Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - juin 2011

Reitmans Canada ltée et Gomez Martinez

2012 QCCLP 7417

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

19 novembre 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

441803-71-1106      449437-71-1109      466598-71-1203

476104-71-1207

 

Dossier CSST :

137300232

 

Commissaire :

Michel Larouche, juge administratif

 

Membres :

Luc St-Hilaire, associations d’employeurs

 

Michel Gravel, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Manon Dubois, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Reitmans Canada ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Rigoberto Gomez Martinez

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 441803-71-110

[1]           Le 15 juin 2011, Reitmans Canada ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 8 juin 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.


[2]           Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme une qu’elle a rendue initialement le 21 avril 2011 où elle déclare que les diagnostics de tendinite/bursite à l’épaule droite, de déchirure de la coiffe des rotateurs et de lésion de type SLAP sont en relation avec la lésion professionnelle survenue le 6 janvier 2011 à monsieur Rigoberto Gomez Martinez (le travailleur).

Dossier 449437-71-1109

[3]           Le 19 septembre 2011, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 6 septembre 2011 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme une qu’elle a rendue précédemment le 2 août 2011, laquelle faisait suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale émis le 27 juillet 2011 et qui déclare que la lésion professionnelle du travailleur n’est pas consolidée et qu’elle nécessite toujours des traitements.

Dossier 466598-71-1203

[5]           Le 28 mars 2012, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 22 mars 2012 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[6]           Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme une qu’elle a rendue initialement le 8 mars 2012, laquelle faisait suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale émis le 1er mars 2012, déclarant que la lésion professionnelle est toujours non consolidée.

Dossier 476104-71-1207

[7]           Le 5 juillet 2012, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 26 juin 2012 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[8]           Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme deux qu’elle a rendues précédemment. La première, datée du 16 avril 2012, réfère le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est pour évaluer sa capacité de travail. La seconde, datée du 6 juin 2012, réfère le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est pour mettre au point un programme de développement des capacités de travail.

[9]           Une audience s’est tenue à Montréal, le 24 octobre 2012, en présence des parties qui étaient représentées par procureurs.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 441803-71-1106

[10]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir que le seul diagnostic pouvant être retenu en relation avec la lésion professionnelle survenue le 6 janvier 2011 en est un de tendinite/bursite de l’épaule droite.

Dossier 449437-71-1109

[11]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle subie par le travailleur le 6 janvier 2011 était consolidée au 25 mars 2011, sans nécessité de traitements supplémentaires.

[12]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de retourner le dossier à la CSST pour que cette dernière évalue les questions portant sur la présence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles eu égard au diagnostic retenu.

Dossier 466598-71-1203

[13]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir que la lésion professionnelle était consolidée le 25 mars 2011.

Dossier 476104-71-1207

[14]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST n’avait pas le pouvoir et était non venue de référer le travailleur en clinique de réadaptation. Elle argue que compte tenu du fait qu’il n’y a plus la nécessité de traitements d’ergothérapie, le travailleur n’étant pas reconnu comme étant porteur d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, la situation ne permettait pas à la CSST de mettre en place un programme de réadaptation.

LES FAITS

[15]        Le travailleur a témoigné à l’audience tant à la demande de l’employeur qu’à celle de son procureur.

[16]        En janvier 2011, il occupait un poste chez l’employeur où il faisait la mise en inventaire. Le travailleur décrit les circonstances entourant son accident du travail de la façon suivante :

[17]        Il devait mettre sur une tablette une série de 200 affiches. Il s’agit d’affiches qui sont relativement grandes et lourdes. Ainsi, il a divisé le paquet d’affiches en plusieurs petits paquets qu’il a disposés sur l’étagère.

[18]        Lorsque toutes les affiches ont été sur l’étagère, il s’est penché en petit bonhomme pour les pousser afin de les mettre en place. Le bas de la pile d’affiches se situait à environ 12 pouces du sol.

[19]        Pour les pousser, le travailleur utilisait ses deux membres supérieurs, lesquels étaient en légère abduction; ses coudes étaient légèrement fléchis; les épaules présentaient une élévation antérieure de plus ou moins 10 degrés et les poignets étaient en dorsiflexion. Le travailleur ne décrit pas avoir soulevé la pile mais plutôt l’avoir poussée dans cette position. Le travailleur a ressenti, à ce moment, une douleur au niveau de l’épaule à la région sous-acromiale et antéro-latérale de l’épaule droite.

[20]        Étant incapable de pousser complètement les affiches, il a demandé de l’aide à un collège de travail qui l’a aidé à terminer l’opération. Avant la fin de son quart de travail, il présentait une douleur qu’il qualifie d’une intensité de 4 à 5/10.

[21]        Le 6 janvier 2011, le travailleur consulte le docteur Yan Charron qui pose un diagnostic d’entorse de l’épaule droite. Il recommande des travaux légers pour une période de 10 jours.

[22]        Le 13 janvier 2011, le travailleur consulte le docteur René Morel qui pose un diagnostic de tendinite/bursite de l’épaule droite. Le docteur Morel reprend ces diagnostics les 17 et 31 janvier 2011, 3 et 8 février 2011.

[23]        Le 9 février 2011, le travailleur subit une résonance magnétique sans produit de contraste de l’épaule droite. Le docteur Mordechai Rehany en fait l’interprétation.

[24]        Il y conclut que le travailleur présente une déchirure non transfixiante au niveau des tendons supra et infra-épineux, dont la plus importante est au niveau infra-épineux où la déchirure est de type délaminante et s’étendant sur toute la longueur du tendon et impliquant environ 75 % de l’épaisseur de ce dernier. On y note également une déchirure labrale de type SLAP de même qu’une bursite sous-acromio deltoïdienne modérée.

[25]        Le 15 février 2011, le docteur Morel modifie son diagnostic pour celui de déchirure de la coiffe des rotateurs et SLAP de l’épaule droite.

[26]        Le 24 février 2011, une arthro IRM de l’épaule droite est effectuée. Le docteur Rehany interprète l’examen. Il y reconnaît une déchirure labrale de type SLAP. Il note également la présence d’une tendinite calcifiante infra-épineuse mais ne retrouve pas de déchirure au niveau de la coiffe des rotateurs.

[27]        Le 25 mars 2011, le travailleur est évalué par le docteur Jules Boivin, à la demande de l’employeur. Le docteur Boivin conclut au terme de son évaluation que le seul diagnostic qu’il retient en relation avec l’événement est celui de tendinite/bursite de l’épaule droite chez un travailleur présentant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec lésion de type SLAP. Il soumet que compte tenu de son examen objectif qu’il qualifie de normal, il y a consolidation de la lésion, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[28]        Le 17 mai 2011, le docteur Boivin produit un rapport complémentaire ayant  eu l’opportunité de consulter le protocole radiologique de l’arthrographie IRM du 24 février 2011. Il réitère les conclusions qu’il avait émises lors de son évaluation du 25 mars.

[29]        Le docteur Morel complète un rapport complémentaire où il discute des conclusions émises par le docteur Boivin. Il maintient le diagnostic de déchirure de la coiffe des rotateurs avec lésion de type SLAP. Il souligne que la lésion est non consolidée, le travailleur étant toujours en attente d’une consultation auprès d’un orthopédiste.

[30]        Le 13 juillet 2011, le travailleur est évalué par la docteure Danielle Desloges, membre du Bureau d’évaluation médicale. La docteure Desloges rapporte qu’au niveau subjectif, le travailleur lui mentionne être amélioré de 70 %. Le travailleur y précise également être à compléter un retour progressif au travail régulier. Il doit le reprendre la semaine suivante à temps complet.

[31]        À l’examen objectif, la docteure Desloges note que les amplitudes articulaires actives de l’épaule sont complètes avec cependant une douleur au-delà de 90 degrés en flexion antérieure, en abduction et en rotation externe. À droite, les tests de Neer et de Hawkins donnent des douleurs à la face postérieure de la tête humérale. Au test de Jobe, il y a des douleurs en sous-acromiale postérieure et le travailleur cède sous la poussée. Le test de Yocum donne des douleurs sous-acromiales en postérieur. Le test de O’Brien est très douloureux.

[32]        À l’intérieur de sa Discussion, la docteure Desloges se dit très préoccupée par les résultats diamétralement opposés des deux résonances magnétiques qui, pourtant, ont été lues par le même radiologiste et qui ont été effectuées à un intervalle de 15 jours. Elle mentionne que son examen objectif démontre des douleurs qui, de manière provocatrice, sont compatibles avec une atteinte de la coiffe des rotateurs. Elle mentionne également que le O’Brien est fortement positif. Elle retient donc des diagnostics de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec lésion de SLAP. Elle considère que la lésion n’est pas consolidée, le travailleur étant en voie de compléter un retour progressif. Il n’y a plus de nécessité de poursuivre les traitements d’ergothérapie, ces derniers sont superflus et ceux de la physiothérapie pourraient diminués à trois fois semaine. Elle réitère qu’il serait essentiel de demander une relecture des protocoles radiologiques, compte tenu de leur contradiction.

[33]        Le 7 novembre 2011, le travailleur est évalué par le docteur Timothy Heron, chirurgien orthopédiste, lequel pose un diagnostic de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs et SLAP de l’épaule droite. Il suggère une infiltration cortisonée intra-articulaire au niveau gléno-huméral.

[34]        Le 9 novembre 2011, le travailleur est évalué à nouveau par le docteur Jules Boivin, à la demande de l’employeur. À son évaluation objective, le docteur Boivin note que les amplitudes articulaires mesurées de façon active sont plus importantes que celles qu’il relève aux mouvements passifs. Il considère que les tests de Jobe, Speed, Neer, Hawkins, Yergason, de même que la manœuvre du foulard, ne sont pas spécifiques d’une atteinte de la coiffe des rotateurs.

[35]        En présence d’éléments discordants et incohérents, il maintient sa date de consolidation au 25 mars 2011, sans nécessité de traitements supplémentaires.

[36]        Le 12 janvier 2012, le docteur Morel complète un rapport complémentaire où il se dit en désaccord avec les conclusions du docteur Boivin. Il maintient les mêmes diagnostics et souligne que la lésion n’est pas consolidée et indique qu’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sont à prévoir.

[37]        Le 13 février 2012, le docteur Heron complète une nouvelle attestation médicale où il diagnostic une déchirure partielle de la coiffe des rotateurs et SLAP de l’épaule droite. Il mentionne qu’il y aura lieu de procéder à une chirurgie s’il n’y a pas d’amélioration.

[38]        Le 21 février 2012, le travailleur est évalué par le docteur Thien Vu Mac, membre du Bureau d’évaluation médicale. Lors de son examen objectif, le docteur Mac note des limitations d’amplitudes articulaires de l’épaule droite de façon active en élévation antérieure et en abduction. Les manœuvres d’accrochage de Neer, Hawkins et Yocum occasionnent une douleur à la face antéro-latérale de l’épaule gauche. Il note que le test de O’Brien est non concluant, car le travailleur rapporte des douleurs tant en supination qu’en pronation. Il mentionne qu’à son examen, on note une légère diminution des amplitudes articulaires en flexion et abduction de l’épaule droite. Il note la présence de signes d’accrochage et d’irritation de la coiffe des rotateurs. Par ailleurs, les signes pour une déchirure du SLAP sont équivoques. Il considère qu’il y a lieu de poursuivre les traitements conservateurs sur une période d’environ deux mois, mais que si les symptômes persistent et sont incommodants, on pourrait considérer la chirurgie. Si les symptômes ne sont pas incommodants, on devrait alors consolider la lésion avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[39]        Le 30 avril 2012, le docteur Heron maintient les diagnostics de déchirure partielle de la coiffe des rotateurs et de SLAP de l’épaule droite. Il suggère un programme de réadaptation.

[40]        Le 13 avril 2012, la CSST décide de référer le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est pour une évaluation de sa capacité de travail. L’agent au dossier écrit que cette étude sera envoyée au travailleur avant son prochain rendez-vous avec le docteur Heron.

[41]        Le 30 avril 2012, la Clinique d’évaluation et de réadaptation de l’Est procède à l’évaluation des capacités fonctionnelles du travailleur. L’étude est réalisée par monsieur Aleen Sadi, physiothérapeute, qui note que dans le cadre de son évaluation, le travailleur présente des restrictions d’amplitudes articulaires tant à l’épaule droite qu’à l’épaule gauche.    

[42]        Le 3 mai 2012, suite à la réception du rapport d’évaluation des capacités de travail du travailleur, la CSST décide de référer ce dernier à un programme multi-disciplinaire à temps plein qui a pour but d’augmenter ses capacités physiques et fonctionnelles, de même que de mieux comprendre et de gérer sa douleur. Elle réfère donc le travailleur à la Clinique d’évaluation et de réadaptation de l’Est pour procéder au développement de ses capacités physiques.

[43]        À l’intérieur du rapport complété le 1er mai 2012, madame Karine Campese, ergothérapeute, y mentionne la persistance de douleur au niveau de l’épaule droite du travailleur.

[44]        Le docteur Jules Boivin témoigne à l’audience, à la demande de l’employeur.

[45]        Le docteur Boivin précise que le mécanisme accidentel décrit par le travailleur ne peut avoir entraîné une lésion de type SLAP. Ce type de lésion constitue une déchirure affectant le labrum de l’épaule. Une telle lésion ne se retrouve que lors d’activités où s’exerce une traction excessive ou une compression excessive de l’épaule. Ce n’est pas du tout le genre d’événement décrit par le travailleur.

[46]        Le docteur Boivin dépose, à cet effet, un extrait de littérature médicale confirmant le mécanisme de production de lésion de type SLAP.

[47]        Les mouvements effectués par le travailleur ne sont pas non plus compatibles avec l’aggravation d’une condition personnelle de lésion de type SLAP. Quant à une déchirure de la coiffe des rotateurs, le docteur Boivin se dit d’avis que les gestes posés par le travailleur ne peuvent avoir entraîné une déchirure de la coiffe des rotateurs. Cette dernière n’était d’ailleurs pratiquement pas sollicitée puisque les amplitudes articulaires de l’épaule n’étant pas suffisantes au moment de l’événement pour mettre en tension la coiffe des rotateurs. Il soumet, par ailleurs, qu’il est possible compte tenu d’une atteinte dégénérative préexistante que le mouvement effectué par le travailleur ait pu entraîner une certaine pression au niveau de la tête humérale ayant pu produire une bursite/tendinite de l’épaule. Lorsqu’il a évalué le travailleur au mois de mars 2011, il n’y demeurait aucun signe de cette bursite/tendinite, l’examen étant normalisé.

[48]        Le docteur Boivin précise que lors de l’évaluation effectuée par la docteure Desloges, il en était de même. La docteure Desloges a noté des amplitudes articulaires qui étaient complètes et les tests de mise en tension de la coiffe des rotateurs étaient non significatifs d’une lésion à cet endroit. En effet, le travailleur présentait une douleur au niveau postérieur de l’épaule, ce qui était incompatible avec les symptômes permettant de conclure à la positivité des tests. Il conclut que la membre du Bureau d’évaluation médicale aurait dû consolider la lésion en présence d’un examen objectif normalisé.

[49]        Par ailleurs, le docteur Boivin reconnaît qu’il n’a pas effectué de test pour détecter une lésion de type SLAP et que bien qu’elle ne détaille pas beaucoup ces trouvailles, la docteure Desloges constate la présence clinique d’une telle lésion lors de son examen.

[50]        Le docteur Boivin se dit également préoccupé par les résultats contradictoires des deux résonances magnétiques et note que s’il existait un phénomène inflammatoire lors de la première résonance magnétique, le tout était rentré dans l’ordre selon le protocole de la seconde.

[51]        Le docteur Boivin est donc d’avis que le seul diagnostic que l’on peut retenir comme étant en relation avec le mécanisme accidentel décrit par le travailleur en est un de tendinite/bursite de l’épaule droite. Les diagnostics de déchirure de la coiffe des rotateurs et SLAP ne sont ni la conséquence directe de la lésion professionnelle ni une aggravation d’une condition préexistante. Il s’agit plutôt de la manifestation d’une condition personnelle préexistante qu’il n’a pas, par ailleurs, constatée lors de ses deux évaluations médicales. Le docteur Boivin rappelle également que le travailleur a déjà présenté une période d’invalidité à raison d’une tendinite de l’épaule droite survenue en début de l’année 2010, laquelle n’avait pas été associée à un événement particulier.

[52]        Lors de son témoignage, le travailleur précise qu’effectivement son arrêt de travail, au début de l’année 2010, n’était pas consécutif à un geste quelconque et que la douleur s’était plutôt installée de façon graduelle. Le travailleur précise également qu’il a pu bénéficier d’une période de quatre semaines au Programme de développement des capacités de travail.

L’AVIS DES MEMBRES

[53]        Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que les seuls diagnostics à retenir en relation avec le fait accidentel survenu le 6 janvier 2011 sont ceux de tendinite/bursite de l’épaule droite sur une condition dégénérative de tendinite et de lésion de type SLAP. Ils considèrent que la preuve prépondérante repose dans le témoignage du docteur Boivin, à l’effet que le mécanisme accidentel n’a pas entraîné ni aggravé les conditions préexistantes de déchirure de la coiffe des rotateurs si une telle pathologie existe et de déchirure de type SLAP.

[54]        Compte tenu de la normalité des examens effectués par le docteur Boivin, en mars 2011 et par la docteure Desloges, membre du Bureau d’évaluation médicale, ils sont d’avis de retenir que la lésion professionnelle était consolidée en date du 25 mars 2011, sans nécessité de traitements supplémentaires.

[55]        Quant à la possibilité pour la CSST de référer le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est pour l’évaluation de sa capacité de travail et pour le développement de ses capacités, ils considèrent qu’eu égard aux diagnostics retenus à l’époque par la CSST et, en raison de la vraisemblance que le travailleur conserverait une atteinte permanente et, possiblement, des limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle, cette dernière était justifiée d’entreprendre des mesures de réadaptation physique visant à atténuer les conséquences de la lésion professionnelle.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossiers 441803-71-1106, 449437-71-1109, 466598-71-1203

[56]        La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur le ou les diagnostics qu’elle retient comme étant en relation avec la lésion professionnelle du 6 janvier 2011 de même qu’elle doit se prononcer sur la date de consolidation de la lésion et la nécessité de traitements.

[57]        La CSST a retenu comme diagnostics une entorse à l’épaule droite, une tendinite/bursite à l’épaule droite, une déchirure de la coiffe des rotateurs et une lésion de type SLAP de l’épaule droite.

[58]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de ne retenir que le diagnostic de tendinite/bursite de l’épaule droite.

[59]        La Commission des lésions professionnelles est d’avis d’accueillir la demande de l’employeur.

[60]        Le diagnostic d’entorse de l’épaule droite n’a été posé qu’à une seule occasion lors de la consultation initiale auprès du docteur Charron.

[61]        Le docteur Morel n’a pas repris ce diagnostic tout comme les docteurs Boivin, Desloges, Heron et Mac.

[62]        La Commission des lésions professionnelles ne retient pas ce diagnostic comme étant associé à la lésion professionnelle survenue le 6 janvier 2011.

[63]        Par ailleurs, la preuve prépondérante est à l’effet que le diagnostic de tendinite/bursite de l’épaule droite est associé au fait accidentel du 6 janvier 2011. Le docteur Boivin, expert mandaté par l’employeur, reconnaît cette réalité.

[64]        Quant aux diagnostics de déchirure de la coiffe des rotateurs et de déchirure de type SLAP, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que ces diagnostics ne sont pas tributaires de la lésion professionnelle. Ainsi, elle retient le témoignage livré par le docteur Boivin à l’effet que les mouvements effectués par le travailleur lors de l’accident du travail n’étaient pas susceptibles d’entraîner de telles lésions. Lors de l’audience, le travailleur a bien décrit le mouvement qu’il effectuait lors de l’apparition de ses symptômes. Ce mouvement mobilisait peu l’épaule et ne mettait pas en tension la coiffe des rotateurs.

[65]        La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que le travailleur a subi une tendinite/bursite de l’épaule droite sur une condition préexistante de tendinopathie dégénérative et de déchirure de type SLAP du labrum.

[66]        Quant à la date de consolidation de la lésion, la Commission des lésions professionnelles retient que lors de son évaluation du 25 mars 2011, le docteur Boivin a retrouvé un examen normal en ce qui a trait à un diagnostic de tendinite/bursite de l’épaule droite.

[67]        La docteure Desloges, membre du Bureau d’évaluation médicale, a également retrouvé des amplitudes articulaires normales lors de son évaluation.

[68]        Quant aux résultats des tests de mise en tension de la coiffe des rotateurs, le docteur Boivin souligne que la localisation des douleurs exprimées lors de ces mouvements fait en sorte que l’on doit retenir que ces derniers étaient négatifs. En effet, les douleurs se situaient à la face postérieure de l’épaule et à la tête humérale alors que pour être concluantes, on aurait dû les constater à la face antérieure ou antéro-latérale à l’épaule.

[69]        Le docteur Mac, pour sa part, retrouvait un examen avec des amplitudes articulaires de l’épaule qui étaient limitées. Il y a lieu de noter que cet examen a été fait près de 11 mois après celui réalisé par le docteur Boivin et qu’une évolution de la condition personnelle du travailleur peut en expliquer les constatations.

[70]        La Commission des lésions professionnelles retient donc que la consolidation de la lésion était acquise en date du 25 mars 2011.

[71]        En ce qui a trait aux traitements, la Commission des lésions professionnelles considère qu’ils n’étaient plus justifiés, eu égard le seul diagnostic retenu en relation avec la lésion professionnelle.

[72]        La Commission des lésions professionnelles ayant déterminé que les seuls diagnostics à retenir sont ceux de tendinite/bursite de la coiffe, et fixe la consolidation de ces lésions au 25 mars 2011, sans nécessité de traitements au-delà de cette date, et retourne le dossier à la CSST pour que cette dernière en finalise le traitement.

Dossier 476104-71-1207

[73]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST avait le pouvoir de référer le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est pour évaluer sa capacité de travail et mettre au point un programme de développement de sa capacité de travail.

[74]        La procureure de l’employeur soumet à la Commission des lésions professionnelles que la CSST n’avait pas le pouvoir de procéder de la sorte, compte tenu du fait que la docteure Desloges, dans le cadre du premier avis du membre du Bureau d’évaluation médicale émis le 17 juillet 2011, avait mis fin aux traitements d’ergothérapie.

[75]        Cet argument présente une certaine lacune, car bien que le programme de développement des capacités de travail ait été effectué par une ergothérapeute, le programme visant à déterminer sa capacité de travail a été réalisé par une physiothérapeute.

[76]        Au moment où la CSST a référé le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est, la docteure Desloges, dans le cadre du premier avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, avait maintenu les traitements de physiothérapie tout comme l’avait fait le docteur Mac ayant rendu le second avis du Bureau d’évaluation médicale.

[77]        De plus, aux yeux du soussigné, le Programme d’évaluation de la capacité de travail du travailleur de même que celui visant à développer sa capacité de travail ne constituent pas des traitements au sens des dispositions portant sur l’assistance médicale. En effet, ils ne visaient pas la stabilisation ou la guérison d’une pathologie médicale mais l’évaluation et l’atténuation de ses conséquences. Ils ont été autorisés par la CSST dans le but d’atténuer ou de faire disparaître les conséquences de la lésion professionnelle.

[78]        À l’intérieur des notes évolutives, la CSST précise que c’est en vertu de l’alinéa 5 de l’article 184 de la loi qu’elle a autorisé ces programmes. Cet article se lit comme suit :

184.  La Commission peut :

 

1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[79]        Pour le soussigné, lorsque la CSST cède à l’évaluation des capacités physiques du travailleur, elle cherche à développer sa capacité de travail par le biais d’un programme structuré, supervisé par des physiothérapeutes et ergothérapeutes. Elle procède en quelque sorte à de la réadaptation physique et sociale. Il y a lieu de noter que contrairement à l’assistance médicale qui vise à guérir et traiter une affection physique, la réadaptation physique et sociale vise à atténuer les conséquences d’une lésion professionnelle. Ainsi, les articles 148 et 151 de la loi édictent :

148.  La réadaptation physique a pour but d'éliminer ou d'atténuer l'incapacité physique du travailleur et de lui permettre de développer sa capacité résiduelle afin de pallier les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 148.

 

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[80]        La procureure de l’employeur soumet que la CSST ne pouvait mettre en place un programme de réadaptation alors que la lésion du travailleur n’était pas consolidée.

[81]        Au moment où la CSST a décidé de diriger le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est, le docteur Heron, chirurgien orthopédiste, qui traitait le travailleur, avait suggéré un programme de réadaptation. Cela laissait entrevoir de forte probabilité que le travailleur conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Le docteur Heron avait d’ailleurs évoqué la forte probabilité de procéder à une chirurgie.

[82]        Le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Mac, dans le cadre de son avis émis le 21 février 2012, avait souligné qu’au terme d’une période de traitements de physiothérapie additionnels de deux mois, il y aurait lieu de consolider le travailleur avec des limitations fonctionnelles ou de procéder à une intervention chirurgicale. Dans ces circonstances, la CSST était tout à fait fondée de considérer  qu’en toute probabilité, le travailleur nécessiterait la mise en place d’un plan de réadaptation.

[83]        Tel que le précisait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Guénette et Alpine Entrepreneur Général[1], le droit à la réadaptation peut être acquis avant la consolidation de la lésion. Le tribunal y écrivait :

[23] En l'instance, la lésion professionnelle du travailleur n'est pas encore consolidée et par conséquent ses séquelles permanentes n'ont pas encore été évaluées.  Or, selon l'article 145 de la loi, pour avoir droit à la réadaptation, le travailleur doit avoir subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique.

 

[24] Le travailleur a subi, en l'instance, une discoïdectomie L5-S1.  De toute évidence, il gardera une atteinte permanente à son intégrité physique de cette lésion.  Mais à quel moment peut-on établir l'existence d'une atteinte permanente qui va permettre l'ouverture au droit à la réadaptation ?

 

[25] La Commission des lésions professionnelles est entièrement d'accord avec l'avis exprimé dans l'affaire Gagné et Provigo Distribution inc. et C.S.S.T.1, où, le tribunal, après avoir fait une revue de la jurisprudence sur cette question, conclut que dès qu'il est médicalement possible de déterminer des séquelles permanentes de la lésion, la condition d'ouverture au droit à la réadaptation est rencontrée.

_____________

1     [2000] C.L.P. 456 .

 

 

[84]        La procureure de l’employeur a également soumis qu’en raison des coûts élevés de tels programmes, la CSST aurait dû attendre de connaître le tableau médical final du travailleur avant de les autoriser. La Commission des lésions professionnelles répondait de la façon suivante à de tels arguments dans l’affaire Constructions Louisbourg et Lépine[2] :

[122] Le procureur de l’employeur a soumis comme argument le fait que l’importance des frais engagés pour ce programme aurait dû justifier la CSST d’attendre d’avoir le rapport d’évaluation médicale du docteur Dahan avant de référer le travailleur dans un programme de cette nature. Il soumet, de plus, que le droit à la réadaptation visé par l’article 145 ne peut être exercé que lorsque le médecin traitant a fourni un rapport d’évaluation médicale énonçant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles du travailleur. Il soumet que le seul rapport final, produit par le docteur Dahan le 25 janvier 2005, attestant de l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles sans qu’elle ne soient précisées, ne permettait pas à la CSST de référer le travailleur dans un tel programme de développement des capacités de travail surtout que l’employeur avait contesté l’admissibilité de la réclamation du travailleur.

 

[123] La Commission des lésions professionnelles ne partage pas ce point de vue. Elle estime, au contraire, qu’à partir du moment où le médecin traitant produit son rapport final dans lequel il prévoit l’attribution d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, le droit du travailleur à la réadaptation est acquis. À partir de ces informations, la CSST pouvait, dans le but de faciliter la réinsertion au travail du travailleur convenir, comme elle a fait, de diriger le travailleur dans un tel programme de développement des capacités de travail.

 

 

[85]        Aux yeux du soussigné, compte tenu des informations dont disposait la CSST à l’époque pertinente, il était souhaitable que la CSST intervienne rapidement afin d’éviter une chronicisation de la condition du travailleur d’autant qu’elle disposait des justifications pour le faire.

[86]        La requête de l’employeur doit donc être rejetée.


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 441803-71-1106

ACCUEILLE EN PARTIE la requête déposée par l’employeur, Reitmans Canada ltée;

MODIFIE la décision rendue le 8 juin 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le seul diagnostic en relation avec la lésion professionnelle survenue le 6 janvier 2011 en est un de tendinite/bursite à l’épaule droite sur une tendinopathie de la coiffe des rotateurs avec lésion de type SLAP.

Dossier 449437-71-1109

ACCUEILLE la requête de l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 6 septembre 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle du travailleur survenue le 6 janvier 2011 était consolidée le 25 mars 2011, sans nécessité de traitements au-delà de cette date.

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle complète le traitement médical de la lésion pour déterminer si le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique de même que des limitations fonctionnelles.

 

Dossier 466598-71-1203

ACCUEILLE la requête déposée par l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 22 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la lésion professionnelle du travailleur survenue le 6 janvier 2011 était consolidée le 25 mars 2011, sans nécessité de traitements au-delà de cette date.

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle complète le traitement médical de la lésion pour déterminer si le travailleur conserve une atteinte permanente à son intégrité physique de même que des limitations fonctionnelles.

Dossier 476104-71-1207

REJETTE la requête de l’employeur;

CONFIRME la décision rendue le 26 juin 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail avait le pouvoir de référer le travailleur à la Clinique de réadaptation de l’Est pour évaluer sa capacité de travail et pour mettre au point un programme de développement de sa capacité de travail.

 

 

 

__________________________________

 

Michel Larouche

 

 

 

 

Me Francine Legault

HEENAN BLAIKIE

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Jean-François Brière

ENDO BRIÈRE LUSSIAÀ-BERDOU BOURGON

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1]           C.L.P. 153844-61-0101, 30 avril 2001, S. Di Pasquale.

[2]           C.L.P. 250252-71-0412, 19 septembre 2006, L. Couture.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.