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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rouyn-Noranda

8 juin 2006

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossiers :

218871-08-0310                  237974-08-0406

249360-08-0411

 

Dossier CSST :

124453655

 

Commissaire :

Me Monique Lamarre

 

Membres :

Marcel Grenon, associations d’employeurs

 

Michel Paquin, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Dre Dominique Lejeune

______________________________________________________________________

 

218871

237974 et 249360

 

 

Précibois inc.

Jean-Paul Brisebois

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

Et

 

 

SCEP (Local 3057)

Jean-Paul Brisebois

Précibois inc.

SCEP (Local 3057)

Parties intéressées

Partie intéressée

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

218871

 

[1]                Le 24 octobre 2003, l’employeur, Précibois inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 septembre 2003 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 juillet 2003 et déclare que monsieur Jean-Paul Brisebois, le travailleur, a subi une lésion professionnelle le 17 mai 2003.

237974

[3]                Le 30 juin 2004, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 18 juin 2004 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues respectivement les 5 mars et 6 mai 2004. Elle déclare que le diagnostic de tendinite à l’épaule droite n’est pas en relation avec l’événement du 17 mai 2003 et que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 19 mars 2004.

249360

[5]                Le 26 novembre 2004, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 19 novembre 2004 à la suite d’une révision administrative.

[6]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 22 octobre 2004 à la suite de l’avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale le 4 octobre 2004. Elle déclare que la lésion initiale survenue le 17 mai 2003, n’a pas entraîné d’atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et que le travailleur est capable d’exercer son emploi.

[7]                Une audience se tient à Rouyn-Noranda les 28 juin et 12 septembre 2005. Les deux parties  sont présentes et elles sont accompagnées de leur procureur. Un délai a été accordé à l’avocate du travailleur afin qu’elle dépose différents rapports médicaux. L’ensemble de ces documents ont été reçus à la Commission des lésions professionnelles le 17 octobre 2005. Les dossiers ont été pris en délibéré à cette date.

LES OBJETS DES CONTESTATIONS

218871

[8]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 mai 2003.

239974

[9]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic de tendinite à l’épaule droite est relié à l’accident du travail du 17 mai 2003 et qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 19 mars 2004.

249360

[10]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que, à la suite de la lésion professionnelle survenue le 17 mai 2003, le travailleur conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles décrites par le docteur Bellemare le rendant incapable de faire son travail.

L’AVIS DES MEMBRES

218871

[11]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 mai 2003. La preuve soumise par l’employeur ne l’a pas convaincu que le travailleur n’était pas soumis à un plus grand rythme de production à la période contemporaine à l’événement allégué. Il est d’avis que la surcharge de travail correspond à un événement imprévu et soudain.

[12]           Cependant, il retient que la preuve ne démontre pas de façon prépondérante qu’il y a relation entre le diagnostic et cette surcharge de travail. La preuve démontre que le travailleur prenait déjà des médicaments pour des douleurs chroniques, ce qui a pour effet de masquer les symptômes et d’empêcher le travailleur de bien identifier le véritable site de la douleur. Le travailleur n’identifie pas les symptômes de façon constante, ce qui rend difficile pour les médecins l’établissement d’un diagnostic précis. La preuve ne démontre pas de façon prépondérante qu’il y a relation entre la surcharge de travail et le diagnostic retenu.

[13]           Le membre issu des associations d’employeurs est également d’avis que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 mai 2003. L’existence d’une douleur ne permet pas de présumer de la survenance d’une lésion au travail. La preuve démontre que, le 17 mai 2003, le travailleur a accompli une grosse journée de travail. Il n’a pas démontré que ce surplus de travail est inhabituel et qu’il constitue un événement imprévu et soudain. Il retient également que le travailleur a consulté pour les mêmes problèmes à l’automne 2002. La preuve démontre plusieurs éléments de discordance entre les signes objectifs et les symptômes allégués par le travailleur, ce qui ne milite pas en faveur de la reconnaissance d’une relation entre les diagnostics retenus et le travail.

237974 et 249360

[14]           Compte tenu de ce qu’ils retiennent dans le dossier précédent, le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que ces deux litiges sont sans objet.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

218871

[15]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 mai 2003.

[16]           La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[17]           En l’espèce, la représentante du travailleur plaide que le travailleur a subi une blessure par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail. Il n'est aucunement question d’une maladie professionnelle ni d’une récidive, rechute ou aggravation.

[18]           L’accident du travail est défini à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

 

 

 

 

 

 

[19]           D’autre part, afin de faciliter la preuve de l’existence d’une lésion professionnelle, le législateur a édicté la présomption de l’article 28 de la loi qui se lit comme suit :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[20]           Pour pouvoir bénéficier de la présomption, le travailleur doit établir par une preuve prépondérante la survenance d’une blessure sur les lieux de son travail alors qu’il est à son travail.

[21]           Pour déterminer s’il y a l’existence d’une blessure, il faut d’abord regarder quel diagnostic doit être retenu. En l’espèce, la CSST et la Commission des lésions professionnelles sont liées par l’avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 28 janvier 2004 sur la question du diagnostic et ce, en vertu de l’article 224,1 de la loi. Ainsi, le diagnostic qui doit être retenu est celui de dorsalgie paravertébrale droite avec syndrome myofascial.

[22]           Les diagnostics de « algie » et de « syndrome » sont en fait la description de symptômes. Dans le passé, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles ont décidé que ces diagnostics descriptifs de symptômes peuvent constituer une blessure. Cependant, il faut analyser l’ensemble du tableau médical pour voir si ces symptômes reflètent la présence d’une blessure[2].

[23]           En l’espèce, le travailleur allègue avoir subi un événement ayant entraîné ses symptômes le 17 mai 2003. À cette date, il consulte le docteur Favreault, son médecin traitant, qui retient les diagnostics de douleurs aux deux épaules et un spasme du grand dorsal droit.

[24]           Un spasme constitue généralement un signe clinique objectif d’une blessure[3]. Cependant, en l’espèce, le spasme du grand dorsal droit est incompatible avec une lésion précise.

[25]           D’abord, le médecin traitant est le seul à retenir un tel diagnostic. De plus, tel que le fait remarquer le docteur Blouin qui témoigne pour l’employeur à l’audience, si l’on se fie au dessin du docteur Favreault sur sa note médicale correspondante au rapport du 17 mai 2003, le spasme n’est pas localisé à une région précise et s’étend à la région du cou et de tout le trapèze. Il ne concerne pas le muscle grand dorsal droit.

[26]           D’autre part, aucun autre médecin n’a retenu un tel diagnostic, même pas le docteur Bellemare qui témoigne à l’audience pour le travailleur ni le docteur Aubry qui complète le rapport d’évaluation médicale pour évaluer les séquelles permanentes et qui retient plutôt celui de périarthrite des épaules.

[27]           Quant aux autres médecins, les docteurs Legendre, Girard, Dufour et Bellemare, ils ne retrouvent pas de contracture musculaire assimilable à un spasme de la région dorsale. Ils retiennent les diagnostics de dorsalgie ou de syndrome myofascial, ils ne retrouvent pas d’autres signes cliniques francs correspondant à une lésion précise et ceux qu’ils retrouvent varient d’un examinateur à l’autre.

[28]           Par ailleurs, dans le contexte où, de façon contemporaine au 17 mai 2003, le travailleur décrit l’événement comme étant une apparition graduelle de douleurs aux épaules depuis un mois, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure qu’une blessure est survenue sur les lieux du travail. Ainsi, le travailleur ne peut bénéficier de l’application de la présomption de l’article 28 de la loi. D’ailleurs, la représentante du travailleur n’a pas plaidé que la présomption s’appliquait au travailleur.

[29]           Le travailleur doit donc démontrer par une preuve prépondérante qu’il est survenu un événement imprévu et soudain par le fait ou à l’occasion de son travail et qui a entraîné pour lui une dorsalgie paravertébrale droite avec syndrome myofascial.

[30]           La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que, depuis 1997, monsieur Brisebois travaille sur appel chez Précibois inc., l’employeur. Il travaille environ six mois par année. Au mois de mai 2003, il travaille au poste d’opérateur de planeur depuis environ deux mois sur un horaire de neuf heures par jour, cinq jours par semaine.

[31]           Il travaille debout en face d’un convoyeur qui transporte des planches de bois d’une dimension de deux pouces par trois pouces (2" x 3") et de deux pouces par quatre pouces (2" x 4"). Pour opérer le convoyeur, il actionne une pédale située à ses pieds. Le travailleur observe les planches de bois qui passent devant lui et les retourne avec ses mains en effectuant un mouvement de rotation des poignets. Lorsqu’il voit que des morceaux de bois comportent des défauts, il prend la planche avec ses deux mains, il se tourne et il jette la pièce derrière lui. Il peut faire des monticules de pièces mesurant jusqu’à sept ou huit pieds de hauteur.

[32]           Selon la note évolutive du 20 juin 2003, le travailleur déclare à l’agente de la CSST que, le 17 mai 2003, il a eu à manipuler davantage de pièces de bois. Le bois manipulé était vert, donc plus lourd. La représentante du travailleur invoque que ce surcroît de manipulation de bois constitue un événement imprévu et soudain.

[33]           Dans le passé, la Commission des lésions professionnelles a effectivement reconnu qu’une surcharge de travail, une modification de tâches ou des conditions de travail inhabituelles peuvent être assimilées à un événement imprévu et soudain.

[34]           Ainsi, dans la décision déposée par l’employeur, Pharmacie Jean Coutu 168 et Savoie[4], la Commission des lésions professionnelles fait référence à différentes décisions où elle a retenu qu’une surcharge inhabituelle de travail peut être assimilée à un événement imprévu et soudain.

[35]           Dans la cause Cafétéria Mon Château et Leclerc[5], la travailleuse qui est aide - cuisinière a préparé en une journée le double de pizzas qu’elle préparait normalement.

[36]           La même approche est appliquée dans l’affaire Entreprises Cara ltée et Boivin[6]. En effet, compte tenu de la demande, la travailleuse qui est aussi aide‑cuisinière a dû, pour une première fois, doubler son nombre d’heures de travail pendant six semaines.

[37]           Tel que l’a reconnu la Commission des lésions professionnelles dans la cause précitée Pharmacie Jean Coutu 168 et Savoie[7], le tribunal retient que pour justifier l’analogie avec un événement imprévu et soudain, il doit y avoir un changement majeur et une situation qui sorte véritablement de l’ordinaire par rapport au travail habituel du travailleur.

[38]           Or, en l’espèce, la preuve ne démontre pas que le travailleur a été soumis à un changement de tâches qui soit vraiment inhabituel.

[39]           Par une déclaration du responsable des ressources humaines de l’entreprise à l’agent de la CSST lors du traitement de la réclamation du travailleur, l’employeur a admis que pendant la semaine du 14 au 17 mai 2003, le travailleur a manipulé davantage de pièces de bois. Il précise que durant cette semaine, le travailleur devait trier le bois destiné à un client particulièrement exigeant sur la qualité. Ainsi, le travailleur manipulait du bois vert qui est plus lourd que le bois sec et il devait en rejeter davantage pour satisfaire les exigences du client.

[40]           À l’audience, monsieur Goulet précise que la chaîne opérée par le travailleur était ajustée à la vitesse habituelle de 50 morceaux par minute. Il mentionne qu’après avoir fait sa déclaration à l’agent d’indemnisation, il a vérifié ses statistiques et qu’il n’y a pas eu plus de rejets pendant cette semaine. Le travailleur affirme le contraire.

[41]           Cependant, la preuve ne démontre pas dans quelle mesure le travailleur a rejeté davantage de bois dans la semaine du 14 au 17 mai 2003. Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que le travailleur a rejeté un nombre de planches d’une telle façon inhabituelle que cela corresponde à un événement imprévu et soudain. Comme le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans la cause Pharmacie Jean Coutu 168  et Savoie[8], le travailleur qui prétend à une lésion professionnelle sur la base d’une surcharge de travail correspondant à un événement imprévu et soudain doit fournir une preuve davantage détaillée pour permettre d’apprécier avec justesse le caractère exceptionnel de la situation. En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucune preuve démontrant de quel ordre était le surplus de rejets allégué par le travailleur. La preuve testimoniale démontre tout au plus que le travailleur a eu une grosse semaine de travail dans la semaine du 14 au 17 mai 2003, ce qui  ne correspond pas à une charge inhabituelle de travail.

[42]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles retient que les problèmes du travailleur ne sont pas apparus à la suite de cette surcharge de travail allégué par le travailleur. Il ressort de la réclamation qu’il soumet à la CSST que le travailleur attribue ses symptômes aux mouvements répétitifs qu’il effectue quotidiennement au travail et qu’ils sont apparus de façon graduelle sur une période d’un mois devenant insupportables le 17 mai 2003, ce qui l’a amené à consulter.

[43]           La Commission des lésions professionnelles retient également que la preuve ne démontre pas non plus de façon prépondérante de relation entre les diagnostics retenus et le travail d’opérateur de planeur.

[44]           Notamment, dans la cause Entreprises Cara ltée et Boivin[9], hormis la preuve que la travailleuse a été soumise à une réelle surcharge de travail passant soudainement du simple au double, la Commission des lésions professionnelles a retenu également que les douleurs sont apparues précisément aux structures anatomiques qui sont davantage sollicitées dans le cadre de ses tâches d’aide-cuisinière, soit le pouce et le poignet gauches, et qu’elle n’a jamais ressenti de tels symptômes auparavant.

[45]           En l’espèce, la situation est bien différente. La douleur n’est pas apparue aux structures anatomiques qui sont davantage sollicitées dans le cadre du travail d’opérateur de planeur. À l’instar du docteur Blouin, la Commission des lésions professionnelles constate que les muscles qui sont davantage sollicités sont ceux des poignets et des avant-bras au moment de tourner les planches sur le convoyeur et non les muscles du dos.

[46]           Le docteur Bellemare est d’avis qu’il y a lieu d’établir la relation entre les diagnostics de dorsalgie et de syndrome myofascial et le travail puisque les muscles de la ceinture scapulaire sont sollicités lorsque le travailleur prend des planches et les jette à sa droite. D’une part, il ne décrit pas en quoi ils sont sollicités de façon péjorative. D’autre part, comme l’affirme le docteur Blouin, la Commission des lésions professionnelles retient plutôt de la preuve sur vidéocassette du poste de travail et du témoignage du travailleur qu’il effectue ces gestes de façon harmonieuse et avec un confort normal sans évidence de difficulté d’exécution et sans cadence imposée.

[47]           Le travailleur insiste pour dire que, contrairement à ce que l’on voit sur la vidéocassette, il fait des tas de bois plus élevés, soit jusqu’à 7 ou 8 pieds de haut, ce qui l’amène à travailler les bras plus élevés et donc, de façon moins ergonomique pour la région dorsale. La Commission des lésions professionnelles considère cet argument peu convaincant puisque la hauteur de la pile de bois augmente graduellement et n’est pas toujours à 7 ou 8 pieds.

[48]           Par ailleurs, contrairement à ce qui a été retenu par la Commission des lésions professionnelles dans la cause Entreprises Cara ltée et Boivin[10], ici, le travailleur a consulté pour des problèmes semblables avant la date de l’événement allégué, soit le 17 mai 2003.

[49]           En effet, le 20 juillet 2002, le travailleur consulte le docteur Favreault pour une douleur à l’épaule droite. Elle retient alors le diagnostic de spasme du grand dorsal et du deltoïde, soit le même qui est retenu quelques mois plus tard en mai 2003. Le 13 septembre 2002, le travailleur consulte à nouveau le docteur Favreault. Il se plaint qu’il est à court de médicament Empracet. Elle décrit alors que le travailleur présente des douleurs généralisées intermittentes (elle indique l’expression « on/off ») et précise que le travailleur est déjà suivi pour cette condition.

[50]           Puis plus tard, au moment de faire évaluer ses séquelles permanentes par le docteur Aubry, à la demande du docteur Favreault, celui-ci retient le diagnostic de périarthrite des épaules davantage à droite.

[51]           Tous ces éléments indiquent que le travailleur était porteur d’une condition personnelle avant l’événement allégué du 17 mai 2003.

[52]           D’autre part, à l’instar du docteur Blouin, la Commission des lésions professionnelles constate que, en l’espèce, le site de lésion est imprécis. De façon contemporaine au 17 mai 2003, le travailleur se plaint de douleurs aux épaules, surtout à droite. Dans le cadre de son témoignage, la Commission des lésions professionnelles apprend que lorsque le travailleur parle de ses épaules, il fait référence à la partie postérieure de celles-ci. Il consulte le docteur Favreault à plusieurs reprises à compter du 17 mai 2003. À chaque fois, le docteur Favreault indique par un dessin que le travailleur ressent des douleurs à toute la région du trapèze jusqu’au cou et ce, de façon bilatérale. Puis, elle retient le diagnostic de spasme sévère du grand dorsal et ce, de façon bilatérale. Ces diagnostics posés par le médecin traitant ne correspondent pas aux différents symptômes allégués par le travailleur qui se plaint d’une douleur plus importante à l’épaule droite.

[53]           En contrepartie, la Commission des lésions professionnelles retient que les symptômes allégués par le travailleur et le diagnostic retenu par le médecin traitant correspondent à ce qui est indiqué par le docteur Favreault à sa note médicale du 20 juillet 2002 avant la date de l’événement allégué.

[54]           Par ailleurs, les autres médecins ayant examiné le travailleur par la suite retiennent tous des diagnostics différents de celui retenu par le médecin traitant, soit ceux de dorsalgie ou de dorsalgie paravertébrale droite et de syndrome myofascial. Or, comme le souligne le docteur Blouin, ces diagnostics font référence à des éléments subjectifs touchant la région cervicale et dorsale qui ne correspondent pas à une lésion précise. Quant au docteur Bellemare, il reconnaît aussi que le diagnostic est davantage basé sur des aspects subjectifs. Il est d’avis que ce qui lui permet de leur accorder une valeur probante, c’est la répétitivité de l’histoire.

[55]           La Commission des lésions professionnelles retient aussi de la preuve prépondérante qu’il y a plusieurs éléments de discordance quant aux symptômes allégués et aux signes cliniques. Comme il a déjà été mentionné précédemment, il y a discordance entre les symptômes allégués par le travailleur de façon contemporaine à l’événement et le diagnostic du spasme du grand dorsal retenu par le médecin traitant. Le docteur Favreault est le seul médecin à observer un tel spasme. Tous les autres médecins qui examinent le travailleur et le physiothérapeute ne retrouvent pas de contracture musculaire paravertébrale à l’examen. Quant aux discordances concernant les signes cliniques, sauf pour le docteur Aubry auquel le travailleur est référé par le médecin traitant, les amplitudes articulaires des épaules sont normales. Curieusement, l’examen clinique du docteur Aubry indique qu’elles sont très limitées pour plusieurs mouvements.

[56]           Plusieurs médecins ont également noté des éléments de discordance dans le cadre de leur examen. Même le docteur Bellemare note que le travailleur pousse des gémissements qui s’accompagnent de mimiques faciales lors de son examen au niveau du rachis cervical, lombaire et à la mobilisation passive des épaules. Lors de son examen du 9 août 2004, le docteur Legendre note que le tableau clinique s’est modifié depuis sa dernière évaluation et celle du docteur Girard, les douleurs étant plus importantes maintenant au niveau lombaire. Le docteur Dufour note une disproportion entre les éléments subjectifs et objectifs.

[57]           La Commission des lésions professionnelles retient également que la preuve prépondérante démontre que le travailleur n’est pas aussi limité qu’il le prétend dans ses activités. Ainsi, au docteur Dufour, il allègue qu’il a de la difficulté à planter un clou pour accrocher un cadre. Pourtant, au visionnement de la vidéocassette déposée par l’employeur, les membres du tribunal observent que le travailleur peut clouer à plusieurs reprises les bras au-dessus des épaules sans douleur apparente. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles retient de ces éléments de discordance que les symptômes allégués par le travailleur sont peu fiables et ne militent pas en faveur de la reconnaissance d’une relation entre les diagnostics et le travail.

[58]           De plus, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve prépondérante que, alors qu’il est retiré du travail d’opérateur de planeur, la condition physique du travailleur continue à se détériorer. En effet, le 16 avril 2004, le travailleur consulte le docteur Favreault qui précise que la condition du travailleur se détériore de plus en plus. Le travailleur allègue des douleurs généralisées au cou, au dos, au niveau lombaire et à l’épaule droite. Or, la Commission des lésions professionnelles retient de la note médicale du docteur Favreault, du 13 septembre 2002, que le travailleur était suivi pour des douleurs généralisées intermittentes avant le mois de mai 2003.

[59]           Ainsi, tel qu’en témoigne le docteur Blouin,  tous ces éléments militent davantage en faveur de la thèse que la dorsalgie et le syndrome myofascial constituent plutôt la manifestation d’une condition personnelle au travail.

[60]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n’a pas subi un événement imprévu et soudain au travail ayant entraîné pour lui une lésion professionnelle.

[61]           Pour les mêmes raisons, quant à la question de la relation avec le travail, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure non plus que la dorsalgie ou le syndrome myofascial sont directement reliés aux risques particuliers du travail d’opérateur de planeur et ne peuvent, par conséquent, constituer une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi. D’ailleurs, l’avocate du travailleur n’a pas soumis d’argument en ce sens.

[62]           La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 mai 2003.

237974 et 249360

[63]           Compte tenu de la conclusion à laquelle la Commission des lésions professionnelles en arrive dans le dossier précédent, les deux autres litiges sont devenus sans objet.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

218871

ACCUEILLE la requête de Précibois inc., l’employeur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 12 septembre 2003 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Jean-Paul Brisebois, le travailleur, n’a pas subi de lésion professionnelle le 17 mai 2003;

237974

DÉCLARE sans objet la requête du travailleur;

DÉCLARE que la décision de la CSST rendue le 18 juin 2004 à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation est devenue sans effet;

249360

DÉCLARE sans objet la requête du travailleur;

 

 

 

DÉCLARE que la décision de la CSST rendue le 19 novembre 2005 à la suite d’une révision administrative est devenue sans effet.

 

 

 

__________________________________

 

Me Monique Lamarre

 

Commissaire

 

Me Josée Audet

GIROUARD, ADAM ET ASSOCIÉS

Représentante de monsieur Jean-Paul Brisebois

 

 

Me Michel Sansfaçon

MUTUELLE DE PRÉVENTION (ASSIFQ)

Représentant de Précibois inc.

 


 

JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR L’EMPLOYEUR

 

 

Trudel et Laboratoires Choisy ltée et CSST, CLP, 105544-04-9810, 2000-06-26, M. Carignan

 

Pharmacie Jean Coutu 168 et Savoie, CLP, 207463-71-0305, 2004-02-19, T. Giroux

 

Tanguay et Gestion Deniso Lebel inc., CLP, 214335-01A-0308 et als, 2004-11-05, J.‑F. Clément



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Thomas et Lawrence Textile inc., [1993] CALP 1541 ; Bétonnière d’Arvida et Savard, CLP, 215072-02-0308, 2004-02-09, J.-F. Clément; Ruberintwali et Manufacturiers de bas Iris inc., CLP, 200398-71-0302, 2003-07-16, C. Racine; Spagnolo et Asphalte Inter Canada inc., CLP, 106486‑71-9810, 1999-03-26, M. Cuddihy; Cloutier et Câble Alcan, [2005] CLP 193

[3]           Gascon et Le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, CLP, 194664-64-0211, 2003-03-17, G. Perreault; Mayer et Panneaux Maski inc., CLP, 207641-04-0305, 2004-01-24, J.‑F. Clément

[4]           CLP, 207463-71-0305, 2004-02-19, T. Giroux

[5]           [1998] CLP 1289

[6]           [1998] CLP, 1330

[7]           Précitée note 4

[8]           Précitée note 4

[9]           Précitée note 6

[10]         Précitée note 6

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.