DÉCISION
[1] Le 11 juin 2003, monsieur Réal Demers (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 27mai 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celles qu’elle a initialement rendues les 25 février et 19 novembre 2002 en déclarant irrecevable la demande de révision du travailleur à l’encontre de la décision du 25 février 2002 portant sur l’emploi convenable et le calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu. Elle déclare également que les frais de déneigement pour la saison 2001 - 2002 sont payables mais déclare qu’aucun remboursement rétroactif ne peut être fait pour les frais de déneigement encourus pour 2000 - 2001. Finalement, elle déclare que les coûts entraînés par la tonte de gazon et la taille de haies ne sont pas remboursables.
[3] À l’audience, le travailleur est présent mais non représenté. Groupe GMCA inc., (l'employeur) est absent.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer sa demande de révision du 24 janvier 2003 recevable et de changer le calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu. Il demande également le remboursement des frais de déneigement pour la saison 2000 - 2001 et les frais de tonte de gazon et de taillage de haies pour les années 2001 et 2002.
L'AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur n’a démontré aucun motif raisonnable pour permettre de passer outre au non-respect du délai dans lequel il a logé sa demande de révision à l’encontre de la décision du 25 février 2002. De toute façon, même sur le fond du dossier, la requête du travailleur ne pouvait être accueillie vu le texte clair des articles 49 et 50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi). Le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de déneigement pour la saison 2001- 2001 puisqu’il n’était pas encore admis en réadaptation. Quant aux frais de tonte de gazon et de taillage de haies, le travailleur a droit à leur remboursement puisque ces activités ne respectent pas les limitations fonctionnelles émises. Il s’agit de plus de tâches qu’il exerçait lui-même auparavant. Toutefois, le travailleur n’a rien déboursé pour ses haies en 2001 et 2002 le privant ainsi du droit à un remboursement pour ces années.
[6] Le membre issu des associations patronales partage l’avis du membre issu des associations syndicales, sauf qu’il ne ferait pas droit à la réclamation du travailleur concernant les frais de tonte de gazon, devant l’absence de vibration significative. De plus, le travailleur a été capable de faire cette tâche pendant vingt ans alors qu’il avait subi une opération au coude et il est difficile d’expliquer pourquoi il en irait autrement maintenant.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le 10 mai 2000, le travailleur subit un accident de travail alors que, étant en train de serrer des boulons, sa clé glisse et il se frappe le coude gauche contre un morceau de métal.
[8] Un diagnostic de contusion au coude gauche est initialement porté mais ce diagnostic sera remplacé par celui d’épicondylite gauche par la suite.
[9] Le 21 juillet 2000, l’agente de la CSST note que le travailleur est de retour à son travail normal depuis le 12 juin 2000.
[10] Le 26 juillet 2000, le docteur L. Pouliot remplit un rapport final consolidant la lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Un suivi médical reprendra cependant par la suite et le 1er septembre 2000, le docteur Pouliot réfère le travailleur au docteur Martin Milot, orthopédiste.
[11] Le 1er août 2000, la CSST rend une décision établissant que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 12 juin 2000 puisqu’il l’a effectivement repris. Cette décision n’a pas été contestée.
[12] Le 31 août 2000, le travailleur subit une aggravation de sa lésion initiale du 10 mai 2000.
[13] Le 29 mars 2001, une radiographie du coude gauche démontre un petit arrachement osseux ou encore une petite calcification dans les tissus mous.
[14] Le même jour, le travailleur rencontre le docteur Dominique Fleury, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST. Il conclut que l’épicondylite du travailleur n’est pas consolidée et juge qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.
[15] Le 16 mai 2001, une résonance magnétique démontre la présence d’une épicondylite externe associée à une déchirure partielle du tendon commun des extenseurs avec atteinte probable du ligament collatéral radial et ce, au coude gauche.
[16] Le 18 juillet 2001, le docteur Martin Milot émet un rapport final consolidant la lésion au 28 juin 2001 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il déclare le travailleur inapte à occuper son emploi habituel.
[17] Le 29 août 2001, le docteur Milot prépare un rapport d’évaluation médicale dans lequel il maintient le diagnostic d’épicondylite du coude gauche et il établit les limitations fonctionnelles suivantes :
« M. Demers doit limiter les répétitions aux dépens du membre supérieur gauche.
Il doit également éviter les vibrations et les contrecoups.
Il doit éviter de s’accrocher et de s’agripper.
Il doit limiter la charge à dix kilos, à soulever occasionnellement et sans répétition. »
[18] L’attente permanente est établie à 1 %.
[19] Le 18 décembre 2001, la CSST rend une décision informant le travailleur qu’il peut bénéficier des services de réadaptation professionnelle étant donné les limitations fonctionnelles attribuables à sa lésion professionnelle du 10 mai 2000.
[20] Le 25 février 2002, la CSST rend une décision établissant l’emploi convenable de commis de quincaillerie, avec un revenu annuel estimé à 17 728,57 $. La CSST considère que le travailleur est capable d’effectuer cet emploi à compter du 21 février 2002. Un tableau du calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu est joint à cette décision.
[21] Le 3 mai 2002, la compagnie Les Entreprises Rive-Bec prépare une soumission pour la tonte de gazon chez le travailleur en 2002. La soumission est au montant de 425 $ en plus des taxes.
[22] Le 4 septembre 2002, le travailleur discute avec son agent de réadaptation afin de discuter du remboursement des frais de tonte de pelouse. Le travailleur allègue que les vibrations émises par la tondeuse l’empêchent de faire cette tâche, puisque son coude devient engourdi et qu’il a de la difficulté à dormir. Son terrain mesure 125' x 150' et il y a, sur ce terrain, un garage de 20' x 24', une maison de 42' x 26' et une entrée de 25' x 40'.
[23] Le 12 novembre 2002, le travailleur rencontre son agente de réadaptation. Il explique qu’il n’est plus capable de tailler sa haie à cause des vibrations et des engourdissements qui en découlent pour son bras. La fréquence du taillage est d’une fois par année. En 2001 et 2002, c’est son voisin qui a procédé à cette tâche en échange de services de garderie offerts par sa femme.
[24] Le 24 janvier 2003, le travailleur conteste en dehors des délais prévus par la Loi la décision du 12 février 2002, se disant en désaccord avec la méthode de calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu. Il mentionne qu’il n’a pas respecté le délai prévu parce qu’il a eu de la difficulté à comprendre la méthode de calcul de la CSST et qu’il a dû référer à des spécialistes qui lui ont donné des explications.
[25] Le 27 mai 2003, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative qui est à la base du recours du travailleur devant le présent tribunal. Cette décision contient, notamment, le paragraphe suivant :
« À ses observations, le requérant indique qu’il y a effectivement eu entente sur l’emploi convenable et le salaire associé. Il confirme aussi que le conseiller en réadaptation et son représentant avaient discuté avec lui des calculs afférents. Monsieur confirme qu’il n’était pas d’accord avec ces calculs mais qu’il a tout de même convenu de l’entente menant à la décision du 25 février et qu’il ne l’a pas contesté [sic] à l’époque pertinente. Monsieur n’émet pas de motif particulier pour justifier son retard à demander la révision, si ce n’est le début de la mise en application de ce calcul qui, soit dit en passant, est exactement le même pour toute personne en vertu des articles 49 et 50 de la loi. »
[26] Le 27 mai 2003, le travailleur a une discussion avec le réviseur de la CSST. Au niveau du non-respect du délai de révision, le travailleur donne comme motif qu’il ne comprenait pas le calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu.
[27] Le travailleur témoigne à l’audience. Il mentionne avoir une septième année bien qu’au dossier on parle plutôt d’une neuvième année. Avant que la CSST ne rende sa décision sur le revenu de l’emploi convenable, il y a eu des discussions avec la CSST et avec son représentant, monsieur Lesage. Il a dès lors mentionné que la façon de calculer l’indemnité réduite de remplacement du revenu n’était pas correcte mais autant monsieur Gagnon, de la CSST, que monsieur Lesage lui ont mentionné qu’il s’agissait de la façon normale de calculer pour tout le monde et qu’il ne servait à rien de contester. Il n’a donc pas contesté mais après une longue hésitation et une réflexion sur le sujet, il a décidé de contester. Il avait, entre autres, pris l’avis de son garçon qui est professeur de mathématiques ainsi que de d’autres personnes. Il a donc fini par se décider et il a logé une contestation hors des délais prévus.
[28] Il estime que la CSST n’emploie pas la bonne façon de calculer l’indemnité réduite de remplacement du revenu puisqu’elle se base sur du salaire net duquel elle déduit encore du salaire net. Il ne voit pas pourquoi on retrancherait de l’impôt sur le revenu de l’emploi prélésionnel qu’il ne touche plus en réalité. Il croit qu’on devrait plutôt prendre le salaire brut de l’ancien emploi et en soustraire le salaire brut de l’emploi convenable pour ensuite enlever les déductions pertinentes.
[29] Quant aux divers frais qu’il réclame, il mentionne que son terrain mesure 150' x 125'. Sur ce terrain sont localisés une maison de 24' x 42', une entrée de 12' x 40' et une piscine de 24 pieds de diamètre. Il estime que ces installations occupent environ le tiers de son terrain. La CSST lui a payé les frais de déneigement pour l’année 2001 - 2002 mais refuse de lui payer ceux de l’année 2000 - 2001 parce qu’il n’avait pas encore été admis en réadaptation.
[30] Après son accident de travail du 10 mai 2000, il a effectué des retours au travail périodiques jusqu’en septembre 2000 où il a arrêté complètement de travailler pour ne jamais occuper un emploi rémunérateur depuis.
[31] Avant l’événement, c’est lui-même qui tondait son gazon et il lui fallait environ 1 h 30 pour ce faire. Il taillait aussi les haies lui-même.
[32] Quant à ces haies de cèdre, il y en a sur deux des façades de son terrain. Elles mesurent environ six pieds de haut et 125' de longueur pour une, alors que l’autre mesure 150' de long.
[33] Il ne peut plus tondre son gazon ni sa haie à cause des vibrations émises par la tondeuse et le taille haie. Ce dernier outil est loué une fois par année et pèse environ vingt livres. L’instrument a deux pieds et demi de long et il doit le tenir à deux bras dans un mouvement de va-et-vient afin de tailler sa haie. Il doit parfois monter sur des escabeaux. Il lui faut environ une demi-journée pour tailler sa haie. Il ne peut pas employer des ciseaux ordinaires puisqu’il lui faudrait trop de temps pour faire cette tâche.
[34] Avant l’événement, c’est toujours lui qui déneigeait sa propriété à l’aide d’une pelle traîneau et d’une pelle ordinaire. Il lui faut environ deux heures pour déneiger sa propriété. Pendant la saison 2000 -2001, un de ses voisins a déneigé l’entrée de sa propriété en échange de quoi sa femme gardait ses enfants. Après cela, c’est un contracteur qui s’est occupé du déneigement. Il a envoyé les estimés à la CSST tout comme pour la tonte de gazon et la taille des haies. Comme la CSST a mentionné qu’elle ne payait pas, il a cessé d’envoyer des factures. Il avait fourni une facture à la CSST pour l’arrosage de son gazon afin de le fertiliser et d’enrayer les mauvaises herbes. Il mentionne cependant qu’il pourrait le faire lui-même puisqu’il ne s’agit pas d’un travail difficile.
[35] La configuration de son terrain fait en sorte qu’il ne peut pas prendre un tracteur pour tondre le gazon puisqu’il y a trop d’arbres, d’arbustes et de fleurs. Il a déjà eu un tracteur et l’a vendu.
[36] Suite à sa lésion, il a essayé de tondre lui-même le gazon et la haie et de déneiger sa propriété et il en a été incapable. En ce qui concerne le gazon et la haie, il ressentait des douleurs au membre supérieur gauche à cause des vibrations et devait alors prendre plus de médicaments.
[37] Le travailleur est gaucher, sauf qu’il peut écrire de la main droite. Il a appris au fil du temps à se servir de ses deux mains mais il mange de sa main gauche et cloue de sa main gauche également.
[38] En réponse à une question du tribunal, il réitère qu’il y a eu entente entre la CSST et son représentant sur l’emploi convenable qui a été déterminé. Son représentant et celui de la CSST lui ont mentionné qu’il n’y avait rien à faire quant au calcul. Il a quand même, à un moment donné, décidé de prendre une chance et de faire une contestation. Personne ne l’a poussé à le faire et il a pris lui-même l’initiative. Son syndicat ne s’est pas mêlé des problèmes qu’il a rencontrés.
[39] Il a donné, pour la première fois, un contrat de neige en novembre 2000. À l’été 2000, il a fait lui-même son gazon et la taille de ses haies avec l’aide de ses voisins avec échange de services. Il n’a pas dû débourser aucune somme à ce moment.
[40] Le travailleur produit à l’audience, sous la cote T-1, des factures pour l’entretien de son gazon et la taille de ses haies pour les saisons 2001, 2002 et 2003.
[41] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si le travailleur a logé sa première demande de révision dans les délais prévus par la Loi et, dans l’affirmative, si les prétentions du travailleur, quant au calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu, sont fondées. Le tribunal doit également décider si le travailleur a droit au remboursement des frais qu’il réclame.
[42] Lorsqu’il a reçu la décision de la CSST concernant l’emploi convenable et la fixation de l’indemnité réduite de remplacement du revenu, le travailleur bénéficiait d’un droit de contestation prévu à l’article 358 de la Loi :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[43] Il a manifestement dépassé le délai prévu par la Loi en logeant sa contestation aussi tard. Cependant, la CSST pouvait prolonger ce délai en vertu de l’article 358.2 de la Loi :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
________
1997, c. 27, a. 15.
[44] La CSST a refusé d’appliquer cet article et a déclaré la demande de révision du travailleur irrecevable. Le tribunal estime que cette décision est bien fondée puisque le travailleur n’a démontré aucun motif raisonnable au sens de cet article. Au réviseur, le travailleur avait donné comme motif raisonnable qu’il ne comprenait pas le calcul et qu’il ne savait pas quoi faire. Il s’agit manifestement d’un cas d’ignorance de la Loi qui n’a jamais été considéré par la jurisprudence comme constituant un motif raisonnable[2].
[45] Il est également mentionné dans la décision rendue à la suite d’une révision administrative que l’entrée en vigueur prochaine du calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu l’a incité à déposer sa contestation. Encore là, il ne s’agit aucunement d’un motif raisonnable, surtout que le travailleur avait convenu d’une entente avec la CSST par l’entremise de son propre représentant, le tout afin de convenir de l’emploi convenable et des conséquences qui en découlaient. Le travailleur tente donc indirectement de revenir sur cette entente.
[46] Il allègue de plus, à l’audience, qu’il savait très bien depuis le départ que le calcul qui lui était appliqué ne le satisfaisait pas. Or, c’est près d’un an plus tard qu’il conteste la décision du 25 février 2002 alors qu’il savait depuis le 24 janvier 2003, à tout le moins, que le calcul de la CSST ne le satisfaisait pas.
[47] La jurisprudence a déjà reconnu que l’avis erroné donné par un représentant de la CSST ou par son propre représentant pouvait constituer un motif raisonnable. Il n’en est toutefois rien en l’espèce puisque l’avis donné par la CSST et par monsieur Lesage était totalement bien fondé et reposait sur les prescriptions de la Loi. De toute façon, le travailleur a admis qu’il n’était pas d’accord avec la façon de calculer l’indemnité réduite de remplacement du revenu dès que la décision du 25 février 2002 a été rendue. Il pouvait dès lors faire sa contestation même à l’encontre des avis qu’il avait reçus. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait le 24 janvier 2003 alors qu’il a déposé une contestation sans que les avis reçus n’aient changé pour autant. La CSST avait donc raison de déclarer, à la suite de la révision administrative, que la contestation du travailleur était irrecevable.
[48] De toute façon, même si la contestation du travailleur avait été recevable, force est de constater que la CSST a rendu sa décision du 25 février 2002 en se basant sur les dispositions des articles 49 et 50 de la Loi, qui se lisent comme suit :
49. Lorsqu'un travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle devient capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable.
Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer.
L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi.
________
1985, c. 6, a. 49.
50. Aux fins de déterminer le revenu net retenu que le travailleur pourrait tirer de l'emploi convenable qu'il devient capable d'exercer à plein temps, la Commission évalue le revenu brut annuel que le travailleur pourrait tirer de cet emploi en le situant dans une tranche de revenus et en considérant le revenu inférieur de cette tranche comme étant celui que le travailleur pourrait tirer de cet emploi convenable.
Cependant, si la Commission croit que le revenu brut annuel que le travailleur pourrait tirer de l'emploi convenable qu'il devient capable d'exercer à plein temps est supérieur au maximum annuel assurable établi en vertu de l'article 66, elle considère que ce revenu brut annuel est égal au maximum annuel assurable.
La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des revenus bruts annuels d'emplois convenables, qui prend effet le 1er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.
Cette table est faite par tranches de revenus dont la première est d'au plus 1 000 $ à partir du revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur le 1er janvier de l'année pour laquelle la table est faite, la deuxième de 2 000 $ et les suivantes de 3 000 $ chacune jusqu'au maximum annuel assurable établi en vertu de l'article 66 pour cette année.
Le revenu supérieur de la première tranche de revenus est arrondi au plus bas 500 $.
________
1985, c. 6, a. 50.
[49] Le tribunal n’a d’autre choix que d’appliquer la Loi telle qu’elle est écrite et il n’a pas les pouvoirs qui lui permettraient de reformuler la loi selon sa propre conception des choses ou celle des parties. La solution avancée par le travailleur, au niveau du calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu, est peut-être valable. C’est cependant chez son député qu’il devrait se présenter pour en discuter et non devant le présent tribunal. Le tribunal aurait donc rejeté sa contestation quant au fond même s’il avait respecté le délai de révision prévu par la Loi.
[50] Quant au remboursement des frais réclamés par le travailleur, ils sont prévus au chapitre 4 de la Loi portant sur la réadaptation. L’article 145 prévoit que :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 145.
[51] En l’espèce, le travailleur a bel et bien été admis en réadaptation par décision de la CSST du 18 décembre 2001. Les remboursements demandés par le travailleur concernent des activités appartenant au domaine de la réadaptation sociale. L’article 151 de la Loi prévoit ceci :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
________
1985, c. 6, a. 151.
[52] L’article 165 prévoit, quant à lui, ce qui suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
________
1985, c. 6, a. 165.
[53] La jurisprudence a déterminé que la tonte du gazon et le taillage des arbres constituent des travaux d'entretien courant[3]. Il en va de même du déneigement[4].
[54] Une autre condition d’application de l’article 165 est que le travailleur ait subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique.
[55] La jurisprudence a mentionné que l’article 165 doit être lu dans son ensemble et dans le contexte de l’objet de la Loi et du but recherché par la réadaptation sociale. Il y a donc lieu d’analyser le caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165[5].
[56] En conséquence, il ne faut pas regarder le seul pourcentage d’atteinte permanente dont le travailleur est porteur mais on doit s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question, compte tenu de ses limitations fonctionnelles[6]. Ainsi, vu les limitations fonctionnelles qui ont été octroyées au travailleur et l’impossibilité qui en découle de faire certaines activités, le tribunal estime qu’en l’espèce le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique.
[57] Il est aussi mis en preuve de façon non contredite que c’est le travailleur qui effectuait normalement tous ces travaux avant la survenance de sa lésion. Reste à savoir si le travailleur est incapable d’effectuer les travaux pour lesquels il demande un remboursement et s’il a réellement engagé des frais pour faire exécuter ces travaux.
[58] En ce qui concerne le taillage de ses haies, les déclarations du travailleur qui ont été faites de façon contemporaine à l’agent de la CSST (page 56 du dossier) démontrent qu’il n’a encouru aucuns frais en cette matière pour la saison 2001 ni pour la saison 2002. Le tribunal comprend mal comment le travailleur a pu produire à l’audience des factures d’un dénommé Steve Bédard pour les étés 2001 et 2002, alors que c’est son voisin qui a bénévolement fait cette tâche en échange de services de garderie. Comme il n’a engagé aucuns frais pour les années 2001 et 2002, qu’il s’agit là des périodes pour lesquelles la CSST était saisie d’une demande de remboursement et qu’il s’agit des saisons pour lesquelles le travailleur a des prétentions devant la présente instance, le tribunal ne peut donc faire droit à la demande du travailleur. En effet, aucune décision de la CSST n’a été rendue en ce qui concerne les frais de taillage de haies pour la saison 2003 et le tribunal n’en est donc aucunement saisi. Le tribunal tient toutefois à mentionner que le taillage des haies va à l’encontre des limitations fonctionnelles du travailleur qui lui demandent de limiter les mouvements répétitifs du membre supérieur gauche et d’éviter les vibrations. En conséquence, le tribunal aurait fait droit à la réclamation du travailleur s’il avait réellement engagé des frais à cet effet, puisqu’il est d’avis que le travailleur est incapable d’effectuer ce travail précis et ce, à cause des séquelles de sa lésion professionnelle. Le travailleur devra cependant s’adresser à la CSST dans un premier temps.
[59] Quant aux frais de tonte de gazon, le tribunal estime, encore là, que cette tâche ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur. Ainsi, il est de connaissance d’office qu’une tondeuse émet des vibrations et que ce travail, sur un terrain comme celui du travailleur, nécessite des mouvements fréquents des membres supérieurs. Au surplus, l’utilisation du coupe-bordure nécessite aussi des mouvements répétitifs des membres supérieurs et émet aussi des vibrations. Le tribunal rappelle qu’il est lié par les limitations fonctionnelles émises par le docteur Milot. Ce dernier mentionne bien que le travailleur doit éviter les vibrations sans mentionner leur niveau d’intensité, de sorte que le tribunal n’a d’autre choix que de constater que l’utilisation d’une tondeuse va à l’encontre de cette limitation fonctionnelle de même qu’à l’encontre de celle concernant les mouvements des membres supérieurs.
[60] Le travailleur a engagé la somme de 415 $ pour l’été 2001 et de 420 $ pour l’été 2002. Il a droit au remboursement de ces sommes. Le tribunal n’est pas saisi de la question des frais encourus à l’été 2003. Le tribunal estime cependant que les paramètres émis par la présente décision devraient être appliqués par la CSST à l’avenir. La CSST pourra juger de la possibilité d’installer sur la tondeuse du travailleur un dispositif anti-vibrations qui pourrait éventuellement lui permettre de tondre son gazon en respectant ses limitations fonctionnelles. En effet, le travailleur pourrait alors étaler le temps requis pour cette tâche afin de ne pas effectuer de mouvements répétitifs de son membre supérieur.
[61] Quant aux frais de déneigement, la CSST a accepté de les payer à compter de l’hiver 2001 - 2002 suite à l’admission du travailleur en réadaptation. Il est donc évident que les conditions de l’article 165 sont remplies et que la CSST a accepté à partir de ce moment d’assumer le coût des frais de déneigement. Le litige porte plutôt sur le remboursement de ces frais pour l’hiver 2000 - 2001. Or, le tribunal estime que la CSST avait raison de ne pas rembourser ces sommes puisque le travailleur n’était pas encore admis en réadaptation. Le remboursement des frais d’entretien courant du domicile est prévu au chapitre de la réadaptation. Ainsi, pour pouvoir bénéficier d’une mesure de réadaptation sociale, encore faut-il, au préalable, avoir droit à la réadaptation[7].
[62] On retrouve en jurisprudence plusieurs façons de décider du moment de l’ouverture du droit aux mesures de réadaptation sociale. Certaines décisions mentionnent que le droit s’ouvre à la date de la décision reconnaissant le droit à la réadaptation[8], certaines autres mentionnent que le droit s'ouvre à la date de la lésion professionnelle responsable de l’atteinte permanente[9]. D’autres parlent de la date de la consolidation de la lésion[10], d’autres de l’établissement d’une atteinte permanente[11], d’autres de la date de l’évaluation des besoins effectués par la CSST[12] et, finalement, d’autres de la date où il devient médicalement possible de préciser l’atteinte permanente indépendamment de la consolidation de la lésion[13].
[63] Après avoir fait la révision de cette jurisprudence, le tribunal estime que la lettre, l’esprit et le but de la loi font en sorte que l’on doit retenir que ce droit s’ouvre à la date où il est médicalement possible de préciser, en tout ou en partie, qu’une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle et ce, indépendamment de la consolidation de la lésion ou de l’absence d’une décision d’admission à la réadaptation prévue par la Loi.
[64] Faire dépendre le remboursement de frais d’entretien de la date d’une décision d’admission en réadaptation laisserait le travailleur à la merci de la rapidité avec laquelle son dossier est traité par la CSST. Il serait de plus difficile de comprendre pourquoi un travailleur n’aurait pas droit à des mesures de réadaptation dès qu’il est connu et certain qu’il conservera une atteinte permanente et des séquelles de sa lésion. En effet, il se trouve alors dans un état pire ou, à tout le moins, comparable à celui dans lequel il se trouvera après sa consolidation, lorsqu’il y aura eu stabilisation de sa lésion. Il a donc autant, sinon plus, besoin d’aide à ce moment qu’il en aura une fois la consolidation établie et l’atteinte et les limitations détaillées.
[65] Ceci étant dit, rien au dossier n’indique que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles du travailleur pouvaient être connues et constatées à l’hiver 2000 - 2001. Un premier rapport final avait été produit par un médecin mentionnant qu’il n’y aurait pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles. Le travailleur a d’ailleurs travaillé jusqu’en septembre. La nature de l’accident initial ne pouvait non plus laisser présager une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles contrairement à un accident impliquant une amputation par exemple. Ce n’est que lors de l’expertise du docteur Dominique Fleury que la CSST a pu constater la présence d’une possibilité qu’une atteinte permanente ou des limitations fonctionnelles découlent de la lésion professionnelle du travailleur.
[66]
Le travailleur n’a donc pas droit aux frais de déneigement
pour la saison 2000 - 2001. Encore là,
il s’agit d’un choix du législateur de prévoir ce genre de mesures de
réadaptation seulement à un stade avancé de la lésion professionnelle. Le législateur a prévu, pour la durée
initiale d’une lésion professionnelle, d’autres droits spécifiques comme le
droit à l’indemnité de remplacement du revenu, le droit à l’assistance
médicale, etc. Si le législateur avait
voulu que, dès le départ, un travailleur ait droit au remboursement de frais
tels que ceux réclamés en
l’espèce, il l’aurait mentionné. Il a plutôt réservé ce genre de mesures pour la période de réadaptation. Or, pour l’hiver 2000 -2001, même en adoptant une interprétation large de la date d’ouverture du droit à la réadaptation, le tribunal ne peut faire droit aux prétentions du travailleur. De toute façon, la preuve a démontré que le travailleur n’a encouru aucuns frais cette saison-là puisque son voisin a déneigé sa propriété en échange d’autres services.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Réal Demers, le travailleur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 mai 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision logée par monsieur Réal Demers, le 24 janvier 2003, à l’encontre de la décision du 25 février 2002 et constate que la décision du 25 février 2003 est donc devenue finale;
DÉCLARE que monsieur Réal Demers n’a pas droit au remboursement des frais de déneigement pour la saison 2000 - 2001;
DÉCLARE que monsieur Réal Demers n’a droit à aucun remboursement pour les frais de taille de sa haie pour les saisons 2001 et 2002;
DÉCLARE que monsieur Réal Demers a droit au remboursement des frais engagés pour la tonte de sa pelouse pendant les saisons 2001 et 2002, soit 835 $.
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JEAN-FRANÇOIS CLÉMENT |
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Commissaire |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Racine et Armoires et Meubles Charlevoix, C.L.P. 90601-03A-9708, 21 septembre 1998, P. Brazeau.
[3] Brousseau et Proctection d’incendie Viking ltée, C.A.L.P. 18374-61-9004, 15 octobre 1992, L. Boucher; Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] C.A.L.P. 683 ; Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc., C.L.P. 142213-03B-0007, 12 décembre 2000, R. Savard.
[4] Paquet et Pavillon de l’Hospitalité inc. déjà citée; Lalonde et Mavick Construction, C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.
[5] Cyr et Thibault & Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture.
[6] Lalonde et Mavick Construction, C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois.
[7] Commission scolaire de Montréal et Hervé, C.L.P. 164351-72-0106, 4 octobre 2002, G. Robichaud.
[8] Gentleman et Hôpital général Juif Mortimer Davis, C.A.L.P. 91424-72-9709, 12 novembre 1998, J.D. Kushner.
[9] Paquet et Ville de Rimouski, C.A.L.P. 10797-01-8902, 5 avril 1991, S. Lemire.
[10] Charron et C.H.S.L.D de la Rive-Nord, C.L.P. 114870-64-9908, 27 juillet 1999, Y. Lemire.
[11] Février et Win-Sir Textiles inc., C.L.P. 116590-73-9905, 11 novembre 1999, Y. Ostiguy.
[12] Thibeault et Lucien Paré & Fils ltée, C.L.P. 115773-32-9905, 29 mars 2000, G. Tardif.
[13] Brouty et Voyages Syimone Brouty, C.L.P. 120748-31-9907, 15 juin 2000, P. Simard.
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