Thérien et Plastiques Roto-Spec inc. |
2011 QCCLP 5851 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU RÉVOCATION
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[1] Le 15 octobre 2010, monsieur Robert Thérien (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 juillet 2010.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette une contestation du travailleur d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 4 septembre 2008 à la suite d’une révision administrative et déclare que la lésion professionnelle de nature physique subie par le travailleur le 20 février 2007 est consolidée le 17 janvier 2008 et que le travailleur n’en conserve aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle.
[3] Bien que dûment convoqué, Plastiques Roto-Spec inc. (l’employeur) est absent à l’audience. Le travailleur est présent et est représenté et la CSST est représentée à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 28 juin 2011, à Joliette.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer la décision rendue le 21 juillet 2010 au motif qu’il a découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente, conformément au premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête du travailleur est irrecevable parce que produite hors du délai prescrit par la loi. Il est d’avis que le travailleur n’a pas été diligent dans le suivi de son dossier. Il retient en effet qu’il a rencontré son médecin à cinq reprises après avoir effectué l’électromyogramme qu’il considère comme constituant un fait nouveau et ne s’est jamais informé du résultat de cet examen. Il ajoute qu’il aurait par ailleurs rejeté la requête en raison du fait que l’EMG invoqué comme élément nouveau ne constitue pas un fait nouveau qui aurait justifié une décision différente.
[6] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur a été produite dans un délai raisonnable suivant la connaissance du fait nouveau. Il est toutefois d’avis de rejeter la requête au mérite et retient sur cette question que les résultats de l’électromyogramme ne constituent pas un fait nouveau qui aurait pu justifier une décision différente.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la requête du travailleur est formulée ou non dans un délai raisonnable.
[8] Le paragraphe troisième de l’article 429.49 de la loi prévoit que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel. L’article 429.56 de la loi permet toutefois à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu’elle a rendue.
[9] L’article 429.57 prévoit que le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. Cet article prévoit ce qui suit :
429.57. Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien. Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.
La Commission des lésions professionnelles transmet copie de la requête aux autres parties qui peuvent y répondre, par écrit, dans un délai de 30 jours de sa réception.
La Commission des lésions professionnelles procède sur dossier, sauf si l'une des parties demande d'être entendue ou si, de sa propre initiative, elle le juge approprié.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a précisé que le délai raisonnable prévu à l’article 429.57 était de 45 jours[2], soit le même délai que le délai d’appel pour formuler une contestation en vertu de l’article 359 de la loi.
[11] Il appartient donc à la partie qui dépose une requête en révision ou en révocation de faire la preuve qu’elle a formulé sa requête dans un délai raisonnable.
[12] Toutefois, la requête du travailleur est formulée en vertu du paragraphe premier de l’article 429.56 de la loi et il invoque donc la connaissance d’un fait nouveau. Il importe donc de vérifier le moment où il a eu connaissance de ce fait nouveau.
[13] En effet, lorsqu’une procédure est basée sur la découverte d’un fait nouveau maintenant connu des parties, mais non disponible en temps utile, le point de départ du délai est le jour de la connaissance, par la partie qui l’allègue, du fait nouveau ainsi découvert[3].
[14] En l’espèce, l’audience au mérite de la présente affaire a eu lieu le 9 mars 2010 et le dossier a été mis en délibéré le 18 avril 2010. L’EMG invoqué comme fait nouveau a été passé le 28 avril 2010. La décision rendue par la première juge administrative a été rendue le 21 juillet 2010.
[15] Entre les mois d’avril et de septembre 2010, le travailleur a consulté le docteur Perreault à cinq reprises, mais il affirme que celui-ci ne lui a pas parlé du résultat de l’examen par EMG avant septembre 2010. Il explique n’avoir eu copie du résultat de son EMG, du 28 avril 2010, qu’au début du mois de septembre 2010, lorsqu’il a rencontré le docteur Michel Perreault.
[16] Il indique qu’après avoir obtenu copie du résultat de cet examen, il a communiqué avec son procureur de la FATA qui ne voulait plus le représenter, puis a donné le mandat à son actuel procureur de formuler la présente requête au début du mois d’octobre 2010.
[17] Le tribunal est en présence du témoignage crédible et non contredit du travailleur à l’effet qu’il n’a eu connaissance du fait nouveau qu’il invoque, constitué par l’EMG, qu’au début de septembre 2010.
[18] Le travailleur n’ayant eu connaissance des résultats de l’examen par électromyogramme qu’en septembre 2010, il a donc formulé sa requête du 10 octobre 2010 dans le délai raisonnable de 45 jours prévu par la loi. Sa requête est par conséquent recevable.
[19] Le tribunal doit maintenant décider s’il y a lieu de réviser ou de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 juillet 2010.
[20] Il rappelle que la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu’elle a rendue lui est conféré par l’article 429.56 de la loi, lequel édicte ce qui suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[21] Cet article apporte une dérogation au principe général énoncé par l’article 429.49 de la loi voulant qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel, de telle sorte qu’il y a lieu de considérer que la révision ou la révocation d’une décision n’est possible que pour les motifs prévus à l’article 429.56 de la loi.
[22] En l’instance, le procureur du travailleur fonde sa requête sur le premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi et invoque la découverte d’un fait nouveau, ici le résultat d’un électromyogramme du 28 avril 2010, qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente. Il soumet que la Commission des lésions professionnelles a écarté le rapport du docteur Duhaime au motif qu’il n’était confirmé par aucun test objectif, alors que cet EMG confirme ses conclusions. La requête du travailleur indique en effet ce qui suit :
8. La partie requérante vient tout juste de prendre connaissance des résultats d’un EMG effectué le 28 avril 2010, démontrant des anomalies compatibles avec une atteinte du sciatique poplité externe droit au genou et des signes d’atteinte neurogène chronique de degré léger au niveau de plusieurs muscles dépendant du myotome S1 bilatéralement, anomalies qui pourraient donc, dans le contexte clinique, témoigner d’une atteinte radiculaire S1 bilatérale chronique, le tout tel qu’il appert du document produit au soutien des présentes et communiqué sous cote R-1;
9. La Commission des lésions professionnelles doit réviser ou révoquer la décision qu’elle a rendue, puisqu’il a été découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utiles, aurait justifié une décision différente;
10. La Commission des lésions professionnelles a écarté le rapport du docteur Duhaime qui reconnaissait des séquelles, sur la base de son examen médical, mais qui, selon la Commission des lésions professionnelles, n’était confirmé par aucun test objectif;
11. Or, le EMG démontre qu’effectivement la partie requérante présente une atteinte radiculaire S1 bilatérale de nature chronique;
[23] Qu’est-il en l’espèce?
[24] D’abord, il y a lieu de préciser que le premier juge administratif devait décider si le travailleur conservait l’atteinte permanente de 2,2 % et des limitations fonctionnelles de classe I qu’il réclamait ou s’il y avait lieu de maintenir les conclusions du Bureau d’évaluation médicale qui concluait que les lésions professionnelles ne lui occasionnaient aucune atteinte permanente ou limitation fonctionnelle.
[25] Rappelons ici qu’il s’agit d’un travailleur qui exerçait les fonctions d’opérateur de machine pour l’employeur lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 20 février 2007, alors qu’il glisse et tombe dans une machine qui refroidit des moules de plastique et qu’il subit des lésions aux côtes et de nombreuses contusions.
[26] Le Bureau d’évaluation médicale du 31 mars 2008 retenait les diagnostics de multiples fractures bilatérales des côtes, d’entorse cervicodorsolombaire de contusion à l’épaule gauche et d’abrasion cutanée postéro latérale du coude gauche. Les questions d’ordre médical constituées par le diagnostic, la nécessité des traitements de même que la date de consolidation de ces lésions n’étaient pas contestées par le travailleur lors de l’audience de l’affaire.
[27] Le premier juge administratif rapporte les faits suivants :
[15] Concernant la lésion de nature physique, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve que le travailleur, qui exerce l’emploi d’opérateur de machine pour l’employeur depuis le mois d’août 2006, subit une lésion professionnelle le 20 février 2007.
[16] La lésion survient alors qu’il glisse et tombe dans une machine qui refroidit des moules de plastique. Il a alors le thorax de même qu’une partie des membres inférieurs écrasés par la machine. Le travailleur demeure 30 à 40 secondes dans la machine avant que celle-ci ne s’arrête. Il est aidé d’un collègue pour sortir de la machine.
[17] Le travailleur se dirige à l’hôpital en conduisant son automobile. Des radiographies du thorax permettent d’établir qu’il présente des fractures incomplètes des arcs axillaires des 5e, 6e et 7e côtes droites et qu’il présente des fractures déplacées des 8e et 9e côtes gauches avec présence de petites fractures incomplètes des 6e et 7e côtes gauches. Un minime pneumothorax est également noté.
[18] Bien que le travailleur reçoive son congé de l’hôpital, sa condition se détériore et le lendemain, il revient à l’hôpital où il rencontre la docteure Isabelle Morency, chirurgienne générale. Le travailleur ne présente pas de difficulté respiratoire ni d’histoire de perte de conscience ou de traumatisme crânien. Il est mis en observation pour 24 heures.
[19] Lorsqu’il reçoit son congé de l’hôpital, des diagnostics de fractures multiples bilatérales, abrasions multiples, particulièrement au bras et au coude droits et minuscule pneumothorax, sont retenus.
[20] Par la suite, le travailleur est pris en charge par son médecin traitant, le docteur M. Perreault. Le médecin prescrit des traitements de physiothérapie et des traitements d’acupuncture. En cours de suivi médical, le docteur Perreault demande différentes investigations.
[21] Le travailleur passe une radiographie pulmonaire le 20 mars 2007 qui démontre qu’il n’y a pas de pneumothorax résiduel. Le travailleur sera également investigué en raison d’une surdité de l’oreille droite post-accident. Il n’y a pas eu de suite à cette investigation en oto-rhino-laryngologie.
[22] Par la suite, il appert du dossier que les fractures de côtes évoluent bien et que le travailleur ne rapporte plus de douleur thoracique. Par ailleurs, il se plaint de plus en plus souvent de douleurs cervicales et lombaires. La persistance de ces douleurs amène le docteur Perreault à demander des radiographies et des résonances magnétiques du rachis.
[23] Le 5 avril 2007, des radiographies lombosacrées de la colonne dorsale, des épaules et des poumons sont réalisées. Ces examens paracliniques mettent en évidence une légère scoliose à convexité gauche au niveau lombosacré, sans signe de fracture, une légère atteinte dégénérative au niveau L5-S1 et une atteinte dégénérative aux niveaux T11 et T12. La radiographie de l’épaule ne révèle aucune lésion osseuse.
[24] Lorsque le docteur Perreault rencontre le travailleur le 9 mai 2007, il rapporte qu’il présente encore des douleurs persistantes au niveau thoracique et au niveau dorsal. Son examen aux sites des fractures thoraciques est très douloureux. Les apophyses épineuses de la colonne dorsale sont également très sensibles. Le médecin note que la force, la sensibilité et les réflexes des membres inférieurs sont préservés. Son examen neurologique est entièrement normal. Le médecin retient que le travailleur a présenté un poly-traumatisme avec douleurs thoraciques, fractures de côtes, pneumothorax et cervico-dorso-lombalgie post-traumatique. Le médecin recommande du repos et de la physiothérapie.
[25] L’investigation au niveau dorsal se poursuit par une résonance magnétique réalisée le 14 mai 2007 qui ne démontre pas d’évidence d’anomalie dorsale. Un scan thoracique sera toutefois demandé en raison d’une lésion suspecte du médiastin postérieur qui se révèlera toutefois bénigne par la suite. Lors du scan thoracique du 30 mai 2007, il appert que les fractures costales sont en voie de consolidation avec épaississement pleural surtout à gauche.
[26] Le 27 juin 2007, le docteur Perreault revoit le travailleur et note que celui-ci rapporte que les douleurs aux côtes se sont beaucoup atténuées, bien que les douleurs lombaires soient toujours présentes. Toutefois, l’examen du médecin démontre que la force, la sensibilité et les réflexes des membres inférieurs sont normaux malgré la présence de beaucoup de douleurs à la région lombaire.
[27] Le docteur Perreault revoit le travailleur le 13 septembre 2007. Le travailleur est décrit comme étant histrionique, se plaignant de douleurs diffuses au dos et à toute la région lombaire, descendant dans les fesses de même qu’à la région postérieure dorsale et à toute la région postérieure cervicale. L’examen du médecin démontre une flexion antérieure limitée à 15° au niveau lombaire alors que les autres amplitudes articulaires sont normales. Le médecin mentionne que la résonance magnétique a confirmé qu’il n’y avait pas de lésion significative si ce n’est un peu d’atteinte dégénérative des disques. Le médecin mentionne que puisque son examen neurologique des membres inférieurs est normal et que les réflexes sont symétriques et normaux de même que la sensibilité, il ne juge pas utile de demander un électromyogramme.
[28] Également, une résonance magnétique de la colonne complète est réalisée le 2 octobre 2007. Cet examen met en évidence la présence de protrusions discales et ostéophytiques aux niveaux C5-C6 et C6-C7 de petite taille, sans sténose spinale. Aucune anomalie n’est retrouvée au niveau dorsal alors qu’une discopathie dégénérative avec bombements diffus modestes des deux derniers disques lombaires est notée. Par la suite, une scintigraphie est réalisée le 5 novembre 2007, qui démontre que les lésions du gril costal sont compatibles avec des réactions post-traumatiques. Il n’y a toutefois pas d’évidence de lésion cervicale ou dorsale et l’examen est pratiquement normal au niveau lombaire sauf pour une minime activité en L5-S1 à gauche plus probablement d’ordre ostéo-dégénératif.
[29] Lors de la consultation du 7 novembre 2007, le docteur Perreault mentionne que le travailleur se plaint de douleurs de plus en plus sévères. Le 20 novembre 2007, il se plaint de douleurs chroniques et présente des spasmes étranges. Le médecin note toutefois que tous les examens paracliniques sont normaux et que la résonance magnétique de la colonne cervicale n’a révélé aucune anomalie significative.
[30] Pour tenter de soulager les douleurs lombaires du travailleur, le docteur Perreault prescrit un corset orthopédique lombaire au travailleur le 21 janvier 2008.
[28] Le tribunal ajoute qu’à compter de mai 2008, le travailleur est suivi pour un trouble anxieux et un trouble d’adaptation et de stress post-traumatique et est référé en psychiatrie. La Commission des lésions professionnelles a par ailleurs reconnu que le diagnostic de stress post-traumatique était en relation avec la lésion professionnelle.
[29] Le premier juge administratif retenait de ces éléments de la preuve médicale que le travailleur a subi principalement des blessures aux côtes et plusieurs contusions. Il est d’avis que l’ensemble des investigations réalisées a mis en évidence de la dégénérescence cervicale, dorsale et lombaire qui n’était pas de grande importance et qui n’expliquait pas les douleurs importantes dont se plaignait le travailleur.
[30] Il est aussi d’avis que la preuve médicale confirme que le travailleur ne conserve ni atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et rapporte les examens des docteurs Legendre, expert de la CSST, et Daoud, membre du Bureau d’évaluation médicale. Le premier juge administratif s’exprime comme suit :
[31] La Commission des lésions professionnelles retient de ces éléments de la preuve médicale, qu’à la suite de l’évènement du 20 février 2007 sur le plan physique, le travailleur a subi des lésions particulièrement au niveau des côtes, de même que plusieurs contusions.
[32] Toutefois, l’ensemble de l’investigation réalisée par le médecin traitant n’a pas permis de mettre en évidence de lésions traumatiques aux niveaux cervical, dorsal ou lombaire. Seuls quelques éléments de dégénérescence ont été notés et n’ont pas été interprétés par le médecin traitant comme étant de grande importance ni pouvant expliquer les douleurs importantes dont se plaint le travailleur tout au long du suivi médical.
[33] La preuve médicale subséquente vient, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, confirmer que le travailleur ne conserve ni atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion.
[34] À la demande de la CSST, le travailleur est examiné par le docteur P. Legendre, chirurgien orthopédiste, le 17 janvier 2008. Le médecin prend en considération les allégations de douleurs cervicales et lombaires importantes dont se plaint le travailleur et note également qu’il produit des bruits avec sa bouche de façon involontaire, phénomène présent depuis son accident. L’examen physique du docteur Legendre et particulièrement celui du rachis cervical et du rachis dorsolombaire, permet de constater que le travailleur est en mesure d’effectuer l’ensemble des amplitudes articulaires. Au niveau cervical, il y a une légère douleur diffuse à la palpation de la musculature paravertébrale cervicale. Le médecin note que les amplitudes articulaires se réalisent sans présence de douleur. Au niveau dorsolombaire, les amplitudes articulaires sont normales, mais il y a présence de douleur à l’extrême de la flexion et de l’extension. L’examen neurologique est normal pour les myotomes de L4 à S1. Seules des anomalies sont retrouvées en raison de séquelles de rupture du tendon d’Achille droit dont est porteur le travailleur. Le médecin note également la présence d’une douleur diffuse à la palpation de la musculature paravertébrale lombaire de façon plus importante à gauche. Il n’y a toutefois pas de spasme musculaire visualisé ou palpé. Le médecin réitère qu’aucune lésion ostéo-articulaire traumatique n’a été mise en évidence à l’investigation réalisée pour le rachis cervical, dorsal et lombaire.
[35] Considérant ces éléments et son examen normal, le docteur Legendre retient que le travailleur a présenté des fractures de côtes multiples qui sont actuellement consolidées sans évidence de mal-union significative et que le travailleur a présenté des cervico-dorso-lombalgies sans présence de lésion ostéo-articulaire traumatique de même qu’une plaie au coude gauche. Il estime que les lésions du travailleur sont consolidées le 17 janvier 2008 en raison de l’absence d’ankylose au niveau du rachis et en raison de l’absence de pseudarthrose au niveau des fractures de côtes. Il évalue le déficit anatomo-physiologique du travailleur à 0 % en raison des fractures de côtes consolidées sans séquelles fonctionnelles et des entorses cervicale et dorsolombaire sans séquelles fonctionnelles objectivées. Il estime que le travailleur ne conserve pas de limitations fonctionnelles en relation avec sa lésion professionnelle.
[36] Le dossier du travailleur est par la suite soumis au membre du Bureau d'évaluation médicale. Le docteur H. Daoud, dans son rapport du 31 mars 2008, conclut dans le même sens que le docteur Legendre en raison d’un examen superposable. Le médecin note, tout comme l’a fait le docteur Legendre, que le travailleur se plaint d’une persistance de douleur au niveau du rachis cervical et lombaire. Toutefois, le médecin, qui procède à un examen exhaustif de tous les sites de lésion rapportés par le travailleur, constate que les amplitudes articulaires du rachis cervical et du rachis dorsolombaire sont dans les limites de la normale. Seule une douleur en fin de mouvement est notée à l’extrême flexion latérale gauche du rachis cervical et à la flexion antérieure, l’extension et aux flexions latérales du rachis lombosacré. Des douleurs sont retrouvées à la palpation de la ligne médiane à partir de L1 jusqu’à S1 et à l’angle ilio-lombaire droit et gauche. L’examen neurologique du médecin est entièrement normal tant pour les membres supérieurs que pour les membres inférieurs sauf pour certaines faiblesses retrouvées au pied droit secondaires à une ancienne rupture du tendon d’Achille. Le docteur Daoud retient les diagnostics de fractures de côtes multiples bilatérales, 5e, 6e et 7e côtes droites et 6e, 7e, 8e et 9e côtes gauches, entorse cervico-dorso-lombaire et contusion de l’épaule gauche avec abrasion cutanée postéro latérale du coude gauche. Il estime que les lésions sont consolidées à la date de l’examen réalisé par le docteur Legendre le 17 janvier 2008 et estime qu’il n’y a pas lieu de recommander d’autres traitements et il n’y a aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles en relation avec cette lésion.
[37] La Commission des lésions professionnelles constate que les examens et les conclusions des docteurs Legendre et Daoud sont superposables et s’accordent avec l’ensemble de la preuve médicale au dossier.
[31] Discutant ensuite du rapport du docteur Duhaime, l’expert du travailleur, le premier juge administratif explique qu’à l’examen objectif, le docteur Duhaime retrouve une flexion antérieure qui se fait entre 70° et 80° et une extension limitée à 10°. Les flexions latérales et les rotations qu’il constate sont normales et son examen neurologique des membres inférieurs est également normal de même que l’examen de la colonne cervicale démontre des amplitudes articulaires normales.
[32] Il est toutefois d’avis de ne pas retenir les conclusions du docteur Duhaime et juge que la preuve médicale prépondérante est à l’effet de conclure que le travailleur ne présente pas d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles. Il retient à cet égard que le docteur Duhaime est le seul à constater des limitations d’amplitudes articulaires au niveau lombaire et fait cette constatation le 12 novembre 2008, alors que la lésion professionnelle est consolidée depuis plusieurs mois, soit depuis le 17 janvier 2008.
[33] Il conclut que l’opinion du docteur Duhaime n’est pas prépondérante et maintient les avis médicaux des docteurs Legendre et Daoud. Le premier juge administratif analyse ces questions comme suit :
[38] Toutefois, le travailleur oppose à cette preuve l’expertise médicale réalisée par le docteur M. Duhaime le 12 novembre 2008. Ce médecin fait état des mêmes plaintes du travailleur. Toutefois, à l’examen de la colonne thoraco-lombaire, il retrouve une diminution des amplitudes articulaires. En effet, la flexion antérieure se fait entre 70° et 80° et l’extension est limitée à 10°. Les autres amplitudes, soit les flexions latérales et les rotations, sont normales. L’examen neurologique des membres inférieurs est également normal. L’examen de la colonne cervicale démontre des amplitudes articulaires normales. Le docteur Duhaime retient les mêmes diagnostics que ceux posés par le docteur Daoud. Il estime toutefois que la consolidation de la lésion devrait être établie à la date de l’examen réalisé par le docteur M. Dubreuil, neurologue, le 24 avril 2008, qui éliminait une atteinte neurologique chez le travailleur. Il établit un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles et des limitations fonctionnelles correspondant à la classe I de l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (l’IRSST).
[39] Malgré ces éléments rapportés par le docteur Duhaime, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure dans le sens recherché par le travailleur. La prépondérance de la preuve médicale établit plutôt que le travailleur ne conserve pas d’atteinte permanente, l’ensemble de ses lésions n’entraînant pas de signe objectif de persistance de lésion. Seul le docteur Duhaime retrouve des diminutions d’amplitudes articulaires au niveau lombaire. Il est le seul médecin à retrouver cet élément et son examen est réalisé plusieurs mois après la date de consolidation de la lésion du travailleur.
[40] La date de consolidation recommandée par le docteur Duhaime ne peut être retenue car lorsque le travailleur rencontre le docteur Dubreuil, le 24 avril 2008, la consultation est demandée par le docteur Perreault en raison d’un trouble du comportement du travailleur. Cette consultation n’était pas reliée aux problèmes ostéo-articulaires du travailleur.
[41] La Commission des lésions professionnelles estime que l’opinion du docteur Duhaime ne fait pas prépondérance au dossier. La Commission des lésions professionnelles constate plutôt que les examens réalisés par les docteurs Legendre et Daoud n’ont pas permis de mettre en évidence de séquelles objectives reliées à la lésion professionnelle du 20 février 2007 de façon contemporaine à la date de consolidation de la lésion du travailleur.
[42] Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de maintenir les conclusions émises par le membre du Bureau d'évaluation médicale reprises par la CSST dans sa décision du 4 septembre 2008.
[34] Le tribunal précise d’entrée de jeu qu’il ne retient pas l’argument du travailleur voulant que le premier juge administratif a écarté l’opinion du docteur Duhaime parce que son avis médical n’était pas confirmé par un test objectif. En effet, jamais le premier juge administratif ne fait une telle affirmation.
[35] Il a plutôt rejeté l’opinion du docteur Duhaime et considéré que la preuve médicale prépondérante allait dans le sens de l’absence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles et retenu comme plus prépondérants les avis médicaux des docteurs Legendre et Daoud. Il a également expliqué ne pas retenir l’opinion du docteur Duhaime parce que les examens objectifs des docteurs Legendre et Daoud étaient superposables alors que le docteur Duhaime retrouvait un examen plus limité que ceux des deux autres examinateurs, que le travailleur rapportait les mêmes plaintes subjectives et que la lésion professionnelle était déjà consolidée depuis 10 mois.
[36] L’absence d’un test paraclinique objectif, comme un EMG, ne constitue donc pas un des motifs de rejet de la contestation du travailleur par le premier juge administratif.
[37] La jurisprudence[4] a établi trois critères pour conclure à l’existence d’un fait nouveau, soit :
1- la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;
2- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3- le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.
[38] D’abord, le tribunal indique qu’il retient que le fait nouveau allégué n’était pas disponible au moment où s’est tenue l’audience initiale puisque l’EMG n’a été passé que le 28 avril 2010 et que l’audience a eu lieu le 9 mars 2010.
[39] Il retient de plus que le travailleur a découvert ce fait nouveau postérieurement à la décision du 21 juillet 2010, puisqu’il a été démontré que le travailleur a eu connaissance de ce fait nouveau en octobre 2010.
[40] Le tribunal est toutefois d’avis que les informations contenues au rapport de l’EMG ne constituent pas un élément nouveau qui aurait pu justifier une décision différente.
[41] D’abord, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il est insuffisant pour le travailleur d’alléguer que l’EMG du 28 avril 2010 aurait changé le cours des choses et occasionné une décision différente. Il avait le fardeau de le démontrer. Or, il n’a offert aucune preuve de nature médicale pour appuyer sa prétention et démontrer en quoi les informations médicales contenues au rapport du 28 avril 2010, auraient pu amener le premier juge administratif à faire droit à la contestation du travailleur et lui accorder l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles qu’il demandait.
[42] La Commission des lésions professionnelles s’est tout de même demandé si le dossier du tribunal était suffisant pour conclure en ce sens. Elle est d’avis de répondre par la négative.
[43] Il y a d’abord lieu de préciser ici que le tribunal n’est pas en présence d’un fait nouveau au sens du paragraphe premier de l’article 429.56 de la loi du seul fait que le travailleur ait passé un examen par EMG postérieurement à l’audience et à la mise en délibéré de l’affaire. Conclure autrement signifierait que la Commission des lésions professionnelles s’autoriserait à réviser perpétuellement ses décisions pour permettre à une partie de produire tout type de preuve obtenue après l’audience[5]. Ce n’est donc pas l’EMG comme tel qui constitue le fait nouveau, mais bien les informations médicales que le rapport du neurologue qui a procédé à cet examen contient.
[44] Il apparaît clair au tribunal que le rapport de l’EMG n'était pas disponible lors de l'audience initiale et que ce n'est que lorsque la décision ait été rendue que le travailleur a obtenu copie de ce rapport. Le tribunal est cependant d’avis que l’information contenue audit rapport n'était pas susceptible de justifier une décision différente.
[45] En effet, le neurologue Jean-François Arbour conclut que le patient présentait aux membres supérieurs des anomalies de conduction en faveur d’un tunnel carpien modéré à droite et un peu moins marqué à gauche. Or, le tunnel carpien ne constitue pas une lésion reconnue à la suite de la lésion professionnelle du 20 février 2007. Cette constatation n’a en conséquence aucune incidence sur le litige dont était saisi le premier juge administratif.
[46] Aux membres inférieurs, il constatait une atteinte modérée, démyélinisante et axonale du sciatique poplité externe du genou droit. Il note que le patient lui confirme qu’il avait présenté un écrasement du genou droit lors du traumatisme de 2007.
[47] La Commission des lésions professionnelles constate toutefois que le Bureau d’évaluation médicale a retenu les diagnostics de multiples fractures bilatérales des côtes, d’entorse cervicodorsolombaire, de contusion à l’épaule gauche et d’abrasion cutanée postéro latérale du coude gauche et qu’aucune lésion par écrasement du genou n’a en conséquence été reconnue en relation avec la lésion professionnelle du 20 février 2007.
[48] Le docteur Arbour conclut finalement que l’étude des muscles des membres inférieurs a permis de constater des signes d’atteinte neurogène chronique de degré léger au niveau de plusieurs muscles dépendant du myotome S1 bilatéralement, pouvant témoigner d’une légère atteinte radiculaire S1 chronique. Le neurologue indique toutefois à son rapport que l’IRM lombaire avait déjà démontré la présence de modifications dégénératives qui entraînait une légère sténose foraminale de L5-S1 à gauche.
[49] Or, la présence d’une dégénérescence lombaire chez le travailleur était déjà documentée au dossier du premier juge administratif par la radiographie lombosacrée du 5 avril 207, la résonance magnétique du 2 octobre 2007 et la scintigraphie osseuse du 5 novembre 2007. Cette constatation ne constitue donc pas un fait nouveau au dossier. Le tribunal ajoute que la seule présence d’une imagerie médicale ou d’une légère atteinte neurologique en relation avec de la dégénérescence lombaire ne saurait confirmer ou infirmer l’existence d’une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles. C’est principalement aux examens objectifs des différents examinateurs et aux témoignages que s’en remet le juge administratif lorsqu’il doit décider de ces questions. En l’espèce, il a analysé les examens cliniques des différents examinateurs et a retenu que la preuve prépondérante n’allait pas dans le sens désiré par le travailleur.
[50] Le tribunal est d’avis que le rapport d’EMG qui confirme une légère atteinte neurogène de S1 reliée à de la dégénérescence lombaire ne constitue pas un fait nouveau susceptible de justifier une décision différente sur l’existence d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles consécutives à la lésion professionnelle du 20 février 2007 et rejette la requête.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Robert Thérien, le travailleur.
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Francine Mercure |
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Me André Laporte |
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Laporte Lavallée |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Mathieu Perron |
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Vigneault, Thibodeau, Giard |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Bottreau et AMF Technotransport inc., [1998] C.L.P. 1352 ; Adam et Réal Locas & Fils inc., C.L.P. 92669-63-9711, 14 avril 1999, J.-L. Rivard; Émond et Environnement routier NRJ inc., C.L.P. 104687-62-9807, 20 mars 2000, D. Lévesque; Chic Négligé inc., [2001] C.L.P. 189 .
[3] Arbour et Banque nationale du Canada, 104372-63-9808, 27 septembre 2999, C. Bérubé; Desmarais et Les aliments Carrières inc., 144661-62B-0008, 21 août 2002, L. Boucher.
[4] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque.
[5] Succession Roland Bouchard et Construction Norascon inc., 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau, (07LP-259).
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