Robitaille et Servisair inc. |
2013 QCCLP 2879 |
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[1] Le 21 décembre 2012, monsieur Stéphan Robitaille (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 27 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue le 18 septembre 2012 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement d’un matelas orthopédique.
[3] L’audience s’est tenue le 1er mai 2013 à Saint-Jérôme en présence du travailleur uniquement. La CSST a informé le tribunal de son absence et aucun représentant de l’employeur, Servisair inc., ne s’est présenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Robitaille demande à la Commission des lésions professionnelles le remboursement d’un matelas orthopédique.
LES FAITS
[5] Le travailleur est victime d’une lésion professionnelle en date du 11 juillet 2010 lors de la manipulation de bagages. Il s’inflige à cette occasion une entorse lombaire, de même qu’une hernie discale L4-L5 droite.
[6] Ces lésions sont consolidées en mai 2011 avec désignation de séquelles permanentes par le docteur Juneau.
[7] Le 29 juillet 2011, le docteur Jean Perreault est mandaté afin de rédiger le Rapport d’évaluation médicale. Ce dernier retient un déficit anatomophysiologique total de 6 % et décrit des limitations fonctionnelles de classe I selon l’IRSST.
[8] Le 11 octobre 2011, la CSST refuse de payer au travailleur un matelas orthopédique au motif que ces frais ne sont pas remboursables.
[9] Le 8 mai 2012, la Commission des lésions professionnelles[1] traite ce litige et conclut qu’elle ne peut non plus faire droit à la demande de monsieur Robitaille pour les motifs suivants :
[57] La Commission des lésions professionnelles est entièrement d’accord avec la prétention de la CSST selon laquelle le travailleur ne peut se voir rembourser les frais reliés à l’acquisition d’un matelas orthopédique en conformité avec les dispositions du Règlement sur l’assistance médicale[8]. Cependant, cette constatation n’amène pas automatiquement la conclusion que le travailleur n’a pas droit à un tel remboursement. En effet, le tribunal estime qu’une demande de remboursement pour un matelas orthopédique peut être examinée en vertu des dispositions de la loi relatives à la réadaptation sociale lorsqu’elle ne peut être couverte en vertu de celles relatives à l’assistance médicale. À ce sujet, le présent tribunal se rallie à l’opinion exprimée par le juge administratif Therrien dans l’affaire Duval et Blais & Langlois inc.[9] lorsqu’il affirme :
[23] Or, le matelas prescrit par le médecin du travailleur le 10 janvier 2010 ne vise aucunement le traitement de la lésion professionnelle, ni la compensation de limitations fonctionnelles temporaires. La lésion du travailleur est consolidée depuis le 8 octobre 2009 et des limitations fonctionnelles permanentes très sévères sont déjà identifiées et reconnues par la CSST.
[24] C’est d’ailleurs pour répondre à ces situations particulières que la jurisprudence récente de la Commission des lésions professionnelles4 analyse les demandes d’aide technique associées à une atteinte permanente sous l’angle du droit du travailleur à une réadaptation sociale prévu aux articles 145 et 151 de la loi.
[…]
[27] Même si cette nouvelle jurisprudence n’est pas unanime6, le soussigné y adhère, car elle s’inscrit parfaitement dans l’interprétation large et libérale de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, une loi sociale de protection dont l’objet, décrit à son article 1, comprend la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle, notamment par le processus de réadaptation sociale.
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[Soulignements du tribunal]
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4 Tardif et Pro-Animo Internationnal inc., C.L.P. 384771-64-0907, 18 mars 2010, I. Piché; Pagé et Fromagerie de Corneville, C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins; Longtin et Les plastiques Reach ltée, C.L.P. 389701-62A-0909, 22 novembre 2010, E. Malo.
6 Voir Ouellet et Société des alcools du Québec, C.L.P. 393691-01A-0911, 15 septembre 2010, N. Michaud.
[58] La Commission des lésions professionnelles est cependant d’avis qu’il faut minimalement que le matelas orthopédique soit recommandé par un professionnel de la santé afin de pouvoir faire l’objet d’un remboursement par la CSST.
[59] Considérant que le travailleur ne possède pas une telle recommandation, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’elle ne peut faire droit à sa demande dans l’état actuel du dossier.
[60] En terminant, le tribunal tient à préciser qu’il considère que le travailleur pourrait éventuellement avoir droit au remboursement d’un tel matelas dans la mesure où il est recommandé par un professionnel de la santé et que l’acquisition d’un tel matelas satisfait les objectifs prévus par l’article 151 de la loi qui prévoit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[10] En mai 2012 également, le travailleur revoit le docteur Juneau et lui fait part de la décision précédente, de même que de la recommandation d’une ergothérapeute l’ayant traité de se procurer un matelas orthopédique semi-ferme afin de soulager ses douleurs lombaires résiduelles.
[11] Le docteur Juneau rédige à la suite de cette consultation médicale un billet de prescription recommandant l’achat d’un matelas semi-ferme. Il ajoute à titre d’information la mention hernie discale L4-L5 droite et entorse lombaire.
[12] Monsieur Robitaille s’adresse par la suite de nouveau à la CSST et réitère sa demande de remboursement d’un matelas orthopédique.
[13] Lors de l’audience, le travailleur explique qu’il désire se munir d’un tel matelas afin de soulager son dos puisqu’il ne peut plus obtenir de traitements depuis la consolidation de sa lésion professionnelle. Il fait cette demande à la suite d’une recommandation de son ergothérapeute. Il croit qu’un tel achat pourrait probablement lui être bénéfique puisque ces matelas sont vendus justement pour soulager les maux de dos.
[14] Monsieur Robitaille admet que le docteur Juneau a complété le billet à sa demande en fonction des recommandations de l’ergothérapeute uniquement.
[15] Il mentionne être fonctionnel dans sa vie courante, mais ne pouvoir réaliser des travaux exigeants physiquement. Au travail, il réalise des tâches plus légères qu’on lui octroie au jour le jour et parvient de manière générale à les accomplir.
[16] Interrogé sur la qualité de son sommeil, le travailleur indique qu’il se tourne beaucoup dans son lit en raison de ses douleurs, mais qu’il parvient à alléger ses symptômes en repliant ses genoux et en utilisant un oreiller entre ses jambes. Il lui arrive de dormir des nuits complètes, mais est plus incommodé lorsqu’il exécute durant le jour un travail plus physique.
[17] Monsieur Robitaille précise ne prendre aucun médicament.
L’AVIS DES MEMBRES
[18] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête de monsieur Robitaille. Ils estiment en effet que ce dernier n’a pas démontré pas une preuve prépondérante qu’il a droit au remboursement d’un matelas orthopédique en vertu des conditions d’application prévues à l’article 151 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[19] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si monsieur Robitaille a droit au remboursement d’un matelas orthopédique en vertu des dispositions sur la réadaptation de la loi.
[20] Il a en effet été signalé dans la décision du juge administratif Letreiz[3] qu’une telle demande ne peut être accueillie en fonction du droit à l’assistance médicale puisque ce genre d’item n’est pas prévu au règlement[4] concerné et la soussignée est en accord avec cette position.
[21] Par ailleurs, en vertu des articles 145 à 178 de la loi un travailleur victime d’une lésion professionnelle dispose d’un droit à la réadaptation, qui peut être d’ordre physique, professionnel ou social.
[22] La soussignée estime que la fourniture d’un matelas orthopédique peut s’inscrire dans le cadre du droit à la réadaptation sociale dont le but spécifié à l’article 151 de la loi est d’aider un travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à sa nouvelle situation et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.
[23] Dans le présent dossier cependant, le tribunal est d’avis que ces éléments ne lui ont pas été démontrés de manière prépondérante. En effet, il appert de la preuve administrée que monsieur Robitaille présente toujours certaines douleurs résiduelles qui le limitent dans l’accomplissement de tâches plus exigeantes physiquement, mais il est malgré tout en mesure de remplir l’ensemble de ses occupations, qu’elles soient personnelles ou professionnelles.
[24] De toute évidence, la prescription de matelas obtenue du médecin qui a charge ne vise pas à surmonter une difficulté quelconque, mais plutôt à répondre à la demande du travailleur qui recherche une amélioration au niveau de son confort, ce qui d’ailleurs est totalement compréhensible, mais non couvert par le régime en cause.
[25] La Commission des lésions professionnelles rappelle que l’interprétation de l’article 151 de la loi amène une conclusion d’indissociabilité entre les différentes conditions édictées dans cette disposition en raison de la présence du mot et entre les deux derniers éléments. Ainsi, le seul fait de rechercher à s’adapter aux conséquences d’une lésion professionnelle est insuffisant pour ouvrir le droit aux bénéfices de la réadaptation si un travailleur s’avère autonome dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes comme c’est le cas en l’espèce.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Stéphan Robitaille, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 novembre 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’un matelas orthopédique.
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Isabelle Piché |
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