Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

L'Hébreux et Desjardins Sécurité financière, assurance-avie

2012 QCCLP 5595

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

30 août 2012

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

465594-03B-1203

 

Dossier CSST :

138512652

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administratif

 

Membres :

Michel Paré, associations d’employeurs

 

André Chamberland, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Marie-Josée L’Hébreux

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Desjardins Sécurité financière, Assurance-vie

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 15 mars 2012, madame Marie-Josée L’Hébreux (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 2 février 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 28 novembre 2011 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement de l’achat d’un lit de camp en relation avec la lésion professionnelle subie le 5 octobre 2011.

[3]           La travailleuse se représente seule à l’audience fixée à la Commission des lésions professionnelles siégeant à Lévis, le 16 août 2012. Desjardins Sécurité financière, Assurance-vie (l’employeur) a informé le tribunal par écrit de son absence à l’audience. La cause est mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement de l’achat d’un lit de camp à titre d’aide technique à la suite de l’intervention chirurgicale qu’elle a eue en raison de la lésion professionnelle subie le 5 octobre 2011.

[5]           Plus précisément, la travailleuse prétend qu’elle n’avait pas d’autre choix que de procéder à l’achat d’un tel lit puisqu’il ne lui était pas possible de louer un lit d’hôpital prescrit par son médecin, le docteur Michel Giguère, orthopédiste. Au surplus, elle soutient qu’il s’agissait de la solution la plus économique dans les circonstances.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis.

[7]           Ils considèrent que la travailleuse n’a pas droit au remboursement de l’achat d’un lit de camp parce qu’il n’est pas prévu à titre d’aide technique au Règlement sur l’assistance médicale[1] (le règlement) puisqu’il s’agit d’une liste exhaustive.

[8]           Ils sont donc d’opinion de rejeter la requête déposée le 15 mars 2012 par la travailleuse et de confirmer la décision rendue par la CSST le 2 décembre 2012 à la suite d’une révision administrative.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit au remboursement du coût d’achat d’un lit de camp à titre d’aide technique à la suite de l’intervention chirurgicale qu’elle a eue le 6 octobre 2011, en raison de l’accident du travail dont elle a été victime le 5 octobre 2011.

[10]        En vue de se prononcer à cet égard, le tribunal croit utile, dans un premier temps, de se référer aux dispositions législatives applicables.

[11]        L’article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) prévoit le droit à l’assistance médicale en ces termes :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

[notre soulignement]

 

 

[12]        Pour sa part, l’article 189 de la loi précise en quoi consiste cette assistance. Cet article se lit comme suit :

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

[notre soulignement]

 

 

[13]        Plus spécifiquement, le type d’aide technique et le montant qui peut être remboursé sont prévus au Règlement sur l’assistance médicale adopté en vertu de cette disposition. On peut y lire ce qui suit à la section II relative aux dispositions générales :

2.  Les soins, les traitements, les aides techniques et les frais prévus au présent règlement font partie de l'assistance médicale à laquelle peut avoir droit un travailleur, lorsque le requiert son état en raison d'une lésion professionnelle.

 

D. 288-93, a. 2.

 

[notre soulignement]

 

 

[14]        Quant à l’article 3, il établit les modalités de remboursement de cette assistance médicale. Il est ainsi formulé :

3.  La Commission de la santé et de la sécurité du travail assume le coût des soins, des traitements et des aides techniques reçus au Québec, selon les montants prévus au présent règlement, si ces soins, ces traitements ou ces aides techniques ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur avant que les soins ou traitements ne soient reçus ou que les dépenses pour ces aides techniques ne soient faites; à moins de disposition contraire, ces montants comprennent les fournitures et les frais accessoires reliés à ces soins, traitements ou aides techniques.

 

 

De plus, toute réclamation à la Commission concernant ces soins, traitements ou aides techniques doit être accompagnée d'une copie de la prescription du médecin qui a charge du travailleur, de la recommandation de l'intervenant de la santé le cas échéant, et des pièces justificatives détaillant leur coût.

 

D. 288-93, a. 3; D. 888-2007, a. 2.

 

[nos soulignements]

 

 

[15]        La section IV du règlement détermine les aides techniques visées et les frais remboursables. L’article 18 établit les règles générales. Il se lit comme suit :

18.  La Commission assume le coût de location, d'achat et de renouvellement d'une aide technique prévue à l'annexe II, aux conditions et selon les montants prévus à la présente section et à cette annexe, lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu'elle est nécessaire pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires découlant de cette lésion.

 

La Commission assume également les frais prévus à l'annexe II, aux conditions et selon les montants indiqués à cette annexe sur présentation de pièces justificatives détaillant leur coût.

 

D. 288-93, a. 18.

 

[nos soulignements]

 

 

[16]        De plus, l’article 22 apporte les précisions suivantes :

22.  Tout ajustement, achat ou renouvellement d'une aide technique dont le coût estimé est de 150 $ et plus doit être préalablement autorisé par la Commission sauf s'il s'agit de l'ajustement, de l'achat ou du renouvellement d'une aide visée aux articles 20 et 27.

 

D. 288-93, a. 22.

 

[nos soulignements]

 

 

[17]        Pour sa part, l’annexe II du règlement détermine plus précisément les coûts remboursables des frais liés aux aides techniques. Le quatrième paragraphe prévoit le cas des lits d’hôpitaux et accessoires. On y lit ce qui suit :

4°    Lits d'hôpitaux et accessoires:

 

Le coût de location d'un lit d'hôpital et de ses accessoires soit les côtés de lit, la table de lit, le cerceau, le trapèze et le tabouret d'utilité.

 

 

Le coût de location d'un lit d'hôpital électrique est assumé uniquement lorsque le travailleur n'a personne pouvant manœuvrer son lit au besoin et qu'il est capable de manœuvrer seul un lit électrique.

 

[notre soulignement]

 

 

[18]        Sur la base de ces paramètres, le tribunal doit maintenant se prononcer relativement à la présente affaire. Pour ce faire, il entend tout d’abord résumer les faits les plus pertinents à l’issue du litige.

[19]        La travailleuse occupe un emploi de conseillère aux affaires litigieuses chez l’employeur au moment où elle subit une lésion professionnelle le 5 octobre 2011.

[20]        Elle décrit ainsi les circonstances entourant la survenance de la lésion professionnelle au formulaire de réclamation qu’elle transmet à la CSST le 13 octobre 2011 :

Je me suis tournée la cheville gauche dans le stationnement, je suis tombée sur la rotule et elle s’est fracturée. J’ai quitté le stationnement en ambulance. [sic]

 

 

[21]        La travailleuse témoigne à l’audience et apporte plus de détail en relation avec l’événement.

[22]        Elle précise qu’elle est hospitalisée à l’Hôtel-Dieu de Lévis à compter du jour de l’événement, soit le 5 octobre 2011. Elle subit une chirurgie le lendemain, laquelle est pratiquée par le docteur Anger, orthopédiste. L’intervention chirurgicale vise à fixer sa rotule et à installer deux tiges et un cerclage. Elle est hospitalisée jusqu’à la matinée du 10 octobre 2011 où elle reçoit son congé de l’hôpital. Bien que le docteur Anger l’ait opéré, c’est le docteur Michel Giguère, également orthopédiste à l’Hôtel-Dieu de Lévis, qui assure le suivi postopératoire. À cette fin, il rédige notamment une série de prescriptions dont des copies sont produites au dossier du tribunal.

[23]        Ainsi, le 8 octobre 2011, il rédige deux ordonnances, l’une pour la location d’un lit d’hôpital (en raison d’une fracture de la rotule gauche et d’une grossesse) et l’autre pour la location d’une marchette et de béquilles. Le lendemain, il prescrit la location d’une chaise d’aisance et d’un fauteuil roulant.

[24]        La travailleuse indique qu’elle devait quitter l’hôpital dans la matinée du  9 octobre, mais puisque le docteur Giguère n’a pu la voir qu’en soirée, elle a dû attendre au 10 octobre avant de pouvoir retourner à son domicile. Elle rappelle qu’il s’agissait de la fin de semaine du congé de l’Action de grâces.

[25]        La travailleuse précise qu’au moment où le docteur Giguère est venu compléter les formalités en vue de son départ, il est entré en communication avec l’entreprise Orthèse Savard afin de régler la question de la location du lit d’hôpital. L’entreprise était alors fermée, tout comme le lendemain, puisqu’il s’agissait d’un congé férié.

[26]        La travailleuse poursuit son témoignage en disant que, face à cet état de fait, son conjoint s’est inquiété puisqu’il était impossible pour la travailleuse de dormir dans son lit, car ils habitent un cottage et que les chambres sont situées à l’étage. En raison de sa condition et particulièrement de l’immobilisation de sa jambe pour six semaines, il devait rapidement trouver une solution pour lui permettre de dormir au rez-de-chaussée.

[27]        Compte tenu de la situation créée par la fermeture d’Orthèse Savard, le conjoint de la travailleuse a tenté de trouver une solution à court terme pour accommoder la travailleuse et lui permettre de dormir au rez-de-chaussée. Il a donc fait une recherche sur Internet et a trouvé un petit lit gonflable sur une base métallique rétractable qui avait la même hauteur qu’un lit d’hôpital (environ 30 pouces) et permettait à la travailleuse de se coucher et de se relever en effectuant des transferts de poids avec de l’aide. Puisqu’ils ne leur étaient pas possible de louer un lit d’hôpital avant l’arrivée à domicile de la travailleuse et que cette situation s’avérait la plus économique, ils sont donc allés de l’avant avec l’achat d’un lit de camp au coût de 216,45 $  tel que le démontre la facture produite au dossier.

[28]        La travailleuse insiste sur le fait que c’est d’abord et avant tout la situation d’urgence et la non-disponibilité d’un lit d’hôpital qui a orienté son conjoint vers cette solution.

[29]        De plus, la travailleuse indique qu’il manquait d’espace au rez-de-chaussée pour installer un lit d’hôpital. Il aurait été nécessaire de faire entreposer l’une des causeuses qui se trouvait au rez-de-chaussée, qu’elle qualifie de très massive. Ceci aurait occasionné des coûts additionnels.

[30]        La travailleuse affirme qu’en toute bonne foi, son conjoint et elle considéraient qu’il s’agissait de la solution la plus économique dans les circonstances et ils n’envisageaient pas de problématique particulière à l’égard de la CSST. La travailleuse précise qu’elle en était à sa première réclamation auprès de cet organisme et que, depuis son accident, elle n’avait eu aucun contact avec la CSST. Elle se sentait laisser à elle-même dans les circonstances.

[31]        En toute transparence, elle admet qu’en aucun temps elle n’a douté que la CSST refuserait de rembourser cet achat puisqu’il s’agissait d’une solution lui apparaissant très raisonnable dans les circonstances.

[32]        Interrogée à ce sujet, la travailleuse mentionne qu’elle mesure 5 pieds et 9 pouces et qu’elle ne pouvait se coucher sur les causeuses qui étaient au rez-de-chaussée puisqu’elles n’étaient pas suffisamment longues. Elle ne pouvait non plus se coucher sur un matelas au sol, car elle n’aurait pas été en mesure de se relever de cette position. Elle insiste sur le fait qu’elle était enceinte de cinq mois et que sa condition, alliée à la fracture de la rotule gauche subie, la mettait à risque de complications d’ordre médical. Il fallait donc qu’elle soit en mesure de se déplacer de façon sécuritaire.

[33]        Bien que la travailleuse affirme qu’il n’y avait pas d’espace disponible au rez-de-chaussée pour installer un lit d’hôpital, elle informe le tribunal qu’elle habitait un cottage d’une dimension de 28 x 32 pieds et dont le salon était d’une dimension d’environ 14 x 16 pieds.

[34]        Il appert des notes évolutives de la CSST que la travailleuse a communiqué pour la première fois avec une agente d’indemnisation le 25 octobre 2011. Selon les notes au dossier, aucune discussion ne semble alors avoir lieu relativement au remboursement de l’achat du lit de camp.

[35]        Le 1er novembre 2011, elle communique avec monsieur Alain Plante. Il appert ce qui suit du message téléphonique pris à ce moment :

Commentaires

 

1. attention : IRR ***L’E PAIE DIRECTEMENT LA T. APRÈS P.O. ****

madame va retourner le chèque reçu de 113$ : à annuler SVP)

 

2. Pour sa sortie d’hopital, md avait prescrit location lit d’hopital car il fallait absolument qu’elle ait un lit au rez de chaussée

la chambre étant à l’étage , elle ne peut pas monter d’escalier de par fx de la rotule , (en plus du fait de sa grossesse : 24e semaine)

elle avait donc besoin d,un lit en bas mais l’espace étant restreint, elle aurait été obligée de payer pour faire entreposer un sofa pour pouvoir réussir à faire entrer un lit d’hopital dans le salon /

C’est pourquoi elle a dû trouver un lit beaucoup plus petit Elle a cherché le moins cher possible d’où le petit lit sur structure tubulaire acheté chez Can. Tire

** svp la rappeler pour autorisation de remboursement ***

***p.s. : envoi au c.é. = absence de l’intervenant et :

madame rappelait pcq " délai de 48h écoulé ce matin", depuis 1er message à ce sujet : [sic]

 

[notre soulignement]

 

 

[36]        Le tribunal constate que la travailleuse ne mentionne pas la non-disponibilité d’un lit d’hôpital alors qu’elle affirme en audience que c’est la raison première pour laquelle ils ont procédé à l’achat du lit de camp.

[37]        Le tribunal ne retrouve pas, aux notes évolutives, d’explications spécifiques relatives au refus du remboursement de l’achat d’un lit de camp. Néanmoins, il appert de la décision du 28 novembre 2011 que ce refus est basé sur le fait que ce type de dépense n’est pas remboursable en vertu de la loi. La travailleuse demande la révision de cette décision et formule les observations suivantes au soutien de sa demande :

[…]

 

Par la présente, nous contestons votre décision de refuser de rembourser ces frais.

 

Puisque ma chambre est au 2e étage et que j’étais dans l’impossibilité de monter les marches à cause de l’immobilité de ma jambe et au surplus que j’étais enceinte de 21 semaines, le docteur Michel Giguère m’avait prescrit un lit d’hôpital lors de ma sortie de l’hôpital. Toutefois, ce lit était trop gros pour entrer dans mon salon, nous aurions dû entreposer le sofa 3 places pour être en mesure de le placer dans la pièce, ce qui aurait engendré des coûts supplémentaires.

 

Mon conjoint a donc effectué une recherche afin de trouver une solution pour me coucher dans la maison et la solution a été de faire l’achat d’un lit de camp. Il était plus petit et nos pouvions le déplacer dans la pièce au besoin.

 

Le coût de location d’un lit d’hôpital aurait été plus dispendieux que le lit de camp. Donc, le coût du remboursement du lit de camp était plus avantageux pour vous. [sic]

 

[…]

 

 

[38]        Cette décision est confirmée par la révision administrative qui rappelle que le coût des aides techniques est assumé par la CSST selon les modalités prévues à la loi et au règlement. La révision administrative conclut que, puisque l’achat d’un lit de camp ne constitue pas une aide technique prévue au règlement, la travailleuse n’a pas droit au remboursement de son coût d’achat. Le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de cette décision.

[39]        Fait à noter, la travailleuse a informé le tribunal que sa lésion n’est toujours pas consolidée. La concomitance entre la survenance de cette lésion et la grossesse de la travailleuse ont retardé le suivi de sa condition. Elle ignore pour l’instant si elle conservera des séquelles permanentes des suites de cette lésion.

[40]        D’entrée de jeu, le tribunal constate que le Règlement sur l’assistance médicale prévoit qu’un lit d’hôpital peut constituer une aide technique. Il ne prévoit cependant pas que ce type de lit et n’en autorise pas l’achat, mais uniquement la location.

[41]        Néanmoins, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a permis, dans certaines circonstances, par assimilation, de considérer d’autres types d’équipement au même titre que le lit d’hôpital. C’est notamment le cas du lit orthopédique qui, dans certaines circonstances, a été considéré assimilable à un lit d’hôpital puisqu’il comporte des avantages similaires, dont le fait d’être ajustable[3].

[42]        En l’espèce, il appert clairement de l’ordonnance rédigée par le docteur Giguère que ce qui était requis, en relation avec la lésion de la travailleuse, était la location d’un lit d’hôpital pour lui permettre de réintégrer son domicile pendant sa convalescence. La pertinence de cette prescription n’est aucunement remise en cause par la CSST ou par le tribunal.

[43]        Cependant, la travailleuse soutient qu’il n’y avait pas de lit d’hôpital disponible et que son conjoint devait donc trouver une autre solution rapidement.

[44]        À ce sujet, le tribunal retient du témoignage de la travailleuse que ses recherches pour louer un lit d’hôpital se sont arrêtées à un appel téléphonique passé par le docteur Giguère à un seul fournisseur, soit Orthèse Savard. Le tribunal n’est pas convaincu que toutes les démarches qui pouvaient être faites en vue d’obtenir un lit d’hôpital ont été complétées.

[45]        De plus, le tribunal constate qu’en aucun temps le lit de camp qui a été acheté par le conjoint de la travailleuse n’a été prescrit ou recommandé par le docteur Giguère.

[46]        La soussignée souscrit à la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles qui, par assimilation, considère qu’un lit orthopédique ajustable peut avoir les mêmes qualités ou les mêmes propriétés qu’un lit d’hôpital. Il n’en va cependant pas de même pour un lit de camp qui, selon le témoignage de la travailleuse, comporte une base en métal rétractable supportant un matelas gonflable non ajustable ou inclinable.

[47]        Bien que le tribunal soit sensible à la situation de relative urgence vécue par le conjoint de la travailleuse à l’annonce du retour de sa conjointe à domicile, il n’est pas convaincu de la pertinence de l’achat d’un lit de camp compte tenu de l’état dans laquelle était la travailleuse; ce lit n’étant pas ajustable et ne présentant pas les autres caractéristiques du lit d’hôpital prescrit par son médecin.  

[48]        Il est vrai que, de prime à bord, le coût d’achat de cet équipement est peu élevé et peut vraisemblablement être plus économique que la location d’un lit d’hôpital pendant six semaines.

[49]        Néanmoins, ce seul argument ne suffit pas à conclure qu’il est remboursable en vertu du Règlement sur l’assistance médicale et plus spécifiquement par l’annexe II de ce règlement qui établit les modalités de remboursement des aides techniques.

[50]        Dans l’affaire Ouellet et Société des Alcools du Québec[4], la Commission des lésions professionnelles devait déterminer si la travailleuse avait droit au remboursement du coût d’acquisition d’un matelas et d’un oreiller orthopédique prescrits par son médecin.

[51]        Après avoir passé en revue les différentes dispositions législatives applicables, le juge administratif Michaud rappelle ce qui suit :

[38] Il résulte de ces dispositions que les aides techniques peuvent faire l’objet d’un remboursement par la CSST des coûts encourus, en autant qu’elles sont prévues au règlement et qu’elles ont été prescrites en rapport avec une lésion professionnelle.

 

[39] Or, un examen attentif de l’annexe II du règlement ne permet pas d’y retrouver le matelas et l’oreiller thérapeutiques prescrits par le docteur Gravel. La jurisprudence du tribunal a établi que les énumérations des mesures d’assistance médicale prévues à
l’article 189 de la loi et au règlement sont exhaustives2.
La CSST ne peut rembourser que le coût des aides techniques énumérées à l’annexe II du règlement. De même, le tribunal ne peut ordonner à la CSST de rembourser des aides techniques dont le législateur a choisi de ne pas acquitter les frais d’acquisition ou de location.

 

[40] De plus, la jurisprudence très fortement majoritaire du tribunal3 a plus d’une fois reconnu que le coût d’achat d’un matelas orthopédique n’a pas à être remboursé par la CSST en vertu de la loi ou du règlement.

 

[41] De même, la Commission des lésions professionnelles a refusé à plusieurs reprises le remboursement du coût d’achat d’un oreiller thérapeutique4.

 

                                       

2              Nadeau et Agro Distributions inc., C.L.P. 164182-04B-0106, 27 novembre 2001, F. Mercure; Sigouin et Planterra ltée, C.L.P. 169297-62C-0109, 28 mars 2002, L. Nadeau; Rebelo et J. B. Laverdure inc., C.L.P. 173709-71-0111, 16 avril 2003, C. Racine; Trudel et C. S. de l’Estuaire et CSST, C.L.P. 224977-09-0405, 25 août 2004, J.-F. Clément; Hébert et Commission scolaire des Hautes-Rives et CSST, C.L.P. 250448-62A-0412, 7 avril 2005, J. Landry; Cayouette et Gestion Clément Cayouette, C.L.P. 244581-63-0409, 7 juin 2006, J.-P. Arsenault; Tardif et Production de semences et de plants, C.L.P. 286266-01A-0604, 10 juillet 2006, M. Langlois; Fontaine et Knirps Canada inc. et CSST, C.L.P. 263575-61-0506, 10 janvier 2007, S. Di Pasquale; Dugas et Confiseries Regal, C.L.P., 327909-61-0700, 20 juin 2008, G. Morin.

3              Guilbault et Transport Papineau international, C.L.P. 120556-64-9907, 6 décembre 1999, F. Poupart; Ducharme et Simard-Beaudry Construction inc., C.L.P. 124926-04-9910, 22 janvier 2001, S. Sénéchal; Lebel et Société de transport de la communauté urbaine de Montréal, C.L.P. 144551-71-0008, 25 mai 2001, M. Zigby; Rouette et Prod. Reprographie Mid City inc., C.L.P. 166058-62C-0107, 12 avril 2002, M. Sauvé; Poulin et Transport André Poulin inc., C.L.P. 200126-03B-0302, 21 août 2003, M. Cusson; McCutcheon et Constructions René Leclerc (fermé), C.L.P. 220504-03B-0311, 14 juillet 2004, C. Lavigne; Richer et Le Médaillon d’Or enr. C.L.P.  227851-64-0402, 2 décembre 2004, R.-M. Pelletier; Lemire et Wolfbec construction inc., C.L.P. 230213-03b-0403, 5 février 2005, C. Lavigne; Landry et Banque de Montréal, C.L.P. 263179-61-0505, 22 novembre 2005, M. Duranceau; Pageau et Le Carrossier de Loretteville, C.L.P. 287644-31-0604, 13 novembre 2006, H. Thériault; Goldsmith et Westburne Québec inc., C.L.P. 251655-71-0412, 15 novembre 2006, C. Racine; Laliberté et Hôpital Sainte-Justine, C.L.P. 287457-61-0604, 21 septembre 2007, S. Di Pasquale; Brazeau et Ferme Avicole Brandon inc., C.L.P. 366516-63-0901, 26 août 2009, L. Morissette.

4              Béland et Les Services de gestion Quantun ltée, C.L.P. 111856-62-9903, 1er décembre 2000, G. Godin; Rahman et Les vêtements Multiwear inc., C.L.P. 151037-71-0011, 18 avril 2002, M. Bélanger; Poirier et Garderie Les Gardelunes, C.L.P. 219476-71-0311, 8 avril 2004, L. Couture.

 

[nos soulignements]

 

[52]        La soussignée partage cette interprétation de la loi et des dispositions réglementaires applicables au remboursement du coût des aides techniques qui reflète l’intention du législateur.

[53]        Dans ces circonstances, le tribunal est d’opinion que la travailleuse n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’un lit de camp à la suite de la lésion professionnelle subie le 5 octobre 2011.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée le 15 mars 2012 par madame Marie-Josée L’Hébreux, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 décembre 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’un lit de camp.

 

 

__________________________________

 

Ann Quigley

 

 

 

Me Esther Houle

CHOLETTE HOULE, AVOCATS

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           R.R.Q., c. A-3.001, r. 1.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Larocque et Les structures universelles inc., C.L.P. 93920-07-9801, 2 mars 1999, É. Ouellet; Gagnon et Multibois (St-René), C.L.P. 292879-01A-0606, 26 octobre 2007, N. Michaud.

[4]           393691-01A-0911, 15 septembre 2010, N. Michaud. Voir au même effet : Paquette et Bau-Val inc. et CSST, 324882-62C-0708, 28 avril 2008, C. Burdett.

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