Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

De Luxe produits de papier inc.

2013 QCCLP 1201

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

26 février 2013

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

468377-62-1204

 

Dossier CSST :

137658597

 

Commissaire :

Lucie Couture, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

De Luxe Produits de Papier inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

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DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 5 avril 2012, De Luxe Produits de Papier inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 8 mars 2012, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 16 décembre 2011 et déclare que l’imputation du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Maurice Dion (le travailleur), le 6 mars 2011, demeure inchangée.

[3]           Une audience a été convoquée le 20 décembre 2012, à Longueuil, à laquelle l’employeur était absent. Il avait toutefois fait parvenir son argumentation écrite au soutien de sa requête. Le tribunal rend donc sa décision après avoir pris connaissance de cette argumentation accompagnée de divers documents médicaux.


L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accorder un partage du coût des prestations versées au travailleur en vertu de l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit à un partage du coût des prestations versées au travailleur en vertu de l’article 329 de la loi.

[6]           Cet article se lit comme suit :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

 

 

[7]           L’employeur doit démontrer que le travailleur est handicapé au moment de la survenance de la lésion professionnelle.

[8]           La loi ne définit pas cette notion de « handicapé ». Cependant, depuis la décision rendue dans l’affaire Municipalité Petite-Rivière-St-François et CSST[2], la Commission des lésions professionnelles a retenu la définition suivante du mot handicapé, qu’on peut lire au paragraphe [23] de cette décision :

[…] un travailleur déjà handicapé au sens de l’article 329 de la loi est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion.

 

 

[9]           Ainsi, l’employeur doit démontrer, en premier lieu, que le travailleur est porteur d’une déficience. La jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, depuis la décision précitée, reconnaît qu’une perte de substance et une altération d’une structure ou d’une fonction physiologique, psychique ou anatomique, correspondant à une déviation par rapport à une norme biomédicale, répondent à cette notion de déficience.

[10]        La jurisprudence reconnaît également qu’un état personnel préexistant peut équivaloir à une déficience dans la mesure où cet état est suffisamment important pour être assimilable à une déviation par rapport à une norme biomédicale compte tenu, entre autres, de l’âge du travailleur.

[11]        L’employeur doit, en second lieu, démontrer que cette déficience a joué un rôle déterminant dans la production de la lésion ou dans les conséquences de celle-ci pour avoir droit à un partage en vertu de l’article 329 de la loi.

[12]        Pour apprécier la contribution de la déficience à la production de la lésion professionnelle, la jurisprudence[3] précise que plusieurs éléments peuvent être considérés, notamment la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initialement posé, l’évolution du diagnostic et de l’état du travailleur, la compatibilité entre le plan de traitement et le diagnostic reconnu en relation avec l’événement, la durée de la consolidation compte tenu de la nature de la lésion et la gravité des conséquences de la lésion professionnelle. Aucun de ces éléments n’est décisif à lui seul, mais pris dans leur ensemble, ils permettent d’apprécier le bien-fondé de la demande de l’employeur.

[13]        Qu’en est-il en l’espèce?

[14]        Le 6 mars 2011, le travailleur, un assistant-opérateur à l’emploi de l’employeur depuis 1975, subit une lésion professionnelle. En sortant de son véhicule, il glisse sur une plaque de glace, fait une chute et tombe par derrière, sur le côté droit. Par la suite, en montant les escaliers, il ressent une douleur à la jambe droite, à l’aine et au bas du dos. Il rapporte l’incident le même jour et cesse le travail.

[15]        Il consulte le docteur Nam qui pose, le 7 mars 2011, un diagnostic de contusion dorsolombaire. Il prescrit un arrêt de travail.

[16]        Le travailleur demeure sous les soins de son médecin qui reprend lors des visites de mars le diagnostic de lombalgie. Puis, en avril 2011, le docteur Nam parle d’entorse dorsolombaire. Des traitements de physiothérapie sont prescrits et le médecin prolonge l’arrêt de travail.

[17]        Le 20 mai 2011, le docteur Nam prescrit une résonance magnétique.

[18]        Le 31 mai 2011, l’employeur fait une demande de partage du coût des prestations en vertu de l’article 326 de la loi. Il évoque le fait que l’employeur n’a pas de contrôle sur les circonstances de l’accident puisque celui-ci est imputable au défaut d’entretien du stationnement. Il soumet que c’est l’entrepreneur responsable du déneigement qui est responsable de l’accident du travailleur. Il soumet que l’employeur ne pouvait effectuer une prévention adéquate pour empêcher les risques de blessures et n’a pas à supporter les coûts de l’accident.

[19]        Le 6 juin 2011, le docteur Joseph Kornacki, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande de l’employeur. Ce médecin note que le travailleur accuse des ankyloses de la colonne dorsolombaire. Il préfère attendre les résultats de la résonance avant de se prononcer, mais suggère une consolidation prochaine. Il note par ailleurs que les radiographies dorsales et lombaires démontrent des changements avec des hernies intra-spongieuses et des difformités des vertèbres associées à une perte de hauteur du mur antérieur, le tout serait compatible, selon lui, avec une maladie de Sherman, en jeune âge. Il n’y a pas de pincement intersomatique mis à part un léger pincement au niveau L4-L5 sans ostéophytose importante.

[20]        Le médecin est d’avis que les vagues irradiations dans les membres inférieurs, rapportées par le travailleur, ne correspondent pas à une vraie sciatalgie. Il rapporte un état de déconditionnement et une obésité très importante chez le travailleur puisque le travailleur pèse 310 livres et mesure 5 pieds et 11 pouces ¾.

[21]        Dans une note médico-administrative datée du même jour, le docteur Kornacki répond aux questions de l’employeur au sujet de la présence d’un état personnel préexistant qui pourrait interférer avec la consolidation de la lésion. Le médecin estime qu’il est trop tôt pour se prononcer sur la question. Néanmoins, il fait mention de l’obésité importante du travailleur qu’il qualifie de morbide. Il estime que cet état constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale même chez un travailleur du même âge. Il estime que le travailleur pourrait reprendre un travail léger respectant des limitations fonctionnelles de classe I avec une limite de poids à 15 kilogrammes.

[22]        Le tribunal note que le docteur Kornacki ne conclut pas que les autres constations faites à la radiographie constitueraient des handicaps.

[23]        Le 7 juin 2011, le travailleur subit une résonance magnétique. Le rapport de cet examen révèle ce qui suit :

D8-D9 : Il y a une calcification intra-discale ainsi qu’une minime saillie disco-ostéophytique large un peu asymétrique, plus proéminente en foraminal droit, qui ne cause pas de sténose foraminale ou canalaire. Pas de hernie discale.

 

D10-D11 :  Discrète saillie disco-ostéophytique large, sans hernie ni compromis canalaire ou foraminal.

 

D11-D12 :  Discrète saillie disco-ostéophytique large, sans hernie.

 

La vertèbre D11 prend un aspect discrètement cunéiforme, possiblement en lien avec une ancienne fracture avec perte de hauteur minime de moins de 10 %, sans atteinte du mur postérieur.

 

IRM LOMBAIRE :

 

[...]

 

L3-L4 : Début de changements dégénératifs facettaires légers et discret bombement discal à base large, sans signe de hernie. Légère diminution foraminale bilatéralement, peu significative, un peu plus marquée à gauche qu’à droite.

 

L4-L5 :  Légers changements dégénératifs facettaires avec léger bombement discal à base large, sans compromis canalaire ou foraminal.

 

L5-S1 :  Légers changements dégénératifs facettaires droits avec léger bombement discal large, sans hernie. Pas de compromis canalaire ou foraminal significatif. Pas d’anomalie de signal de la moelle osseuse. Le conus médullaire est bien positionné.

 

IRM DU BASSIN/ CSST

 

[…]

 

Conclusion :

 

Minime quantité de liquide dans les bourses trochantériennes bilatéralement.

Du côté droit, il y a un peu d’hypersignal dans les tissus mous graisseux adjacents à la bourse, une faible bursite trochantérienne est suspectée.

 

Discrets changements dégénératifs coxo-fémoraux bilatéralement.

 

 

[24]        Le 16 juin 2011, la CSST refuse la demande de transfert d’imputation au motif que le tiers en cause n’est pas majoritairement responsable de l’accident dont a été victime le travailleur. De plus, il n’est pas injuste pour l’employeur de supporter les coûts de l’accident puisque celui-ci fait partie des risques inhérents à la nature de l’ensemble de ses activités.

[25]        Le 4 juillet 2011, l’employeur demande la révision de cette décision.

[26]        Le 4 juillet 2011, le docteur Kornacki produit un rapport complémentaire à la suite de la réception du rapport de la résonance magnétique. Il maintient son diagnostic d’entorse lombaire et ajoute que le travailleur est porteur d’une coxarthrose légère bilatérale, qui estime être de nature personnelle et non reliée à l’événement du 6 mars 2011. Il juge la lésion consolidée à la date de son examen du 6 juin 2011. Les traitements ne sont plus nécessaires. Il accorde un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles de classe I.

[27]        Le 27 juillet 2011, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 16 juin 2011. Elle déclare que l’employeur n’a pas démontré que l’accident était attribuable à un tiers. Elle confirme que le coût de cet accident doit être imputé à l’employeur.

[28]        Le 21 septembre 2011, le docteur Pierre-Paul Hébert, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, mentionne que le travailleur n’a eu aucun accident de travail au cours des vingt-cinq dernières années. Il ne fait pas de diabète ni de cholestérol et n’a jamais fumé. Le travailleur mesure six pieds et pèse 302 livres. Il note des limitations importantes des amplitudes articulaires de la colonne dorsolombaire sans altération neurologique. Il ne voit pas la nécessité de poursuivre les traitements de physiothérapie après six mois. Il consolide donc la lésion professionnelle à la date de son examen, avec un déficit anatomophysiologique de 2 % et des limitations fonctionnelles de classe I.

[29]        Le 6 octobre 2011, la CSST rend ses décisions à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale. Ces décisions sont contestées par l’employeur et le 2 novembre 2011, la CSST, à la suite d’une révision administrative, les confirme.

[30]        Le 21 novembre 2011, l’employeur produit une demande de partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la loi. Il évoque les changements notés au niveau dorsolombaire tels que rapportés à la résonance magnétique de même que l’obésité morbide du travailleur comme étant des handicaps. Il est d’avis que l’accident était banal et que n’eut été de ces handicaps, la lésion aurait été consolidée plus rapidement.

[31]        Le 7 décembre 2011, la CSST détermine que malgré ses limitations fonctionnelles, le travailleur est capable d’exercer son emploi d’assistant-opérateur depuis le 5 décembre 2011.

[32]        Le 16 décembre 2011, la CSST refuse la demande de partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la loi. Le 9 janvier 2012, l’employeur en demande la révision.

[33]        Le 8 mars 2012, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme cette décision. Elle conclut que la preuve ne démontre pas que le handicap (obésité) ait pu jouer un rôle dans la survenance de la lésion ou dans ses conséquences. Elle estime que les modifications notées à la résonance magnétique ne constituent pas des handicaps étant donné l’âge du travailleur.

[34]        L’employeur dépose sa requête à la Commission des lésions professionnelles. Dans son argumentation écrite, au soutien de sa requête, l’employeur joint une expertise du docteur Denhade, effectuée le 25 mars 2011, de même que celle effectuée par le docteur Kornacki et reprise précédemment. Il joint une opinion sur dossier du docteur Raynald Rioux.

[35]        La représentante de l’employeur soumet qu’un indice de masse corporelle supérieur à 25 favorise une dégénérescence discale lombaire plus importante et que celle retrouvée chez le travailleur est attribuable à l’excès pondéral de ce dernier. De plus, selon une étude citée par le docteur Rioux, avant l’âge de 60 ans, la moyenne des disques dégénérés est de deux disques alors que le travailleur présente de la dégénérescence à trois niveaux. Ces constatations  démontrent selon la représentante que le travailleur était handicapé et que ce handicap est responsable du retard de consolidation. Elle demande au tribunal d’accorder un partage du coût des prestations. Elle s’appuie en cela sur l’opinion écrite du docteur Rioux et a produit une décision du tribunal au soutien de ses prétentions.

[36]        Le docteur Rioux soumet que le travailleur est porteur d’un handicap soit une obésité morbide avec un indice de masse corporelle (IMC) de plus de 40 kg/m2. Le travailleur est aussi porteur de phénomènes dégénératifs qui constituent une déviation par rapport à la norme biomédicale.

[37]        L’obésité a, selon le docteur Rioux, un impact négatif sur la sévérité de la lombalgie, comme il a pu le vérifier dans sa pratique et comme c’est confirmé par la littérature. Sur ce point précis, il ne dépose cependant pas de littérature.

[38]        Par ailleurs, il est aussi d’avis que les phénomènes dégénératifs dont est porteur le travailleur, bien que qualifiés de minimes, constituent néanmoins une déviation par rapport à la norme biomédicale. En effet, selon une étude de Boden[4], dont il a soumis un extrait, le fait que le travailleur présente des modifications à trois niveaux  constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale puisque selon cette étude, avant l’âge de soixante ans, la moyenne des niveaux atteints au niveau lombaire est de deux, alors que le travailleur est porteur de modifications dégénératives, à trois niveaux.

[39]        Il est d’avis que cela est encore plus vrai dans le présent dossier puisque la présence d’arthrose facettaire traduit la présence depuis longtemps d’une discopathie lombaire, en raison d’un « mécanisme d’altération de la répartition de la charge au niveau des facettes. » Il est d’avis que « cette dégénérescence s’est manifestée cliniquement en cours de route. »

[40]        Il est aussi d’avis qu’il y a un autre facteur personnel aggravant, soit le déconditionnement physique démontré par la résonance magnétique montrant une atrophie musculaire pelvienne et par le choix de traitement par le thérapeute, soit un programme de renforcement musculaire. Il est donc d’avis que la longue consolidation de 28.4 semaines dans ce dossier et le fait que le travailleur ait conservé une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sont le résultat des facteurs personnels préexistants et hors norme plus que l’événement lui-même. Il estime qu’un partage est indiqué en l’espèce.

[41]        Le docteur Rioux appuie son opinion sur dossier d’un document rédigé par lui, dans lequel il commente divers résumés d’études médicales.

[42]        Le tribunal note qu’il s’agit de résumés de littérature médicale commentés par le docteur Rioux. Seuls résumés de ces études ont été soumis au tribunal.

[43]        Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal est d’avis de rejeter la requête de l’employeur.

[44]        En l’espèce, l’employeur devait faire la preuve que le travailleur était porteur d’un handicap et que ce dernier avait joué un rôle dans la survenance de la lésion professionnelle ou dans ses conséquences.

[45]        Le tribunal partage l’opinion de la représentante de l’employeur selon laquelle, l’obésité du travailleur avec un indice de masse corporelle supérieur à 40 est assimilable à la notion de déficience telle que reprise précédemment. En effet, le tribunal est d’avis qu’un tel indice de masse corporelle s’écarte ou correspond à une déviation par rapport à la norme biomédicale au sens de la définition de déficience reprise précédemment.

[46]        Le tribunal ne partage toutefois pas l’avis de la représentante de l’employeur qui, s’appuyant sur l’opinion du docteur Rioux, estime que les modifications dégénératives, notées à la résonance magnétique subie par le travailleur, constituent également un handicap.

[47]        En effet, le tribunal note que seul le docteur Rioux au dossier qualifie ces anomalies de déficience, soit une altération d’une structure ou d’une fonction correspondant à une déviation par rapport à la norme biomédicale compte tenu de l’âge du travailleur.

[48]        Le tribunal note que le docteur Kornacki, qui a donné un avis complémentaire le 4 juillet 2011, à la suite de cet examen par résonance magnétique, ne qualifie nullement d’anormales les constatations faites à la colonne lombaire, à la suite de la résonance magnétique. Il qualifie la coxarthrose bilatérale de légère sans plus. Il estime qu’il s’agit d’une découverte sans lien avec la lésion professionnelle.

[49]        Le tribunal constate également que le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Pierre-Paul Hébert, qui a pris connaissance des résultats de cet examen radiologique, n’émettait aucun commentaire en lien avec ces constatations. Il note toutefois dans son rapport que le travailleur n’a aucun antécédent au niveau lombaire, qu’il travaille depuis 25 ans et n’a jamais subi de lésion professionnelle. Il n’est pas porteur de diabète ni ne fait de cholestérol. Aucun commentaire n’est également fait quant à la répartition du poids du travailleur. On ne décrit nullement un abdomen proéminent. Au contraire, le tribunal note que le docteur Kornacki mentionne que la lordose lombaire est normale.

[50]        De plus, le rapport du radiologiste qualifie les constatations faites à la colonne lombaire de légères ou de minimes.

[51]        Seul le docteur Rioux estime que les trouvailles faites à la résonance magnétique sont hors norme même chez un travailleur de 54 ans comme en l’espèce.

[52]        Le docteur Rioux s’appuie en cela sur le fait qu’une étude par IRM réalisée par Boden démontre que d’avoir trois niveaux lombaires porteurs de dégénérescence discale est anormal avant 60 ans.

[53]        Le tribunal ne peut tirer une telle conclusion de l’étude déposée. L’extrait auquel fait référence le docteur Rioux ne permet pas de tirer une telle conclusion. Le fait qu’en moyenne, deux niveaux lombaires soient atteints chez les sujets âgés de moins de soixante ans, ne permet pas de conclure que ce qui est noté par le radiologiste dans le cas du travailleur constitue une déviation par rapport à la norme biomédicale au sens de la définition de déficience reprise précédemment. Une moyenne de deux niveaux atteints même chez les travailleurs de moins de soixante ans ne convainc pas le tribunal qu’il s’agit d’une déficience en l’espèce.

[54]        Le docteur Rioux fait quelques commentaires à partir de résumé d’études médicales portant sur la lombalgie et l’obésité. Pour lui, il ne fait aucun doute que les sujets ayant un indice de masse corporelle comme celui du travailleur ont une incidence plus grande de lombalgie. De plus, l’obésité serait également la cause de la dégénérescence discale anormale chez le travailleur.

[55]        Ces assertions ne convainquent pas pour autant le tribunal que les constatations notées au niveau lombaire constituent une déficience en l’espèce. Si, comme le prétend le docteur Rioux, l’obésité devait avoir pour conséquence d’aggraver la dégénérescence discale et même de causer une arthrose, on peut se demander comment il se fait que dans le cas du travailleur, le radiologiste qualifie les signes de dégénérescence de légères ou de minimes. Si l’obésité importante du travailleur avait précipité les signes de dégénérescence lombaire, celle-ci aurait dû être plus importante que celle notée en l’espèce.

[56]        Le tribunal est d’avis que les modifications dégénératives notées par le radiologiste à la suite de la résonance magnétique ne peuvent être qualifiées de déficience en l’espèce.

[57]        Par ailleurs, même en retenant que le changement noté au niveau d’une vertèbre dorsale, qu’on semble associer à une éventuelle fracture, puisse équivaloir à la notion de déficience reprise précédemment, rien dans la preuve soumise ne démontre en quoi, cette déficience serait responsable de la durée de consolidation de la lésion professionnelle. Le tribunal estime également que l’hypothèse avancée par le docteur Kornacki, quant à la présence d’une maladie de Scherman chez le travailleur, n’est pas du tout corroborée par les autres médecins au dossier. Le docteur Hébert n’aborde pas cette question et le radiologiste qui interprète les modifications notées au corps vertébral D11-D12 n’en fait nullement état.

[58]        Le tribunal est aussi d’avis que rien dans la preuve offerte ne convainc le tribunal que la durée de consolidation a été anormalement prolongée en raison de l’obésité dont est porteur le travailleur.

[59]        Il ne suffit pas, en effet, de démontrer l’existence d’une déficience pour avoir droit à un partage. Il faut davantage. Il faut démontrer que cette déficience a joué un rôle dans les conséquences de la lésion professionnelle

[60]        Le seul fait de déposer des résumés d’études médicales semblant établir un lien entre une obésité et des lombalgies n’est pas suffisant pour conclure qu’il existe un retard de consolidation dans ce dossier attribuable à cette obésité.

[61]        En l’espèce, le travailleur a présenté une lombalgie/entorse dorsolombaire, après une chute sur une plaque de glace. Le tribunal estime qu’il ne s’agit pas d’un accident banal et de peu d’importance, comme le prétend le docteur Rioux. Les associations entre des cas de lombalgie et d’obésité, tels que rapportés dans les documents soumis, sont faites sans égard à l’existence d’un fait accidentel comme en l’espèce.

[62]        Le seul fait de se voir accorder une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles ne constitue pas une preuve du rôle joué par le handicap, dans cette attribution.

[63]        Par ailleurs, si une telle association est possible, il faut tout de même rapporter que le travailleur n’a présenté aucune lésion professionnelle dans les 25 dernières années et qu’aucun antécédent de douleurs lombaires n’est noté par les médecins dans le dossier.

[64]        Le tribunal est d’avis que même si un handicap est démontré en l’espèce, soit l’obésité importante du travailleur, aucune preuve n’est faite du rôle joué par ce handicap sur la survenance de la lésion ou sur ses conséquences.

[65]        La requête de l’employeur doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de De Luxe Produits de Papier inc. (l’employeur);

CONFIRME la décision rendue le 8 mars 2012, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la totalité du coût des prestations versées à monsieur Maurice Dion, le travailleur, relativement à la lésion professionnelle du 6 mars 2011, doit être imputée à l’employeur.

 

 

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Lucie Couture

 

 

 

 

Émilie Savard

MÉDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC.

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           [1999] C.L.P. 779 .

[3]           Hôpital Général de Montréal, [1999] C.L.P. 891 .

[4]           S.D. BODEN et al., « Abnormal Magnetic-Resonance Scans of the Lumbar Spine in Asymptomatic Subjects : A Prospective Investigation », (1990) 72 Journal of Bone and Joint Surgery, American Volume, pp. 403-408.

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