Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

7 janvier 2004

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

175805-62-0112

 

Dossier CSST :

006128524

 

Commissaire :

Éric Ouellet

 

Membres :

Suzanne Blais, associations d’employeurs

 

Osane Bernard, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Johanne Lamontagne

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

C.L.S.C. Samuel de Champlain

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]                Le 21 décembre 2001, madame Johanne Lamontagne (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (C.S.S.T.) rendue le 7 décembre 2001, à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la C.S.S.T. confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 6 juin 2001 et refuse de rembourser les frais reliés aux travaux pour faire le grand ménage chez la travailleuse.

[3]                À l’audience, tenue à Longueuil le 5 novembre 2003, la travailleuse est présente et représentée. L’employeur est absent bien que dûment convoqué.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle répond aux critères lui donnant droit au remboursement des frais qu’elle engage pour faire son grand ménage.

L'AVIS DES MEMBRES

[5]                Les membres issues des associations d'employeurs et syndicales sont d'avis que la travailleuse répond aux critères lui donnant droit au remboursement des frais qu’elle engage pour faire son grand ménage. Les membres sont cependant d’avis que la travailleuse n’a pas droit audit remboursement pour l’année 2001, puisque la preuve révèle qu’elle n’a pas engagé lesdits frais.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]                Madame Lamontagne subit une lésion professionnelle le 24 septembre 1990 et quelques récidives, rechutes ou aggravations. Une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 21,3 % au niveau lombaire lui est attribuée.  Concernant les limitations fonctionnelles, déterminées par le docteur Jean-Maurice Pagé le 4 juin 1996, elles se lisent comme suit :

-     Ne pas faire de mouvements répétitifs du tronc.

 

-     Ne pas travailler en position penchée vers l'avant.  Avoir un travail qui permet de changer de position et ne pas manipuler de charges au-delà de 15 kilos.

 

-     Éviter les vibrations et les surfaces glissantes.

 

-     Ne pas travailler en position accroupie.

 

 

[7]                À l'audience, madame Lamontagne explique qu'elle a toujours fait elle-même son grand ménage avant 1990. Depuis son accident du travail et à cause des limitations fonctionnelles dont elle est atteinte, elle ne peut plus le faire. Madame Lamontagne explique cependant qu'elle n'a pas engagé les frais pour faire exécuter son grand ménage pour l’année 2001, puisque sa réclamation a été refusée par la C.S.S.T. Une autre réclamation pour des frais reliés à l'exécution de son grand ménage lui a été refusée pour l’année 1999, réclamation qui a fait l’objet d’une décision de la Commission des lésions professionnelles[1]. Or, cette réclamation a été examinée en considération des critères nécessaires pour obtenir de l'aide personnelle à domicile, prévus à l’article 158 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., chapitre A-3.001 (la loi), qui se lit comme suit :

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

[8]                Or, on sait que la réadaptation sociale inclut, notamment, le remboursement des frais engendrés par des travaux d’entretien courant du domicile. La liste, non exhaustive, se retrouve à l'article 152 de la loi et se lit comme suit :

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

 

1°   des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2°   la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3°   le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4°   le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5°   le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[9]                Le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile est un programme indépendant des quatre autres de la liste précitée.

[10]           C'est l’article 165 de la loi qui énonce les conditions de remboursement des frais d'entretien courant du domicile.  Cet article se lit comme suit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[11]           La jurisprudence[2] a établi que faire effectuer le grand ménage fait partie des travaux d'entretien courant.

[12]           Pour être admissible au remboursement des frais engagés pour faire exécuter des travaux d’entretien courant du domicile, la travailleuse doit, premièrement, démontrer qu’elle est porteuse d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique. 

[13]           La deuxième condition veut que la travailleuse démontre qu’elle est incapable d’effectuer les travaux d’entretien concernés et qu’elle effectuerait elle-même ces travaux, n’eut été de sa lésion professionnelle.

[14]           En l'espèce, la jurisprudence[3] veut que l’atteinte permanente grave doit s’évaluer en fonction des limitations fonctionnelles dont est porteuse la travailleuse et en rapport à l’activité à être exercée. 

[15]           La preuve non contredite établit que la travailleuse a une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de 21,3 % avec d'importantes limitations fonctionnelles et qu'elle effectuait elle-même les travaux de grand ménage avant l'année 1990. Aussi, les limitations fonctionnelles de madame Lamontagne démontrent, à sa face même, qu’elles sont incompatibles avec l’activité de faire le grand ménage annuel.

[16]           En effet, faire le grand ménage nécessite des mouvements répétitifs du tronc, de travailler en position penchée vers l’avant et en position accroupie, activités incompatibles avec les limitations fonctionnelles de madame Lamontagne.

[17]           La travailleuse répond donc aux deux conditions précitées.

[18]           Madame Lamontagne demande de déclarer, puisqu'elle répond aux critères de la loi, qu'elle a droit au remboursement des frais d’entretien courant de son domicile, s’ils sont engagés. Cela revient à dire que madame Lamontagne demande au tribunal une déclaration de principe indiquant que les frais prévisibles seront, de par leur nature, remboursables en vertu de l'article 165 de la loi.

[19]           Ce genre de demande n’est pas sans précédent. En effet, dans les décisions Lebrun et Ville de Sept-Iles, et Benoît et Produits électriques Bezo ltée[4], la Commission des lésions professionnelles acquiesce à une telle demande puisque les travaux prévus constituaient bel et bien des travaux d’entretien courant du domicile.  On autorise donc le travailleur à faire exécuter ceux-ci au cours d’une année et à en réclamer le remboursement à la C.S.S.T.

[20]           Avec respect, le tribunal est plutôt d'avis qu'il ne peut disposer à l'avance et de façon exécutoire du droit de la travailleuse au remboursement de frais éventuels, susceptibles d'être engagés pour les années à venir.  Ces frais n'ont évidemment pas encore fait l'objet d'une réclamation à la C.S.S.T. pas plus qu'ils n'ont été engagés[5].

[21]           En effet, agir de la sorte serait assimilable à un jugement déclaratoire, alors que la Commission des lésions professionnelles ne possède aucune compétence pour rendre un tel jugement.

[22]           En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles ne peut que déclarer que madame Lamontagne aurait eu droit, si elle les avait engagés, au remboursement des frais pour faire exécuter son grand ménage pour l'année 2001, et ce, puisqu'elle répond aux critères de la loi précités.

[23]           Or, la travailleuse n'ayant pas engagé de frais pour faire exécuter l'entretien courant de son domicile pour l'année 2001, elle n'a pas droit à un remboursement.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE EN PARTIE la requête de madame Johanne Lamontagne;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le  7 décembre 2001, à la suite d’une révision administrative;


 

DÉCLARE que la travailleuse répond aux critères de la loi lui donnant droit au remboursement des frais pour faire exécuter les travaux de grand ménage pour l'année 2001;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais pour faire exécuter les travaux de grand ménage pour l’année 2001, puisqu’elle ne les a pas engagés.

 

 

 

__________________________________

 

Éric Ouellet

 

Commissaire

 

 

 

Mme Lucie Deblois

F.I.I.Q.

Représentante de la partie requérante

 



[1]          Lamontagne-Maguire et C.L.S.C. Samuel-de-champlain et C.S.S.T., C.L.P. 128799-62-9912, 5 juillet 2000, G.Godin. Révision rejetée.

[2]          Tardif et Alimentation Chez-vous, C.A.L.P. 29828-03-9106, 2 août 1993, J.-M. Dubois; Liburdi et Les spécialistes d'acier Grimco, C.L.P. 124728-63-9910, 9 août 2000, J.-M. Charette; Rouette et Centre hospitalier Cooke, C.L.P. 141411-04-0006, 31 mai 2001, S. Sénéchal

[3]          Chevrier et Westburn ltée, C.A.L.P. 16175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy, (J2-15-19); Boileau et Les centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621-71-9807, 1er février 1999, A. Vaillancourt; Filion et P.E. Boisvert Auto ltée, C.L.P. 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture

 

[4]          C.A.L.P. 79061-04-9605, 27 mars 1997, P. Brazeau, (J9-02-05); C.L.P. 144924-62-0008, 13 février 2001, R. L. Beaudoin.

[5]          Ouellet et Excavation Leqel 1993 ltée, C.L.P. 144557-03B-0008, 13 février 2001, P. Brazeau

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