologique hebdomadaire.

[9]          Id.

[10]        Larousse médical, op. cit., note 6, Jean-Hilaire SAURAT, Édouard GROSSHANS, Paul LAUGIER, Jean-Marie LACHAPELLE, Dan LIPSKER, Luc THOMAS, Jean-Philippe LACOUR, Jean-Marie NAEVAERT, Denis SALOMON et Ralph BRAUN, Dermatologie et infections sexuellement transmissibles, 4e éd., Masson, Paris, 2004.

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