Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Noël et Installations Logi-Pose inc.

2013 QCCLP 353

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

22 janvier 2013

 

Région :

Québec

 

Dossier :

480296-31-1208

 

Dossier CSST :

139370613

 

Commissaire :

Jean-François Clément, juge administratif

 

Membres :

Claude Jacques, associations d’employeurs

 

Gilles Lamontagne, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Martin Noël

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Installations Logi-Pose inc. (Les)

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 20 aoĂ»t 2012, monsieur Martin NoĂ«l (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte Ă  l’encontre d’une dĂ©cision rendue par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) le 17 juillet 2012, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]           Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 10 mai 2012 et dĂ©clare que le travailleur n’a pas subi de lĂ©sion professionnelle chez Les installations Logi-Pose inc. (l’employeur) en date du 4 avril 2012.

[3]           Le travailleur, son procureur et le procureur de l’employeur sont prĂ©sents Ă  l’audience tenue le 8 janvier 2013, Ă  QuĂ©bec. Le dĂ©libĂ©rĂ© dĂ©bute le jour mĂŞme.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer qu’il a subi une maladie professionnelle le 4 avril 2013 en lien avec le diagnostic de tendinite des extenseurs du poignet droit.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le mĂŞme avis et accueilleraient, tous deux, la requĂŞte du travailleur.

[6]           Il y a lieu d’appliquer la prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en prĂ©sence d’un diagnostic de tendinite et d’un travail impliquant des mouvements rĂ©pĂ©tĂ©s impliquant la structure lĂ©sĂ©e sur des pĂ©riodes prolongĂ©es, le travail le plus exigeant Ă©tant la pose de planchers flottants.

[7]           Comme la prĂ©somption de l’article 29 de la loi n’a pas Ă©tĂ© renversĂ©e, le travailleur est prĂ©sumĂ© avoir subi une maladie professionnelle et il a droit aux indemnitĂ©s prĂ©vues Ă  la loi.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©cider si le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle le 4 avril 2012. Cette notion est ainsi dĂ©finie Ă  l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[9]           Il n’est ici aucunement question des notions d’accident du travail ou de rechute, rĂ©cidive ou aggravation. Le travailleur prĂ©tend plutĂ´t ĂŞtre victime d’une maladie professionnelle, notion aussi dĂ©finie Ă  l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[10]        Deux voies s’ouvrent Ă  un travailleur qui demande la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

[11]        La première est celle de la prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 29 de la loi qui est complĂ©tĂ© par une annexe :

29.  Les maladies Ă©numĂ©rĂ©es dans l'annexe I sont caractĂ©ristiques du travail correspondant Ă  chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliĂ©es directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

1.     (…)

(…)

2.     LĂ©sion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, tĂ©nosynovite):

un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

3.     (…)

(…)

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

 

[12]        En cas de non-application de la prĂ©somption, c’est par le biais de l’article 30 de la loi que la preuve doit ĂŞtre faite :

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prĂ©vue par l'annexe I, contractĂ©e par le fait ou Ă  l'occasion du travail et qui ne rĂ©sulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causĂ©e par un tel accident est considĂ©rĂ© atteint d'une maladie professionnelle s'il dĂ©montre Ă  la Commission que sa maladie est caractĂ©ristique d'un travail qu'il a exercĂ© ou qu'elle est reliĂ©e directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[13]        Le travailleur est charpentier-menuisier. Dans les faits, il travaille Ă  la pose de revĂŞtements de sol de trois types :

            1) bois franc

            2) planchers flottants

            3) bois franc « ingĂ©nierie Â».

[14]        Les 40 heures de travail qu’il consacre Ă  son employeur hebdomadairement se divisent ultimement de façon plutĂ´t Ă©gale entre ces trois tâches.

[15]        Seul le travailleur tĂ©moigne Ă  l’audience de sorte que son tĂ©moignage n’est pas contredit. Le tribunal estime d’ailleurs qu’il a tĂ©moignĂ© de façon crĂ©dible et il bĂ©nĂ©ficie de toute façon de la prĂ©somption de bonne foi prĂ©vue au Code civil du QuĂ©bec.

[16]        La bonne foi du travailleur s’illustre Ă©galement par sa courte absence, son retour actif au travail et sa dĂ©termination d’y rester en adaptant ses mĂ©thodes de travail.

[17]        Le tribunal retient donc l’intĂ©gralitĂ© de son tĂ©moignage, l’employeur n’ayant prĂ©sentĂ© aucun tĂ©moin pour le contredire.

[18]        Dans l’exĂ©cution de son travail, le travailleur est assistĂ© d’un « apprenti Â». Ce dernier est affectĂ© Ă  la prĂ©paration des planchers avant la pose du nouveau revĂŞtement, au transport de matĂ©riel et autres tâches connexes. Cet apprenti vaque aussi Ă  la pose du revĂŞtement lorsque ses autres tâches sont terminĂ©es.

[19]        Le travailleur exĂ©cute le type de fonctions qui lui sont assignĂ©es par l’employeur depuis 16 ans, dont les neuf ou 10 dernières annĂ©es chez l’employeur.

[20]        La pose de planchers de bois franc implique de clouer des lamelles de bois sur le sous-plancher, la main gauche tenant la cloueuse et la main droite tenant une masse de 20 pouces pesant environ deux ou trois livres avec laquelle il frappe sur la cloueuse pour dĂ©clencher le dispositif de clouage et embouter les pièces.

[21]        Le travailleur estime qu’il faut appliquer une certaine force pour s’assurer que les planches sont bien collĂ©es et qu’il n’y a pas d’espace entre elles.

[22]        Il doit poser un clou Ă  chaque six Ă  huit pouces de sorte qu’il doit frapper environ une fois Ă  la seconde Ă  l’aide de sa masse avec un mouvement de dĂ©viation radiale et cubitale du poignet.

[23]        PrĂ©cisant ensuite son tĂ©moignage, il affirme qu’il n’exĂ©cute pas cette tâche pendant huit heures dans une journĂ©e mais que chaque fois qu’il s’enligne pour clouer une rangĂ©e, il utilise cette cadence.

[24]        Le travailleur manipule lui-mĂŞme les boĂ®tes de bois pesant 65 Ă  70 livres et mesurant sept pieds de longueur sur 10 pouces de largeur, ce qui implique notamment un mouvement de flexion du poignet droit.

[25]        Il se sert Ă©galement d’une cloueuse Ă  finition pour appliquer de la colle sur l’embout femelle de certaines planches pour la finition le long des murs.

[26]        Il doit aussi environ 15 Ă  20 fois par surface de 500 pieds carrĂ©s se servir d’un ciseau de bois pour frapper le contreplaquĂ©, encore dans un mouvement de dĂ©viation radiale et cubitale.

[27]        Il doit Ă©galement utiliser une barre Ă  clous pour les derniers rangs se trouvant près des murs, toujours avec le mĂŞme mouvement du poignet droit. Le travailleur est d’ailleurs droitier.

[28]        Il lui arrive Ă©galement, Ă  l’occasion, de se servir d’une sableuse avec le mĂŞme type de mouvements des poignets.

[29]        Quant aux planchers de bois flottant, son apprenti et lui prennent des piles de bois pour les dĂ©poser au sol. Une fois une pièce au sol, le travailleur doit taper dessus Ă  quatre ou cinq reprises pour l’embouter. Il faut environ une heure pour complĂ©ter une surface de 12 pieds par 12 pieds. L’installation exige des mouvements d’extension des poignets.

[30]        Chaque boĂ®te de bois flottant pèse environ 20 Ă  30 livres et mesure 36 pouces de longueur et le travailleur doit en manipuler plusieurs par jour.

[31]        Pour trancher le bois flottant, il doit se servir notamment d’une tranche avec mouvements d’extension du poignet et force pour couper la pièce.

[32]        Quant Ă  la pose de bois franc de type « ingĂ©nierie Â», elle se pratique surtout dans les condominiums. Une membrane doit ĂŞtre installĂ©e initialement sur le sol et elle est collĂ©e Ă  l’aide d’un ciment Ă©pandu avec une truelle que le travailleur manipule de la main droite avec des mouvements du poignet, surtout en dĂ©viation radiale et cubitale. Il y a aussi flexion du poignet. Cette tâche prend de 30 Ă  45 minutes.

[33]        Une fois la membrane collĂ©e, le travailleur et son apprenti doivent Ă  nouveau poser de la colle ou du ciment sur cette membrane au fur et Ă  mesure qu’ils installent le bois franc pour ne pas qu’elle sèche. On n’utilise pas de marteau ni de cloueuse Ă  cette fonction.

[34]        Toutes les lattes de bois sont installĂ©es et emboutĂ©es avec des mouvements des doigts et des poignets.

[35]        Chaque boĂ®te de bois pèse 35 Ă  40 livres et mesure environ 48 pouces de longueur. Le travailleur doit en manipuler lui-mĂŞme.

[36]        Pour chacune des trois tâches, le travailleur doit utiliser une scie Ă  onglets, sa main droite descendant la lame avec mouvements d’extension du poignet. Il doit le faire environ 150 Ă  200 fois par jour pour tailler des pièces.

[37]        Le travailleur utilise aussi environ 10 % du temps un banc de scie pour tailler les pièces pour certains « racoins Â», outil aussi utilisĂ© par l’apprenti.

[38]        L’horaire de travail dĂ©bute gĂ©nĂ©ralement Ă  7 heures dans un magasin oĂą il prend ses fournitures pour ensuite se dĂ©placer vers le chantier oĂą il est affectĂ©. Cela prend gĂ©nĂ©ralement de 15 Ă  30 minutes. Il prend une pause de 9 h 15 Ă  9 h 30 puis son dĂ®ner de midi Ă  12 h 30. Il termine son travail Ă  15 h 15 et retourne au magasin.

[39]        Il travaille pratiquement Ă  temps plein toute l’annĂ©e, soit environ 1 700 heures annuellement.

[40]        Le 4 avril 2012, il installait un plancher flottant dans un condominium. Lorsqu’il est revenu Ă  la maison Ă  la fin de la journĂ©e, il ressentait un malaise au poignet droit avec Ă©lancement et irradiation Ă  l’avant-bras. Il s’est rĂ©veillĂ© en pleine nuit, son poignet droit Ă©tant enflĂ©.

[41]        Il lui Ă©tait dĂ©jĂ  arrivĂ© de ressentir des douleurs au poignet droit auparavant mais le tout rentrait dans l’ordre rapidement et ne l’empĂŞchait pas de travailler.

[42]        Il ne s’est absentĂ© du travail que pendant la pĂ©riode du 5 au 15 avril 2012 et est retournĂ© chez le mĂŞme employeur en adaptant sa mĂ©thode de travail, en portant gĂ©nĂ©ralement une attelle, sauf lorsqu’il travaille Ă  la pose de bois franc « ingĂ©nierie Â» ou lorsqu’il fait trop chaud.

[43]        Il ne pratique aucun sport mais fait de la moto, habituellement de la fin-avril jusqu’à l’automne.

[44]        En contre-interrogatoire, il prĂ©cise qu’il est affectĂ© environ 50 % du temps Ă  des travaux de rĂ©novation et 50 % Ă  de constructions neuves.

[45]        85 % des chantiers oĂą il travaille sont de nature rĂ©sidentielle et 15 % de nature commerciale. 95 % du temps, il travaille avec un apprenti.

[46]        La superficie moyenne d’une surface de rĂ©novation est de 700 Ă  800 pieds carrĂ©s.

[47]        Lorsqu’il est affectĂ© Ă  un chantier en rĂ©novation, il faut d’abord enlever le revĂŞtement existant, soit la cĂ©ramique, le tapis ou le bois franc. Il aide son apprenti au dĂ©but pour qu’il puisse se prĂ©parer un espace oĂą il peut dĂ©buter Ă  poser le nouveau revĂŞtement.

[48]        L’ancien tapis s’enlève par lisières d’environ 30 pouces de largeur, dĂ©coupĂ©es Ă  l’aide d’un «Exacto». Le travailleur saisit la lisière avec un mouvement de flexion et d’extension du poignet droit. Il roule la lisière puis pose un adhĂ©sif par la suite.

[49]        Il se sert Ă©galement d’une barre Ă  clous pour enlever les baguettes qui se trouvent autour de la pièce. Il doit notamment frapper sur sa barre Ă  clous dans un mouvement d’extension du poignet droit pour ce faire.


[50]        Il faut environ une heure Ă  1 h 30 pour enlever un tapis.

[51]        Il doit, avec l’aide de l’apprenti, dĂ©placer des meubles pour permettre d’effectuer l’enlèvement de l’ancien revĂŞtement et la pose du nouveau sans encombrement.

[52]        L’enlèvement de cĂ©ramique se fait Ă  l’aide d’un marteau-piqueur Ă©lectrique avec mouvements d’extension du poignet droit ou Ă  l’aide d’un marteau, de la main droite. Ă€ l’aide d’une pelle, on ramasse ensuite les pièces de cĂ©ramique et on doit sabler le plancher Ă  l’aide d’une sableuse. Il faut environ deux heures pour enlever la cĂ©ramique.

[53]        Pour enlever les vieux planchers de bois franc, il faut utiliser une barre Ă  clous et donner des coups de marteau sur cette dernière Ă  l’aide de la main droite avec des mouvements d’extension du poignet droit. Il faut environ deux heures pour enlever le bois franc, Ă  deux personnes.

[54]        Le travailleur se rĂ©serve souvent les travaux de prĂ©cision comme la pose du revĂŞtement au pied d’un cadre de porte ou près des murs.

[55]        Lorsqu’un marteau est nĂ©cessaire pour installer le bois flottant, un bloc de bois ou de plastique est utilisĂ© pour ne pas abimer la surface.

[56]        Ă€ la fin d’une journĂ©e ou d’un chantier, on doit faire le mĂ©nage Ă  l’aide d’un balai pendant environ 20 minutes. Une fin de chantier peut nĂ©cessiter de 30 Ă  45 minutes puisqu’il faut ramasser les fournitures non-utilisĂ©es et les outils. Les outils pèsent 20 livres pour la scie Ă  onglets, 30 livres pour le banc de scie et environ 60 livres pour la sableuse.

[57]        Le contrat-type dure une journĂ©e pour les contrats infĂ©rieurs Ă  500 pieds carrĂ©s. Un contrat de 700 pieds peut nĂ©cessiter deux jours.

[58]        Ceci Ă©tant dit, le diagnostic de tendinite des extenseurs du poignet droit n’a aucunement Ă©tĂ© contestĂ© en vertu de l’article 224 de la loi de sorte qu’il lie le prĂ©sent tribunal :

224.  Aux fins de rendre une dĂ©cision en vertu de la prĂ©sente loi, et sous rĂ©serve de l'article 224.1, la Commission est liĂ©e par le diagnostic et les autres conclusions Ă©tablis par le mĂ©decin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnĂ©s aux paragraphes 1° Ă  5° du premier alinĂ©a de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 


 

 

[59]        Il s’agit d’une lĂ©sion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs Ă©numĂ©rĂ©e spĂ©cifiquement Ă  la Section IV de l’Annexe I de la loi.

[60]        Pour l’application de la prĂ©somption, reste Ă  savoir si le travailleur a effectuĂ© « un travail impliquant des rĂ©pĂ©titions de mouvements ou de pressions sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es Â».

[61]        Au stade de l’application de la prĂ©somption, laquelle vise Ă  faciliter la preuve du travailleur, une interprĂ©tation libĂ©rale des expressions « rĂ©pĂ©tition de mouvements Â» et « pĂ©riodes de temps prolongĂ©es Â» s’impose.[2]

[62]        Le tribunal rappelle qu’il ne peut ajouter aux conditions prĂ©vues par le lĂ©gislateur et qu’il doit seulement vĂ©rifier la prĂ©sence de « rĂ©pĂ©titions de mouvements ou de pression Â» qui seraient effectuĂ©e sur des « pĂ©riodes de temps prolongĂ©es Â», ce travail devant bien-sĂ»r impliquer Ă  un certain degrĂ© les structures lĂ©sĂ©es.

[63]        Ainsi, au stade de l’application de la prĂ©somption, il n’est pas nĂ©cessaire de dĂ©montrer qu’un travailleur effectue exactement le mĂŞme geste sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es.[3]

[64]        Aussi, les notions de force ou de postures contraignantes ne sont pas incluses dans la notion de gestes rĂ©pĂ©tĂ©s prĂ©vue Ă  l’annexe I, ni celle de cadence Ă  proprement parler.[4]

[65]        Exiger des facteurs de risques non prĂ©vus Ă  l’annexe I au stade de l’application de la prĂ©somption Ă©quivaudrait Ă  ajouter aux conditions imposĂ©es par la loi.[5]

[66]        Le tribunal retient du tĂ©moignage non-contredit du travailleur que ses tâches sollicitent, de façon frĂ©quente et significative, les structures du poignet droit et notamment les extenseurs. La description du travail effectuĂ© par le travailleur et traduite plus haut est claire Ă  ce sujet.


[67]        Le tribunal estime Ă©galement ĂŞtre en prĂ©sence de rĂ©pĂ©titions de mouvements et de pressions, vu leur nombre important, de façon quotidienne.

[68]        MĂŞme en retenant les chiffres avancĂ©s par l’employeur dans le cadre de la plaidoirie de son reprĂ©sentant, Ă  savoir 4 000 crampes posĂ©es dans un quart de travail de huit heures, il n’en reste pas moins qu’il s’agit lĂ  de 500 mouvements Ă  l’heure, ce qui revient Ă  environ huit mouvements Ă  la minute, ce qui constitue plus que clairement un mouvement rĂ©pĂ©tĂ© au sens de la loi.[6]

[69]        Ce chiffre devient encore plus important lorsque l’on sait que le travailleur vaque Ă  d’autres tâches impliquant le poignet lĂ©sĂ©, aussi dĂ©crites plus haut.

[70]        En effet, le reste du temps le poignet droit du travailleur ne reste pas inactif puisqu’il est impliquĂ© dans le transport de meubles, de transport de boĂ®tes, l’utilisation de la scie Ă  onglets ou de la tranche, l’utilisation d’une truelle, l’enlèvement de tapis, cĂ©ramique ou ancien bois franc, le transport d’équipements, la manipulation d’une barre Ă  clous avec coups de marteau, utilisation d’une sableuse, etc.

[71]        La pose de clous pour installer des planchers de bois franc est remplacĂ©e par celle de lanières de planchers flottants qui sollicite aussi pour chaque planche quatre Ă  cinq mouvements d’extension du poignet droit.

[72]        Il en va de mĂŞme de la pose des planches de bois franc « ingĂ©nierie Â» qui se fait complètement manuellement.

[73]        Ce sont donc des centaines, voire des milliers, de mouvements du poignet droit que le travailleur doit effectuer chaque jour, notamment, en grande partie des mouvements d’extension en plus de mouvements de flexion, de dĂ©viation cubitale et de dĂ©viation radiale.

[74]        La Commission des lĂ©sions professionnelles estime donc que le travail du travailleur comprend des rĂ©pĂ©titions de mouvements sollicitant les extenseurs du poignet droit.

[75]        Le tribunal estime Ă©galement que les mouvements effectuĂ©s par le travailleur l’ont Ă©tĂ© sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es et ce, que l’on rĂ©fère au cumul des annĂ©es de travail ou Ă  la frĂ©quence journalière de mouvements lĂ©sionnels.[7]

[76]        Ainsi, le travailleur effectue ce mĂŞme travail depuis 16 ans.

[77]        Au surplus, il exĂ©cute des mouvements rĂ©pĂ©tĂ©s du poignet droit pendant presque toute la durĂ©e d’un quart de travail.

[78]        MĂŞme si les tâches qu’il effectue sont diverses, presque toutes comportent des mouvements du poignet droit rĂ©pĂ©tĂ©s de façon significative.

[79]        Le fait que le travailleur ait pu bĂ©nĂ©ficier de pauses-santĂ© ou de pauses ponctuelles pour les structures lĂ©sĂ©es au courant d’une journĂ©e ne fait pas Ă©chec Ă  la notion de « rĂ©pĂ©tition de mouvements Â» ou de « pĂ©riodes de temps prolongĂ©es Â».

[80]        Tenir pour acquis que ces termes impliquent celui d’ininterruption de temps ajoute au texte et a pour rĂ©sultat d’imposer au travailleur des exigences qui ne font pas partie de la loi.[8]

[81]        La notion de mouvements rĂ©pĂ©tĂ©s n’est pas mise en Ă©chec par la prĂ©sence de certains temps de repos.[9]

[82]        En consĂ©quence, le travailleur bĂ©nĂ©ficie de la prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 29 de la loi.

[83]        Pour renverser cette prĂ©somption, l’employeur devait prouver que le travail n’est pas Ă  l’origine de la lĂ©sion diagnostiquĂ©e.[10]

[84]        L’employeur devait donc dĂ©montrer que la maladie du travailleur est due Ă  une autre cause que le travail, sans avoir Ă  prĂ©ciser nĂ©cessairement la nature de cette cause.[11]

[85]        Or, l’employeur n’a prĂ©sentĂ© aucune preuve Ă  l’audience, n’a fait tĂ©moignĂ© aucun tĂ©moin de fait ou expert et n’a produit aucune expertise. Il n’a donc pas convaincu le tribunal que la prĂ©somption devrait ĂŞtre renversĂ©e et que la pathologie du travailleur n’est pas reliĂ©e Ă  son travail.

[86]        Pour tenter de renverser la prĂ©somption, l’employeur mentionne que le travailleur est un motocycliste et que la conduite d’une moto implique l’extension des poignets. Toutefois, la preuve dĂ©montre de façon prĂ©pondĂ©rante que le travailleur n’avait pas utilisĂ© sa motocyclette depuis l’automne prĂ©cĂ©dent. Il serait surprenant que l’utilisation d’une motocyclette Ă  l’automne 2011 soit responsable de sa pathologie et il est beaucoup plus probable que ce soit les mouvements effectuĂ©s de façon contemporaine Ă  l’apparition des douleurs qui sont en cause.

[87]        Quant au fait que le travailleur aurait mal positionnĂ© son poignet Ă  l’extĂ©rieur du travail et notamment lors du sommeil, il s’agit d’une pure hypothèse non prouvĂ©e.

[88]        Il ne suffit pas de soulever un doute pour renverser la prĂ©somption.[12]

[89]        De toute façon, les facteurs de risque reconnus pertinents de rĂ©pĂ©tition de mouvements, de sollicitation des structures lĂ©sĂ©es et l’utilisation d’une certaine force sont en preuve et n’ont pas Ă©tĂ© contredits.

[90]        Ainsi, de façon subsidiaire, le tribunal aurait donc conclu Ă  l’application des dispositions de l’article 30 de la loi, notamment Ă  cause de l’extrait de littĂ©rature mĂ©dicale[13] au dossier qui indique que les tendinites du poignet sont frĂ©quentes et attribuables aux sollicitations rĂ©pĂ©tĂ©es dans de nombreuses activitĂ©s professionnelles.

[91]        RĂ©fĂ©rant Ă  l’étude Niosh, cet extrait de littĂ©rature mentionne qu’il existe une association claire entre les tendinites du poignet et certains facteurs de risques comme la rĂ©pĂ©titivitĂ©, la force et la posture, critères qui sont tous prĂ©sents, selon la preuve, dans le dossier sous Ă©tude.

[92]        Il y a donc lien avec les risques particuliers du travail.

[93]        Le travailleur a donc subi une maladie professionnelle.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Martin Noël, le travailleur;

INFIRME la dĂ©cision rendue par la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail, le 17 juillet 2012, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative;

DÉCLARE que monsieur Martin NoĂ«l a subi une lĂ©sion professionnelle le 4 avril 2012;

 

 

DÉCLARE que monsieur Martin Noël a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

            Jean-François Clément

 

 

Me François Parizeau

TURBIDE, LEFEBVRE ASS.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Éric Latulippe

LANGLOIS, KRONSTRĂ–M, DESJARDINS

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Cossette et Vêtements SCF Canada ltée, C.L.P. 352056-640806, 20 janvier 2009, M. Montplaisir.

[3]           Couture et Pretium Canada Co., 2011 QCCLP 6022 .

[4]           Champagne et Corporation Inglasco ltée, C.L.P. 245449-05-0410, 30 mars 2005, P. Simard

[5]           Couture et Pretium Canada Co., précitée note 2; Société canadienne des postes et Renaud, [1999] C.L.P. 746 .

[6]           Borden et Gougeon, C.L.P. 137230-71-9907 et al., 8 janvier 2001, C. Racine.

[7]           Chârles c. Société canadienne des postes [1999] C.L.P. 246 (C.A.).

[8]           Galura et Technicolor Canada inc., [2003] C.L.P. 355 .

[9]           Lemelin et Société coopérative agricole Appalaches, C.L.P. 340649-04B-0802, 23 janvier 2009, M. Watkins.

[10]          Société canadienne des postes et Coulombe, [1988] C.A.L.P. 166 , requête en évocation rejetée [1988] C.A.L.P. 146 (C.S.), appel rejeté [1994] C.A.L.P. 927 (C.A.); Bouchard et Centre hospitalier Notre-Dame-de-Montréal, [1997] C.A.L.P. 195 .

[11]          Simard et Société canadienne des postes, [1998] C.L.P. 1201 .

[12]          Perron c. C.L.P. [1999] C.L.P. 311 (C.S.), appel rejeté [2002] C.L.P. 345 (C.A.).

[13]          Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE (dir.), Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, 2e éd., Saint-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 2008.

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