Décision

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Dorion et Québec (Ministère des Transports) (Direction Laurentides Lanaudière)

2011 QCCLP 5728

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

25 août 2011

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

404864-64-1003      413266-64-1006

 

Dossiers CSST :

135585107   135845881

 

Commissaire :

Martine Montplaisir, juge administrative

 

Membres :

Conrad Lavoie, associations d’employeurs

 

Stéphane Marinier, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Jean Morin, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Linda Dorion

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère des Transports

Direction Laurentides—Lanaudière

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

404864-64-1003

[1]           Le 4 mars 2010, madame Linda Dorion dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 24 février 2010.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision du 13 novembre 2009 et déclare que madame Dorion n'a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2009 et qu'elle n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

413266-64-1006

[3]           Le 21 juin 2010, madame Dorion dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative, le 14 juin 2010.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme la décision du 25 mars 2010 et déclare que madame Dorion n'a pas subi de lésion professionnelle le 19 janvier 2010 et qu'elle n'a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[5]           Le 1er juin 2010, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint-Jérôme à laquelle madame Dorion est présente et est représentée par Me Stéphanie Gagné.   Le Ministère des Transports (l'employeur) est représenté par Me Jean Hébert.

[6]           À l'audience, le tribunal accorde un délai aux parties pour déposer des documents.  Les 17 juin 2011 et 12 juillet 2011, les parties déposent des documents.  Le tribunal met l'affaire en délibéré le 12 juillet 2011.

L'OBJET DES CONTESTATIONS

[7]           Madame Dorion demande de reconnaître qu'elle a subi des lésions professionnelles les 2 septembre 2009 et 19 janvier 2010 et qu'elle a droit aux prestations prévues par la loi.

L'AVIS DES MEMBRES

[8]           Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu de rejeter la requête de madame Dorion en date du 4 mars 2010, d'accueillir sa requête en date du 21 juin 2010 et de déclarer que cette dernière n'a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2009, mais qu'elle a subi une lésion professionnelle le 19 janvier 2010 et qu'elle a droit aux prestations prévues par la loi en relation avec celle-ci.

[9]           Madame Dorion ne décrit aucun traumatisme précis à l'origine de la manifestation de ses symptômes du 2 septembre 2009 qu'elle décrit comme étant une sensation de fatigue, d'ankylose et d'étirement.  La preuve que les hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 constituent une blessure qui est survenue le 2 septembre 2009 au travail n'a donc pas été faite, et ce, d'autant plus que le diagnostic de hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 est posé le 8 septembre 2009 seulement, soit six jours plus tard.

[10]        Madame Dorion, par ailleurs, n'a pas relevé son fardeau de preuve en regard de l'établissement de la relation causale, à savoir de démontrer, selon la balance des probabilités et compte tenu de la preuve factuelle et médicale, que sa lésion est en relation avec l'événement imprévu et soudain du 2 septembre 2009.

[11]        L'opinion de son médecin expert soulève des doutes, mais n'est pas probante.  De plus, la preuve révèle que madame Dorion présentait une hernie discale cervicale au niveau C5-C6 bien avant le 2 septembre 2009, soit depuis l'année 2001.

[12]        Madame Dorion a été victime d'un accident du travail le 19 janvier 2010, car avant cette date, elle était de retour au travail de façon progressive depuis le 4 janvier 2010.  Son état allait relativement bien et elle fonctionnait adéquatement.  Or, la preuve révèle de façon probante que l'événement du 19 janvier 2010 a eu pour effet de déstabiliser la condition cervicale de cette dernière.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[13]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si madame Dorion a subi des lésions professionnelles les 2 septembre 2009 et 19 janvier 2010.

[14]        La lésion professionnelle est définie à l'article 2 de la loi comme suit :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

[15]        L'article 28 de la loi, par ailleurs, prévoit qu'une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors qu'un travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

[16]        L'effet de cette présomption est d’établir une relation entre la blessure et l'accident du travail.  Le travailleur qui en bénéficie est alors dispensé du fardeau de preuve de chacun des quatre éléments constitutifs de la définition de l’accident du travail[2]

[17]        Le renversement de cette présomption est possible dans la mesure où l’employeur réussit à démontrer que la blessure provient d’une cause étrangère au travail ou qu’il y a absence de relation entre la blessure et l’événement[3].

[18]        Le terme « blessure » n'est pas défini dans la loi, mais son interprétation a fait l'objet de maintes décisions de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles[4] (la Commission d’appel) et de la Commission des lésions professionnelles[5].  Selon l'interprétation qui se dégage de cette jurisprudence, la blessure est généralement reconnue comme une lésion provoquée par l'intervention d'un agent vulnérant extérieur. 

·                    Événement du 2 septembre 2009

[19]        Dans le présent cas, le tribunal note que le diagnostic posé par le médecin qui a charge[6] de madame Dorion est celui de hernies discales C5-C6 et C6-C7 avec sténose
foraminale bilatérale C5-C6[7].

[20]        Comme ce diagnostic n'a pas fait l'objet d'une contestation devant le Bureau d’évaluation médicale, la CSST est liée par celui-ci aux fins de rendre une décision, tel que le stipule l'article 224 de la loi. 

[21]        Cet article est libellé comme suit :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

[22]        Le diagnostic de la lésion dont le tribunal doit tenir compte aux fins de rendre sa décision sur l'admissibilité de la réclamation de madame Dorion est donc celui de hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6.

[23]        La jurisprudence de la Commission d’appel[8] et de la Commission des lésions professionnelles[9] reconnaît qu'une hernie discale peut constituer une blessure dans la mesure où il est établi qu'elle a été entraînée par un agent extérieur, à savoir par un traumatisme précis. 

[24]        Dans le présent cas, le tribunal estime qu'il n'a pas été établi que les hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 dont madame Dorion a été atteinte correspondent à la notion de blessure puisque cette dernière n'a pas démontré de façon probante que ces hernies ont été entraînées par un traumatisme précis. 

[25]        Madame Dorion exerce un emploi de technicienne principale pour le département des travaux publics du Ministère des Transports.  Son travail consiste essentiellement en des tâches de bureau[10].  Madame Dorion est également appelée à se rendre sur des chantiers afin de superviser les travaux[11].  Il s'agit alors de supervision visuelle et de la prise de quelques mesures à l'aide d'un instrument à roulette.

[26]        En avril 2001, madame Dorion ressent subitement des élancements cervico-brachiaux gauches au cours de la nuit suivant la journée durant laquelle elle soulève et dépose sur ses épaules un enfant pesant entre 20 et 30 livres.  Il s'agit d'un événement qui n'est pas relié à son travail.  Un diagnostic d'entorse cervicale est alors posé par son médecin.  De plus, madame Dorion subit un examen par résonance magnétique de la colonne cervicale qui révèle notamment une discopathie dégénérative avec hernie postéro latérale et foraminale gauche en C5-C6[12].

[27]        Madame Dorion entreprend des traitements de physiothérapie pendant un an en raison de cette lésion au niveau cervical.  Les traitements sont cessés en mars 2002.  Madame Dorion affirme qu'elle ne ressent plus de douleurs cervicales à compter du mois de mars 2002.

[28]        Elle exerce son travail habituel de technicienne jusqu'au 2 septembre 2009, date de la lésion professionnelle alléguée.

[29]        Madame Dorion relate que le 2 septembre 2009, elle ne ressent aucune douleur au niveau cervical avant le début de son quart de travail.

[30]        Ce jour-là, elle est appelée à superviser un chantier où son département procède à un sondage géotechnique.  En arrivant sur le chantier, vers 10 h, madame Dorion constate que le tronçon de route sur lequel est réalisé le sondage n'est pas balisé adéquatement, ce qui représente un danger pour les ouvriers.  Comme le signaleur ne se trouve pas à proximité de l'endroit qui doit être balisé, madame Dorion décide de placer elle-même sur la route la dizaine de cônes dont elle dispose afin de sécuriser l'aire des travailleurs. 

[31]        Madame Dorion précise que ce travail ne fait pas partie de ses tâches habituelles, car il s'agit d'une tâche d'ouvrier, mais comme aucun d'entre eux n'est disponible, elle préfère procéder elle-même à ce travail afin que le sondage puisse avoir lieu.

[32]        Madame Dorion explique que les cônes se trouvent dans le coffre arrière du véhicule utilitaire fourni par l'employeur et qu’ils sont empilés les uns sur les autres en deux piles de cinq. 

[33]        Alors que madame Dorion se tient debout à l'arrière du véhicule, son collègue pousse la pile de cônes vers elle.  Le plancher du coffre lui arrive à la mi-cuisse.  Madame Dorion fléchit les hanches, les genoux et légèrement le tronc, empoigne l'extrémité proximale de la pile de cônes avec le membre supérieur gauche plus ou moins accolé au tronc, étend le membre supérieur droit pour saisir l'extrémité distale de la pile de cônes — les bases de cônes —, effectue un effort simultané de flexion du coude et de l'épaule droite, puis, en redressant le tronc, les hanches et les genoux, projette la pile de cônes sur la partie supérieure de son épaule gauche.  Madame Dorion effectue aussi un mouvement de flexion latérale droite du cou pour éviter le contact entre sa tête et les cônes.  

[34]        Madame Dorion déclare que le poids d'un cône est de dix livres.

[35]        Une fois que les cinq cônes reposent sur son épaule, madame Dorion fait quelques pas pour se rendre à l'endroit qui doit être balisé et effectue les mouvements inverses afin de déposer la pile de cônes sur la route. 

[36]        Madame Dorion laisse deux cônes au sol, reprend la pile qui contient maintenant trois cônes dans la même séquence de mouvements décrits antérieurement, fait quelques pas puis dépose deux autres cônes au sol. 

[37]        Une fois que les dix cônes sont disposés, les travaux commencent. 

[38]        Un peu plus tard dans le cours de la matinée, madame Dorion reçoit une autre pile de cinq cônes.  Elle effectue alors les mêmes opérations pour les disposer sur la route.

[39]        Vers 11 h 30, la première partie du sondage est terminée.  Les cônes doivent donc être retirés.  Madame Dorion procède alors de la même façon que lors de leur installation.

[40]        Une fois les cônes retirés, madame Dorion prend son heure de repas.

[41]        Dans l'après-midi, le sondage se poursuit sur la même route, mais dans la direction inverse.  Madame Dorion procède donc de nouveau à l'installation des quinze cônes, toujours en les transportant par piles de cinq.

[42]        Madame Dorion affirme que dans le cours de son quart de travail du 2 septembre 2009, elle est appelée à manipuler les piles de cônes à huit reprises, car les sondages sont réalisés dans deux secteurs différents, chaque fois dans les deux directions de la route.  Madame Dorion effectue ce travail sans aide à l'exception de la dernière séquence de ramassage des cônes où ses collègues l'assistent.

[43]        Vers la fin de la journée, une fois les sondages terminés, madame Dorion doit rapporter les cônes au centre de service de Lachute.  Elle conduit le véhicule utilitaire de l'employeur jusqu'à cet endroit et constate que la barrière est fermée.  Il est près de 20 h.  Madame Dorion emprunte donc le passage piétonnier pour aller porter les trois piles de cônes.  Elle parcourt environ 25 mètres de distance avec les cônes.

[44]        Madame Dorion déclare qu'à ce moment, elle se sent fatiguée et ankylosée.  Elle remonte dans le véhicule et se rend à son domicile situé à Saint-Jérôme.  Après avoir conduit pendant une vingtaine de minutes, madame Dorion ressent des douleurs au niveau du cou et de l'épaule gauche.  Elle se traite par l'application de glace.

[45]        Le jeudi 3 septembre 2009, madame Dorion se rend au bureau.  Elle ressent encore des douleurs musculaires et en fait part à son supérieur.  Elle remplit un formulaire sur lequel elle relate les faits de la veille.

[46]        Madame Dorion termine son quart de travail du 3 septembre 2009 en dépit de la douleur au cou qu'elle ressent sous forme de petits engourdissements et d'élancements locaux au cou, à l'épaule gauche et au bras gauche.

[47]        Le vendredi 4 septembre 2009, madame Dorion prend une journée de congé.  Au cours des jours qui suivent, alors qu'elle est en congé, madame Dorion ressent encore de la douleur au cou et se traite par l'application de glace et la prise de repos.

[48]        Dans la nuit du samedi 5 septembre 2009 au dimanche 6 septembre 2009, madame Dorion ressent un élancement dans le bras alors qu'elle est étendue dans son lit.  Elle affirme que la douleur est similaire à celle ressentie en avril 2001.  Elle se rend dans un centre hospitalier, mais retourne chez elle peu après en raison du délai d'attente.

[49]        Le lundi 7 septembre 2009, madame Dorion est en congé et ressent encore de la douleur au cou qu'elle traite par application de glace.

[50]        Le mardi 8 septembre 2009, madame Dorion consulte un médecin après son quart de travail.  Madame Dorion ne décrit pas l'épisode des cônes du 2 septembre 2009 à son médecin.  Ce dernier se limite à lui demander si elle est tombée, si elle a reçu un choc ou si elle s'est fait frapper, questions auxquelles elle répond par la négative. 

[51]        Madame Dorion reprend son travail de technicienne le mercredi 9 septembre 2009.

[52]        Madame Dorion relate que du 8 septembre 2009 au 17 septembre 2009, la douleur persiste et perturbe son sommeil, ce qui l'amène à consulter de nouveau son médecin le 17 septembre 2009.  C'est lors de cette consultation que madame Dorion relate les circonstances relatives à la manipulation des cônes à son médecin pour la première fois.  Madame Dorion est retirée du travail le 17 septembre 2009.

[53]        Elle reprend un travail de façon progressive à compter du 4 janvier 2010 à raison de trois jours par semaine, puis à raison de quatre jours par semaine dans la semaine du 11 janvier 2010.

[54]        Le tribunal retient du témoignage de madame Dorion que la douleur au niveau cervical ne se manifeste pas alors qu'elle manipule les cônes le 2 septembre 2009, mais uniquement en fin de journée, alors qu'elle retourne au centre de service. 

[55]        Le tribunal constate que madame Dorion ne fait référence à aucun traumatisme précis à l'origine de la manifestation de ses symptômes qu'elle décrit comme étant une sensation de fatigue, d'ankylose et d'étirement. 

[56]        Le tribunal considère, en conséquence, que madame Dorion n'a pas démontré de façon probante que les hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 constituent une blessure qui est survenue le 2 septembre 2009 au travail, et ce, d'autant plus que le diagnostic de hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 est posé le 8 septembre 2009 seulement, soit six jours plus tard.

[57]        Comme la présomption de l'article 28 ne s'applique pas en sa faveur, madame Dorion doit démontrer qu'elle a subi une lésion professionnelle le 2 septembre 2009.

[58]        La procureure de madame Dorion ne plaide pas que cette dernière est atteinte d'une maladie professionnelle ou qu'elle a subi une rechute, récidive ou aggravation d'une lésion professionnelle.  La représentante de madame Dorion soutient que cette dernière a été victime, le 2 septembre 2009, d'un accident du travail lui entraînant une lésion professionnelle.


·                    Accident du travail

[59]        L'accident du travail est défini à l'article 2 de la loi comme suit :

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[60]        La jurisprudence de ce tribunal traite abondamment du caractère imprévu et soudain de l’accident du travail et dégage divers principes en la matière. 

[61]        On y décrit l’événement comme « un fait qui arrive, une situation précise dans le temps, qui se matérialise par comparaison avec une circonstance qui est une particularité accompagnant cet événement ou cette situation »[13]

[62]        C’est l’événement qui doit être imprévu et soudain et non ses conséquences[14].  L’apparition d’une douleur ne constitue pas en soi un événement imprévu et soudain[15].  Un effort anormal ou inhabituel peut aussi constituer un événement imprévu et soudain, même s’il est exécuté régulièrement[16].

[63]        De même, un faux mouvement ou une mauvaise exécution d'un mouvement, qu'il soit inhabituel ou habituel, correspond au concept d'événement imprévu et soudain[17].

[64]        Enfin, une surcharge de travail inhabituelle est également reconnue à titre d'événement imprévu et soudain[18].

[65]        Dans le présent cas, la procureure de madame Dorion soutient que le travail inhabituel exercé par cette dernière dans la journée du 2 septembre 2009 correspond à la notion d'événement imprévu et soudain à laquelle fait référence l'article 2 de la loi.

[66]        Le tribunal partage cette analyse, car il ressort du témoignage non contredit de madame Dorion que cette dernière a exercé un travail exigeant des efforts physiques inhabituels le 2 septembre 2009 et que ce travail ne correspond pas au travail de bureau ni au travail de supervision visuelle qu'elle exerce habituellement.

[67]        Le tribunal estime, cependant, que la preuve permettant d'établir une relation de cause à effet entre les efforts posés par madame Dorion le 2 septembre 2009 lors de la manipulation des cônes et la lésion diagnostiquée comme hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 n'est pas probante.

[68]        La représentante de madame Dorion demande au tribunal de retenir l'opinion émise par le chirurgien orthopédiste C. Bah sur cette question.

[69]        Dans un rapport d’expertise médicale rédigé le 6 juillet 2010 consécutif à un examen réalisé le 21 juin 2010, le docteur Bah décrit l'événement du 2 septembre 2009 en ces termes :

« […]

La patiente s'est présentée au bureau avec un cône pour nous démontrer le travail qu'elle a fait.  Elle mentionne qu'habituellement elle ne fait pas ce travail.  Donc, en position penchée, elle empilait quatre à six cônes chaque fois et donnait un élan pour soulever les cônes et les déposer au niveau de son épaule gauche.  Pendant huit heures, elle a déplacé et transporté plusieurs paquets de cônes (8 X 50 cônes à la fin de sa journée).  Elle a pris les cônes, les a remis dans le camion et les a rapportés au bureau.  Une fois arrivée au bureau, elle a dû descendre les cônes et marcher 20 mètres pour les placer dans l'entretien, car il y avait une clôture qui l'empêchait de stationner plus près du bureau.  Le soir, elle a ressenti un élancement au niveau du trapèze.

[…]

[…] Elle devait transporter quatre à six cônes à la fois pesant 10 à 15 livres chacun, ce qui donne donc environ 50 livres.  Elle devait soulever ces cônes, les mettre au niveau de son épaule et les transporter pour les changer de position.  De façon progressive, la patiente a présenté une douleur au niveau de l'épaule gauche et de la colonne cervicale avec une irradiation au niveau du membre supérieur gauche.

[…] » [sic]

 

 

[70]        Puis, le chirurgien orthopédiste écrit que l'événement qui a consisté à transporter plusieurs fois au niveau de l'épaule gauche des objets de 50 livres « est un mécanisme reconnu dans la littérature médicale pour produire une entorse cervicale et ou une hernie discale ».

[71]        Le docteur Bah note que madame Dorion présentait déjà une hernie discale en relation avec un événement survenu en 2001, que la symptomatologie reliée à cette hernie discale était résolue, qu’il n'y avait pas eu de récidive de douleur cervicale jusqu'à l'événement et que l'événement du 2 septembre 2009 a aggravé la hernie discale au niveau C5-C6 et a causé une radiculopathie au membre supérieur gauche.

[72]        Le docteur Bah ajoute qu’il est « reconnu dans la littérature médicale » que chez « les patients qui présentent une discopathie dégénérative avec sténose foraminale modérée à sévère, le mécanisme qui consiste à lever des objets de plus de 25 livres en effectuant des mouvements de flexion et d'extension ou de rotation et de flexion latérale au niveau de la colonne cervicale, peut occasionner une symptomatologie sur une condition déjà sous-jacente de sténose foraminale et de discopathie cervicale ».

[73]        Le tribunal estime que les conclusions du docteur Bah ne sont pas probantes.

[74]        Le tribunal note, tout d'abord, que la description de l'événement faite par le docteur Bah est imprécise et ne correspond pas à celle faite par madame Dorion à l'audience.

[75]        Effectivement, le docteur Bah indique que madame Dorion aurait transporté huit fois 50 cônes.  Or, ceci ne correspond pas à la preuve qui a été faite puisque le tribunal retient du témoignage de madame Dorion qu'elle aurait transporté huit fois quinze cônes.  

[76]        Le tribunal note, de plus, que dans la seconde description de l'événement à laquelle il fait référence dans son rapport, le docteur Bah indique que madame Dorion a présenté une douleur au niveau de l'épaule gauche et de la colonne cervicale de façon progressive.  Or, ceci est imprécis, car les symptômes de fatigue, d'ankylose et d'étirement décrits par madame Dorion ne se manifestent pas de façon progressive dans le cours de son quart de travail alors que cette dernière effectue la manipulation des cônes, mais en toute fin de journée. 

[77]        Le tribunal remarque, en outre, que le docteur Bah écrit que le poids des cônes est de dix à quinze livres chacun, ce qui est aussi imprécis puisque ce poids est évalué à dix livres.

[78]        Il est vrai que le docteur Bah fait référence à un poids total de 50 livres manipulé par madame Dorion et que cette estimation correspond au poids de la pile de cinq cônes.  Le tribunal note, toutefois, que madame Dorion n'a pas uniquement manipulé une pile de cinq cônes durant sa journée du 2 septembre 2009 puisqu'au fur et à mesure qu'elle disposait les cônes, le poids de la pile diminuait.

[79]        Le tribunal estime, d’autre part, que les conclusions du docteur Bah selon lesquelles les mouvements exécutés par madame Dorion le 2 septembre 2009 sont de nature à entraîner une hernie discale cervicale ne sont pas probantes. 

[80]        Effectivement, le docteur Bah ne fournit aucun détail pour expliquer en quoi les mouvements accomplis par madame Dorion pour « transporter, plusieurs fois au niveau de l'épaule droite, des objets de 50 livres » sollicitent la région anatomique lésée, à savoir la région cervicale au niveau C5-C6 et C6-C7.

[81]        Il ne précise pas, dans son rapport, à quel article de « littérature médicale » il fait référence lorsqu'il écrit qu'il est reconnu que le fait de transporter plusieurs fois au niveau de l'épaule gauche des objets de 50 livres est un mécanisme reconnu pour causer des hernies discales cervicales.

[82]        Le docteur Bah ne fait pas non plus référence à un extrait de doctrine médicale lorsqu'il écrit que le fait pour une personne présentant une discopathie dégénérative avec sténose foraminale modérée à sévère de « lever des objets de plus de 25 livres en effectuant des mouvements de flexion et d'extension ou de rotation et de flexion latérale au niveau de la colonne cervicale » peut occasionner une symptomatologie au niveau cervical.

[83]        Comme le docteur Bah ne pouvait se présenter à l'audience pour témoigner, la procureure de madame Dorion a demandé au tribunal de lui accorder un délai pour produire un rapport complémentaire de son expert ainsi que des extraits de doctrine médicale pour supporter ses conclusions.

[84]        La représentante de madame Dorion a déposé au tribunal un rapport complémentaire rédigé par le docteur Bah le 15 juin 2011. 

[85]        Dans ce document, le docteur Bah indique que l'article de littérature médicale à l'appui de ses propos provient du livre The Adult Spine : Principles and Practice[19].  Le docteur Bah écrit ce qui suit à ce sujet :

« […]

Nous avions alors soumis la littérature médicale en lien avec le fait que de soulever des objets de plus de 25 livres de façon répétitive augmente l'incidence de hernie discale.  La littérature médicale provenait du livre The Adult Spine page 122 qui démontrait l'association entre le fait de lever des objets de 11,3 kg et la fréquence accrue.  Le tableau 28 démontrait que de lever les objets de 11,3 kg à une fréquence plus élevée que 23 augmentait de 3,8 fois le facteur de développer une hernie discale.

[…] »

 

 

[86]        Le docteur Bah fait alors référence à l'extrait suivant du livre The Adult Spine : Principles and Practice [20] :

« […] A number of possible risk factors were studied and odds ratios determined.  Frequent lifting of heavy objects and twisting were both identified as significant risk factors (Table 28).  Lifting while twisting the body with the knees almost straight was found to increase the risk to particularly high levels (odds ratio 6.1).  […]

 

TABLE 28.  Odds ratios for association between a prolapsed lumbar disc and lifting of                   11,3 kg

Variable

Frequency

Odds Ratio

No lifting

1.0

Lifting

<5

0.8

 

5—25

0.9

 

>25

3.8

Lifting and twisting*

<5

3.0

 

5—25

1.9

 

>25

3.4

* Twisting refers to a situation where a twist occurs half or more of the time when lifting

___________________

Les références sont omises

[…] »

 

 

[87]        Le tribunal remarque que les données qui sont indiquées dans le tableau 28 de cet article ne correspondent pas à celles qui sont rapportées par le docteur Bah.  En effet, la fréquence n'est pas de « 23 », mais de « 25 » contrairement à ce que souligne le docteur Bah.

[88]        Le tribunal note, d’autre part, que cet extrait de doctrine médicale concerne les hernies discales lombaires et non les hernies discales cervicales

[89]        Dans son rapport complémentaire, le docteur Bah ne semble pas faire grand cas de cette différence que le tribunal considère comme étant majeure. 

[90]        Il écrit, tout d'abord, qu'il fait référence à ce tableau, « car en général les hernies lombaires sont plus fréquentes que les hernies au niveau de la colonne cervicale ».  

[91]        Le tribunal ne voit pas en quoi la fréquence des hernies discales lombaires est un élément pertinent en l'occurrence.  Effectivement, le fait d'affirmer que les hernies discales sont plus fréquentes ne permet pas de comprendre l'analogie qui existe entre le mécanisme de production d'une hernie discale lombaire et celui d'une hernie discale cervicale.

[92]        Le docteur Bah ajoute ensuite que « le disque intervertébral au niveau de la colonne cervicale a la même composante chimique, physique et anatomique que le disque lombaire » et, par conséquent, que « les même [sic] études s'appliquent au niveau de la colonne lombaire et ont été répétées au niveau de la colonne cervicale qui démontrent que se [sic] sont les mêmes facteurs c'est-à-dire le fait de lever des poids lourds avec une fréquence accrue qui augmentent l'incidence de hernie discale ».

[93]        Le tribunal estime que ces affirmations du docteur Bah ne sont pas probantes puisqu'elles ne sont pas supportées par la doctrine médicale.  En effet, le chirurgien orthopédiste ne produit aucune littérature pour supporter cette théorie.

[94]        De plus, le docteur Bah ne fournit aucun argument à l'appui de ses hypothèses.  Il écrit que les disques lombaires ont la même composante que les disques cervicaux, mais ne discute pas de la différence d'orientation des facettes au niveau cervical versus le niveau lombaire ni de la configuration des plateaux vertébraux supérieurs en cervical — uncus — versus en lombaire — plats — afin de permettre au tribunal de comprendre l'analogie entre le mécanisme de production d'une hernie discale lombaire et celui d'une hernie discale cervicale. 

[95]        Le docteur Bah ne discute pas non plus de la différence des pressions intradiscales en cervical — la colonne cervicale ne supportant que la tête — par rapport au niveau lombaire qui supporte le tronc, les épaules, les membres supérieurs et la tête.

[96]        Le tribunal note, en outre, que le docteur Bah ne fournit pas au tribunal le chapitre entier ou encore la section complète de l'article médical dans lequel les auteurs font référence au tableau 28, mais se limite à produire une seule page d'une ancienne édition, empêchant ainsi le tribunal de prendre connaissance de l'entièreté du texte et notamment des conclusions des auteurs sur le sujet.

[97]        La soussignée estime, de plus, que même si le tribunal considérait que l'analogie faite par le docteur Bah entre les disques cervicaux et lombaires était fondée, les conclusions des auteurs dans cet article ne seraient pas jugées pertinentes dans le présent cas.

[98]        Le tribunal note, en effet, que les auteurs ne précisent pas dans le tableau 28 la période de référence utilisée pour calculer la fréquence des soulèvements de charges.  Il n'est donc pas possible de savoir, lorsque les auteurs précisent que le facteur de risque de développer une hernie discale lombaire est de 3,8 chez un individu qui soulève plus de 25 fois des objets pesant 11,3 kilogrammes, si les soulèvements sont étalés par exemple sur une période d'une heure, de huit heures ou encore de 24 heures. 

[99]        Dans le cas de madame Dorion, la preuve révèle que le soulèvement de charges s'est produit pendant une seule journée, soit le 2 septembre 2009 et que de 10 h à 20 h, soit sur une période maximum de dix heures, cette dernière a été appelée à manipuler une quinzaine de cônes à huit reprises.  

[100]     La preuve révèle également que lors de l'installation de chacune des piles de cinq cônes, les efforts de soulèvement d'un poids de 11,3 kilogrammes — poids correspondant à environ 25 livres — étaient posés à deux reprises seulement, soit au moment de saisir la pile de cinq cônes — pesant 50 livres — et au moment de saisir la pile de trois cônes — pesant 30 livres.  Comme les cônes ont été installés à quatre reprises, il y aurait eu environ 24 soulèvements d'un poids égal ou supérieur à 11,3 kilogrammes pour l'installation des cônes le 2 septembre 2009.

[101]     En regard de la désinstallation des cônes, le tribunal calcule un maximum de trois soulèvements de 11,3 kilogrammes et plus par pile de cinq cônes, car lorsque madame Dorion soulève le premier et le second cône, le poids ne dépasse pas 20 livres.  Comme les cônes ont été désinstallés à quatre reprises et que madame Dorion a obtenu de l'aide pour la dernière désinstallation, le nombre total de soulèvements est inférieur à 36. 

[102]     Ainsi, à l'intérieur d'une période d'environ neuf heures travaillées[21], madame Dorion aurait soulevé des poids de 11,3 kilogrammes ou supérieurs à 11,3 kilogrammes à moins de 60 reprises, ce qui équivaut à moins de sept soulèvements par heure.

[103]     Selon les données du tableau 28 auquel fait référence le docteur Bah, le facteur de risque de développer une hernie discale en présence de plus de 25 soulèvements est de 3,8 tandis que ce facteur de risque est de 0,9 lorsque le nombre de soulèvements se situe entre cinq et 25.  Toutefois, comme les auteurs ne précisent pas dans ce court extrait la période de temps qui est prise en considération pour calculer le facteur de risque en question, il n'est pas possible de savoir si le cas de madame Dorion se situe dans la première ou la seconde catégorie.  Cette étude n'est donc d'aucune utilité.

[104]     L'argument selon lequel madame Dorion présentait un facteur de risque plus élevé de subir une hernie discale en raison du fait qu’elle a soulevé des cônes le 2 septembre 2009 n'est donc pas probant à la lumière de cette doctrine médicale.

[105]     Le docteur Bah fait aussi référence à la page 137 du livre The Adult Spine : Principles and Practice[22] et, encore une fois, se limite à déposer une seule page de cette section.  L'extrait en question se lit comme suit :

« […]

10.2.    Cervical Herniated Discs

 

A few cross-sectional studies exist on the prevalence of cervical disc herniations.  Kondo et al. (161) determined the incidence in Rochester, Minnesota, from 1950 through 1974, based on medical records from medical facilities.  Residence in Rochester for at least 1 year was required.  Both protrusions and herniations were accepted as long as they caused radicular symptoms.  A total of 56 cases met the criteria.  The annual incidence rates by sex were 6.5 per 100,000 for men, and 4.6 for women, for a combined incidence of 5.5 per 100,000.  The incidence for both sexes was highest between 45 and 54 years of age and slightly lower between 35 and 44.  C5-C6 was the disc most frequently affected, followed by C4-C5 and C6-C7.

 

Kelsey et al. (145, 146, 147) surveyed people aged 20-64 years in New Haven and Hartford, Connecticut, who were identified as having a prolapsed cervical disc as determined by radiographs and myelograms performed between 1979 and 1981.  Patients were divided into three groups: a surgical group, a probable group, and a possible group.  The patients were compared to two control groups, one matched from the same medical services as the study patients, and one obtained from a group of

 

TABLE 42.  Adjusted odds ratios for association between several factors and a                   prolapsed cervical disc

Factor

 

Odds Ratio

Lifting

 

 

             0 times

 

1.0

            <5

 

1.6

            5—25

 

2.7

            >25

 

4.9

Smoking

 

1.7

Diving

 

 

            <10 times

 

1.0

            10—25

 

2.3

            >25

 

4.9

Golfing

 

2.0

Operating vibrating equipment

 

2.0

 

_____________________

Les références sont omises

[…] »

 

 

[106]     Le tribunal ne peut lire la section 10.2 au complet puisque l'article n'a pas été déposé dans son entièreté.  Ainsi, il est nécessaire de se fier uniquement aux données rapportées dans le tableau.  Selon celles-ci, le fait de soulever une charge — dont le poids n'est pas spécifié — entre cinq et 25 fois augmente le risque de développer une hernie discale cervicale de 2,7 fois.

[107]     Le tribunal peut-il, à la lumière de cette doctrine, conclure que les efforts inhabituels posés par madame Dorion le 2 septembre 2009 sont susceptibles d'avoir entraîné les hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 ?

[108]     La soussignée ne le croit pas.

[109]     Le tribunal estime qu'il ne peut, sur la base de l'avis d'un médecin le référant à un extrait incomplet d'un texte médical, en arriver à conclure que la preuve révèle de façon probable une relation entre le fait de soulever des cônes à quelques reprises sur une période de neuf heures et une lésion diagnostiquée comme hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 six jours plus tard.

[110]     Le tableau 42 du livre The Adult Spine : Principles and Practice[23] soulève, certes, la possibilité que le fait de soulever des poids augmente le risque de développer une hernie discale cervicale. 

[111]     Toutefois, le fardeau de preuve qui incombe à madame Dorion en regard de l'établissement de la relation causale est celui de démontrer, selon la balance des probabilités et compte tenu de la preuve factuelle et médicale, que sa lésion est en relation avec l'événement imprévu et soudain du 2 septembre 2009 et non seulement de soulever des doutes.

[112]     De plus, le tribunal retient du témoignage de madame Dorion que les symptômes ne sont pas apparus au moment où elle soulevait les cônes, mais en fin de journée seulement.

[113]     Le tribunal note, au surplus, que la preuve révèle que madame Dorion présentait une hernie discale cervicale au niveau C5-C6 bien avant le 2 septembre 2009, soit depuis l'année 2001.

[114]     En outre, bien que madame Dorion était asymptomatique entre 2002 et 2009, la condition dégénérative de sa colonne cervicale a continué à évoluer avant l'année 2009. 

[115]     C'est ce que le docteur Bah reconnaît dans son rapport du 6 juillet 2010 lorsqu'il commente et compare les examens par résonance magnétique réalisés en 2001 et en mars 2004. 

[116]     Le docteur Bah écrit que la « résonance magnétique qui a été effectuée en 2001 avait démontré en C5-C6 une discopathie dégénérative avec hernie postéro latérale gauche et foraminale gauche », que la « résonance magnétique qui a été effectuée en date du 21 mars 2004 avait démontré aussi en C5-C6 un bombement discal dégénératif un peu plus important et une très légère sténose spinale » et que « la comparaison de ces deux résonances magnétiques démontre qu’il y a eu une évolution de la condition du point de vue radiologique », la hernie discale présente en 2001 s'étant « détériorée d'un point de vue dégénératif » avec une « dégénérescence discale plus marquée ».

[117]     Le docteur Bah souligne ensuite dans son rapport que la comparaison du rapport d'interprétation de l'examen par résonance magnétique réalisé en 2009 révèle qu’il y a eu encore évolution de la hernie discale en 2009 et conclut que cette détérioration est reliée à l'événement du 2 septembre 2009.  Il exprime cette opinion dans les termes suivants :

« […]

La résonance magnétique qui a été effectuée en septembre 2009 démontre une évolution de la hernie.  Donc, en C6-C7 et C5-C6 on note une hernie à grand rayon de courbure ainsi qu'une sténose foraminale légère du côté droit et modérée du côté gauche.  Il y a donc eu dégénérescence radiologique de la hernie avec résorption de la hernie secondaire à la déshydratation, cependant la résonance magnétique en 2009 montre que cette fois-ci il y a un bombement de la hernie plus importante que noté aux résonances magnétiques de 2001 et 2004.  Donc, il est fort probable que l'événement du 2 septembre 2009 a occasionné une détérioration de la hernie et causé un bombement discal plus important au niveau du disque et a entraîné la symptomatologie de radiculopathie au niveau du membre supérieur gauche que la patiente a présenté. 

 

Comme indiqué ci-haut, l'évolution naturelle de la hernie notée à la résonance magnétique en 2001 tend en général vers une dégénérescence du disque par dessiccation et déshydratation, donc il y a une résorption de la hernie.  Cependant, cette dessiccation occasionne une diminution de l'espace intervertébral et souvent va entraîner une sténose foraminale secondaire à des ostéophytes.  La formation de ces ostéophytes va souvent entraîner une sténose foraminale.  La résonance magnétique effectuée en 2009 démontre que la patiente présente des sténoses foraminales du côté droit à C5-C6 et modérées du côté gauche.  Cependant, ces sténoses foraminales étaient asymptomatiques antérieurement à l'événement du 2 septembre 2009. 

 

Il est à noter qu’il est reconnu dans la littérature médicale que les patients qui présentent une discopathie dégénérative avec sténose foraminale modérée à sévère, le mécanisme qui consiste à lever des objets de plus de 25 livres en effectuant des mouvements de flexion et d'extension ou de rotation et de flexion latérale au niveau de la colonne cervicale, peut occasionner une symptomatologie sur une condition déjà sous-jacente de sténose foraminale et de discopathie cervicale.[24]

 

Donc, l'événement du 2 septembre 2009 a occasionné une symptomatologie de cervicalgie et de cervicobrachialgie chez cette patiente par deux mécanismes.  Premièrement, il y a eu progression de la hernie comme noté à la résonance magnétique de 2009.  Et le deuxième mécanisme est une symptomatologie qui survient sur une condition de sténose foraminale, symptomatologie qui a été créée par le fait accidentel du 2 septembre 2009.

[…] » [sic]

[118]     Le tribunal estime, toutefois, que cette conclusion n'est pas probante, car le tribunal n'a pas retrouvé, dans la doctrine déposée par ce médecin, l'énoncé selon lequel « le mécanisme qui consiste à lever des objets de plus de 25 livres en effectuant des mouvements de flexion et d'extension ou de rotation et de flexion latérale au niveau de la colonne cervicale, peut occasionner une symptomatologie sur une condition déjà sous-jacente de sténose foraminale et de discopathie cervicale » et sur lequel ce dernier s'appuie pour conclure à la relation de cause à effet.

[119]     Le docteur Bah n'explique pas pourquoi la détérioration radiologique notée entre les examens de 2004 et de 2009 ne serait pas en lien avec l'évolution normale de la condition dégénérative présentée par madame Dorion au niveau de la colonne cervicale comme c'est le cas entre 2001 et 2004.  

[120]     La procureure de madame Dorion soutient que le docteur Bah explique, dans l'extrait suivant de son rapport, qu'il n'est pas question ici de l'évolution naturelle d'une hernie discale dégénérative, mais d'une hernie discale traumatique :

« […]

Donc, en relation avec le mécanisme du traumatisme, cette patiente présentait déjà une hernie discale en relation avec un événement survenu en 2001.  La symptomatologie reliée à cette hernie discale était résolue et la patiente n'avait pas présenté de récidive de douleur cervicale jusqu'à l'événement du 2 septembre 2009.  Cet événement qui a consisté à transporter, plusieurs fois au niveau de l'épaule gauche, des objets de 50 livres, est un mécanisme reconnu dans la littérature médicale pour produire une entorse cervicale et ou une hernie discale.  Cependant il est à noter qu'en relation avec l'événement du 2 septembre 2009, la patiente présentait déjà une hernie discale, comme démontrée à la résonance magnétique effectuée en 2001, et la résonance effectuée en septembre 2009 démontre que les hernies discales retrouvées sont des conditions chroniques.  Cependant, il y avait une résolution de la symptomatologie.

 

L'événement du 2 septembre 2009 a aggravé la hernie discale que la patiente présentait à C5 C6 et a causé une radiculopathie au niveau du membre supérieur gauche.

[…] » [sic]

 

 

[121]     La représentante de madame Dorion estime, en considération de ce qui précède, que la théorie du crâne fragile s'applique au présent cas.

[122]     Le tribunal ne retient pas cette analyse.

[123]     Il est vrai qu'en vertu de la théorie du crâne fragile, une condition préexistante n’est pas un obstacle à la reconnaissance d’une lésion professionnelle.  Toutefois, il doit être établi, dès le départ, qu’un événement inhabituel, dans le cadre du travail, aggrave ou déstabilise cette condition[25].

[124]    La Cour d'appel reprend ce principe dans l'affaire PPG Canada inc. c. CALP & Al[26] et rappelle que « pour qu'une aggravation d'une condition personnelle préexistante constitue une lésion professionnelle, il faut que soit survenu un accident du travail ou une aggravation causée par les risques particuliers du travail ». 

[125]    Ce principe a été suivi dans de nombreuses autres décisions[27] rendues par la Commission des lésions professionnelles.

[126]     La théorie du crâne fragile, cependant, ne peut trouver application pour déterminer le lien de causalité, ni pour décider de la question de la survenance ou de l’existence même d’une lésion professionnelle, la preuve prépondérante de la cause déterminante de la lésion invoquée demeurant l’élément incontournable[28].

[127]     Dans le présent cas, le tribunal estime que la thèse de l'aggravation de la condition préexistante ne s'applique pas à l'événement du 2 septembre 2009 puisque le tribunal n'accorde pas de valeur probante à l'opinion émise par le docteur Bah quant à la relation de cause à effet entre les gestes posés par madame Dorion et le mécanisme de production d'une hernie discale cervicale. 

[128]     Le tribunal écarte aussi l'argument de la représentante de madame Dorion qui soumet que la preuve de l'existence d'une relation entre l'événement du 2 septembre 2009 et les hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 n'est pas contredite puisque l'employeur n'a pas produit de rapport d’expertise médicale de son professionnel de la santé désigné ou fait entendre de médecin expert sur la question.

[129]     Il est vrai que le docteur Bah est le seul médecin qui a produit un avis médical sur la question de l'existence d'une relation entre les faits allégués et la lésion dont est atteinte madame Dorion. 

[130]     Toutefois, le tribunal n'est pas lié par les conclusions du rapport d'un expert même s'il est le seul à avoir produit un rapport[29].

[131]     Comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire CSSS de Port-Cartier[30], « il est de la responsabilité du tribunal d’évaluer la preuve qui lui est soumise, et la preuve d’expert ne fait pas exception à ce principe, le tribunal devant évaluer le bien-fondé de l’opinion qui lui est soumise »[31].

[132]     Sur cette question, le présent tribunal partage les motifs exprimés par la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire CSSS de Port-Cartier[32] dans le passage suivant de cette décision :

« […]

[39]      Il est ainsi reconnu au sein de la jurisprudence que l’évaluation de la force probante de la preuve d’expert doit être faite, et ce, en fonction de la qualification de l’expert, de sa crédibilité, de son impartialité, de son attitude et de la qualité de son travail6 et que, plus particulièrement, le manque d’impartialité ou d’objectivité peut affecter la valeur probante de l’opinion d’un expert et même entraîner son rejet7, alors que la rigueur scientifique d’une expertise s’avère elle aussi un élément important de l’évaluation de sa force probante8, le tribunal accordant notamment beaucoup d’importance à l’opinion d’un médecin expert qui est fondée sur un examen minutieux de la preuve9.

____________

6             Manufacture Lingerie Château inc. c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 959 (C.S.), par. 39; Brasserie Labatt ltée (Les) et Trépanier, [2003] C.L.P. 1485 ; Bétonnière D'Arvida inc. et Savard, 215072-02-0308, 9 février 2004, J.-F. Clément, par. 77; Lévesque et Nortel Networks, 168037-71-0108, 8 mars 2004, J.-P. Arsenault; Le Syndicat canadien de l'énergie et du papier (S.C.E.P.), section locale 22 et Abitibi-Consolidated inc., T.A. 2002-2836, 7 novembre 2003, C.H. Foisy; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Lyons, D.D.E. 2004D-47 (T.P.), par. 23; Carole ROBIDOUX et Isabelle ST-JEAN, La Preuve d'expert dans un contexte quasi judiciaire : la recevabilité et l'évaluation de la force probante, Document thématique réalisé par la DRFM, 24 avril 2003, section 2.2.

7             Voir notamment : Paterson and Sons c. Mannix Ltd., [1966] R.C.S. 180 ; Poulin c. R., [1975] C.A. 180; Donolo Inc. c. St-Michel Realties Inc., précitée, note 5; Salomon c. T.A.Q., C.S. Montréal 500-17-015756-037, 8 avril 2004, J. W. Fraiberg; Saia c. Les Entreprises de construction du Versant inc., B.E. 2003BE-766 (C.S.); M. (D.) c. B. (D.), REJB 1999-11836 (C.S.), pp. 9-10; Érablière R.V.D. inc. c. Québec (Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation), J.E. 98-2272 (C.S.); Bureau c. Nidal Hamil Sakkal, [1994] R.R.A. 893 , pp. 900-901; Anglo Group PLC and Winther Brown & Co Limited, 1997 TCC 413 (H.C.J. - Q.B.D.); Lévesque et Nortel Networks, précitée, note 6; CTBR Bio-Recherches inc. et Richer, 221526-62-0311, 10 mai 2004, N. Tremblay; C.L.P.E. 2004LP-20 (par. 18-19-20).

8             Voir notamment : Carl M. Halvorson inc. c. Robert McLellan & Co., [1973] R.C.S. 65 ; Perron c. C.L.P., [1999] C.L.P. 311 (C.S.), appel rejeté [2002] C.L.P. 345 (C.A.); Tourbières Premier ltée c. Société coopérative agricole de Rivière-du-Loup, C.A. Québec, 200-09-002161-989, 01-04-05, J. J. Nuss, Forget, Rochon ( REJB 2001-23507 ); Gauthier c. Gauthier, J.E. 2003-1519 (C.S.); Latouche c. Promutuel Bellechasse, C.S. Québec 200-05-013194-001, 2003-07-18, J. N. Gosselin; Caisse populaire Desjardins de Drummondville c. Lévesque, B.E. 2001BE-344 (C.S.); Couture c. General Accident, C.S. Longueuil, 505-17-000482-986, J. Richer ( REJB 2000-19815 ); Hydro-Québec c. Moteurs électriques Dupras inc., [1999] R.J.Q. 228 (C.S.); 2842-1733 Québec inc. c. Allstate du Canada, compagnie d'assurances, J.E. 98-678 (C.S.); Allendale Mutual Insurance Co. c. British Steel Canada inc., J.E. 98-295 (C.S.); Kansa General Insurance Co. c. Quincaillerie Roger Lambert, [1994] R.R.A. 881 (C.S.); Langevin et Société Mondo America inc., 179151-63-0262, 2004-05-11, D. Besse, par. 84; Fajardo et Cuisine Crotone inc., 187227-71-0207, 2004-05-13, L. Landriault, par. 75-76; Lévesque et Nortel Networks, précitée note 6; Verreault et Villa Médica inc., 161150-72-0105, 13 décembre 2002, D. Lévesque (décision sur requête en révision); Millette et Groupe Luxorama ltée, 166909-64-0108, 7 juin 2002, J.-F. Martel; Garage Michel Potvin inc. et Carossier Yves Defoy inc., 136540-31-0004, 21 décembre 2001, M.-A. Jobidon; Le Syndicat canadien de l'énergie et du papier (S.C.E.P.), précitée, note 6.

9             Lévesque et Nortel Networks, précitée, note 6; Millette et Groupe Luxorama ltée, précitée, note 8; Lachaîne et Mécanique CNC inc., 123478-64-9909, 12 mars 2002, D. Martin; Lemieux et Asbestos Easman inc., 149262-71-0010, 25 juillet 2003, D. Gruffy; Le Syndicat canadien de l'énergie et du papier (S.C.E.P.), précitée, note 6.

[…] »

[133]     Le tribunal est d'avis, par conséquent, que madame Dorion n'a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2009, car elle n'a pas démontré qu'elle a été victime d'un accident du travail lui entraînant les hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 diagnostiquées par son médecin.

·                    Événement du 19 janvier 2010

[134]     La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si madame Dorion a été victime d'un accident du travail le 19 janvier 2010.

[135]     Madame Dorion relate, à l'audience, qu’au moment de la reprise progressive de son travail, en date du 4 janvier 2010, sa condition est relativement améliorée.  Elle ressent encore des douleurs, mais fonctionne assez bien.

[136]     Madame Dorion précise qu'à l'époque, elle poursuit ses traitements de physiothérapie, à raison de deux traitements par semaine. 

[137]     Le 19 janvier 2010, soit avant qu'elle ait repris son travail habituel à raison de cinq jours par semaine, madame Dorion se rend dans le stationnement où le véhicule de l'employeur est garé.  Madame Dorion explique que ce matin-là, elle doit se rendre au bureau de Saint-Jérôme avec ce véhicule pour porter un document.  Elle est accompagnée par une agente de bureau.  Elle démarre le véhicule et alors qu'elle s'apprête à sortir de celui-ci pour déglacer le pare-brise, elle dépose le pied sur une plaque de glace et effectue un faux mouvement pour éviter de chuter en se retenant sur le véhicule avec sa main droite.  Sur le coup, madame Dorion ressent une douleur vive dans le haut du cou. 

[138]     Madame Dorion montre au tribunal les mouvements qu'elle accomplit au moment du fait accidentel.  Le tribunal note que madame Dorion effectue alors une hyperextension du tronc avec une traction subite au niveau du membre supérieur droit.

[139]     Madame Dorion termine son quart de travail ce jour-là et remplit un formulaire interne de l'employeur pour déclarer l'événement en date du 21 janvier 2010.  Elle consulte son médecin le 29 janvier 2010.  Ce dernier pose le diagnostic de radiculopathie C6, de hernie discale C5-C6 et de récidive de douleur.  Quelques jours plus tard, le docteur Émond produit un Rapport médical de la CSST sur lequel il pose les diagnostics de hernies discales cervicales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale.

[140]     Le 4 février 2010, la physiothérapeute J. Perreault adresse une note au médecin de madame Dorion dans laquelle elle indique que la condition de cette dernière s'est empirée « + + » depuis trois semaines à la suite d'un faux mouvement pour se retenir.  La physiothérapeute fait notamment état d'une douleur aiguë depuis environ trois semaines et de tensions musculaires au niveau cervical gauche.

[141]     En raison de cette recrudescence de douleurs, le médecin de madame Dorion lui administre une épidurale foraminale C6 gauche, laquelle produit un effet bénéfique selon cette dernière.  

[142]     Madame Dorion n'est pas retirée du travail à l'époque, mais prend une semaine de vacances afin de se reposer.  La dernière consultation médicale a lieu en mars 2010.  À cette époque, madame Dorion ne ressent plus de douleurs.

[143]     Le tribunal estime que la preuve de la survenance d'un événement imprévu et soudain par le fait du travail le 19 janvier 2010 est non contredite puisque selon la description de l'événement faite par madame Dorion, cette dernière subit un contrecoup à la colonne cervicale en se retenant après le véhicule de l'employeur pour éviter de glisser sur une surface glacée dans le stationnement au moment de sortir du véhicule de l'employeur pour déglacer le pare-brise.  

[144]     Cet événement survient par le fait du travail puisqu’il se produit pendant le quart de travail de madame Dorion, alors que cette dernière s'apprête à se rendre dans un autre établissement appartenant à l'employeur, à l'aide du véhicule fourni par ce dernier, pour y porter un document.

[145]     Il ressort également du témoignage de madame Dorion que cette dernière ressent une douleur subite au niveau cervical lors de ce fait accidentel, qu'elle doit consulter son médecin en raison de celle-ci et que ce dernier lui prescrit une épidurale pour traiter cette récidive douloureuse.

[146]     Le tribunal retient du rapport produit par le docteur Émond le 29 janvier 2010 et du document rédigé par la physiothérapeute le 4 février 2010, qu'une détérioration de l'état de madame Dorion est notée et que celle-ci est concomitante avec ce fait accidentel.

[147]     Étant donné que de façon préalable à ce fait accidentel, madame Dorion était de retour au travail de façon progressive depuis le 4 janvier 2010, que son état allait relativement bien et qu'elle fonctionnait adéquatement, le tribunal estime que la preuve révèle de façon probante que l'événement du 19 janvier 2010 a eu pour effet de déstabiliser la condition cervicale de cette dernière et que cette déstabilisation temporaire de sa condition préexistante constitue une lésion professionnelle.

[148]     Madame Dorion a donc subi une lésion professionnelle le 19 janvier 2010 et a droit aux prestations prévues par la loi en relation avec celle-ci. 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

404864-64-1003

REJETTE la requête de madame Linda Dorion en date du 4 mars 2010 ;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 24 février 2010 ;

DÉCLARE que madame Dorion n'a pas subi de lésion professionnelle le 2 septembre 2009 et qu'elle n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

413266-64-1006

ACCUEILLE la requête de madame Dorion en date du 21 juin 2010 ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 14 juin 2010 ;

DÉCLARE que madame Dorion a subi une lésion professionnelle le 19 janvier 2010 et qu'elle a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

__________________________________

 

Martine Montplaisir

 

 

 

 

Me Stéphanie Gagné

Poudrier Bradet Avocats, S.E.N.C.

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Jean Hébert

Crevier, Royer, Ministère de la Justice, Direction des affaires juridiques et législatives

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Desjardins et Garderie la relève inc., [1998] C.L.P. 603  ; Hôpital Sacré-Cœur de Montréal et Ringuette, C.L.P. 164758-64-0107, 11 juin 2002, R. Daniel.

[3]           Voir notamment : Colonna et Lundrigan ltée (Comstock International), C.A.L.P. 22395-60-9010, 14 décembre 1992, B. Lemay, (J5-01-06) ; Fuoco et Sûreté du Québec, [1993] C.A.L.P. 873  ; Morin et Twinpak inc., [1993] C.A.L.P. 77  ; Hôpital Louis-H. Lafontaine et Teasdale, [1993] C.A.L.P. 894  ; Drouin et Miron inc., C.A.L.P. 25385-60-9011, 25 mars 1993, R. Brassard, (J5-10-09) ; Transport V.A. inc. et Meunier, C.A.L.P. 34581-60-9112, 22 juin 1993, P. Capriolo, (J5-16-03) ; Air Canada et Cseke, C.A.L.P. 40652-60-9206, 28 février 1994, L. McCutcheon, (J6-09-05) ; Poisson et Urgences Santé, [1999] C.L.P. 869  ; Établissements de détention Québec et Lemire, [2000] C.L.P. 1029  ; Provigo Distribution inc. et Ingui, C.L.P. 133677-71-0003, 24 août 2001, M. Zigby (décision sur requête en révision).

[4]           Voir notamment : Marticotte et Minitel inc., [1988] C.A.L.P. 468  ; Lévesque et S.T.C.U.M., [1988] C.A.L.P. 903  ; Chaput et S.T.C.U.M., [1990] C.A.L.P. 150 , requête en évocation accueillie, [1990] C.A.L.P. 176 (C.S.), appel accueilli, [1992] C.A.L.P. 1253 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993, (23265) ; Nadeau et Volcano inc., [1992] C.A.L.P. 1029 , requête en évocation rejetée, [1989] C.A.L.P. 245 (C.S.), appel rejeté, [1992] C.A.L.P. 1004 (C.A.) ; Leblanc et Général Motors du Canada ltée, C.A.L.P. 16645-63-9001, 25 février 1992, F. Dion-Drapeau, (J4-04-18) ; Blanchet et Fenergic inc., C.A.L.P. 55691-04-9312, 25 juillet 1995, P. Brazeau.

[5]           Voir notamment : Durand et Fruit of the Loom Canada inc., C.L.P. 112050-04-9903, 20 mars 2000, P. Simard ; Ville de Trois-Rivières Ouest et Piché, C.L.P. 117143-04-9905, 31 mars 2000, P. Simard ; Turcotte et C.H.S.L.D. du centre Mauricie, C.L.P. 123275-04-9909, 13 septembre 2000, S. Sénéchal, (00LP-62) ; Rioux et Cedrico inc., C.L.P. 135336-01A-0004, 23 février 2001, L. Desbois ; Gélinas et Min. Sécurité publique, C.L.P. 139149-04-0005, 4 septembre 2003, J.-F. Clément ; Centre hospitalier de l'université de Montréal et Blouin, C.L.P. 202326-63-0303, 1er octobre 2003, R. Brassard, (03LP-147).

[6]           Le docteur G. Émond

[7]           Le diagnostic de hernies discales C5-C6 et C6-C7 avec sténose foraminale bilatérale C5-C6 est posé par le docteur Émond les 8 septembre 2009, 25 septembre 2009, 13 octobre 2009, 11 novembre 2009 et 2 décembre 2009.

[8]           Cyr et Q.I.T. Fer et Titane inc., C.A.L.P. 11616-09-8904, 28 mai 1990, J.-G. Roy ; Roy et Centre de réadaptation L’Émergent, C.A.L.P. 61864-09-9408, 20 juillet 1995, C. Bérubé ; Fuglewicz et Sûreté du Québec, C.A.L.P. 88275-61-9705, 29 janvier 1998, S. Di Pasquale, requête en révision rejetée, 22 juillet 1998, M. Zigby.

[9]           Vallerand et Supermarché Paul Landry inc., C.L.P. 120673-05-9907, 22 octobre 1999, M. Allard ; Centre Sheraton et Aziz et CSST Montréal, C.L.P. 140734-71-0006, 23 novembre 2001, R. Langlois.

[10]         Madame Dorion évalue à 80 % la portion de temps allouée à ce type de tâches.

[11]         Madame Dorion évalue à 20 % la portion de temps allouée à ce type de tâches.

[12]         Selon l'interprétation de la radiologiste M. Bélair, cet examen révèle également ce qui suit : « […] C2-C3 : dans les limites de la normale.  C3-C4 : petite hernie postéro-médiane sous-ligamentaire n'entraînant aucune compression radiculaire ou de la moelle.  C4-C5 : présence de petits ostéophytes antérieurs.  Pas de hernie discale ou de sténose spinale.  Les trous de conjugaison sont libres bilatéralement.  C5-C6 : discopathie dégénérative avec hernie postéro-latérale et foraminale gauche.  Ceci est accompagné le plus probablement d'un peu d'uncarthrose réduisant également le canal à gauche.  C6-C7 : léger pincement de l'espace inter-vertébral sans évidence de hernie discale ou de sténose spinale ou foraminale.  Pas de myélopathie. » [sic]

[13]         Antenucci et Canada Steamship Lines inc., [1991] R.J.Q. 968 (C.A.)

[14]         Hydro-Québec et C.A.L.P., [1992] C.A.L.P. 1106 (C.S.), infirmée en appel sur un autre motif, [1992] C.A.L.P. 1241 , (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 4 mars 1993 (23263) ; Ville de Thetford Mines et C.A.L.P., [1994] C.A.L.P. 414 (C.S.).

[15]         Duguay et Hôpital du Sacré-Cœur, [1994] C.A.L.P. 45 , requête en évocation accueillie, [1994] C.A.L.P. 423  (C.S.), appel accueilli, C.A. Montréal, 500-09-000410-944, 22 avril 1999, jj. Denis, Gendreau, Otis

[16]         Lapointe et Communauté urbaine de Montréal, [1994] C.A.L.P. 860 , requête en évocation accueillie, [1994] C.A.L.P. 915 (C.S.), appel accueilli, C.A. Montréal, 500-09-00847-947, 98 12-04, jj. Rousseau-Houle, Nuss et Denis

[17]         Société canadienne des postes et Daigle, C.A.L.P. 01997-61-8701, 19 septembre 1988, A. Suicco, requête en évocation rejetée, C.S. Montréal, 500-05-011582-887, 13 décembre 1988, j. Steinberg, (C1-04-06) ; Dominion Textile inc. et Raymond, [1989] C.A.L.P. 471  ; Joncas et Autobus du Littoral inc., C.A.L.P. 11374-09-8904, 9 novembre 1990, P.-Y. Vachon, (J2-19-13) ; Laflotte et Produits de bois Bishop inc., [1991] C.A.L.P. 735  ; Transport Papineau inc. et Leclerc, C.A.L.P. 37005-64-9202, 8 mars 1994, F. Dion-Drapeau, (J6-09-07), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Montréal, 500-05-004253-942, 10 mai 1994, j. Tessier ; Laurendeau et Supermarché JPV Plouffe inc., C.L.P. 104971-05-9809, 19 novembre 1998, F. Ranger ; Lalande et Boulangerie Weston ltée, C.L.P. 101703-62-9806, 2 juin 1999, L. Couture ; Liquidation Choc et Corbeil, C.L.P. 125451-64-9910, 9 mars 2000, R. Daniel.

[18]         Cafétérias Montchâteau et Leclerc, [1998] C.L.P. 1289  ; Station touristique Mont-Tremblant et Cusson, C.L.P. 162176-64-0105, 11 février 2002, R. Daniel ; Groupe matériaux à bas prix ltée et Lamoureux, C.L.P. 225735-61-0401, 14 septembre 2004, S. Di Pasquale.

[19]         John W. FRYMOYER et Thomas B. DUCKER, The Adult Spine : Principles and Practice, New York, Raven Press, 1991, pp. 122, 137, 1876.

[20]         Loc. cit., note 19, p. 122

[21]         Soit une période de dix heures de 10 h à 20 h à laquelle est soustraite l’heure de repas

[22]         Loc. cit., note 19, p. 137

[23]         Loc. cit., note 19, p. 137

[24]         Les soulignements sont de la soussignée.

[25]         Lavoie et Communauté urbaine de Montréal, C.A.L.P. 48078-62-9212, 28 juin 1995, J. L’Heureux ; St-Pierre et Bell Canada, C.A.L.P. 79206-02-9605, 11 avril 1997, C. Bérubé ; Lazaro et C.L.S.C. Gaston Lessard, [1998] C.L.P. 1285  ; Crête et Ville de Québec, C.L.P. 89052-32-9706, 9 avril 1999, M. Carignan.

[26]         500-09-005954-979, 29 mars 2001, jj Mailhot, Deschamps et Pidgeon

[27]         Voir notamment : Beaudet et Cie américaine de fer & métaux inc., C.L.P. 153079-71-0012, 19 novembre 2001, L. Crochetière ; Chevalier et La Saga International, C.L.P. 141955-63-0007, 16 janvier 2002, D. Besse ; Gagné et C.H.U.S. Hôtel-Dieu, C.L.P. 163084-05-0106, 27 mars 2002, M.-C. Gagnon ; Germain et Bourassa Automobiles International, [2003] C.L.P. 553  ; Miron et Rayonese Textile inc., C.L.P. 181282-64-0203, 6 février 2003, J.-F. Martel.

[28]         Lazaro et C.L.S.C. Gaston Lessard, [1998] C.L.P. 1285  ; Dépanneur Paquette et St-Gelais, [2005] C.L.P. 1541 .

[29]         Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374  ; Rondeau c. Commission des affaires sociales, C.S. Montréal 500-05-006863-933, 29 septembre 1993, j. Croteau; appel rejeté, J.E. 96-483 (C.A.) ; Donolo Inc. c. St-Michel Realties Inc., [1971] C.A. 536  ; Paré c. Tribunal administratif du Québec, J.E. 2004-374 (C.S.) ; Pelletier c. Commission des lésions professionnelles, [2002] C.L.P. 207  ; Chambly Toyota inc. c. Ville de Carignan, J.E. 97-1876 (C.S.) ; Berrafato c. Commission des affaires sociales, C.S. Montréal 500-05-017305-911, 4 mars 1992, J. Reeves ; Lamontagne et D.R.H.C. Direction Travail, [2003] C.L.P. 202  ; A.F.G. Industries Ltée (Glaverbec) et Bhérer, [2002] C.L.P. 777  ; Grenier c. Commission des lésions professionnelles (C.S., 2011-06-01), 2011 QCCS 3978, requête pour permission d'appeler rejetée (C.A., 2011-07-22), 200-09-007463-117, 2011 QCCA 1394.

[30]         C.L.P. 404271-09-1003, 30 mars 2011, L. Desbois

[31]         Voir notamment : Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] 1 R.C.S. 351 , p. 358; R. c. Ratti, [1991] 1 R.C.S. 68 ; Shawinigan Engineering Co. c. Naud, [1929] R.C.S. 341 , p. 343; Camp Watchichou inc. c. Québec (Procureur général), REJB 1999-12764 (C.A.), p. 6; SKW Canada inc. c. Compagnie d'assurance Continental du Canada inc., REJB 97-00786 (C.S.); Lamontagne et D.R.H.C. Direction Travail, [2003] C.L.P. 202 , par. 29-30.

[32]         Précitée, note 30

AVIS :
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