Beaulieu et Entrepôt Non-Périssable (Mtl) |
2008 QCCLP 2730 |
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Dossier 325129-61-0708
[1] Le 10 août 2007, monsieur Steve Beaulieu (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 16 juillet 2007, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue, le 14 décembre 2006, et déclare que le travailleur n’a pas droit, dans l’état actuel du dossier, aux bénéfices du programme de réadaptation sociale d’aide financière pour des travaux d’entretien courant du domicile.
[3] Il ne peut donc obtenir le remboursement des coûts pour le déneigement de son domicile, pour la saison 2006-2007.
Dossier 325130-61-0708
[4] Le 10 août 2007, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une autre décision rendue par la CSST, le 16 juillet 2007, à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues le 12 mars 2007. La première déclare que le travailleur n’a plus droit, à compter du 27 février 2007 au programme de réadaptation sociale de l’aide personnelle à domicile. La seconde déclare que le travailleur a droit au remboursement de la somme de 124,95 $ pour les frais reliés à la garde de ses enfants, pour la période du 29 novembre 2006 au 4 décembre 2006.
[6] L’audience s’est tenue à Laval, le 11 février 2008, en présence de monsieur Steve Beaulieu (le travailleur) qui était représenté par avocat. Entrepôt Non-Périssable (Mtl) (l’employeur) n’était pas représenté.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[7] Le travailleur demande, dans le premier dossier, de déclarer qu’il a droit au remboursement des coûts relatifs au déneigement de son entrée de garage et des voies d’accès à son domicile pour la saison 2006-2007.
[8] Dans le second dossier, le travailleur demande de déclarer qu’il a droit à l’aide personnelle à domicile pour la période comprise entre le 22 novembre 2006 et le 3 décembre 2006 et ensuite du 28 février 2007 au 18 mai 2007. De plus, il demande le remboursement de la somme de 425,25 $, représentant le montant qu’il a dû débourser en frais de garde pour ses enfants.
L’AVIS DES MEMBRES
[9] Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis d’accueillir la première requête et de conclure que le travailleur a droit au remboursement des frais de déneigement pour son domicile pour la saison 2006-2007. Dans ce cas, il était évident, au moment où le travailleur a fait sa demande, qu’il conserverait une atteinte permanente à son intégrité physique, et ce, même si la lésion n’était pas encore consolidée.
[10] Ils sont d’avis d’accueillir également la requête du travailleur dans le deuxième dossier. La preuve démontre que le travailleur est incapable de subvenir à ses besoins personnels du 22 novembre 2006 au 3 décembre 2006 et, par la suite, du 28 février 2007 au 18 mai 2007. Il a donc droit aux indemnités payables en vertu du programme d’aide personnelle à domicile pour ces périodes.
[11] Pour ce qui est de la demande relative aux frais de garde d’enfants, ils sont d’avis que le travailleur n’a droit qu’aux montants prévus à l’annexe V de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et ce montant se limite à 194,95 $ pour la période concernée.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[12] Le travailleur est chauffeur-livreur pour des marchands en alimentation lorsqu’il est victime d’un accident du travail, le 12 mai 1998. Le diagnostic retenu en relation avec cet événement est une fracture ouverte du tibia droit. Cette lésion est consolidée le 4 octobre 1999 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 31,9 % et des limitations fonctionnelles.
[13] Le 16 mars 2000, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation mais sans augmentation de ses séquelles permanentes. Il retourne à son emploi régulier. Le 19 avril 2000, une chirurgie pour exérèse de clou au tibia droit est effectuée et il retourne encore une fois à son travail régulier, le 15 mai 2000.
[14] Une autre récidive, rechute ou aggravation, en date du 13 novembre 2003, est reconnue par la Commission des lésions professionnelles, le 6 septembre 2005. Le travailleur reçoit des prestations prévues à la loi jusqu’au 19 décembre 2003, en relation avec cette lésion.
[15] Le travailleur déclare une récidive, rechute ou aggravation, le 1er novembre 2006. Il mentionne avoir de la difficulté à faire des mouvements de rotation de sa cheville droite et à faire la manutention de marchandises.
[16] Le 22 novembre 2006, il est opéré à nouveau. Le docteur Grégory Berry procède à une arthroscopie de la cheville droite avec débridement articulaire et curetage de kyste osseux. Le travailleur retourne à la maison la même journée mais développe, dans les jours qui suivent, une sérieuse infection qui nécessite une hospitalisation du 29 novembre 2006 au 5 décembre 2006.
[17] Il est réopéré et le diagnostic posé est une «ostéomyélite au tibia droit». Le docteur Berry procède à un débridement et irrigation de la cheville droite avec installation de billes d’antibiotiques. De plus, cette infection nécessite la mise en place d’un cathéter veineux central pour l’administration intraveineuse des antibiotiques. C’est seulement le 11 janvier 2007 que ce cathéter est enlevé.
[18] Le 19 janvier 2007, le docteur Berry recommande une mise en charge «toe touch» sur le membre inférieur droit. Le 16 février 2007, il autorise une mise en charge progressive. Toutefois, ce n’est qu’à partir du 18 mai 2007 qu’une mise en charge plus normale et plus régulière sur son membre inférieur droit est autorisée par le docteur Berry. C’est aussi à partir de cette date que le travailleur est autorisé à conduire sa voiture.
[19] Un rapport final est produit le 30 août 2007. Le docteur Berry précise que la lésion est consolidée à cette date et que les limitations fonctionnelles antérieures se sont aggravées. Il demande une consultation en psychologie, dirige le travailleur à la Clinique de la douleur et recommande une réorientation professionnelle vers un travail sédentaire.
[20] Un rapport d’évaluation médicale, daté du 1er novembre 2007, est produit par le docteur Claude Godin, orthopédiste, à la demande de la CSST. Il dresse un bilan des séquelles permanentes qui démontre une aggravation importante au niveau du déficit anatomo-physiologique. De plus, le travailleur présente des limitations fonctionnelles plus sévères qu’avant la récidive, rechute ou aggravation de novembre 2006. Le travailleur est admis en réadaptation, mais il indique à l’audience que le processus n’a pas encore été amorcé.
[21] La CSST reconnaît la relation entre l’intervention chirurgicale pratiquée en novembre 2006 et la lésion professionnelle de 1998. La récidive, rechute ou aggravation est donc acceptée et le travailleur est indemnisé à compter du 22 novembre 2006. Les questions en litige ne concernent que des demandes pour le remboursement de certains frais déboursés par le travailleur dans le cadre de cette récidive, rechute ou aggravation. En effet, le travailleur conteste la décision de la CSST lui refusant le remboursement des frais de déneigement de son domicile, pour la saison 2006-2007. Il conteste la décision qui lui accorde la somme de 124,95 $ en frais de garde pour ses deux enfants et il conteste la décision qui met fin au programme d’aide personnelle à domicile, le 27 février 2007.
REMBOURSEMENT DES FRAIS DE DÉNEIGEMENT
[22] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais de déneigement de son domicile, pour la saison 2006-2007.
[23] L’article 165 de la loi prévoit que le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle peut, s’il rencontre les conditions prévues à cette disposition, être remboursé pour les frais qu’il engage pour faire exécuter ces travaux jusqu’à concurrence du montant prévu à la loi, montant qui est revalorisé à chaque année.
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[24] La CSST a refusé de rembourser le travailleur pour les frais de déneigement de son domicile, pour la saison 2006-2007, au motif qu’il n’avait pas encore été établi, au moment où la demande de remboursement a été produite, si le travailleur conservait une atteinte permanente de sa récidive, rechute ou aggravation de novembre 2006. Son droit à la réadaptation n’était pas encore né et il ne pouvait bénéficier de ce programme qui est subordonné au droit à la réadaptation.
[25] La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cet argument de la CSST. Elle est d’avis que le droit à la réadaptation s’ouvre à la date où il est médicalement possible de préciser en tout ou en partie, l’atteinte permanente résultant de la lésion professionnelle[2]. Il est possible, dans bien des cas, de déterminer qu’une atteinte permanente importante résultera de cette lésion professionnelle avant la consolidation. Cette interprétation, qui favorise une intervention précoce, rencontre les objectifs de la réadaptation sociale, qui est d’aider le travailleur à surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle.
[26] En l’espèce, il était évident, déjà en décembre 2006, que la récidive, rechute ou aggravation entraînerait des séquelles permanentes importantes. Le travailleur avait déjà une atteinte permanente qui avait été évaluée à 31,9 %. À la suite de cette rechute, il subit une intervention chirurgicale, le 22 novembre 2006, et il y a des complications qui résultent de cette chirurgie. Le travailleur est réadmis à l’hôpital le 29 novembre 2006 et réopéré à nouveau.
[27] La conjointe du travailleur explique à l’audience que sa condition était très sérieuse en raison de l’infection et qu’il a été réopéré d’urgence. Il a reçu son congé de l’hôpital, le 4 décembre 2006, mais il avait encore un cathéter intraveineux et il ne pouvait pas marcher du tout. Il se déplaçait en chaise roulante à la maison et il avait besoin d’aide même pour ses besoins personnels.
[28] En effet, la CSST accorde au travailleur l’aide personnelle à domicile dans une première décision datée du 12 décembre 2006 pour la période du 4 décembre 2006 au 19 janvier 2006. Cette décision est rendue à la suite d’une visite au domicile du travailleur, le 7 décembre 2006. La note de madame Andréane Lehoux à ce sujet, se lit comme suit :
T se déplace en chaise roulante puisqu’il ne doit mettre aucun poid sur son pied droit. Il ne peut pas utiliser des béquilles puisqu’il a une intraveineuse dans son bras gauche pour distrubuer des antibiotiques nécessaire suite à son infection. La grille d’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile a été complétée en fonction que T ne peut pas mettre aucun poid sur sa jambe droite et qu’il est difficile voir presque qu’impossible de forcer avec le bras gauche.
Nous allons réévaluer les besoins dans 6 semaines afin de savoir si la situation à changer. [sic]
[29] L’aide personnelle à domicile est prévue à l’article 158 de la loi et fait partie, au même titre que les travaux d’entretien, de la réadaptation sociale. Pourtant, madame Lehoux écrit dans une note du 7 décembre 2006, au sujet de la demande de remboursement des frais de déneigement :
Pour payer le déneigement le travailleur doit être consolidé. Le travailleur n’est pas consolidé de la RRA et pour le moment il n’est pas possible de prévoir et démonter avec certitude que les limitations fonctionnelles seront agravées suite à cette rechute. Le travailleur nous a informé qu’il faisait lui-même le déneigement de sa cours avant sa RRA du 2006-11-21. Pour ces raisons, nous refusons de payer le déneigement pour le moment. [sic]
[30] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il n’est pas nécessaire que la lésion soit consolidée pour déterminer si un travailleur a droit au remboursement des frais de déneigement. Dans le présent dossier, il était possible de prévoir que le travailleur aurait une atteinte permanente grave. D’ailleurs, c’est pour cette raison que la CSST a accordé l’aide personnelle à domicile alors que la lésion n’était pas consolidée. Elle a reconnu que le travailleur avait droit à la réadaptation puisque l’aide personnelle à domicile fait partie de la réadaptation sociale. Toutefois, elle exige que la lésion soit consolidée pour déterminer si le travailleur a droit aux coûts de déneigement de son domicile.
[31] Qui plus est, le travailleur était en chaise roulante et c’était le mois de décembre lorsqu’il fait sa demande pour le déneigement. La Commission des lésions professionnelles estime que dans les circonstances du présent dossier, la CSST aurait pu, même en vertu de l’article 184 (5) de la loi, acquiescer à la demande du travailleur, qui était tout à fait légitime.
[32] Enfin, le rapport d’évaluation médicale du docteur Godin produit à l’audience confirme bien que le travailleur conserve, de la récidive, rechute ou aggravation de novembre 2006, une atteinte permanente importante; soit de 47,75 % et des limitations fonctionnelles plus sévères qu’avant cette récidive, rechute ou aggravation.
[33] Le travailleur a droit au remboursement des coûts de déneigement pour son domicile, pour la saison 2006-2007. Il a subi une atteinte permanente grave à la suite de sa récidive, rechute ou aggravation de novembre 2006. Il était incapable d’effectuer le déneigement à cette date, il ne pouvait marcher. Selon la preuve non contestée, il effectuait normalement cette tâche. Il a donc droit au remboursement de la somme de 518,47 $, représentant le montant payé pour le déneigement de son entrée de garage et des voies d’accès de son domicile, pour la saison 2006-2007.
AIDE PERSONNELLE À DOMICILE
[34] Le droit du travailleur à l’aide personnelle à domicile n’est pas en litige ni le montant de l’allocation. La CSST reconnaît que le travailleur y avait droit, seule la période accordée est contestée. La CSST lui accorde une allocation de 311,78 $ toutes les deux semaines pour la période du 4 décembre 2006 jusqu’au 27 février 2007. Le travailleur réclame pour la période comprise entre le 22 et le 29 novembre 2006 et ensuite pour la période comprise entre le 27 février 2007 et le 18 mai 2007.
[35] Les articles 158 à 160 de la loi concernent l’aide personnelle à domicile :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
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1985, c. 6, a. 158.
159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.
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1985, c. 6, a. 159.
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
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1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
[36] La Commission des lésions professionnelles, dans l’affaire Grégoire[3] énonce ce qui suit :
[16] Dans certaines décisions, la Commission des lésions professionnelles a conclu que le droit du travailleur à une allocation pour aide personnelle à domicile était effectif à la date du dépôt d'une demande à cet effet2.
[17] Toutefois, dans d'autres décisions, la Commission des lésions professionnelles a reconnu qu'une allocation pour de l'aide personnelle à domicile peut être accordée rétroactivement, même en l'absence de demande formelle du travailleur à l'époque où les besoins se sont manifestés. Le tribunal croit utile de rapporter les extraits suivants de la décision rendue dans l'affaire Gagné et Provigo distribution inc.3:
[36] Qu'en est-il dans le présent dossier ? À quelle date, la travailleuse a-t-elle droit à l’aide personnelle à domicile ? Dès sa sortie de l’hôpital en juin 1997 ? Au moment où l'atteinte permanente est évaluée provisoirement par le docteur Gariépy le 5 décembre 1997 ? À la date de consolidation de sa lésion, le 13 avril 1999 ? À la date d’évaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile, le 3 novembre 1999 ? À la date de la décision de la CSST reconnaissant son droit à la réadaptation, le 16 décembre 1999 ? Même en reconnaissant que le droit à la réadaptation découle de l’existence d’une atteinte permanente, la question du point de départ demeure ouverte.
[37] La Commission des lésions professionnelles considère, qu’en l’espèce, la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile à compter du 10 juin 1997, date de son retour à la maison après l'intervention chirurgicale. Même si dans bien des cas, ce n’est qu’une fois la lésion consolidée, qu’il y aura évaluation de l’atteinte permanente, la loi ne prévoit nulle part qu’il doit y avoir nécessairement consolidation pour qu'il soit possible d'évaluer une atteinte permanente. On peut concevoir que dans des situations plus graves, entre autres, une atteinte permanente puisse être déterminée avant la consolidation. Le présent dossier en est une illustration éloquente. L’article 88 de la loi ne lie pas l’évaluation des séquelles à la consolidation et le deuxième alinéa, qui a reçu application en l’espèce, prévoit la situation où il est médicalement possible de déterminer des séquelles sans pouvoir encore les déterminer toutes:
88. La Commission établit le montant de l'indemnité pour dommages corporels dès que les séquelles de la lésion professionnelle sont médicalement déterminées.
Lorsqu'il est médicalement impossible de déterminer toutes les séquelles de la lésion deux ans après sa manifestation, la Commission estime le montant minimum de cette indemnité d'après les séquelles qu'il est médicalement possible de déterminer à ce moment.
Elle fait ensuite les ajustements requis à la hausse dès que possible.
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1985, c. 6, a. 88.
[38] Dès qu’il est médicalement possible de déterminer des séquelles permanentes de la lésion, la condition d’ouverture au droit à la réadaptation est rencontrée. La travailleuse a dès lors droit à l’aide personnelle à domicile si les autres conditions de l'article 158 sont rencontrées.
[39] De plus, les mentions sur la grille d’évaluation permettant de cocher si la date de consolidation est prévue ou connue et si l’atteinte permanente est prévue ou confirmée est un indicateur qui va dans le sens de cette interprétation. Cette grille fait partie du règlement et ne constitue pas un simple formulaire. La grille prévoit des situations où la lésion n'est pas encore consolidée, où l'atteinte permanente n'est pas encore confirmée mais elle est prévue.
[40] Cette interprétation rencontre également les objectifs de la loi et du règlement. L'article 151 de la loi énonce que la réadaptation sociale vise à aider un travailleur à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles. L'article 158 de la loi et l'article 1 du règlement réfèrent à une aide nécessaire au maintien ou au retour à domicile. Lorsqu'il y a une preuve de l'existence d'une atteinte permanente, comme en l'espèce, les objectifs de la réadaptation sociale pourront davantage être atteints si des mesures sont mises en place le plus rapidement possible.
[41] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la prétention de la CSST selon laquelle ce n’est qu’à compter de la décision de la CSST reconnaissant le droit à la réadaptation ou à la date d’évaluation des besoins que débute le droit à l’aide personnelle. Cette interprétation aurait pour effet de faire dépendre un droit du délai administratif pris pour rendre une décision alors que les conditions d'application de la loi sont rencontrées. Le présent dossier l'illustre bien. En décembre 1997, la CSST obtenait une évaluation du docteur Gariépy établissant l'atteinte permanente «provisoire» à 29 % et, ce n'est qu'en décembre 1999, que la CSST rendait une décision reconnaissant le droit à la réadaptation de la travailleuse.
[18] Dans l'affaire Turgeon et CSST4, la commissaire s'exprime comme suit:
[11] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser qu’aucune évaluation des besoins d’assistance et de surveillance n’a été faite avant que le représentant du travailleur en fasse la demande en 2004, ce qui cause une difficulté majeure d’appréciation. Elle tient également à préciser que l’absence de demande du travailleur, pour une évaluation des besoins d’assistance et de surveillance avant 2004, ne peut avoir pour effet de conclure que le besoin était inexistant. Rien dans la loi n’indique qu’une telle évaluation doit être faite uniquement s’il y a une demande officielle de formulée.
[12] L’article 158 de la loi s’inscrit dans le processus de réadaptation au chapitre du droit à la réadaptation et au sous-chapitre réadaptation sociale. La CSST devait, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, voir à ce que le travailleur reçoive les prestations auxquelles il avait droit. Une évaluation aurait pu être initiée par cette dernière à la lumière des différents rapports médicaux ou expertises disponibles, alors que cette question est bien encadrée dans ce sous-chapitre. Les articles pertinents se lisent comme suit :
[…]
[13] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce n’est pas parce qu’il est difficile d’apprécier le besoin d’aide personnelle à domicile de façon rétroactive que cela doit conduire à un refus. La Commission des lésions professionnelles estime, dans un tel contexte, qu’il faille s’en remettre aux documents au dossier et tirer d’eux les conclusions qui s’imposent quant aux besoins d’assistance et de surveillance. L’appréciation de ces besoins passera, dans le cas présent, par la comparaison entre l’état médical au moment de l’évaluation de 2006 et l’état d’avant le 19 octobre 2004.
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2 Miserere et Défense Nationale, C.L.P. 175388-62-0112, 23 août 2002, S. Mathieu, requête en révision rejetée le 11 juillet 2003, G. Robichaud; L'Écuyer et Le Tirelou inc., C.L.P. 260710-64-0504, 3 avril 2007, M. Montplaisir; Picard et Caux & Frères inc., C.L.P. 308561-64-0701, 5 avril 2007, M. Montplaisir.
3 C.L.P. 136575-61-0004, 21 septembre 2000, L. Nadeau.
4 C.L.P. 295205-03B-0607, 14 décembre 2006, M. Cusson
[…]
[23] Dans les circonstances du présent dossier, la Commission des lésions professionnelles croit que l'interprétation de l'article 158 de la loi faite par le tribunal dans les affaires Gagné et Turgeon précitées doit recevoir application pour permettre l'analyse des besoins d'aide à domicile du travailleur rétroactivement à la date de survenance de sa lésion professionnelle.
[37] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que dans ce dossier, l’analyse des besoins d’aide à domicile du travailleur doit se faire rétroactivement à la date de la survenance de la récidive, rechute ou aggravation, qui en l’espèce, coïncide avec la date de la première chirurgie, soit le 22 novembre 2006.
[38] En effet, la conseillère affectée au dossier du travailleur avait indiqué, dans les notes évolutives, que la CSST paierait l’aide personnelle pour la période du 22 novembre au 29 novembre 2006. La note du 25 janvier 2007 est éloquante à ce sujet :
T a fait la demande de lui payer de l’aide à domicile pour la période du 22 novembre 2006 à 14h00 lorsqu’il est sortie de l’hopital suite à sa première chx jusqu’au 29 novembre 2006 où il entré à l’hôpital 7h00 pour la deuxième opération. Durant cette période T dit qu’il était en béquille et qu’il n’avait pas d’intraveineuse dans bras.
Puisque la situation de T pour cette période était sensiblement la même que la situation présente :
Pensement à la jambe droite
Interdiction de mettre du poid sur la jambe droite
Pas d’intraveineuse au bras.
Nous payerons de l’aide personnelle pour cette période rétroactivement au même montant qui sera déterminé par l’évaluation de l’ergothérapeute. [sic]
[39] Toutefois, la CSST a décidé plutôt de mettre fin à l’aide personnelle à domicile à la suite de l’évaluation de l’ergothérapeute et le travailleur n’a pas reçu l’allocation pour aide personnelle à domicile, pour la période du 22 au 29 novembre 2006.
[40] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu d’accorder une allocation pour aide personnelle à domicile pour cette période au même montant que celui déterminé pour la période débutant le 4 décembre 2006. La preuve révèle que l’état du travailleur était sensiblement le même durant cette période qu’après la deuxième chirurgie. Le travailleur était en chaise roulante, aucune mise en charge sur son membre inférieur droit n'était permise. La seule différence est qu’il ne recevait pas d’antibiotiques via le cathéter veineux central. Toutefois, comme les besoins étaient essentiellement les mêmes, il y a lieu de conclure qu’il avait droit au même montant.
[41] Reste à déterminer si la CSST pouvait mettre fin à l’aide personnelle à domicile le 27 février 2007.
[42] L’article 162 de la loi se lit comme suit :
162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :
1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).
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1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.
[43] En l’espèce, il appert des notes évolutives qu’une ergothérapeute a procédé à l’évaluation des besoins du travailleur et qu’elle a conclu qu’il n’avait plus aucun besoin d’aide puisqu’il était devenu totalement autonome dans ses activités à compter du 27 février 2007. Voici ce qui est écrit dans une note d’intervention datée du 9 mars 2007, à ce sujet :
Titre : Réévaluation de l’aide personnel
ASPECT PSYCHOSOCIAL :
Réévaluation des besoins d’aide personnelle à domicile fait par Mme Roxanne Bouchard ergothérapeute de chez Intergo.
Selon la grille T n’a des besoins que pour les activités domestiques. Il n’a aucun besoin pour prendre soin de lui-même il est totalement autonome dans ces activités.
Donc selon article 158 de la LATMP n’a plus droit à de l’aide financière pour aide à domicile car ne répond pas aux critères : est incapable de prendre soin de lui-même ET d’effectuer les tâches domestiques.
Lettre de décision envoyée au T. [sic]
[44] Il n’y a aucune grille d’évaluation au dossier. Il n’y a aucun rapport de l’ergothérapeute. Le tribunal n’est aucunement en mesure d’évaluer les besoins du travailleur à cette époque avec la seule note d’intervention qui discute de cette évaluation.
[45] Par ailleurs, selon le témoignage du travailleur, de sa conjointe, madame Lucie Lavoie et de monsieur Gaston Lavoie, le beau-père du travailleur, celui-ci était dans le même état le 27 février 2007 qu’en janvier 2007. Il se déplaçait en chaise roulante, il avait besoin d’aide pour ses soins personnels et ne pouvait conduire. Il avait besoin de l’aide de quelqu’un tous les jours.
[46] Les témoins précisent que le cathéter veineux a été enlevé le 11 janvier 2007 mais sa condition s’est améliorée très, très lentement et ce n’est qu’à partir du 18 mai 2007 qu’il est devenu plus autonome.
[47] En effet, le docteur Berry a autorisé une mise en charge progressive de son membre inférieur droit seulement à partir du 16 février 2007. Cela ne signifie pas que le travailleur pouvait marcher librement sur son membre inférieur. Il a continué à se servir de la chaise roulante jusqu’au 18 mai 2007. C’est à cette date que le docteur Berry lui a dit qu’il pouvait effectuer une mise en charge plus fréquente sur son membre inférieur et qu’il l’a autorisé à conduire son véhicule.
[48] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que les besoins du travailleur étaient les mêmes que ceux déterminés par la CSST en décembre 2006, jusqu’au 18 mai 2007. Il a donc droit à une allocation pour aide personnelle à domicile jusqu’à cette date, au même montant que celui déterminé par la CSST pour la période antérieure. En effet, la Commission des lésions professionnelles ne dispose d’aucune preuve pour modifier les montants accordés par la CSST. Et de plus, selon la seule preuve offerte, monsieur Lavoie a continué à aider le travailleur, à faire le ménage, et à aider les enfants comme avant et ce, jusqu’au 18 mai 2007.
FRAIS DE GARDE D’ENFANTS
[49] Le travailleur demande le remboursement de la somme de 415,25 $, montant qu’il a payé à madame Louisa Lévesque pour la garde de ses enfants, pour la période du 29 novembre au 4 décembre 2006.
[50] La CSST, par décision datée du 12 mars 2007, accepte de payer les frais de garde d’enfants mais établit le montant payable à 124,95 $ en précisant que le taux horaire alloué en 2006 pour la garde de deux enfants est de 3,08 $ de l’heure.
[51] L’article 164 de la loi prévoit ce qui suit :
164. Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si :
1° ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;
2° le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou
3° le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
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1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.
[52] En l’espèce c’est le troisième paragraphe de l’article 164 qui est applicable. La conjointe du travailleur a dû s’absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsqu’il était hospitalisé et dans un état critique. Les parents du couple se sont occupés des enfants pendant cette période. Ils sont allés chercher les enfants à l’école, ils les ont conduits aux différentes activités, ils ont préparé le souper pour les enfants et sont restés avec eux.
[53] La CSST a d’ailleurs reconnu le droit du travailleur de se faire rembourser les frais de garde d’enfants.
[54] Le montant des frais admissibles est prévu à l’annexe V de la loi et ce montant s’établit effectivement à 3,08 $ de l’heure pour l’année 2006 jusqu’à un montant maximal de 38,99 $ par jour.
[55] La CSST a établi le montant auquel a droit le travailleur à titre de frais de garde à 124,95 $. Il n’est nullement indiqué au dossier le nombre d’heures retenues pour faire le calcul.
[56] La Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu d’accorder le maximum prévu à l’annexe en frais de garde d’enfants dans ce dossier, compte tenu des circonstances du présent dossier. Considérant la gravité de la condition du travailleur durant cette période d’hospitalisation, sa conjointe est restée auprès de lui à l’hôpital et les parents ont dû prendre la relève à temps complet, à la maison.
[57] Le travailleur a donc droit au remboursement de la somme de 194,95 $ en frais de garde d’enfants pour la période du 29 novembre au 4 décembre 2006 (5 jours x 38,99 $).
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Steve Beaulieu;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 16 juillet 2007, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de la somme de 518,47 $, représentant les coûts pour le déneigement de son domicile, pour la saison 2006-2007.
Dossier 325130-61-0708
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 16 juillet 2007, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit à l’aide personnelle à domicile pour la période du 22 novembre 2006 au 3 décembre 2006 au même montant que celui déterminé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour la période débutant le 4 décembre 2006;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne pouvait mettre fin au programme d’aide personnelle à domicile, le 27 février 2007;
DÉCLARE que le travailleur a droit de recevoir l’allocation pour aide personnelle à domicile jusqu’au 18 mai 2007;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de la somme de 194,95 $ en frais de garde d’enfants.
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Santina Di Pasquale |
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Commissaire |
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Me Robert Fauteux |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Brouty et Voyages Symone Brouty, C.L.P. 120748-31-9907, 15 juin 2000, P. Simard; Gagné et Provigo Distribution inc., [2000] C.L.P. 456 ; Gadoua et Acier CMC inc., C.L.P. 138419-62-0005, 15 novembre 2000, L. Couture; Langelier et Les Entreprises André et Ronald Guérin ltée, C.L.P. 126249-01B-9910, 15 mars 2001, L. Desbois; Grégoire et Construction Rénovatech AP inc., C.L.P. 305789-62-0612, 24 janvier 2008, D. Besse
[3] Précitée note 2
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.