DÉCISION
Dossier 180063-05-0203
[1] Le 6 mars 2002, le Groupe De Décoration Domiciliaire Impérial (Canada) ULC (l’employeur) dépose une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 25 février 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision est à l’effet d’accepter la réclamation de madame Johanne Dion (la travailleuse), pour une maladie professionnelle qui se serait manifestée le 29 juin 2001 (tendinite de la coiffe des rotateurs et du sus-épineux droit) et de refuser le diagnostic de DIM cervical.
Dossier 190927-05-0209
[3] Le 24 septembre 2002, l’employeur conteste une décision rendue le 13 septembre 2002 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[4] Cette décision est à l’effet de confirmer une décision de la CSST ayant entériné l’avis émis par un membre du Bureau d’évaluation médicale et conclut, en relation avec la lésion professionnelle du 29 juin 2001, que le diagnostic de la maladie en est un de syndrome d’accrochage et d’abutement au niveau de l’épaule droite; que cette lésion était consolidée au 13 juin 2002 sans nécessité de soins ou traitements à compter du 16 juillet 2002. Les diagnostics de syndrome d’accrochage à l'épaule gauche et de cervico-brachialgie droite ne sont pas jugés comme étant reliés à la lésion professionnelle.
[5] À l’audience, la travailleuse et l’employeur sont présents et représentés.
OBJET DES LITIGES
[6] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure que madame Dion n’a pas subi de maladie professionnelle le 29 juin 2001 et si la Commission des lésions professionnelles concluait autrement, il demande de conclure que cette lésion était consolidée le 13 mars 2002 sans nécessité de traitements après cette date.
LES FAITS
[7] La travailleuse est opératrice à l’emballage de rouleaux de papier peint depuis 1987 chez l’employeur. Elle soumet une réclamation à la CSST pour un événement qu’elle identifie au 29 juin 2001 et elle décrit celui-ci sur « l’Avis de l’employeur et demande de remboursement » :
En travaillant j’ai tiré pour prendre mes rouleaux j’ai senti une vive douleur au niveau de mon épaule et de mon bras.
[8] Une première attestation médicale émise le 29 juin 2001 par le docteur Viens indique comme diagnostic « tendinite sus-épineux D, DIM cervical haut, arthralgie mains secondaire aux mouvements répétitifs ». Le docteur Viens suggère des travaux légers, prescrit des anti-inflammatoires et deux semaines plus tard, il réfère la travailleuse en physiothérapie.
[9] À l’audience, l’employeur produit une vidéocassette du poste de travail occupé par la travailleuse et celle-ci la commente. Il est à noter que ce n’est pas la travailleuse qui est filmée sur cette vidéocassette.
[10] Le poste occupé à l’emballage consiste principalement en deux tâches, lesquelles sont en principe alternées à toutes les deux heures. La première tâche consiste à prendre les rouleaux de papier peint sur une étagère d’une hauteur de cinq pieds qui contient cent trente-cinq rouleaux. Chaque rouleau pèse trois livres et cinq onces. La travailleuse doit prendre les rouleaux un par un et les déposer sur le convoyeur, qui lui les emballe.
[11] Le deuxième poste consiste à prendre les rouleaux qui sortent de l’emballeuse et à les déposer dans des boîtes, généralement six par boîte, boîtes qui sont à la hauteur de la ceinture ou un peu plus haute. Les boîtes sont ensuite « scotchées » et déposées sur une palette située par terre.
[12] La travailleuse indique qu’il s’agit bien du poste qu’elle occupait lors de son arrêt de travail, mais elle précise qu’elle travaille plus vite que la travailleuse filmée. Elle dit mesurer cinq pieds deux pouces.
[13] Elle explique que pour fournir le convoyeur, elle commence à vider l’étagère de rouleaux, une rangée à la fois, en commençant du haut vers le bas. Lorsqu’elle prend les rouleaux sur le dessus de la pile, son bras est à 100°-110° d’élévation. Elle explique par ailleurs que sur l’étagère, jusqu’en avril 2001, il y avait une pile supplémentaire sur le dessus, ce qui fait que ça montait à six pieds de haut et qu’il pouvait y avoir jusqu’à deux cents rouleaux, selon la grosseur de ceux-ci.
[14] Elle mentionne qu’elle peut vider de huit à quinze étagères par quart de travail et estime manipuler de mille à mille cinq cents rouleaux pour un quart de travail de huit heures. On peut voir que lorsqu’elle prend le rouleau, elle fait une rotation de l’épaule pour le déposer sur les machines.
[15] La travailleuse précise que les rouleaux sont parfois collés ensemble et qu’elle doit taper avec la paume de sa main droite et tirer dessus pour le sortir de l’étagère.
[16] Elle mentionne qu’elle n’était pas capable de faire deux heures complètes à vider les étagères puisque cela lui causait trop de douleurs. Elle s’était entendue avec sa collègue de travail et lorsqu’il y avait une palette de pleine, soit cinquante boîtes de six rouleaux, elles échangeaient leurs postes.
[17] Le 29 juin 2001, en prenant un rouleau et en tirant dessus, elle a ressenti une douleur à l’épaule plus vive et à ce moment-là, elle était à sortir un rouleau dans le haut de l’étagère lorsque c’est arrivé. Cela a fait tellement mal que le soir, elle est allée voir un médecin.
[18] Elle explique qu’elle a déjà eu des douleurs à son bras droit à ce poste de travail, qu’elle l’a déclaré à son contremaître vers août 2000, mais elle croyait que cela allait passer et elle n’a pas consulté de médecin. Elle ne s’était pas absentée à ce moment non plus.
[19] Quant au poste où elle doit remplir les boîtes, la travailleuse explique qu’elle prend six rouleaux à la fois et qu’elle les met dans la boîte, doit « scotcher » les côtés et pour ce faire, elle a le bras droit à environ 70° d’élévation. Elle met ensuite la boîte sur la palette.
[20] Réinterrogée par l’employeur à savoir combien de temps cela prenait pour remplir une palette, la travailleuse précisera que cela prend de vingt à vingt-cinq minutes et que donc, elle changeait de poste à toutes ces séquences.
[21] Quant à la douleur entre août 2000 et juin 2001, la travailleuse précisera que celle-ci était intermittente. Elle n’a jamais eu d’antécédents de douleurs à l’épaule droite ou à l’épaule gauche.
[22] Au dossier, on retrouve plusieurs expertises médicales dont la première demandée par l’employeur au docteur Gilles Lamoureux, orthopédiste qui a examiné la travailleuse le 9 octobre 2001 et rédigé son rapport le lendemain.
[23] Le docteur Lamoureux, lorsqu’il a examiné la travailleuse, a visionné la vidéocassette vue à l’audience. Après avoir procédé à l’examen physique, le docteur Lamoureux confirme la présence d’une tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et n’objective pas cependant de lésion au niveau cervical. Il conclut que la lésion n’est pas encore consolidée et qu’il persiste des manifestations objectives d’accrochage.
[24] Le 29 novembre 2001, le docteur Viens réfère la travailleuse au docteur David Farrar qui la verra le 19 décembre suivant, et il diagnostique une tendinite de la coiffe des rotateurs ainsi qu’une dysfonction acromio-claviculaire et réfère la travailleuse en physiothérapie à la clinique de médecine sportive.
[25] Le 7 novembre 2001, le docteur Jacques Nolin, chirurgien orthopédiste, à la demande de l’employeur, examine le dossier de la travailleuse ainsi que la vidéocassette et donne son opinion sur le lien à établir entre le poste de travail de madame Dion et la pathologie diagnostiquée.
[26] Le docteur Nolin note que l’analyse du poste de travail, à la lumière de la vidéocassette, révèle que la tâche à l’emballage comporte des élévations du membre supérieur droit à 90° ou plus. Il note que la travailleuse mesure cinq pieds deux pouces et qu’elle est droitière et évalue qu’environ cinquante-six rouleaux sur deux cents sont localisés à une hauteur de 90° ou plus et que les manipulations faites à cette hauteur avec le membre supérieur droit sont évaluées à 28 % du total des manipulations qui s’effectuent au cours d’une période de quatre heures sur huit, vu l’alternance des tâches.
[27] Après avoir fait l’historique des consultations médicales, le docteur Nolin estime que la tendinite de l’épaule droite n’est pas secondaire au travail effectué par madame Dion et relève d’une condition strictement personnelle. Il motive son opinion en exprimant le fait qu’il n’a jamais été démontré que seul le mouvement répétitif pouvait être responsable d’une lésion musculo-squelettique et que certains critères étaient nécessaires pour conclure à un lien avec le travail, notamment une cadence accélérée contre résistance, dans une position contraignante et en l’absence de période de repos suffisante. Il estime que ces critères ne sont pas présents dans l’exercice des fonctions de madame Dion puisque les manipulations à 90° ou plus du membre supérieur droit sont évaluées à 28 % du total des manipulations qui s’effectuent au cours d’une période de quatre heures. Il estime que le poids du rouleau est léger, étant de trois livres et cinq onces. D’autre part, il conclut que la multitude de diagnostics qui ont été retenus par le médecin traitant démontre qu’il n’y a pas un groupe de muscles en particulier qui est sollicité par des mouvements répétitifs.
[28] Le docteur Nolin produira une autre expertise le 15 mars 2002 après avoir cette fois examiné et questionné la travailleuse en date du 13 mars précédent. Il reprend l’historique qu’il avait fait dans sa première expertise et procède à l’examen objectif de la travailleuse. Il note que celle-ci lui rapporte une amélioration de l’ordre de 50 % de sa condition et au niveau des épaules, il retient que les manœuvres de Jobe et de Speed sont négatives bilatéralement, mais que les manœuvres de Hawkins et de Neer sont alléguées comme douloureuses au niveau de l’épaule droite. La manœuvre de Yocum est également négative bilatéralement (articulations acromio-claviculaires). Les mouvements des épaules sont évalués comme étant complets et le docteur Nolin note que la travailleuse allègue des douleurs lors du mouvement de rotation interne de l’épaule droite. La travailleuse allègue également des douleurs à la région cervicale inférieure ainsi qu’à la région dorsale et à l’omoplate droite.
[29] Il estime que les diagnostics à retenir sont : syndrome d’accrochage de l’épaule droite et cervicodorsalgie et que ces lésions sont consolidées à la date de son examen, soit le 13 mars 2002, sans traitements nécessaires par la suite, sans atteinte permanente à l’intégrité physique et estime qu’il ne persiste aucune limitation fonctionnelle puisque l’examen objectif est dans les limites de la normale, sauf pour un syndrome d’accrochage de l’épaule droite qui est, selon lui, une condition personnelle fréquente après l’âge de quarante ans.
[30] Recevant copie de cette dernière expertise du docteur Nolin, le docteur Viens émet son désaccord avec celui-ci en date du 18 avril 2002 dans un rapport complémentaire. Il estime qu’il n’est pas incongru qu’une lésion inflammatoire progresse jusqu’à un paroxysme où le même mouvement mène à l’accrochage sous-acromial aigu, ce qui a entraîné la consultation de la travailleuse. Il note aussi que le poste de travail a été modifié en avril 2001 puisque les anciennes étagères contenaient des rouleaux sur la partie supérieure jusqu’à soixante-dix pouces de haut et qu’elles ont été rabaissées à cinquante-quatre pouces, soit après huit mois de douleurs à ce poste.
[31] Le docteur Viens est en accord avec les examens physiques notés par les experts quant au fait qu’il n’y a pas de diminution des amplitudes contre résistance sauf qu’elles sont douloureuses. Il a également noté des spasmes paraspinaux et rhomboïdes au carré de l’omoplate droite. Il note aussi qu’il y a une douleur à l’articulation acromio-claviculaire droite et précise que s’il y a eu plusieurs diagnostics d’émis, ceux-ci réfèrent à une condition inflammatoire de certaines portions du membre supérieur droit et que la tâche de la travailleuse amène la mobilisation de plusieurs groupes musculaires.
[32] Il précise que la raison principale pour laquelle la travailleuse a consulté et a été en assignation temporaire est essentiellement la tendinite de l’épaule droite avec syndrome d’accrochage qu’elle a développé à trente-huit ans. Il estime donc que le docteur Nolin nie le problème en mentionnant qu’il ne devrait pas y avoir de traitements supplémentaires et le docteur Viens maintient la prescription de physiothérapie, avec prise d’anti-inflammatoires et assignation temporaire à demi-temps avec reprise progressive du travail régulier jusqu’à la date de consolidation.
[33] Le docteur Farrar a également reçu copie de l’expertise du docteur Nolin du 15 mars 2002 et dans un rapport complémentaire produit le 4 avril 2002, il exprime son désaccord ainsi :
Voici les raisons qui soutiennent mon désaccord avec Dr Nolin :
- Soutenir que le syndrome d’accrochage est une condition personnel p.c.q. ce syndrome arrive plus souvent chez les personnes de plus de 40 ans est complètement irrecevable.
Penser de cette façon nous porte à conclure que toutes les tendinites de la coiffe qui développent un accrochage n’est pas reliées au travail chez les personnes de plus de 40 ans.
- À la page 5, 2e paragraphe, le Dr Nolin soutient qu’il n’y a pas de lien entre le travail au visionnement de la vidéocassette. N’a t’on pas oublier que la coiffe est responsable de l’abduction et des rotations de l’épaule même en deca de 90°.
- Le fait qu’il y a plusieurs diagnostics est plus un problème de sémantique et d’imprécision souvent rencontré chez les médecins de famille. Il ne faut donc pas s’en servir pour faire des conclusions tel que cités à la page 5, 3e paragraphe.
- Présentement Madame Dion continue de s’améliorer.
- Il faut aussi apprécier qu’il est rare qu’un seul tendon est responsable de l’ensemble des problèmes dans une situation de geste répétitif. Les mouvements sont complexes et les structures forment des chaînes biomécaniques.
[sic]
[34] Suite au désaccord des docteurs Viens et Nolin, le dossier sera acheminé au Bureau d’évaluation médicale sur les questions du diagnostic, de la date de consolidation, de la nécessité, de la suffisance et de la durée des soins ou traitements prescrits.
[35] Le 13 juin 2002, le docteur Laval Leclerc, orthopédiste, examine la travailleuse dans le cadre de son mandat. Il produit son rapport le 16 juillet suivant. Le docteur Leclerc fait l’historique du dossier et note que tant à la tâche d’emballeuse que dans la tâche des boîtes, les gestes décrits impliquent des mouvements complexes de l’épaule à différents niveaux. Le docteur Leclerc note également que des radiographies faites le 3 juillet 2001 au niveau de la colonne cervicale, dorsale et de l’épaule droite, de l’avant-bras droit et de la main droite ont toutes été interprétées comme étant négatives. Il précise également que la travailleuse est de retour au travail, mais qu’elle ne fait pas le travail de préposée ou d’opératrice à l’emballage.
[36] Il procède ensuite à l’examen objectif et note une sensibilité à la palpation de l’émergence des nerfs d’Arnold, surtout à droite et une sensibilité à la région de la colonne cervicale, mais sans spasmes ni contractures. Des amplitudes articulaires sont spontanément limitées, mais aux mouvements répétés, elles sont complètes. Il note également, au niveau des trapèzes, une sensibilité le long de l’omoplate, mais sans spasmes. Quant à l’examen de l’épaule droite, il y a une sensibilité diffuse à la coiffe des rotateurs ainsi qu’à la coracoïde en avant et à la palpation de l’articulation acromio-claviculaire. Cependant, la manœuvre de Yocum est négative. Les mouvements des épaules sont complets autant lorsque faits activement que passivement, et ce, pour les deux épaules. Il note qu’à l’épaule droite, la manœuvre de Neer est positive en abduction et rotation interne et que la manœuvre de Neer est positive à gauche, mais moins douloureuse, avec crépitement local. Le docteur Leclerc note un syndrome d’abutement à droite, surtout évident en abduction, rotation interne et externe. La mobilisation dans ces directions contre-résistance provoque des douleurs au niveau de la coiffe du rotateur et la manœuvre de Hawkins est positive à droite et négative à gauche. La manœuvre de Jobe en élévation antérieure à 30° et abduction est positive à droite et négative à gauche. L’examen des coudes et des poignets s’avère sans particularités.
[37] Le docteur Leclerc discute ensuite ainsi du dossier et de son examen pour en arriver à ces conclusions :
DISCUSSION
Madame Dion est âgée de 41 ans. Elle fait un travail de manipulation assez physique depuis 1987 et pratiquement un peu toujours les mêmes mouvements en emballage. Il y a beaucoup de manipulations dans différentes positions.
Qu’on fasse le raisonnement qu’il y a peu de manipulation au-delà d’une abduction de 90° est un raisonnement un peu simple dans le sens que je suis plutôt d’accord avec le docteur Farrard [sic] que les manipulations décrites impliquent une sollicitation de chaîne biomécanique de plusieurs groupes musculaires et de segments de membres supérieurs.
Ce que je note au dossier et à l’examen par ailleurs, c’est qu’il y a des douleurs multiples, c’est ce qui explique qu’on ait porté aussi des diagnostics multiples pour tenter de cerner une pathologie particulière. Le dénominateur commun de ces malaises, c’est des douleurs multiples aux manipulations répétées au niveau de la colonne cervicale, de l’épaule, du coude, etc… Les malaises, particulièrement spécifiques à l’épaule droite ont débuté quelque part en août 2000, se sont exagérés par la suite pour atteindre un point de consultation en juin 2001.
Ce qui me frappe, outre les malaises multiples qui ont déjà été notés et qui se répandent aussi du côté gauche, entre autre en para-scapulaire gauche, au niveau du coude gauche en même temps qu’au niveau de l’épaule gauche, c’est qu’il est à ce moment-là difficile d’identifier une pathologie précise étant survenue à une date précise.
Personnellement, je crois avec les symptômes que je retrouve à l’épaule gauche qu’il y a un syndrome d’accrochage aux deux épaules et il y a des symptômes multiples au niveau du membre supérieur droit surtout. Mais la dominance m’apparaît être l’aggravation d’une tendinite ou d’un syndrome d’accrochage de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite.
Quant à la date de consolidation, elle est déjà au travail régulier, elle peut le tolérer relativement bien et elle affirme elle-même avoir atteint un plateau en physiothérapie et je pense qu’en date d’aujourd’hui, pour le moins, le plateau est effectivement atteint.
Aux traitements, il va falloir insister sur un meilleur conditionnement physique, plus particulièrement aux membres supérieurs et insister sur les renforcements si on veut continuer dans ce type de travail de manipulations répétées.
AVIS MOTIVÉ :
1-DIAGNOSTIC
Considérant les arguments déjà donnés, une dominance de pathologie au niveau de l’épaule des deux côtés, mais surtout à l’épaule droite quant aux signes;
Considérant par ailleurs des douleurs multiples aux membres supérieurs suite aux manipulations
Les diagnostics retenus sont ceux de syndrome d’accrochage au niveau des deux épaules avec aggravation d’une tendinite et syndrome d’abutement au niveau de l’épaule droite avec, par ailleurs, une cervico-brachialgie droite, terme qui englobe les autres signes du membre supérieur.
2- DATE OU PÉRIODE PRÉVISIBLE DE CONSOLIDATION DE LA Lésion
Madame Dion dit elle-même ne plus voir de profit ou d’amélioration avec la physiothérapie qu’elle reçoit pratiquement depuis un an. Je pense qu’on a atteint un plateau. Il y a des malaises multiples actuellement mais peu de signes objectifs à part ce syndrome d’accrochage au niveau de l’épaule droite. Elle fait quand même son travail régulier actuellement et je fixe la date de consolidation à la date d’aujourd’hui, 13 juin 2002.
3- NATURE, NÉCESSITÉ, SUFFISANCE OU DURÉE DES SOINS OU TRAITEMENTS ADMINISTRÉS OU PRESCRITS
On doit fournir à madame Dion un programme de renforcement au niveau des deux épaules, on doit renforcir et combiner à une activité physique les exercices comme la natation à plus long terme. Pour le moment, à mon sens, il n’y a pas d’indication de traitement chirurgical et c’est une question de reconditionnement du point de vue personnel au niveau des deux épaules.
[38] Le docteur Jacques Nolin vient témoigner à l’audience et explique pourquoi, à son avis, il s’agit d’une condition personnelle et qu’il n’y a pas de relation avec le poste de travail occupé par madame Dion.
[39] Il précise tout d’abord que sur le plan clinique, il avait un examen objectif positif pour ce qui est d’un syndrome d’accrochage, mais négatif pour des problèmes au sus-épineux ou à la coiffe des rotateurs. Il retenait le diagnostic de cervicodorsalgie à cause des plaintes de la travailleuse.
[40] Concernant la relation, à partir du témoignage entendu à l’audience et de la vidéocassette, il retient que la rotation aux deux postes se fait aux vingt-cinq minutes, ce qui est, selon lui, encore mieux qu’aux deux heures. Il avait évalué que 28 % du travail se faisait avec le bras droit en élévation de 110° à 120°, et ce, sur quatre heures. Il note cependant que la travailleuse descend son bras de plus en plus au fur et à mesure qu’elle descend pour prendre les piles de rouleaux sur l’étagère. Donc, selon lui, la récupération se fait encore mieux, surtout en ce qui concerne le sus-épineux qui est mis à contribution à partir de 80°-90°. Il précise qu’avant cette amplitude, c’est beaucoup plus le deltoïde qui travaille et précise qu’en flexion antérieure, se sont d’autres muscles qui sont impliqués. Il admet cependant que la récupération peut être plus lente lorsqu’une dégénérescence est présente.
[41] Concernant le syndrome d’accrochage, il décrit les trois stades qui sont reconnus par la littérature médicale et note qu’au stade deux, il peut y avoir apparition de fibrosite et de tendinite entre vingt-cinq et quarante ans et qu’après quarante ans, la dégénérescence s’installe avec apparition d’éperons osseux. L’étiologie de ce syndrome peut être mécanique si par exemple il y a un acromion de type deux ou trois, ou la tendinopathie peut se manifester suite à une dégénérescence de la coiffe, qui cependant, ne donne pas des symptômes à tout le monde.
[42] Concernant le diagnostic émis par le docteur Leclerc du Bureau d’évaluation médicale, il admet qu’habituellement, la tendinite se manifeste en premier lieu, et avec le temps, elle devient un syndrome d’accrochage vu l’épaississement des tendons ou de la bourse. Lorsqu’il y a présence d’une tendinite, des mouvements de moindres amplitudes sont plus susceptibles de provoquer des lésions au niveau de la coiffe.
[43] Le docteur Nolin note également que le docteur Leclerc commence à voir des symptômes de tendinite à gauche, même si la travailleuse ne s’en plaignait pas, et cet élément, soit la symptomatologie bilatérale, indique une tendinopathie de type dégénératif de la nature d’une condition personnelle.
[44] Selon lui, dans la présente tâche, les mouvements répétitifs seuls ne sont pas suffisants puisqu’il n’y a pas de force d’impliquée et peu de positions contraignantes pour l’épaule soit à plus de 90°, puisque même s’il y en a, ils sont de courte durée. De plus, l’alternance se fait aux vingt-cinq minutes, ce qui permet aux structures de se reposer.
[45] Contre-interrogé, le docteur Nolin mentionnera qu’il n’était pas au courant avant l’audience que les rouleaux étaient déposés plus haut que la fin de l’étagère. Concernant la variété des diagnostics, il estime que lorsque l’on parle de mouvements répétitifs, ils doivent quand même référer à un même groupe musculaire et qu’ici, on parle de douleurs qui partent des mains et qui vont jusqu’au milieu du dos, ce qui n’implique pas le même groupe de muscles. Il admet cependant que lorsque l’on parle de tendinite du sus-épineux, de la longue portion du biceps, de la coiffe des rotateurs, il s’agit du groupe musculaire concernant l’épaule.
[46] Il est également d’accord avec le fait que si la main travaille plus loin du corps, la sollicitation de l’articulation est plus élevée et que s’il y a une charge, c’est plus forçant.
[47] Le représentant de l’employeur soumet qu’ici la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi ne peut s’appliquer puisqu’il n’y a pas de répétition de mouvements. Ici, on a parlé de tendinite du sus-épineux et il n’y a pas de mouvement où le muscle est constamment sollicité, dans la même amplitude et la même force. La travailleuse procède rangée par rangée dans l’étagère et elle descend ensuite pour vider les rangées du bas. Ce qui implique qu’assez rapidement, son bras droit est dans une amplitude en deçà de 90°. De plus, la travailleuse exerce d’autres tâches, soit préparer les boîtes et emballer les rouleaux dans celles-ci. Il y a donc récupération à chaque changement de tâche aux vingt ou vingt-cinq minutes. Quant au diagnostic de tendinite, le docteur Nolin parle seulement de syndrome d’accrochage et il y a lieu de s’interroger sur la présence d’une tendinite.
[48] Il ne peut y avoir non plus de maladies reliées aux risques particuliers du travail puisqu’il n’y a pas de danger à ce poste de travail-là et ici, seule la condition personnelle explique la source de la maladie. La seule preuve médicale qui est expliquée en détails est celle fournie par le docteur Nolin et d’autres éléments militent en faveur d’une condition personnelle, par exemple, la bilatéralité de la lésion. D’autre part, la très longue période de consolidation avec beaucoup de traitements de physiothérapie, alors que la travailleuse n’est pas à son poste de travail, ne provoque pas une amélioration rapide. Tous ces éléments font donc qu’il y aurait lieu d’accueillir la requête de l’employeur et de conclure qu’il ne s’agit pas d’une lésion professionnelle. Subsidiairement, s’il s’agit d’une telle lésion, il y aurait lieu de retenir la date de consolidation du 13 mars 2002 puisque l’examen du docteur Nolin était superposable à celui du docteur Leclerc.
[49] Le représentant de la travailleuse soumet qu’il y a ici des mouvements répétitifs sollicitant l’épaule de façon continue et que ceux-ci sont exercés dans des amplitudes pouvant léser ces structures. En effet, les mouvements effectués vont jusqu’à 120° d’amplitude et il fait remarquer que ce n’est pas seulement qu’à partir de 90° que l’on peut blesser une structure, mais ça peut être à partir de 40° lorsqu’on travaille à bout de bras avec un poids. D’autre part, lorsque la travailleuse prend un rouleau dans le bas de l’étagère, elle doit lever son bras ensuite pour mettre le rouleau sur le convoyeur, elle a donc l’épaule en abduction à ce moment.
[50] Quant à l’opinion du docteur Nolin, elle ne peut tenir ici puisqu’il ne savait pas qu’il y avait des rouleaux plus hauts que ce qu’il a vu sur la vidéocassette, il n’a pas non plus retenu les autres mouvements effectués lorsqu’elle « scotche » sa boîte alors que l’épaule n’est pas en position neutre et il n’a fait aucune mention du fait que la travailleuse travaille avec des poids d’environ quatre livres dans les mains, les bras éloignés du corps. Aussi, lorsque la travailleuse prend six rouleaux pour les mettre dans la boîte et les déposer sur la palette, elle a donc vingt-quatre livres dans les mains et elle a les bras dans une amplitude de 60° à 70°. D’autre part, le travail est tellement sollicitant que les travailleuses ont elles-mêmes modifié leur cadence et alternent aux vingt ou vingt-cinq minutes, donc elles reviennent plus vite à la tâche qui consiste à fournir le convoyeur.
[51] Quant au diagnostic, celui de tendinite de la coiffe a été retenu par les docteurs Viens, Farrar, Lamoureux, (pour l’employeur), et les docteurs Leclerc et Nolin ont conclu qu’il n’était pas inhabituel qu’une tendinite précède un syndrome d’accrochage.
[52] Le docteur Nolin mentionne que les mouvements répétitifs à eux seuls ne sont pas suffisants pour causer une tendinite, mais ce n’est pas ce que le législateur a indiqué lorsqu’il a édicté la présomption, il a uniquement mentionné qu’il devait y avoir des mouvements répétitifs sans qu’il ne parle de force, d’amplitude ou d’autres éléments. C’est d’ajouter à la loi que de requérir tous ces critères aux fins d’application de la présomption. Une preuve scientifique n’est pas nécessaire et ici, la preuve révèle que la travailleuse a été victime d’une tendinite suite à l’exécution de mouvements répétitifs, la présomption n’a pas été ici renversée. Il faut donc conclure, comme la CSST l’a fait, que la travailleuse a été victime d’une maladie professionnelle.
AVIS DES MEMBRES
[53] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la requête de l’employeur doit être rejetée. La présomption prévue à l’article 29 de la loi s’applique en l’espèce puisque la preuve révèle qu’il y a présence d’une tendinite et de mouvements répétitifs au poste occupé par la travailleuse. Cette présomption n’a pas été renversée en l’espèce puisqu’il y a, selon la preuve, sollicitation du groupe musculaire relié au sus-épineux et que la présence d’une tendinite à ce niveau peut provoquer avec le temps un syndrome d’accrochage. La preuve révèle également, et cela est confirmé par le docteur Nolin, que le membre supérieur droit est en élévation de 90° à 120° au-delà de 28 % du temps, ce qui est beaucoup et suffisant pour expliquer la symptomatologie présentée par la travailleuse. Quant à la date de consolidation, il y a lieu de retenir celle émise par le docteur Leclerc du Bureau d’évaluation médicale puisque la travailleuse a pu bénéficier de traitements et d’un retour progressif au travail avec plateau de sa condition à la date de son examen.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[54] La Commission des lésions professionnelles doit tout d’abord décider si la travailleuse a subi une maladie professionnelle le 29 juin 2001.
[55] L’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1]définit la maladie professionnelle ainsi :
« maladie professionnelle » :une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
[56] Le législateur a prévu qu’un travailleur peut bénéficier d’un allégement de son fardeau de preuve s’il satisfait aux exigences énoncées à la présomption prévue à l’article 29 de la loi :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
________
1985, c. 6, a. 29.
[57] Concernant les lésions musculo-squelettiques, il faut se référer à la section 4 de l’annexe 1 :
ANNEXE I
MALADIES PROFESSIONNELLES
(Article 29)
SECTION IV
MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES
MALADIES |
GENRES DE TRAVAIL |
[...] |
|
2. Lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs (bursite, tendinite, ténosynovite): |
un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées; |
[...]
[58] Dans la présente affaire, l’employeur remet en cause le diagnostic retenu par le membre du Bureau d’évaluation médicale, soit la tendinite à l’épaule droite.
[59] La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve médicale prépondérante démontre qu’il y a eu présence de tendinite puisque dès le départ, c’est ce diagnostic qui a été émis et peu de temps après l’arrêt de travail, le propre expert de l’employeur, le docteur Lamoureux, constate la présence d’une telle tendinite. De plus, dans son témoignage, le docteur Nolin admet qu’un syndrome d’accrochage peut être précédé d’une tendinite vu l’épaississement des tendons ou de la bourse. La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis qu’il n’y a pas lieu de remettre en question le diagnostic de tendinite du sus-épineux. Quant au syndrome d’accrochage à l’épaule droite, les médecins, y compris le docteur Nolin, retrouvent les éléments objectifs lors de leurs examens pour conclure à la présence du syndrome.
[60] Avec le diagnostic de tendinite, il y a lieu de déterminer si le travail effectué par la travailleuse implique des répétitions de mouvements sur des périodes de temps prolongées pour qu’elle puisse bénéficier de la présomption de maladie professionnelle.
[61] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser, comme l’a soumis le représentant de la travailleuse, que la présomption édictée par le législateur implique la preuve de deux éléments seulement et non pas d’une multitude de facteurs autres que ceux mentionnés à l’annexe. Comme l’ont mentionné plusieurs juges des tribunaux supérieurs[2], ajouter différents critères au stade de l’application de la présomption revient à stériliser celle-ci, ce qui n’est sûrement pas le choix du législateur lorsqu’il prévoit un tel moyen de preuve. C’est en ce sens que concluait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Miville et Crustacés Des Monts inc.[3] :
Il n’apparaît pas opportun, au stade de l’application de la présomption, d’analyser et de qualifier l’intensité des mouvements ou des pressions afin de déterminer si elle a pu être suffisante pour causer la lésion1. Cela reviendrait en effet à ajouter une exigence n’apparaissant pas dans le texte de la présomption.
Il suffit en fait de conclure, sur la base d’une preuve prépondérante, qu’il y a des « répétitions » de mouvements ou de pressions, et ce, « sur des périodes de temps prolongées ». [...]
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1 Notamment :
Société canadienne des postes et Ouimet, [1994] C.A.L.P. 1579 , révision rejetée, 00098-60-8603, 14 septembre 1995, S. Moreau.
[62] Avec égard pour l’opinion contraire, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que pour que la présomption de l’article 29 trouve application dans le domaine du travail impliquant des mouvements répétitifs, il faut simplement démontrer, par une preuve prépondérante, la présence de l’un des diagnostics énumérés à la section 4 de l’annexe ainsi que la présence de mouvements répétitifs ou de pression sur des périodes de temps prolongées. Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’elle a la preuve suffisante relative à la présence d’un travail impliquant des répétitions de mouvements sur des périodes de temps prolongées.
[63] En effet, la vidéocassette ainsi que le témoignage de la travailleuse démontrent que le travail exécuté, à un poste ou à un autre, implique essentiellement des mouvements faits à l’aide des membres supérieurs et particulièrement du membre supérieur droit. Lorsque la travailleuse doit fournir le convoyeur, la preuve a révélé qu’elle devait constamment et à une vitesse importante, travailler avec le bras droit à différents angles et plus souvent qu’autrement, au-delà d’une position neutre. De même, il ne faut pas négliger l’aspect du travail aux boîtes puisque, encore une fois, il s’agit de sollicitation des membres supérieurs avec des poids et des amplitudes non négligeables. En fait, comme l’exprime le docteur Leclerc, que ce soit à une tâche ou à une autre « les mouvements décrits impliquent des mouvements complexes de l’épaule à différents niveaux ». Que 28 % de son travail soit fait avec le membre supérieur droit en élévation entre 90° et 120° ne soit pas suffisant selon le docteur Nolin pour qualifier le travail de répétitif, ne suffit pas, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, pour conclure qu’il y a absence de tels mouvements répétitifs. En effet, le législateur n’a pas précisé dans quelle amplitude devaient se faire les mouvements, ni la quantité de ceux-ci ou le pourcentage du temps de travail pour qu’ils soient qualifiés de répétitifs. Il s’agit d’une appréciation de faits, selon chaque cas.
[64] Avec tous ces éléments, la Commission des lésions professionnelles conclut que la présomption s’applique et que la travailleuse est présumée avoir subi une maladie professionnelle.
[65] Cette présomption peut être renversée par une preuve solide et il ne suffit pas de soulever un doute pour renverser celle-ci. On ne peut non plus, pour renverser la présomption édictée par le législateur, nier le bien fondé de celle-ci en mentionnant qu’un travail répétitif à lui seul ne peut causer une tendinite. D’autre part, pour renverser la présomption de l’article 29, l’employeur n’a pas non plus l’obligation de faire la démonstration de la cause exacte de la maladie qu’il estime non reliée au travail.
[66] Il faut en fait que l’employeur présente une preuve prépondérante de l’absence de relation entre la tendinite et le syndrome d’accrochage diagnostiqué et le travail effectué pour renverser cette présomption. Pour ce faire, il peut s’attaquer au travail lui-même ou s’il lui est possible de le faire, démontrer une cause extérieure au travail.
[67] Dans le présent dossier, l’employeur a tenté de démontrer que certains critères relatifs à la nature du travail exercé par la travailleuse ne sont pas présents, soit que certains facteurs de risques n’étaient pas présents. À cet égard, le docteur Nolin a mentionné que les charges étaient minimes, que la cadence n’était pas rapide que les amplitudes n’étaient pas suffisantes et qu’il y avait suffisamment de périodes de récupération.
[68] La Commission des lésions professionnelles n’est pas d’accord avec ces conclusions, notamment parce que la preuve révèle que les mouvements sont effectués à un rythme continu, qui sollicitent de façon constante le membre supérieur droit sans qu’on ne puisse établir s’il y a période de récupération suffisante. D’autre part, lorsque la tendinite est installée, comme l’a admis le docteur Nolin, la récupération se fait beaucoup moins bien lors des amplitudes moins élevées. Malgré que l’on parle de poids d’environ quatre livres, il faut noter que pour la tâche consistant à déposer les rouleaux de quatre livres sur le convoyeur, les mouvements en question impliquent une manipulation de ceux-ci de mille à mille cinq cents fois par jour, ce qui est non négligeable. De plus, lorsque la travailleuse place les rouleaux emballés dans les boîtes, on parle ici d’une charge d’environ vingt-quatre livres, ce qui est également important.
[69] La Commission des lésions professionnelles estime que l’employeur n’a pas prouvé de façon convaincante que ces manipulations de charges constantes ne puissent avoir d’influence sur l’apparition de la maladie. Concernant la posture et les amplitudes, encore là, la Commission des lésions professionnelles n’est pas d’accord avec le docteur Nolin lorsqu’il mentionne que 28 % du temps, ce n’est pas suffisant pour permettre l’apparition d’une tendinite. Il faut préciser que le docteur Nolin parle de 28 % du temps de mouvements à plus de 90° d’amplitude, mais qu’il ne parle pas des mouvements qui se situent à des degrés moins élevés, mais qui peuvent également provoquer une sollicitation des tendons, qui, quoique moindre, n’en soit pas moins problématique lorsque exécutés de façon constante. Au surplus, lorsque le chariot contenait des rouleaux jusqu’à 70 pouces de hauteur, cela augmentait le pourcentage de temps avec les bras dans les airs.
[70] Aucune preuve n’a été faite démontrant que les mouvements effectués ne sollicitaient pas le site touché. Tous les médecins ont émis l’opinion, malgré les diagnostics différents qui ont été posés, que le groupe musculaire de l’épaule était sollicité. Comme le mentionnent les docteurs Farrar et Leclerc, il s’agit essentiellement d’un problème de sémantique et d’imprécision des diagnostics au niveau de la première appréciation du médecin consulté.
[71] Le docteur Nolin a également mentionné qu’il y avait présence ici d’une condition personnelle. Les examens radiologiques qui ont été faits ne démontrent pas la présence d’une telle condition. Cependant, on constate après un certain temps qu’il y a début d’accrochage du côté gauche, ce qui peut effectivement être indicatif d’un problème de nature personnelle. Il faut noter que la travailleuse n’a jamais été symptomatique à gauche et que seul le docteur Leclerc trouve à son examen un début d’accrochage de ce côté et qu’il n’évoque pas par ailleurs la présence d’une tendinite à gauche. Il faut noter également que le membre supérieur utilisé au travail est le membre dominant, soit le côté droit et que c’est celui-ci qui est symptomatique et lésé. Le fait qu’il y ait un début d’accrochage du côté gauche ne permet pas de renverser la présomption et de conclure que toute la symptomatologie origine d’une condition personnelle, dans la mesure où les mouvements effectués au travail sollicitent principalement le membre supérieur droit, soit le plus atteint.
[72] Il faut ajouter qu’il n’est pas démontré ici que s’il y avait une condition personnelle, celle-ci serait principalement responsable de la tendinite diagnostiquée, il n’y a pas de preuve à cet égard.
[73] Considérant tous ces éléments, la Commission des lésions professionnelles en conclut donc que la présomption prévue à l’article 29 de la loi n’est pas renversée et qu’en conséquence, elle doit recevoir son plein effet. La travailleuse a donc subi une maladie professionnelle soit une tendinite du sus-épineux avec syndrome d’accrochage.
[74] Quant au diagnostic de DIM cervical, qui avait été refusé et non contesté par la travailleuse, et la cervico-brachialgie droite identifiée par le docteur Leclerc, la Commission des lésions professionnelles constate qu’elle n’a eu aucune preuve de part et d’autre sur la relation entre ces diagnostics et le travail exercé par la travailleuse. Il n’y a donc pas lieu de retenir ces diagnostics comme étant en relation avec l’arrêt de travail du 29 juin 2001. Comme le mentionnait le docteur Viens, de toute façon, la raison principale de la consultation, de l’assignation temporaire et des traitements était la tendinite.
[75] Quant à la date de consolidation de cette tendinite, la Commission des lésions professionnelles préfère retenir l’avis émis par le docteur Leclerc en juillet 2002 lorsqu’il retient la date du 13 juin 2002 comme date de consolidation, puisqu’il a noté l’effet bénéfique d’un retour progressif au travail dans une autre tâche et qu’il recommande tout de même des exercices de renforcement. La définition de consolidation mentionnée à l’article 2 de la loi parle de la stabilisation d’une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l’état de santé du travailleur victime de cette lésion n’est prévisible, ce qui correspond à l’état de la travailleuse lorsqu’elle a été vue par le docteur Leclerc. Il y a donc lieu de retenir le 13 juin 2002 comme date de consolidation, sans nécessité de traitements supplémentaires outre que des exercices de renforcement.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 180063-05-0203
REJETTE la requête déposée par le Groupe de Décoration Domiciliaire Impérial (Canada) ULC (l’employeur) ;
CONFIRME la décision rendue le 25 février 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse, madame Johanne Dion, a subi une maladie professionnelle le 29 juin 2001.
Dossier 190927-05-0209
REJETTE la requête déposée par l’employeur le 24 septembre 2002;
CONFIRME la décision rendue le 13 septembre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de la maladie professionnelle du 29 juin 2001 est une tendinite du sus-épineux et syndrome d’accrochage droit;
DÉCLARE que cette lésion était consolidée le 13 juin 2002, sans nécessité de soins ou de traitements supplémentaires.
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Me Luce Boudreault |
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Commissaire |
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BORDEN LADNER GERVAIS |
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Représentant de la partie requérante |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie intéressée |
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AVIS :
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