Décision

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Sferra et Promotions Sanway ltée

2008 QCCLP 1087

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

25 février 2008

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

317869-71-0705

 

Dossier CSST :

125743047

 

Commissaire :

Francine Juteau

 

Membres :

Sarto Paquin, associations d’employeurs

 

Roland Alix, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Esterina Sferra

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Promotions Sanway ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 22 mai 2007, madame Esterina Sferra (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 4 mai 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 10 janvier 2007 et déclare que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique constitue un emploi convenable pour la travailleuse qui lui procurera un revenu annuel estimé à 16 163 $ et que la travailleuse est capable d’exercer cet emploi à compter du 4 janvier 2007. On l’informe que les versements de l’indemnité de remplacement du revenu prendront fin, au plus tard, le 4 janvier 2008.

[3]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Montréal le 5 novembre 2007 à laquelle assistaient la travailleuse et sa procureure. Promotions Sanway ltée (l’employeur) est absent de l’audience.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique ne constitue pas un emploi convenable et qu’elle n’est pas en mesure d’exercer un tel emploi. Elle demande à la Commission des lésions professionnelles de retourner le dossier à la CSST pour poursuivre les démarches en réadaptation.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête de la travailleuse doit être accueillie. Il estime que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique ne respecte pas les limitations fonctionnelles de la travailleuse d’éviter les mouvements même de faible amplitude et d’éviter les positions soutenues assise ou debout plus de 30 minutes à la fois. Il estime que les indications apparaissant au document REPÈRES concernant le poste d’assembleuse de matériel électronique mettent en évidence que cet emploi nécessite la capacité à travailler principalement en position assise. De plus, ce document fait mention de risque de problèmes vertébraux dans cet emploi. Il retient également que le processus ayant amené la CSST à déterminer cet emploi a été fait à la hâte et visait à déterminer un emploi à la travailleuse sans véritables vérifications de la compatibilité d’un tel emploi avec ses limitations fonctionnelles.

[6]                Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que la requête de la travailleuse doit être rejetée. Il estime que la travailleuse a suffisamment bénéficié des services de la réadaptation puisque depuis trois ans, la CSST discute avec elle d’un possible emploi convenable. Il est noté dans l’aide psychologique que la travailleuse a reçue qu’elle doit faire le deuil de son travail dans le domaine de la couture puisque ses limitations fonctionnelles l’empêchent d’exercer un travail dans ce domaine. Suivant les indications aux notes évolutives, il estime que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique a été expliqué à la travailleuse et celle-ci a même refusé des services supplémentaires offerts par la CSST pour l’aider à trouver un tel emploi. Il estime que la CSST a bien accompli son devoir dans le présent dossier, soit de déterminer un emploi convenable à la travailleuse après plusieurs démarches qui se sont échelonnées sur plusieurs mois.


LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’emploi d’assembleuse de matériel électronique constitue un emploi convenable pour la travailleuse et si elle avait la capacité à exercer cet emploi le 4 janvier 2007.

[8]                L’emploi convenable est défini comme suit à l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[9]                L’article 146 de la loi prévoit ce qui suit :

146.  Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

[10]           L’analyse de l’ensemble des éléments de la preuve amène la Commission des lésions professionnelles à conclure que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique ne constitue pas un emploi convenable pour la travailleuse. La Commission des lésions professionnelles constate des lacunes dans le processus de réadaptation ayant mené à la détermination de l’emploi convenable et estime que tous les efforts nécessaires n’ont pas été mis en œuvre pour permettre de la travailleuse de bénéficier de la réadaptation appropriée en vue de sa réinsertion professionnelle. Voici les éléments retenus par la Commission des lésions professionnelles.


[11]           La travailleuse est née en Suisse le 5 novembre 1955. Elle a effectué sa scolarité jusqu’au secondaire 1 en Suisse dans la langue allemande. Elle a immigré au Canada vers l’âge de 20 ans. Depuis son arrivée, elle a exercé le métier de couturière. Aujourd’hui, elle parle et lit le français mais ne l’écrit pas. Elle comprend un peu l’anglais.

[12]           La travailleuse occupe les fonctions d’opératrice chez l’employeur depuis environ 12 ans lorsqu’elle subit une lésion professionnelle le 12 avril 2004 en soulevant une machine à coudre. Elle s’inflige une lésion au niveau lombaire.

[13]           La nature de cette lésion est précisée à la suite de la procédure d'évaluation médicale.

[14]           Le docteur H. Daoud, orthopédiste, membre du Bureau d’évaluation médicale, dans son rapport du 28 février 2005, détermine que le diagnostic de la lésion de la travailleuse est une hernie discale sous-ligamentaire L5-S1 gauche. Il estime que cette lésion est consolidée le 24 novembre 2004 date à laquelle il ne recommande pas de traitements supplémentaires. Il établit le pourcentage de déficit anatomo-physiologique à 5 % et émet des limitations fonctionnelles de classe I suivant l’échelle de l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (l’IRSST).

[15]           À la suite de cette opinion, la CSST rend la décision du 13 septembre 2005 qui confirme l’avis du Bureau d’évaluation médicale et détermine que la travailleuse est en mesure d’occuper son emploi prélésionnel de couturière à compter du 12 septembre 2005 puisque ce travail respecte ses limitations fonctionnelles. La CSST confirme cette décision le 31 octobre 2005 à la suite d’une révision administrative.

[16]           La travailleuse conteste cette décision puisque son médecin, le docteur G. R. Tremblay, dans un rapport d’expertise du 18 février 2005, indique que ses limitations fonctionnelles sont plus importantes que celles retenues par le membre du Bureau d'évaluation médicale. Entre autres, le docteur Tremblay diminue le poids des objets qui peuvent être tirés, soulevés ou poussés par la travailleuse à 10 à 15 kilos et demande d’éviter les mouvements répétitifs même de faible amplitude du rachis lombaire et d’éviter les positions soutenues assise ou debout plus de 30 minutes à la fois.

[17]           Le litige concernant les limitations fonctionnelles de la travailleuse est tranché par la Commission des lésions professionnelles qui rend une décision à ce sujet le 7 mars 2006. La Commission des lésions professionnelles modifie les limitations fonctionnelles retenues par le membre du Bureau d'évaluation médicale et établit les limitations fonctionnelles suivantes :


 

·         Éviter les efforts de plus de 10 à 15 kilogrammes pour tirer, soulever ou pousser.

·         Éviter les mouvements répétitifs, même de faible amplitude, du rachis lombaire.

·         Éviter les positions soutenues, assise ou debout, plus de 30 minutes à la fois.

·         Éviter l’exposition aux vibrations et aux contrecoups, pour le rachis lombaire.

 

 

[18]           À la suite de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le dossier est retourné au service de la réadaptation. Le 28 mars 2006, la CSST revoit le dossier et détermine que la travailleuse ne peut exercer son emploi de couturière. Le dossier est alors transmis à madame Louise Faulkner, conseillère en réadaptation, qui enclenche le processus de réadaptation avec la travailleuse.

[19]           Tel qu’il appert d’une note au dossier du 16 février 2007 émanant de la conseillère en réadaptation, le processus de réadaptation s’est bien déroulé avec la travailleuse.

[20]           Lors de la première rencontre de la conseillère en réadaptation avec la travailleuse le 9 mai 2006, il est noté que la travailleuse présente des problèmes psychologiques en relation avec sa lésion professionnelle. La conseillère offre alors à la travailleuse de l’aide psychologique qui sera finalement acceptée par cette dernière le 31 mai 2006. Une thérapie débute pour aider la travailleuse à surmonter son état dépressif relié à la persistance des douleurs et pour l’aider à faire le deuil de son emploi de couturière.

[21]           Au cours du mois de juillet 2006, la conseillère en réadaptation fait un suivi téléphonique avec la travailleuse pour s’assurer du bon déroulement des séances de psychologie.

[22]           Une entrevue a lieu avec la travailleuse le 24 juillet 2006 au cours de laquelle la conseillère en réadaptation explique le fonctionnement de la réadaptation à la travailleuse et désire amorcer des discussions sur son avenir professionnel. Elle lui recommande alors de commencer à réfléchir à un travail qui pourrait l’intéresser, par exemple en regardant des journaux, pour cibler un secteur d’activités qui l’intéresse. La travailleuse souligne son intérêt pour apprendre l’ordinateur.

[23]           La rencontre suivante a lieu le 22 août 2006 pour débuter l’exploration professionnelle. La travailleuse mentionne qu’elle n’a pas d’idée du genre d’emploi qu’elle veut exercer même après la lecture des journaux, elle ne se sent pas prête. Toutefois, la conseillère en réadaptation lui répète les règles de la CSST et en quoi consiste la réadaptation. Elle note que la travailleuse a reçu environ la moitié des traitements prévus à sa thérapie avec le psychologue et qu’elle est encore plutôt passive et un peu découragée. La conseillère en réadaptation indique dans les notes évolutives qu’elle demande à la travailleuse de penser à quel genre de service elle désire obtenir, c’est-à-dire si elle désire un encadrement rigoureux de la CSST ou la détermination d’un emploi convenable sans mesures de réadaptation. Elle note que tout semble confus pour la travailleuse.

[24]           Après avoir laissé une période de réflexion à la travailleuse, la conseillère en réadaptation la revoit le 4 octobre 2006. La travailleuse se plaint encore de douleurs importantes et d’avoir un moral qui varie. La travailleuse est toujours en thérapie. Après discussion, il semble que la travailleuse n’a pas fait d’exploration du marché du travail et la conseillère en réadaptation lui décrit à nouveau les services qu’elle peut lui offrir. Elle lui donne des exemples d’emploi comme assembleuse de matériel électronique, caissière ou vendeuse. La conseillère note que la travailleuse est toujours confuse et ne semble pas en mesure de répondre à aucune des questions de la conseillère. Cette dernière note toutefois que la travailleuse devra se positionner sous peu. Une rencontre est prévue pour le 31 octobre 2006.

[25]           Lors de cette rencontre, suivant les notes de la conseillère en réadaptation, la travailleuse ne sait pas si elle veut des services de réadaptation pour faciliter sa réintégration sur le marché du travail, indiquant qu’elle aimerait travailler mais qu’elle ne se sent pas capable. Elle est très insécure et ne sait pas ce qu’elle veut malgré les explications de la conseillère sur la possibilité de déterminer un emploi convenable sans mesure de réadaptation ou aller en stage en entreprise où elle recevra une formation donnée et augmentera ses chances de se trouver un emploi par la suite. Elle n’a pas de proposition d’emploi à faire à la conseillère. Celle-ci note qu’elle rencontre la travailleuse depuis presque six mois et qu’elle lui a offert un support psychologique. Elle mentionne que la travailleuse est maintenant rendue à l’étape de prendre des décisions concernant son avenir professionnel. La conseillère communique avec le psychologue qui lui indique que la travailleuse est une personne passive et qu’elle ne semble plus intéressée à poursuivre les rencontres. La thérapie prendra fin sous peu.

[26]           La dernière rencontre entre la travailleuse et la conseillère en réadaptation a lieu le 15 décembre 2006. À cette date, la conseillère indique que l’objectif est de déterminer un emploi convenable avec l’accord de la travailleuse. Elle note que la travailleuse doit lui préciser ce qu’elle veut, soit des mesures de réadaptation pour l’aider à réintégrer le marché du travail ou non. La conseillère mentionne qu’elle lui a mentionné cela à maintes reprises et qu’elle lui a offert les services de la firme Jocam consultants. Les discussions portent de nouveau sur l’emploi de caissière et sur celui d’assembleuse de matériel électronique. Elle lui accorde un délai jusqu’au 4 janvier 2007 pour prendre sa décision.

[27]           Le 4 janvier 2007, la travailleuse téléphone à sa conseillère pour indiquer que sa décision est prise concernant le métier d’assembleuse de matériel électronique.

[28]           Considérant cet accord de la travailleuse, la conseillère en réadaptation procède à l’analyse de cet emploi pour déterminer s’il s’agit véritablement d’un emploi convenable au sens de la loi. Elle note qu’il s’agit d’un emploi qui respecte les qualifications professionnelles de la travailleuse puisqu’il n’exige pas de formation spécifique et que la travailleuse aime travailler physiquement et accomplir des tâches répétitives ayant travaillé toute sa vie comme couturière dans un milieu manufacturier.

[29]           Elle note que cet emploi respecte les limitations fonctionnelles de la travailleuse en regard des exigences physiques de cet emploi notées au système REPÈRES. Elle indique que les poids sont respectés sans problème, qu’il n’y a pas de mouvements répétitifs du rachis lombaire ni de vibrations ou de contrecoups. Concernant la position assise ou debout, la conseillère note qu’il y a possibilité d’alterner la position dans ce type de poste et que ce point a été discuté avec la travailleuse puisque cela a déjà été constaté lors de visites en entreprise de ce même poste de travail.

[30]           Elle note qu’il y a une possibilité raisonnable d’embauche selon le système REPÈRES. La décision est donc rendue par la CSST le 10 janvier 2007 et maintenue en révision administrative le 4 mai 2007. Cette décision fait l’objet du présent litige.

[31]           Il appert du dossier que la conseillère en réadaptation a rencontré la travailleuse à cinq reprises concernant l’exploration de l’avenir professionnel de la travailleuse et a assuré un suivi téléphonique à deux reprises. Tel que la conseillère le mentionne dans les notes évolutives, le processus de réadaptation s’est bien déroulé avec la travailleuse.

[32]           Toutefois, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST n’a pas déployé tous les efforts nécessaires et eu recours à toutes les ressources appropriées pour permettre à la travailleuse de participer activement à son processus de réadaptation.

[33]           La Commission des lésions professionnelles relève plusieurs mentions de la conseillère sur le fait que la travailleuse est confuse quant aux explications qu’elle lui donne, qu’elle a une attitude passive, qu’elle est insécure (anxieuse, inquiète), qu’elle ne se sent pas capable, qu’elle est un peu découragée. D’ailleurs, la travailleuse est suivie en psychologie jusqu’au mois d’octobre 2006. À cette période, elle est d’ailleurs toujours confuse de répondre aux questions de la conseillère, tel que celle-ci le note au dossier.

[34]           À l’audience, la travailleuse a réitéré qu’elle voulait collaborer au processus de réadaptation mais qu’elle avait besoin d’aide pour entrevoir quel genre d’emploi ou quel genre de procédure lui convenait le mieux. Malgré les demandes de sa conseillère en réadaptation de faire des choix, la travailleuse indique qu’elle n’était pas dans un état lui permettant d’entrevoir de nouvelles avenues de travail. Elle avait encore de la difficulté à accepter le fait qu’elle devait changer de domaine de travail ayant toujours travaillé dans le domaine de la couture qu’elle connaissait bien et qu’elle affectionnait. Elle n’avait pas de véritables connaissances du marché du travail et la conseillère ne lui a pas donné de détails sur ce que pouvait impliquer un travail dans un autre domaine. En raison de cela, il lui était difficile de déterminer vers quel domaine s’orienter même si elle voulait travailler.

[35]           Lorsque la conseillère lui a proposé l’emploi d’assembleuse de matériel électronique, elle s’est finalement dit en accord avec celui-ci puisqu’il s’agissait de manipuler des petites pièces légères. Toutefois, elle indique ne pas avoir eu de description plus détaillée de cet emploi et ne pas savoir dans quelle position cet emploi doit être exercé.

[36]           Tel que le souligne la procureure de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles estime que la façon dont s’est déroulé le processus de réadaptation a fait reposer sur les épaules de la travailleuse une bonne partie de la réussite du processus de réadaptation.

[37]           Il appert donc du dossier que la travailleuse a une seule expérience de travail de 30 ans dans le même domaine, une formation de secondaire 1 dans un autre pays et une connaissance du marché de l’emploi limitée et restreinte. Il était donc difficile pour elle de faire des suggestions à la conseillère en réadaptation quant à son avenir. La travailleuse ne possédait pas les ressources personnelles lui permettant de faire des propositions à la conseillère en réadaptation ou de répondre à ses questions à ce sujet. D’autant plus que ces caractéristiques de la travailleuse s’inscrivent sur un fond de difficultés psychologiques en raison des douleurs chroniques et de la difficulté à faire le deuil de son ancien domaine de travail, la couture.

[38]           La Commission des lésions professionnelles estime que la conseillère en réadaptation, à titre de spécialiste en la matière, aurait dû déployer davantage d’efforts pour fournir à la travailleuse des outils qui lui auraient permis d’envisager des solutions pour son retour sur le marché du travail.

[39]           Bien que la conseillère en réadaptation ait obtenu la collaboration de la travailleuse lors des différentes rencontres au cours desquelles la volonté de la travailleuse n’a pas été remise en question, il appert qu’elle cherchait à ce que la travailleuse arrête son choix à savoir si elle voulait un emploi convenable ou des mesures de réadaptation pour réintégrer le marché du travail. La conseillère aurait dû, avant cela, s’assurer que la travailleuse était en mesure de faire le choix qu’elle lui demandait de faire.

[40]           Il ressort des notes évolutives que la conseillère en réadaptation savait que travailleuse avait de la difficulté ou était confuse face au déroulement du processus ou des solutions à trouver. Devant une telle situation, il revenait à la conseillère en réadaptation de fournir l’aide appropriée ou les outils nécessaires à la travailleuse pour lui permettre de prendre des décisions éclairée.

[41]           La Commission des lésions professionnelles note des lacunes dans le processus de réadaptation. Connaissant les difficultés psychologiques de la travailleuse, la conseillère aurait pu utiliser les ressources d’aide psychologique pour orienter le processus de réadaptation en tentant, entre autres, de cerner les besoins et les aptitudes de la travailleuse. La conseillère lui a plutôt demandé de prendre des décisions relativement à certains aspects du cheminement de son dossier en raison du temps qui s’écoulait.

[42]           Rappelons que le suivi psychologique de la travailleuse a pris fin en octobre 2006 et que pendant une bonne partie du processus de réadaptation, la travailleuse avait besoin de support psychologique pour faire le deuil de son travail prélésionnel.

[43]           Ce n’est pas que la démarche retenue par la conseillère en réadaptation soit inappropriée mais c’est qu’en regard de la particularité du présent cas et des difficultés de la travailleuse, des moyens supplémentaires devaient être fournis à la travailleuse pour l’aider à s’impliquer davantage et à lui permettre d’avoir des éléments pertinents pour alimenter sa réflexion aux fins d’arriver à prendre la décision que voulait obtenir la conseillère en réadaptation.

[44]           La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve présentée par la travailleuse permet de conclure que celle-ci n’a pas obtenu le support nécessaire pour lui permettre de s’impliquer pleinement dans son processus de réadaptation afin d’arriver à une solution appropriée en vue de son retour sur le marché du travail.

[45]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles note qu’à l’étape d’examiner l’emploi convenable, les propositions à la travailleuse sont plutôt floues. Cette dernière témoigne à l’audience qu’elle a reçu très peu d’information à ce sujet.

[46]           Selon les notes au dossier, un emploi de préposée au service à la clientèle à raison de 15 heures semaine et un emploi de préposée à l’encartage auraient été examinés. Toutefois, dans les deux cas, les positions de travail ne sont nullement mentionnées dans les documents au dossier.

[47]           Quant à l’emploi convenable d’assembleuse de matériel électronique, même s’il a été retenu en accord avec la travailleuse, les exigences de cet emploi, tel qu’il appert de la fiche du système REPÈRES, font état que la travailleuse doit être capable de travailler principalement en position assise.

[48]           Malgré cette indication, la conseillère en réadaptation indique que cet emploi respecte les limitations fonctionnelles de la travailleuse et qu’elle en a discuté avec celle-ci lui expliquant que cet emploi permet l’alternance des positions.

[49]           Les éléments sur lesquels se fonde la conseillère pour conclure que cet emploi permet l’alternance des positions n’apparaissent pas au dossier. La conseillère mentionne que cet emploi a déjà été analysé lors de visites en entreprise mais ne fournit aucun document attestant de cela.

[50]           Ainsi, rien dans le dossier ne permet d’appuyer les affirmations de la conseillère en réadaptation à ce sujet. La fiche du système REPÈRES fait uniquement état de la capacité à travailler principalement en position assise. La question de l’alternance des positions de travail n’y est nullement mentionnée.

[51]           Considérant la description des exigences de cet emploi, telle qu’elle apparaît au système REPÈRES, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que cet emploi respecte les limitations fonctionnelles de la travailleuse.

[52]           De plus, la fiche REPÈRES mentionne que cet emploi nécessite une formation préalable de quelques années d’études secondaires. Or, la travailleuse n’a qu’un secondaire 1 qui a été réalisé en Suisse dans la langue allemande. La CSST a plutôt retenu qu’il n’y avait pas de formation spécifique puisque la formation se donne en cours d’emploi. Toutefois, la formation préalable est exigée et la conseillère n’a pas discuté des conséquences du fait que la travailleuse n’a qu’une seule année d’études secondaires sur sa possibilité raisonnable d’embauche.

[53]           Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique ne répond pas à l’ensemble des critères de l’emploi convenable prévu à la loi.

[54]           La Commission des lésions professionnelles constate que la CSST a offert des services à la travailleuse dans le cadre de son programme de réadaptation mais qu’elle n’a pas fourni l’effort maximal ni le soutien nécessaire pour faciliter la réflexion demandée à la travailleuse afin d’identifier un emploi convenable. De plus, l’analyse de l’emploi convenable permet de constater que les informations au dossier ne permettent pas d’établir que cet emploi respecte les limitations fonctionnelles de la travailleuse ni que la travailleuse rencontre les exigences de scolarité de cet emploi affectant sa possibilité raisonnable d’embauche.

[55]           Considérant l’ensemble de ces éléments, la Commission des lésions professionnelles déclare que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique ne constitue pas un emploi convenable pour la travailleuse et qu’elle n’avait pas la capacité à l’exercer le 4 janvier 2007. Le dossier est retourné à la CSST pour reprise du processus de réadaptation. La travailleuse a donc droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du 22 mai 2007 de madame Esterina Sferra, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue le 4 mai 2007 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi d’assembleuse de matériel électronique ne constitue pas un emploi convenable pour la travailleuse;

DÉCLARE que la travailleuse n’est pas en mesure d’exercer cet emploi à compter du 4 janvier 2007;

DÉCLARE que la travailleuse a droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour reprise du processus de réadaptation.

 

 

__________________________________

 

Francine Juteau

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Diane Turbide

Turbide Lefebvre et associés

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

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