Décision

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Brochu et Hydro-Québec (Gestion des accidents de travail)

2012 QCCLP 1891

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

15 mars 2012

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

441370-62B-1106

 

Dossier CSST :

133712851

 

Commissaire :

Alain Vaillancourt, juge administratif

 

Membres :

Jacques Lesage, associations d’employeurs

 

Osane Bernard, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Nicole Brochu

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Hydro-Québec (Gestion des accidents de travail)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 13 juin 2011, madame Nicole Brochu, la travailleuse, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 31 mai 2011 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 7 février 2011 et déclare que le ramonage de la cheminée n’est pas remboursable.

[3]           La travailleuse est présente et représentée à l'audience du 12 mars 2012 à Saint-Hyacinthe. L’employeur, Hydro Québec, avait avisé le tribunal de son absence à l’audience et transmis une argumentation écrite qui a été prise en considération au moment du délibéré.

LES FAITS

[4]           La travailleuse a subi une lésion professionnelle le 1er novembre 2008 lorsqu’elle s’est infligée au travail une entorse lombaire sur une discopathie dégénérative multi-étagée et une arthrose facettaire L3-L4, L4-L5 et L5-S1.

[5]           Elle s’est vue attribuer une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de 2,2 % et elle conserve les limitations fonctionnelles suivantes :

La patiente devrait éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

-           Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 kg;

-           Travailler en position accroupie;

-           Ramper, grimper;

-           Effectuer des mouvements de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude;

-           Subir des vibrations de basse fréquence ou de contrecoups à la colonne vertébrale;

-           Monter fréquemment plusieurs escaliers;

-           Marcher en terrain accidenté ou glissant.

 

 

[6]           La travailleuse était monteur de lignes jusqu’à sa lésion professionnelle de 2008. Elle n'est plus capable de refaire cet emploi et elle est retournée au travail dans un emploi de patrouilleur chez l’employeur.

[7]           Le 7 février 2011, la CSST refuse de lui rembourser les frais qu’elle a engagés pour faire effectuer le ramonage de la cheminée de sa maison au motif que ces frais ne sont remboursables que lorsque le bois est la principale source de chauffage.

[8]           Cela représente la somme de 40$ pour le ramonage de deux cheminées.

[9]           La travailleuse témoigne qu’elle chauffe sa maison à l’électricité et au bois. Elle n’a pas tenté de démontrer qu’elle chauffait principalement au bois, se contentant d’affirmer qu’elle chauffait au bois tous les jours.

 

[10]        Elle utilise simultanément ses deux poêles au bois lorsque la température est inférieure à -15 °C. Elle brûle entre 10 et 15 cordes de bois par année.

[11]        Elle possède l’équipement nécessaire pour effectuer le ramonage de ses cheminées. Elle faisait elle-même le ramonage de ses deux cheminées avant de subir sa lésion professionnelle. Elle manipulait son échelle et y montait pour effectuer le travail.

[12]        Les photographies déposées à l’audience révèlent que la pente de toit est prononcée.

[13]        La travailleuse déclare qu’elle effectuerait elle-même le ramonage de ses cheminées si ce n’était des conséquences de sa lésion professionnelle,

L’AVIS DES MEMBRES

[14]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de confirmer la décision de la CSST vu que le chauffage au bois ne constitue pas la principale source de chauffage de la maison.

[15]        Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’infirmer la décision de la CSST, car le ramonage de cheminées constitue des travaux d’entretien courant du domicile que la travailleuse effectuerait encore elle-même n’eut été de sa lésion professionnelle.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[16]        Le tribunal doit décider si la travailleuse a droit au remboursement des frais qu'elle a engagés pour faire ramoner ses cheminées.

[17]        L’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit ceci :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[18]        Pour avoir droit au remboursement des frais engagés pour faire exécuter les travaux, la travailleuse doit démontrer qu’elle a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle et qu’elle est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile qu’elle effectuerait normalement elle-même si ce n'était de sa lésion. Le total des frais réclamés ne doit pas dépasser le montant prévu à l’article 165 de la loi pour l’année en cause.

[19]        Pour avoir droit au remboursement demandé, la travailleuse doit donc démontrer qu’elle a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle.

[20]        Le caractère grave d'une atteinte permanente à l'intégrité physique s’évalue en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l'article 165[2].

[21]        Dans le présent cas, la travailleuse a une atteinte permanente et elle est grave vu que la preuve est prépondérante pour conclure que la travailleuse n'a pas la capacité résiduelle d’effectuer cette tâche vu qu’elle est limitée dans le soulèvement de poids, dans l’action de grimper et le travail en terrain accidenté ou glissant.

[22]        L’incapacité physique de la travailleuse à effectuer cette tache n’est d’ailleurs pas remise en question par la CSST ou l’employeur.

[23]        Par ailleurs, la travailleuse est crédible lorsqu’elle affirme qu'elle effectuait elle-même le ramonage de ses cheminées avant de subir sa lésion professionnelle et qu’elle continuerait à le faire n’eut été des conséquences de sa lésion professionnelle surtout si l'on prend en considération son expérience antérieure de travail et l'équipement qu'elle possède.

[24]        Il reste à déterminer si le ramonage de cheminées constitue des travaux d’entretien courant du domicile.

[25]        Bien que la loi ne précise pas le sens qui doit être donné à l'expression «entretien courant», il faut comprendre qu'il s'agit des travaux d'entretien habituels, ordinaires du domicile, par opposition à des travaux d'entretien inhabituels ou extraordinaires[3].

[26]        Le tribunal considère que les travaux de ramonage de cheminée sont des travaux d’entretien courant du domicile.

[27]        En effet, les cheminées doivent être ramonées, à intervalle régulier, lorsqu’il y a chauffage au bois. Il s’agit de travaux d’entretien qui doivent être exécutés pour éviter des feux de cheminée, des intoxications.

[28]        Il est vrai que la plupart de gens ne ramonent pas leur cheminée eux-mêmes, cela n’en fait pas pour autant des travaux qu’il est inhabituel d’effectuer sur une maison ou des travaux qui sont nécessaires seulement de façon exceptionnelle.

[29]        Le tribunal a d’ailleurs décidé à plusieurs reprises que les travaux de ramonage de cheminées constituaient des travaux d’entretien courant du domicile[4].

[30]        La CSST a refusé la demande de la travailleuse parce que le chauffage au bois ne constituait pas le chauffage principal de la maison.

[31]        Le ramonage consiste à débarrasser la cheminée de la suie qui s’y est déposée. Il s’agit d’entretien préventif et il n’y a aucune raison de conditionner le droit à être remboursé au fait que le chauffage principal soit au bois.

[32]        Avec respect pour l’opinion contraire, et tel qu’il en a été décidé dans l’affaire Comax coopérative agricole[5], le tribunal considère qu’il n'est pas nécessaire que le chauffage au bois soit le chauffage principal de la maison pour que le ramonage des cheminées puisse être remboursable, car cette limite n'y est pas prévue.

[33]        Il faut faire la distinction entre le ramonage qui constitue d’emblée un travail d’entretien et l’achat ou le transport du bois de chauffage, ces derniers travaux ne répondant à la définition de travaux d’entretien que si le chauffage principal est au bois.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de madame Nicole Brochu, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 31 mai 2011 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais qu’elle a engagés pour faire exécuter le ramonage de ses cheminées et ce, jusqu’à concurrence du maximum prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

__________________________________

 

Alain Vaillancourt

 

 

 

 

Sylvain Calouette

S.C.F.P.-F.T.Q. (local 1500)

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Julie Ladouceur

AFFAIRES JURIDIQUES HYDRO-QUÉBEC

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c.A-3.001

[2]           Chevrier et Westburne ltée, 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy, (J2-15-19); Boileau et Les centres jeunesse de Montréal, 103621-71-9807, 1er février 1999, Anne Vaillancourt; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier; Cyr et Thibault et Brunelle, 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture

[3]           Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 ; Pelletier et CSST, 145673-08-0008, 25 septembre 2001, S. Lemire

[4]           Mercier et Les contrôles A.C. inc., C.L.P. 130934-31-0002, 29 janvier 2001, P. Simard; Lafontaine et Machineries Pronovost inc., C.L.P. 172167-04-0110, 18 décembre 2001, M. Renaud; Robert et Comax coopérative agricole, C.L.P. 356025-31-0808, 30 juin 2009, G. Tardif; Letendre et Marine Industries ltée, 2010 QCCLP 3247

[5]           Précitée, note 4, par 44

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