Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Despot et Société de transport de Montréal

2012 QCCLP 4828

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

26 juillet 2012

 

Région :

Laval

 

Dossier :

456855-61-1112

 

Dossier CSST :

138233622

 

Commissaire :

Louise Boucher, juge administratif

 

Membres :

Christian Tremblay, associations d’employeurs

 

Daniel Flynn, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Bernard Despot

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Société de transport de Montréal

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 9 décembre 2011, monsieur Bernard Despot (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 5 décembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Cette décision confirme une première décision de la CSST datée du 16 septembre 2011 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de la somme de 524,00 $ qu’il a défrayée pour les services professionnels d’analyses effectués par le Laboratoire Biron le 30 juin 2011.

[3]           L’audience a lieu à Laval le 17 juillet 2012. Le travailleur est présent et représenté. La Société de transport de Montréal (l’employeur) a informé le tribunal qu’elle ne participerait pas à l’enquête. Le délibéré a débuté à cette dernière date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la révision administrative et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais engagés pour les actes professionnels effectués par le Laboratoire Biron le 30 juin 2011.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis de faire droit à la réclamation du travailleur. Les frais engagés par le travailleur l’ont été en relation avec sa lésion professionnelle et les règles de la CSST ne peuvent restreindre le droit même du travailleur à l’assistance médicale.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a droit au remboursement d’une somme de 524,00 $ qu’il a déboursée pour des analyses effectuées par le Laboratoire Biron le 30 juin 2011. Après la tenue d’une audience et l’analyse de l’ensemble de la preuve documentaire à la lumière des dispositions législatives pertinentes, la Commission des lésions professionnelles est d’opinion de faire droit aux prétentions du travailleur.

[7]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion. Elle prévoit également la nature de cette assistance médicale :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

[8]           Il est également prévu dans la loi que le travailleur a droit aux services du médecin de son choix et que le coût de l’assistance médicale est à la charge de la CSST :

192.  Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

__________

1985, c. 6, a. 192.

 

 

193.  Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé de son choix.

 

Cependant, dans l'intérêt du travailleur, si la Commission estime que les soins requis par l'état de ce dernier ne peuvent être fournis dans un délai raisonnable par l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut, si le médecin qui en a charge est d'accord, se rendre auprès de l'établissement que lui indique la Commission pour qu'il reçoive plus rapidement les soins requis.

__________

1985, c. 6, a. 193; 1992, c. 21, a. 81.

 

 

[9]           Le 29 juin 2011, alors qu’il exerce ses fonctions de chauffeur d’autobus, le travailleur se fait interpeller agressivement par un conducteur d’automobile qui sort de son véhicule pour venir lui cracher au visage. Le superviseur est appelé, il prend la déclaration du travailleur et le conduit à une clinique médicale.

[10]        Le travailleur rencontre le docteur Van Hoi Nguyen qui le met en arrêt de travail pour quatre (4) jours pour stress post-traumatique. Par la même occasion, vu que le travailleur s’est fait éclabousser le visage et le cou par le liquide biologique d’une tierce personne, le docteur Nguyen dirige le travailleur spécifiquement au Laboratoire Biron dont les bureaux sont situés dans le même édifice que la clinique médicale, avec une prescription pour certains tests. Le laboratoire étant fermé au moment où le travailleur s’y présente, il revient le lendemain. Ce 30 juin 2011, le Laboratoire Biron procède aux analyses demandées par le docteur Nguyen, soit des analyses de VIH, d’hépatites B et C, VDRL et d’herpès type 1 et 2. Le personnel du laboratoire demande au travailleur de défrayer les coûts de ces analyses d’une somme de 524,00 $ en lui indiquant qu’il pourra se faire rembourser par la CSST.

[11]        Le même jour, le travailleur se présente à la CSST pour y remettre sa facture. Sa réclamation pour accident du travail, accompagnée de l’attestation médicale du docteur Nguyen, toutes deux datées du 29 juin 2011, sont également remises à la CSST. Après analyse, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour un syndrome de stress post-traumatique. Il a repris le travail le 4 juillet 2011, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles.

[12]        Par contre, par décision datée du 16 septembre 2011, la CSST refuse de rembourser le travailleur pour les analyses effectuées par le Laboratoire Biron au motif que « nous manquons d’informations relativement à cette requête ». La révision administrative, le 5 décembre 2011, confirme ce refus et s’exprime ainsi :

En effet, la Révision administrative constate que les codes d’actes posés par le Laboratoire Biron le 30 juin 2011 ne correspondent pas aux codes d’actes de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). La Commission étant liée par le code de la RAMQ, elle n’est donc pas tenue d’acquitter le coût de ce service.

 

 

[13]        Comme déjà mentionné plus haut, la lésion professionnelle du travailleur a été reconnue. Il a donc droit à l’assistance médicale que requiert son état selon l’article 188. Aussi, dans les circonstances particulières de l’événement, les analyses prescrites par le médecin traitant lient la CSST puisqu’elles n’ont pas été contestées conformément aux dispositions de la loi :

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[14]        Dans le cas qui nous occupe, la CSST refuse de rembourser le travailleur au motif que les codes utilisés par le Laboratoire Biron ne correspondent pas aux codes d’actes de la Régie de l’assurance maladie du Québec. Cette interprétation étonne lorsque l’on prend connaissance de la facture du Laboratoire Biron qui détaille précisément les analyses effectuées au bénéfice du travailleur en date du 30 juin 2011, lesquelles analyses sont faites à la demande du médecin traitant. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, au-delà du code utilisé ou indiqué, il aurait été facile, pour la CSST, à partir des actes précis listés par le Laboratoire Biron, de les comparer avec les actes similaires effectués par les établissements publics.

[15]        Dans l’affaire Chabot et Super C Division E.U.M.R.[2], la Commission des lésions professionnelles rappelle que les ententes visées par les articles 195 et 196 de la loi, lesquelles concernent les soins et traitements visés au paragraphe 2e de l’article 189, ne peuvent restreindre le droit prévu à ce même article :

[34]      De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, les ententes visées aux articles 195 et 196 de la loi permettent de restreindre le montant des frais réclamés par les établissements de santé et les médecins à la Régie de l’assurance-maladie et à la CSST. Elles ne permettent toutefois pas de restreindre le droit même du travailleur à l’assistance médicale vis-à-vis la CSST, puisqu’elles ne changent pas la définition de l’assistance médicale, laquelle est prévue à l’article 189 de la loi.

 

[35]      Si la CSST peut opposer ces ententes aux professionnels de la santé et aux établissements de santé qui lui réclament certaines sommes, elle ne peut se libérer de son obligation à l’égard du travailleur ni exclure de facto le coût de certains soins ou services professionnels compris dans la définition de l’assistance médicale, en prenant appui sur ces ententes.

 

 

[16]        Comme dans le cas qui nous occupe, la CSST ne peut, sous prétexte qu’elle est incapable d’identifier les codes utilisés par le Laboratoire Biron, causer un préjudice au travailleur en lui refusant un droit que la loi lui reconnaît.

[17]        Dans l’affaire J. Gareau et Maison L’Échelon inc.[3], la Commission des lésions professionnelles notait que l’application d’un règlement ne devait pas avoir pour effet de rendre plus compliquée l’application d’un article de la loi qui reconnaît un droit.  Dans cette même affaire, rappelant que la CSST aurait pu faire preuve d’un peu plus de souplesse dans son interprétation du règlement, la Commission des lésions professionnelles s’inspirait de l’article 351 de la loi pour rappeler que la CSST a le devoir de rendre ses décisions suivant « l’équité, d’après le mérite réel et la justice du cas [...] ».

[18]        Le travailleur a donc droit au remboursement de son assistance médicale et, après analyse, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il a droit au remboursement de la totalité de la somme déboursée.

[19]        Dans R. Péloquin et Imperco CSM inc.[4], la Commission des lésions professionnelles fait une révision de sa jurisprudence en matière de remboursement de coûts pour assistance médicale. Dans cette affaire, la CSST refusait de rembourser le travailleur pour une chirurgie pratiquée par son médecin traitant, au motif que cette chirurgie avait été pratiquée en clinique privée. La juge Juteau, rappelle qu’il est admis que le travailleur a droit de recevoir les soins du professionnel de la santé de son choix et qu’il peut donc choisir son médecin, que celui-ci soit participant ou non au régime de la Régie de l’assurance maladie du Québec.

[20]        Par conséquent, dans cette affaire, le tribunal reconnaissait le droit, pour le travailleur, d’être remboursé des coûts afférents à cette chirurgie, mais jusqu’à concurrence des sommes prévues à l’entente en vertu de l’article 198 de la loi. Pour le tribunal, dans cette affaire, cette approche est équitable puisqu’elle permet d’offrir les mêmes services à tous les travailleurs.

[21]        Dans le cas qui nous concerne, c’est à l’égard d’une question de codes que la CSST a refusé le remboursement. Or, puisqu’elle n’a pas jugé nécessaire d’intervenir en l’instance, le tribunal ignore les montants habituellement versés par la CSST pour des analyses similaires à celles effectuées par le Laboratoire Biron. Cependant, même si ces montants étaient connus en l’instance, et à supposer qu’ils soient inférieurs à ceux facturés au travailleur, la Commission des lésions professionnelles, en l’instance, ne choisirait pas le principe dégagé dans l’affaire Péloquin[5] qui aurait comme conséquence de ne rembourser au travailleur qu’une partie des coûts engagés.

[22]        En effet, si le travailleur en l’espèce s’est dirigé au Laboratoire Biron, c’est à la demande expresse de son médecin traitant. Dans ce cas, faire supporter une partie de la facture au travailleur équivaudrait à le traiter différemment de tous les autres travailleurs victimes de lésion professionnelle qui sont dirigés dans un établissement de santé publique et qui ne supportent aucun coût pour faire effectuer le même type d’analyses reliées à leur lésion professionnelle.

[23]        Pour toutes ces raisons, le travailleur en l’instance a droit au remboursement de la facture présentée par le Laboratoire Biron, soit la somme de 524,00 $.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la contestation de monsieur Bernard Despot, le travailleur;

INFIRME la décision rendue le 5 décembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit rembourser la somme de 524,00 $ à monsieur Bernard Despot pour les services professionnels effectués par le Laboratoire Biron le 30 juin 2011.

 

 

__________________________________

 

Louise Boucher

 

 

 

 

Me Isabelle Leblanc

LAMOUREUX, MORIN, LAMOUREUX

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 286839-31-0604, 16 janvier 2007, G. Tardif.

[3]           C.L.P. 244683-71-0409, 29 janvier 2007, G. Robichaud, paragraphes [53] et [54].

[4]           C.L.P. 426415-71-1012, 12 septembre 2011, F. Juteau.

[5]           Précitée, note 4.

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