Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Conseil québécois sur le tabac et la santé c

Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp.

2006 QCCS 1098

 

JJ0304

 
COUR SUPÉRIEURE

(Recours collectif)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

N° Â Â Â Â Â Â  :

 

 

500-06-000076-980

 

 500-06-000070-983

 

 

DATE:

2 mars 2006

 

 

                                                                                                                                                           

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE CAROLE JULIEN, J.C.S.

                                                                                                                                                           

 

No 500-06-000076-980

 

CONSEIL QUÉBÉCOIS SUR LE TABAC ET LA SANTÉ

et

JEAN-YVES BLAIS

Requérants

c.

JTI-MACDONALD CORP.

et

IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE

et

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

Intimées

ET

No 500-06-000070-983

 

CÉCILIA LÉTOURNEAU

Requérante

c.

 

JTI-MACDONALD CORP.

et

IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE

et

ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.

Intimées

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       

A.      Le recours autorisé

[1]                Le 21 fĂ©vrier 2005, notre collègue, l’honorable Pierre Jasmin, a autorisĂ© l’exercice d’un recours collectif contre les dĂ©fenderesses pour le compte des groupes suivants :

1.         Pour les personnes dépendantes de la nicotine (Groupe Létourneau)

Toutes les personnes résidant au Québec qui, au moment de lasignification de la requête, étaient dépendantes de la nicotine contenue dans les cigarettes fabriquées par les défenderesses et le sont demeurées ainsi que les héritiers légaux des personnes qui étaient comprises dans le groupe lors de la signification de la requête mais qui sont décédées par la suite sans avoir préalablement cessé de fumer.

2.         Pour les personnes atteintes de certaines maladies et ayant fumé (Groupe cqts)

Toutes les personnes résidant au Québec, qui au moment de la signification de la requête souffraient d’un cancer du poumon, du larynx, de la gorge ou d’emphysème, ou qui depuis la signification de la requête ont développé un cancer du poumon, du larynx, de la gorge ou ont souffert d’emphysème après avoir inhalé directement de la fumée de cigarettes, avoir fumé un minimum de quinze cigarettes par période de vingt-quatre (24) heures pendant une période prolongée et ininterrompue d’au moins cinq (5) ans et les ayants droit de toute personne qui rencontrait les exigences ci-haut mentionnées et qui serait décédée depuis la signification de la requête.

[2]                Le juge Jasmin a dĂ©terminĂ© les questions communes suivantes pour les deux groupes :

Les défenderesses ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?

Les défenderesses avaient-elles connaissance et étaient-elles présumées avoir connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?

Les défenderesses ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?

Les défenderesses ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?

Les défenderesses ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?

Les défenderesses ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?

Les défenderesses ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?

Les défenderesses ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?

[3]                Il a dĂ©crit comme suit les conclusions se rattachant au recours collectif :

1.         Pour le Groupe Létourneau

ACCUEILLIR l’action de la requérante Cécilia Létourneau;

CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à payer à la requérante des dommages exemplaires;

CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à verser à la requérante des dommages et intérêts à être évalués avec intérêt depuis l’assignation de la présente requête ainsi que l’indemnité additionnelle prévue par l’article 1619 C.c.Q.;

ACCUEILLIR l’action de la requérante en recours collectif pour le compte de tous les membres du groupe;

ORDONNER le recouvrement collectif des réclamations pour dommages exemplaires, la liquidation des réclamations individuelles des membres conformément aux dispositions prévues aux articles 1037 à 1040 C.p.c.;

CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à payer à chaque membre du groupe des dommages exemplaires;

CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à payer à chacun des membres du groupe le montant de sa réclamation, avec intérêt depuis l’assignation de la présente requête et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619C.c.Q.;

LE TOUT, avec dépens, incluant les frais d’experts et les frais d’avis;

2.         Pour le Groupe cqts

ACCUEILLIR l'action en dommages et intérêts du requérant et de chacun des membres du groupe;

DÉCLARER les intimées conjointement et solidairement responsables des dommages subis par M. Blais et chacun des membres du groupe;

CONDAMNER les intimées à indemniser les membres du groupe et les dommages subis;

CONDAMNER les intimées à payer à chacun des membres du groupe, des dommages exemplaires pour atteinte à la vie et à la sécurité de leur personne;

RÉSERVER le droit pour chacun des membres de réclamer des dommages futurs liés à la consommation du tabac;

ORDONNER aux intimées que soient versées, à titre de mesures réparatrices, à même les indemnités accordées aux membres, jusqu'à concurrence de la proportion que le tribunal jugera opportun de fixer, les sommes nécessaires à la constitution d'un fonds visant à mettre en œuvre des mesures d'intervention destinées à limiter la consommation de cigarette (dont notamment l'information, l'éducation et le traitement des personnes enclines à fumer ou dépendantes des produits du tabac), la recherche médicale des maladies liées au tabac;

CONDAMNER les intimées à payer aux requérants et à chacun des membres du groupe l'intérêt au taux légal à la date de la présente requête et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q.

B.      La gestion du recours

[4]                Le 31 mars 2005, le juge en chef François Rolland dĂ©signait la juge soussignĂ©e pour entendre toutes les procĂ©dures relatives Ă  l’exercice du recours collectif.

[5]                Entre le 31 mars 2005 et la date du prĂ©sent jugement, cinq confĂ©rences de gestion ont Ă©tĂ© tenues.  Les parties ne s’entendent pas sur l’échĂ©ancier relatif Ă  la mise en Ă©tat du dossier.  Selon les demandeurs, elle sera complĂ©tĂ©e en 2007.  Selon les dĂ©fenderesses, elle doit ĂŞtre prolongĂ©e jusqu’au 30 octobre 2008.  En clair, l’audition au fond ne dĂ©buterait qu’en 2009.

[6]                La juge soussignĂ©e a refusĂ© d’entĂ©riner les Ă©chĂ©anciers proposĂ©s sur une aussi longue pĂ©riode.  Les Ă©chĂ©ances ont Ă©tĂ© approuvĂ©es jusqu’au 30 juin 2006.  Entre-temps, la mise en Ă©tat a progressĂ© :

 

a)  signification des avis requis par la loi en mai - juin 2005 ;

 

b)  signification des procĂ©dures introductives d’instance en septembre 2005 ;

 

c)   identification des experts retenus en demande et des enjeux des expertises ;

 

d)  confection d’une liste des admissions de nature scientifique et technique recherchĂ©es en demande ;

 

e)signification des moyens prĂ©liminaires ;

 

f)     interrogatoires avant dĂ©fense des reprĂ©sentants en demande, en mars et avril 2006 ;

 

g)dépôt des expertises en demande vers le 30 juin 2006, sauf celle portant sur des études épidémiologiques dont la date de dépôt reste à déterminer.

[7]                Ce faisant, les Ă©chĂ©ances les plus courtes prĂ©vues en demande ont Ă©tĂ© devancĂ©es de six mois, ce qui se reflètera sur l’ensemble de la mise en Ă©tat.

[8]                Les procureurs en dĂ©fense se sont engagĂ©s Ă  rĂ©aliser l’inventaire du contenu des interrogatoires effectuĂ©s au stade de l’autorisation.  Ils se sont engagĂ©s Ă  Ă©viter la duplication de ces interrogatoires au mĂ©rite et Ă  rĂ©cupĂ©rer, le cas Ă©chĂ©ant, les portions pertinentes des interrogatoires sur l’autorisation.  Ils conservent la facultĂ© de poursuivre les interrogatoires avant dĂ©fense en deux phases, l’une avant et l’autre après le dĂ©pĂ´t des expertises en demande.

[9]                Les procureurs en demande ont offert d’identifier pour chaque allĂ©guĂ© de la procĂ©dure introductive d’instance le mode de preuve projetĂ© :  expertise, tĂ©moins ordinaires, etc.

[10]            La juge soussignĂ©e a demandĂ© aux procureurs en dĂ©fense d’assurer la disponibilitĂ© de leurs experts afin que les Ă©chĂ©ances soient fixĂ©es pour la suite du dossier Ă  compter de l’étĂ© 2006.

[11]            Compte tenu de l’état d’avancement du dossier, la juge soussignĂ©e a diffĂ©rĂ© le recours Ă  certaines initiatives quant aux expertises estimant qu’elles ne permettraient pas, Ă  ce stade, l’accĂ©lĂ©ration de la mise en Ă©tat avant juin 2006.  Ces initiatives restent disponibles si les dĂ©lais semblaient devoir s’étirer après juin 2006.

[12]            Il faut constater pour l’heure, la collaboration obtenue de tous dans la mise en Ă©tat de ces dossiers, et ce, conformĂ©ment au devoir de chacun d’agir comme auxiliaire de la justice dans le contexte particulier du recours collectif après le stade de l’autorisation.  Rappelons les pouvoirs et devoirs du Tribunal après l’autorisation dont la latitude prĂ©vue Ă  l’article 1045 C.p.c.[1].

[13]            Ces mesures de gestion ont un impact sur l’issue de certains moyens prĂ©liminaires soumis par les dĂ©fenderesses.  Nous y reviendrons.

C.      Les moyens préliminaires

[14]            C’est dans ce contexte gĂ©nĂ©ral de la gestion des recours que les dĂ©fenderesses ont procĂ©dĂ© sur leurs moyens prĂ©liminaires.  Certains de leurs arguments influenceront la gestion des recours selon la dĂ©cision rendue.  C’est le cas, notamment, Ă  l’égard des interrogatoires prĂ©vus.  Ce sera le cas Ă©galement Ă  l’égard des Ă©tapes ultĂ©rieures de la gestion.  Il faut en tenir compte dès maintenant dans la mesure de ce qui peut ĂŞtre raisonnablement anticipĂ©.

[15]            L’audition des moyens prĂ©liminaires a intĂ©grĂ© les arguments sur les deux dossiers.  Le Tribunal en disposera en prĂ©cisant, lorsque requis, les distinctions nĂ©cessaires entre eux.

[16]            Les moyens prĂ©liminaires comportent des demandes de prĂ©cisions, de radiation d’allĂ©gations, de production de documents et de suspension de l’instance.

[17]            Un moyen d’irrecevabilitĂ© a Ă©tĂ© soulevĂ© par j.t.i. macdonald, mais l’audition Ă  cet Ă©gard a Ă©tĂ© continuĂ©e sine die dans l’attente de la dĂ©cision de la Cour d’appel dans l’affaire Bouchard c. Agropur[2].  Les procureurs se sont engagĂ©s Ă  se rendre disponibles Ă  brève Ă©chĂ©ance pour disposer de ce moyen d’irrecevabilitĂ© dès que l’arrĂŞt de la Cour d’appel sera connu[3].

[18]            Le Tribunal procède maintenant Ă  un rappel des principes applicables aux moyens soulevĂ©s.

LE DROIT

[19]            Après l’autorisation, le recours collectif suit les règles ordinaires sauf, incompatibilitĂ©.  Les dĂ©fenderesses peuvent prĂ©senter des moyens prĂ©liminaires communs Ă  une partie importante de membres et qui portent sur une question de nature collective (art. 1012 C.p.c.).

1.         La demande de précision des allégations

[20]            Les moyens soulevĂ©s sont qualifiĂ©s de moyens dilatoires parce qu’ils sont susceptibles de provoquer l’arrĂŞt de la poursuite pendant le dĂ©lai fixĂ© par le jugement y faisant droit.  C’est d’ailleurs ce que demandent les dĂ©fenderesses.  Il faut, toutefois, tout en prĂ©servant les droits des parties, Ă©viter de crĂ©er des obstacles au bon dĂ©roulement de l’instance.

[21]            L’obtention de prĂ©cisions ressort du droit Ă  une dĂ©fense pleine et entière.  Il s’agit de dĂ©limiter le litige auquel la partie dĂ©fenderesse doit rĂ©pondre.  Les prĂ©cisions Ă©vitent les surprises lors du procès[4] et en facilitent le dĂ©roulement.

[22]            La Cour d’appel impose une interprĂ©tation libĂ©rale des articles 159 et 168 (7) C.p.c.  Toutefois, la demande de prĂ©cisions doit viser des allĂ©gations « vagues et ambiguĂ«s Â», les prĂ©cisions Ă©tant « nĂ©cessaires Ă  la prĂ©paration de la dĂ©fense Â»[5].

[23]            Les allĂ©gations de la demande sont considĂ©rĂ©es suffisantes si elles permettent Ă  la partie dĂ©fenderesse de savoir ce que la partie adverse a l’intention de prouver[6].

[24]            Le Tribunal jouit d’un large pouvoir discrĂ©tionnaire dans l’apprĂ©ciation du caractère vague et imprĂ©cis des allĂ©gations[7].

2.         La demande de radiation des allégations

[25]            L’article 168 in fine C.p.c. prĂ©voit la possibilitĂ© pour la dĂ©fenderesse d’obtenir la radiation d’allĂ©gations non pertinentes[8].

[26]            Les allĂ©gations visĂ©es seraient non pertinentes parce que :

 

a)                  Le recouvrement collectif des dommages rĂ©clamĂ©s est incompatible avec la dĂ©monstration des Ă©lĂ©ments constitutifs de la responsabilitĂ© civile, notamment, celle du lien causal;

 

b)                  Certaines allĂ©gations nĂ©cessitent une preuve d’expertise et les rapports des experts n’ont pas Ă©tĂ© produits Ă  ce jour;

 

c)                  Certaines allĂ©gations ne pourront ĂŞtre prouvĂ©es, car elles renvoient Ă  des dĂ©clarations des reprĂ©sentants des dĂ©fenderesses protĂ©gĂ©es par le privilège de l’immunitĂ© parlementaire;

 

d)                  Certaines allĂ©gations renvoient aux conclusions factuelles tirĂ©es par des juges dans le cadre de litiges constitutionnels apparentĂ©s et ces conclusions n’ont pas de valeur probante dans la prĂ©sente affaire;

 

e)                  Certaines allĂ©gations s’écartent du cadre du recours collectif tel qu’il a Ă©tĂ© autorisĂ© par le juge Jasmin;

 

f)                    Certaines allĂ©gations rĂ©fèrent Ă  une preuve de ouĂŻ-dire;

 

g)                  Certaines allĂ©gations sont Ă©trangères aux enjeux du prĂ©sent litige ou ne concernent pas le membre dĂ©signĂ©.

[27]            La notion de pertinence a Ă©tĂ© dĂ©finie par la Cour d’appel.  Un fait peut ĂŞtre allĂ©guĂ© et est pertinent lorsqu’il s’agit du fait en litige, lorsqu’il contribue Ă  prouver de façon rationnelle un fait en litige ou lorsqu’il permet d’apprĂ©cier la force probante d’un tĂ©moignage.  En cas de doute sur le caractère pertinent d’une allĂ©gation, il y a lieu de faire confiance Ă  la partie qui l’allègue et entend en faire la preuve[9].

3.         La demande de production de documents (art. 168 (8) C.p.c.)

[28]            Les dĂ©fenderesses ont le droit d’obtenir la communication d’une pièce que la partie adverse utilisera au procès[10].  La production doit ĂŞtre faite avant le dĂ©pĂ´t de la dĂ©fense et avant l’interrogatoire prĂ©alable en vertu de 397 C.p.c.[11].  Cette demande concerne les rapports d’expertise en demande.

4.         La demande de suspension de l’instance

[29]            Cette mesure peut ĂŞtre accordĂ©e pour le temps nĂ©cessaire Ă  la fourniture des prĂ©cisions ou Ă  la communication des documents demandĂ©s.

Discussion

1.         Demande de radiation des allégations relatives au recouvrement collectif

[30]            Cette demande vise les paragraphes 186 Ă  189 dans le dossier LĂ©tourneau et 163 Ă  179 dans le dossier Cqts.

[31]            LĂ©tourneau rĂ©clame une somme de 5 000 $ pour chaque membre du groupe en compensation des dommages non pĂ©cuniaires liĂ©s Ă  la dĂ©pendance.  Le recouvrement collectif de cette condamnation est Ă©valuĂ© Ă  8 901 000 000 $.

[32]            LĂ©tourneau rĂ©clame de plus, pour chaque membre, une somme de 5 000 $ Ă  titre de dommages exemplaires pour atteinte illicite et intentionnelle Ă  leurs droits garantis par la Charte des droits et libertĂ©s du QuĂ©bec[12] et pour le dĂ©faut des dĂ©fenderesses de se conformer Ă  la Loi sur la protection du consommateur[13].  Le recouvrement collectif de cette condamnation est Ă©valuĂ© Ă  8 901 000 000 $.

[33]            LĂ©tourneau demande au Tribunal de dĂ©terminer le processus de distribution et de paiement Ă  chaque membre, selon les articles 1027 Ă  1036 C.p.c. et compte tenu de la preuve et des suggestions qui seront prĂ©sentĂ©es en temps opportun.

[34]            Aux paragraphes 190 et 191, LĂ©tourneau prĂ©voit la facultĂ© pour les membres de prĂ©senter des rĂ©clamations individuelles pour tout autre dommage et selon les articles 1027 Ă  1040 C.p.c.

[35]            D’autre part, le Cqts rĂ©clame les dommages non pĂ©cuniaires pour perte de jouissance de la vie, souffrances et douleurs psychiques et morales, diminution de l’espĂ©rance de vie, troubles, ennuis et inconvĂ©nients au montant de 100 000 $ pour chaque membre et des dommages exemplaires de 5 000 $ pour chaque membre, pour les mĂŞmes raisons que celles allĂ©guĂ©es par LĂ©tourneau.

[36]            En se fondant sur une Ă©valuation d’une moyenne annuelle de nouveaux cas de cancers du poumon, de la gorge, du larynx et d’emphysème pour la pĂ©riode dĂ©terminĂ©e par le juge Jasmin, le cqts allègue que le nombre total des membres du groupe est de 49 035.

[37]            Le cqts Ă©value la somme totale du recouvrement collectif Ă  5 148 675 000 $.

[38]            Le cqts suggère que le reliquat, le cas Ă©chĂ©ant, après distribution aux membres, soit utilisĂ© selon la dĂ©cision du Tribunal.

[39]            Les dommages pĂ©cuniaires feront l’objet de rĂ©clamations individuelles.

[40]            Selon les dĂ©fenderesses, les mesures de recouvrement collectif prĂ©conisĂ©es par la demande visent Ă  occulter les multiples questions individuelles, notamment, sur le lien de causalitĂ©.

[41]            Selon les articles 1031 et 1032 C.p.c., le recouvrement collectif peut ĂŞtre ordonnĂ© si la preuve permet d’établir de façon « suffisamment exacte le montant total des rĂ©clamations des membres. Â».

[42]            Selon les dĂ©fenderesses, il sera impossible de dĂ©terminer le nombre des membres et le total de leur rĂ©clamation en raison des aspects individualisĂ©s associĂ©s Ă  la preuve du lien causal :

a)     le prĂ©judice causĂ© doit rĂ©sulter de la consommation des produits des dĂ©fenderesses ;

 

b)     le degrĂ© de connaissance des membres Ă  l’égard des risques associĂ©s Ă  la consommation de ces produits affecte le lien causal ;

[43]            Selon les dĂ©fenderesses, l’indemnisation forfaitaire proposĂ©e par LĂ©tourneau et le cqts constituerait une condamnation arbitraire insuffisante dans certains cas et excessive dans d’autres cas constituant alors des dommages punitifs de facto.

[44]            Or, les Ă©lĂ©ments constitutifs de responsabilitĂ© civile doivent ĂŞtre Ă©tablis selon les critères habituels de preuve mĂŞme s’il s’agit d’un recours collectif[14].

[45]            En matière de recours collectif, il est possible de traiter les rĂ©clamations individuelles en fonction d’une moyenne significative par rapport au plus grand nombre de rĂ©clamations[15].

[46]            Il faut considĂ©rer l’ensemble de la preuve et dĂ©terminer si le prĂ©judice subi par les membres appelle une compensation Ă  peu près similaire[16].  Ce peut ĂŞtre le cas pour les dommages moraux (non pĂ©cuniaires) qui peuvent ĂŞtre arbitrĂ©s[17].

[47]            Les dĂ©fenderesses s’insurgent contre l’utilisation des Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques pour Ă©tablir le lien de causalitĂ© de façon collective.  Il faudra de toute façon complĂ©ter cette analyse par des enquĂŞtes individuelles sur le lien causal[18], ce qui inclut l’évaluation de la connaissance des risques par la victime[19] ou lorsqu’il existe d’autres facteurs de causalitĂ©.

[48]            Avec Ă©gards, tous ces arguments sont prĂ©maturĂ©s Ă  ce stade.  Le jugement en autorisation prĂ©voit la possibilitĂ© de procĂ©der par Ă©tapes[20].  Ces aspects relèveront de la gestion de l’instance, ultĂ©rieurement.

[49]            De plus, la preuve n’est pas disponible Ă  ce stade pour Ă©valuer les critères de l’article 1031 C.p.c.  Il serait imprudent et contraire Ă  l’esprit des dispositions relatives au recours collectif de radier des allĂ©gations pertinentes au recouvrement collectif prĂ©maturĂ©ment, hors du contexte de l’enquĂŞte et sans nĂ©cessitĂ©.  Les conclusions du jugement qui condamneraient au paiement d’une somme d’argent doivent prĂ©voir le recouvrement collectif ou individuel ou les deux simultanĂ©ment (art. 1028 C.p.c.).  Le recouvrement collectif est ordonnĂ© si le Tribunal peut conclure de façon suffisamment exacte le moment total des rĂ©clamations des membres.  S’il ne le peut pas, il ne pourra l’ordonner.  D’autre part, si les rĂ©clamations individuelles peuvent ĂŞtre efficacement traitĂ©es, le jugement en disposera tout en dĂ©terminant, si requis, des modes de preuve et de procĂ©dure particuliers (art. 1039 C.p.c.)  Nous n’en sommes pas lĂ .

[50]            Sur la preuve de lien causal, la demande proposera ses moyens et leur valeur sera examinĂ©e.  Les allĂ©gations relatives au recouvrement collectif ne dĂ©cident pas de la suffisance de la preuve quant au lien causal.

[51]            De toute façon, les enquĂŞtes Ă©pidĂ©miologiques, auxquelles la demande veut se rĂ©fĂ©rer, peuvent ĂŞtre utiles Ă  d’autres fins que l’établissement du lien causal.  Elles peuvent alimenter la preuve sur l’état de connaissance des dĂ©fenderesses Ă  l’égard des risques associĂ©s Ă  la consommation de leurs produits.  Elles peuvent contribuer Ă  Ă©tablir la faute, notamment, quant Ă  un devoir d’information, le cas Ă©chĂ©ant.  Il s’agit d’ailleurs d’une question commune Ă©tablie au jugement d’autorisation.

[52]            Les dĂ©fenderesses conservent toute la latitude nĂ©cessaire pour formuler leurs objections Ă  la preuve et sur l’utilisation qui sera faite de celle-ci.

[53]            Les dĂ©fenderesses plaident avec raison qu’elles doivent connaĂ®tre dès maintenant le cadre factuel et juridique auquel elles doivent rĂ©pondre.  Cette prĂ©occupation lĂ©gitime existe pour les deux parties et le Tribunal a le devoir de le prĂ©ciser si besoin est.

[54]            Toutefois, les dĂ©cisions Ă  cet Ă©gard tiennent compte de l’état d’avancement du dossier, de la connaissance acquise par chacun sur les enjeux du litige Ă  la lumière des informations disponibles.

[55]            Au stade des moyens prĂ©liminaires, le juge doit faire preuve de prudence et de rĂ©alisme.  L'article 1028 C.p.c. prĂ©voit que les dĂ©cisions relatives au recouvrement collectif ou individuel et leurs modalitĂ©s seront dĂ©cidĂ©es Ă  une Ă©tape ultĂ©rieure soit après l’enquĂŞte, lors du jugement final et en se fondant sur la preuve (art. 1031 C.p.c.).

[56]            Il est nettement prĂ©maturĂ© d’en dĂ©cider maintenant et indirectement par la radiation des allĂ©gations qui y rĂ©fèrent.  Au contraire, une telle radiation introduirait un Ă©lĂ©ment d’incertitude, car les parties pourraient, de toute façon, ĂŞtre tentĂ©es de plaider que le Tribunal doit en dĂ©cider malgrĂ© cela lors du jugement final, puisqu’il s’agit du choix du lĂ©gislateur.

[57]            La radiation Ă  ce stade serait contraire Ă  l’esprit et Ă  la lettre du titre IV du C.p.c.  Le cadre et les enjeux sont prĂ©cisĂ©s par la loi.  Les parties doivent prĂ©voir la preuve et les arguments pertinents pour dĂ©cider de cet aspect au jugement final.  Elles conservent toute la latitude nĂ©cessaire pour orienter la dĂ©cision Ă  cet Ă©gard.

[58]            Cela dit, la gestion de l’instance pourra Ă©tablir des consensus, dès avant le procès, sur la simplification de la preuve et l’accĂ©lĂ©ration de la procĂ©dure.

[59]            La gestion peut dĂ©finir les Ă©tapes du procès, dĂ©terminer des sous-groupes ou toute autre mesure susceptible de dĂ©cider du recouvrement collectif et individuel.  Il est possible que les interrogatoires avant et après dĂ©fense, les rapports d’expertises, les rencontres prĂ©alables entre les experts et les admissions des parties fourniront des Ă©lĂ©ments de preuve permettant de prĂ©ciser et anticiper les contours des mesures de recouvrement Ă©ventuellement retenues lors du jugement final.

[60]            Cette discussion reste possible et mĂŞme nĂ©cessaire tout au long de la gestion comme d’ailleurs la simplification et l’accĂ©lĂ©ration du processus jusqu’à jugement Ă  l’égard de tous les enjeux, et ce, dans le respect des droits des parties.

[61]            La demande de radiation n’est pas le moyen appropriĂ© d’en disposer.  Elle sera rejetĂ©e.

2.         Demande de radiation d’allégations se rapportant aux opinions, conclusions ou contestations du ressort des experts

[62]            Les dĂ©fenderesses rĂ©fèrent aux paragraphes 6, 9, 11, 48, 50, 51, 58, 60, 61, 70, 73, 74 Ă  78, 82 Ă  93, 99, 100, 159 du dossier LĂ©tourneau et aux paragraphes 21, 52, 53, 55, 56, 58, 59, 61 Ă  66, 70, 72, 75, 78, 79 et 105 du dossier du cqts.

[63]            Selon les dĂ©fenderesses, ces allĂ©gations nĂ©cessitent une preuve fondĂ©e sur le tĂ©moignage d’experts et non sur celui de tĂ©moins ordinaires des faits.  Or, le tĂ©moignage d’experts doit ĂŞtre prĂ©cĂ©dĂ© du dĂ©pĂ´t de leurs rapports (art. 402.1 C.p.c.).

[64]            Les dĂ©fenderesses exigent que ces allĂ©gations soient appuyĂ©es par un expert et Ă  dĂ©faut, qu’elles soient radiĂ©es.  Elles invoquent les articles 331.1 Ă  331.3 C.p.c. afin d’obliger les demandeurs Ă  communiquer les expertises qu’ils dĂ©tiennent dĂ©jĂ , et ce, immĂ©diatement.  Pour celles Ă  venir, elles demandent leur communication dans un dĂ©lai raisonnable et que le dĂ©lai pour contester soit suspendu en attendant leur production.

[65]            Avec respect, le Tribunal estime que cette discussion, aussi intĂ©ressante soit-elle, est ici un faux problème.  La gestion de l’instance a dĂ©jĂ  rĂ©solu les difficultĂ©s reliĂ©es au dĂ©pĂ´t Ă©ventuel des expertises en demande.

[66]            L’échĂ©ancier approuvĂ© jusqu’au 30 juin 2006 a Ă©tĂ© devancĂ© par le dĂ©pĂ´t des expertises en demande avant cette date.  Vu la collaboration offerte par les demandeurs Ă  cet Ă©gard, il n’est nul besoin de suspendre l’instance.  Il n’est d’ailleurs pas prĂ©vu Ă  l’échĂ©ancier que la contestation Ă©crite soit dĂ©posĂ©e avant le 30 juin 2006.

[67]            Au contraire, le Tribunal reporte la discussion sur l’échĂ©ancier Ă  une date ultĂ©rieure et toutes les auditions reliĂ©es Ă  la gestion de l’instance sont dĂ©jĂ  fixĂ©es jusqu’en juin 2007 Ă  raison d’une confĂ©rence de gestion Ă  chaque mois.

[68]            De cette façon, les dĂ©fenderesses obtiendront les rapports d’expertise avant de dĂ©poser leur contestation.

[69]            Quant aux interrogatoires avant dĂ©fense, il est dĂ©jĂ  prĂ©vu qu’ils se poursuivront en deux phases, avant et après le dĂ©pĂ´t des expertises.  L’esprit de cette dĂ©cision, reliĂ©e Ă  la gestion de l’instance, est de permettre l’avancement de la mise en Ă©tat sur toutes les allĂ©gations qui ne seraient pas du ressort des experts.  Les allĂ©gations visĂ©es par la prĂ©sente demande pourront ĂŞtre discutĂ©es dans la deuxième phase de l’interrogatoire, si besoin est, après le dĂ©pĂ´t des expertises.  Encore ici, nul besoin de suspendre l’instance.

[70]            Enfin, les demandeurs ont proposĂ© d’identifier pour chacune de leurs allĂ©gations, les moyens de preuve envisagĂ©s.  Le Tribunal retient cette suggestion propre Ă  favoriser la mise en Ă©tat et en prendra acte aux conclusions du prĂ©sent jugement.

[71]            Le Tribunal a dĂ©jĂ  mentionnĂ© Ă  plusieurs reprises que les dĂ©cisions relatives Ă  la gestion tentent de reflĂ©ter un consensus des parties lorsque cela est possible.  Cette approche implique une mesure de souplesse afin d’ajuster la mise en Ă©tat au degrĂ© d’avancement du dossier et aux besoins des parties.  Ă€ ce jour, la mise en Ă©tat progresse de façon satisfaisante.  Les dĂ©fenderesses conservent la facultĂ© de soulever, dans le cadre de la gestion, les difficultĂ©s qui pourraient survenir et qui seraient liĂ©es Ă  la preuve de ces allĂ©gations.

[72]            Lors de l’audition des moyens prĂ©liminaires, les dĂ©fenderesses ont insistĂ© sur le fait qu’elles ne renonçaient Ă  aucun des moyens soulevĂ©s malgrĂ© les engagements et accommodements proposĂ©s par la partie demanderesse, notamment, sur la production des expertises et la scission de l’interrogatoire avant dĂ©fense en deux phases, avant et après le dĂ©pĂ´t des expertises.

[73]            C’est le droit le plus strict des dĂ©fenderesses de maintenir leurs moyens prĂ©liminaires.  Toutefois, le Tribunal conserve la facultĂ© d’en disposer selon son Ă©valuation des besoins de la mise en Ă©tat et de tenir compte des engagements souscrits afin d’éviter les difficultĂ©s que les moyens prĂ©liminaires visaient Ă  rĂ©soudre.

[74]            Rendre jugement sur des questions devenues thĂ©oriques peut crĂ©er des embĂ»ches Ă  une gestion pragmatique de l’instance.

[75]            Le Tribunal rappelle le pouvoir Ă©tendu de gestion prĂ©vu Ă  l’article 1045 C.p.c. dans le contexte du recours collectif.

[76]            La demande de radiation est rejetĂ©e Ă  ce stade, mais les droits des dĂ©fenderesses sont rĂ©servĂ©s afin de tenir compte de l’évolution de la mise en Ă©tat, notamment, quant au respect des engagements souscrits par la partie demanderesse.

3.         Demande de radiation d’allégations contrevenant au principe de l’immunité parlementaire

[77]            Selon les dĂ©fenderesses, les dĂ©clarations de leurs reprĂ©sentants devant les comitĂ©s du Parlement fĂ©dĂ©ral bĂ©nĂ©ficient du privilège de l’immunitĂ© parlementaire.  Ces dĂ©clarations ne pourraient ĂŞtre invoquĂ©es dans la prĂ©sente instance.  Ce privilège profiterait aux personnes qui tĂ©moignent devant les commissions parlementaires.

[78]            LĂ©tourneau rĂ©fère Ă  ces dĂ©clarations aux paragraphes 46, 68, 70, 120, 122, 123 et 136 de la procĂ©dure introductive.  Il en est de mĂŞme aux paragraphes 87, 115, 125 de celle cqts.

[79]            En l’espèce, il s’agit de dĂ©clarations non assermentĂ©es et volontaires des reprĂ©sentants des dĂ©fenderesses devant les comitĂ©s suivants :

(i)               le ComitĂ© lĂ©gislatif de la Chambre des Communes sur le projet de loi C - 204, soit la Loi rĂ©gissant l’usage du tabac dans les lieux de travail fĂ©dĂ©raux et les vĂ©hicules de transport en commun et modifiant la Loi sur les produits dangereux en ce qui concerne la publicitĂ© des cigarettes (paragraphes 46 et 123 de la requĂŞte LĂ©tourneau et paragraphe 87 de la requĂŞte du cqts);

(ii)             le ComitĂ© sĂ©natorial permanent de l’Énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui avait pour mandat d’étudier le projet de loi S-20, soit la Loi visant Ă  donner Ă  l’industrie canadienne du tabac le moyen de rĂ©aliser son objectif de prĂ©vention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada (paragraphes 68, 70 et 136 de la requĂŞte LĂ©tourneau); et

(iii)           le ComitĂ© permanent de la SantĂ©, du bien-ĂŞtre social et des affaires sociales de la Chambre des communes, concernant la question de fond des projets de loi C-39 (Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (Annonce de cigarettes)), C-45 (Loi visant Ă  restreindre l’usage du tabac), C-53(Loi modifiant la Loi des aliments et drogues), C-143 (Loi modifiant la Loi sur la rĂ©pression de l’usage du tabac chez les adolescents), C-137 (Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (Interdiction de rĂ©clames de cigarettes)) et C-147 (Loi ayant pour objet de contrĂ´ler la teneur en goudron et en nicotine des cigarettes) (paragraphes 120 et 122 de la requĂŞte LĂ©tourneau et paragraphes 115 et 125 de la requĂŞte du cqts).

[80]            Personne ne conteste l’existence d’un tel privilège pour les membres du Parlement et les personnes assignĂ©es Ă  tĂ©moigner.  La Cour suprĂŞme[21] a confirmĂ© l’objet de ce privilège afin de permettre aux organismes lĂ©gislatifs de bien s’acquitter de leurs fonctions.  Il existe par exemple, un droit constitutionnel non Ă©crit de s’exprimer librement Ă  l’AssemblĂ©e lĂ©gislative sans crainte de poursuites civiles[22].  Ce privilège a Ă©tĂ© consacrĂ© en faveur des tĂ©moins par la procĂ©dure parlementaire de la Chambre des communes du Canada.  Selon les dĂ©fenderesses[23] :

L’application de ce privilège à un témoin qui témoigne devant un comité ou une commission parlementaire fédérale au Canada a été confirmée dans Beauchesne’s Parliamentary Rules and Forms of the House of Commons of Canada, un outil fondamental quant à la procédure parlementaire de la Chambre des communes du Canada:

Witnesses before committees share the same privilege of freedom of speech as Members. Nothing said before a committee (or at the Bar of the House) may be used in a court of law. Thus a witness may not refuse to answer on the grounds that he will incriminate himself. [nous soulignons]

A. FRASER, G.A. BIRCH et W.F. DAWSON, Beauchesne’s Parliamentary Rules and Forms of the House of Commons of Canada, 5e éd., Toronto, Carswell, 1978, par. 77.

La question a été étudiée de façon plus détaillée par le Procureur général de l’Ontario dans le rapport du O.L.R.C., qui traite spécifiquement de l’Assemblée générale de l’Ontario.

Ă€ la page 82 du rapport du O.L.R.C., le Procureur gĂ©nĂ©ral de l’Ontario conclut ainsi quant Ă  l’étendue de l’immunitĂ© parlementaire confĂ©rĂ©e Ă  des tĂ©moins devant des commissions ou comitĂ©s parlementaires : 

After quoting Beauchesne that “[n]othing said before a committee ... may used in a court of law”, the Committee Report considered whether witnesses enjoyed the same “privileges” as members of the Legislative Assembly and whether evidence taken at a legislative committee hearing was protected at subsequent criminal, as well as civil, proceedings. While the Standing Procedural Affairs Committee was of the view that witnesses enjoyed full protection in respect of subsequent civil proceedings, it thought that the protection in respect of subsequent criminal proceedings was “less clear cut”. However, the Committee stated categorically that “[w]itnesses do, of course, retain the right to invoke the Canada Evidence Act. [nous soulignons] (Report on Witnesses Before Legislative Committees, Ontario Law Reform Commission, Ministry of the Attorney General, 1981, p. 82).

[81]            Cette approche a Ă©tĂ© retenue par la juge Tremblay-Lamer de la Cour fĂ©dĂ©rale du Canada Ă  l’égard d’un tĂ©moin.  Selon les dĂ©fenderesses[24] :

Dans une décision récente, la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale du Canada, division de première instance, s’est penchée sur l’étendue de l’immunité parlementaire dans le cas de son application à un témoin.

Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 .

La Cour devait déterminer si le témoignage antérieur de M. Charles Guité devant une commission pouvait être utilisé contre ce même témoin lors de son témoignage devant une autre commission, soit la Commission Gomery.

Les procureurs de l’honorable Alfonso Gagliano ont présenté l’argument que l’immunité parlementaire ne trouvait pas application dans un tel cas car le témoignage antérieur de M. Guité serait utilisé simplement pour le contre-interroger sur des déclarations antérieures prétendument incompatibles.

De plus, M. Guité ne comparaissait pas devant une instance civile ou criminelle, mais bien devant une commission qui n’avait aucun pouvoir de déclaration de culpabilité ni même de recommandation de poursuites civiles ou criminelles.

Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 19.

Dans cette dĂ©cision, la juge Tremblay-Lamer confirme que les membres du Parlement, ainsi que les tĂ©moins dĂ©tiennent des privilèges parlementaires :

Premièrement, les membres du Parlement, tout comme les témoins, détiennent des privilèges parlementaires vis-à-vis de la Couronne et de la magistrature - New Brunskwick Broadcasting Co.  La Commission Gomery agit suite à une décision du gouvernement (la Couronne) d’ordonner une enquête (...).  Ainsi, la Commission, pas plus que les tribunaux civiles ou criminels, ne peut contrevenir aux privilèges parlementaires dont jouit la Chambre des communes.

Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 67.

Toujours dans l’affaire Gagliano, la juge Tremblay-Lamer a citĂ© avec approbation les commentaires de Lord Browne-Wilkinson du Judicial Committe of the Privy Council siĂ©geant en appel de la Nouvelle-ZĂ©lande dans l’affaire Prebble[25], au sujet de l’application de l’immunitĂ© parlementaire aux tĂ©moins :

Finally, Hunt J. based himself on a narrow construction of article 9, derived from the historical context in which it was originally enacted.  He correctly identified the mischief sought to be remedied in 1689 as being, inter alia, the assertion by the King's Courts of a right to hold a Member of Parliament criminally or legally liable for what he had done or said in Parliament.  From this he deduced the principle that article 9 only applies to cases in which a court is being asked to expose the maker of the statement to legal liability for what he has said in Parliament.  This view discounts the basic concept underlying article 9, viz. the need to ensure so far as possible that a member of the legislature and witnesses before committees of the House can speak freely without fear that what they say will later be held against them in the courts.  The important public interest protected by such privilege is to ensure that the member or witness at the time he speaks is not inhibited from stating fully and freely what he has to say.  If there were any exceptions which permitted his statements to be questioned subsequently, at the time when he speaks in Parliament he would not know whether or not there would subsequently be a challenge to what he is saying.  Therefore he would not have the confidence the privilege is designed to protect. [nous soulignons]

Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 75, citant Prebble, pp. 333-334.

La juge Tremblay-Lamer conclut ainsi :

[...] Ainsi, pour lord Browne-Wilkinson, l’intérêt public qui est protégé par le privilège est de s’assurer qu’un témoin, au moment où il témoigne devant un comité parlementaire, n’est pas freiné de parler librement.

Je suis de cet avis.  Je crois qu’il est important pour la démocratie canadienne qu’un témoin puisse parler ouvertement devant un comité parlementaire.  Cet objectif sera accompli s’il ne craint pas, au moment où il témoigne devant ce comité, que l’on puisse utiliser ses paroles par la suite pour le discréditer dans une autre instance, que celle-ci entraîne des conséquences légales ou non.  C’est en lui donnant l’assurance qu’il est complètement protégé par le privilège et qu’il ne pourra être interrogé par la suite qu’il est plus probable qu’il parle avec confiance.

L’incertitude quant à la portée du privilège qui lui est accordé peut accentuer le sentiment de vulnérabilité d'un témoin et l'empêcher de s'exprimer ouvertement, ce qui réduirait évidemment l'efficacité des audiences devant les comités parlementaires.

Bien sûr, une telle proposition est difficile à démontrer avec certitude (ce qui explique probablement la controverse sur le sujet), puisqu'il est évident que les réactions humaines peuvent varier d'un individu à l'autre. Je reconnais que chez certains, une protection complète peut les conduire à une fausse impression de sécurité.

Malgré cela, la prudence m'invite à suivre l'avis des plus hauts tribunaux qui ont conclu à la nécessité d'étendre le privilège à toute instance. […][nous soulignons]

Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 76 à 80.

La Cour fédérale a donc maintenu la décision du commissaire John Gomery d’exclure le témoignage antérieur de monsieur Guité, confirmant ainsi l’application large du privilège de l’immunité parlementaire:

À mon avis, le pouvoir d'empêcher le contre-interrogatoire de témoins en utilisant des éléments de preuve obtenus au cours de travaux précédents du Parlement tombe sous le coup du privilège parlementaire parce qu'il est nécessaire au fonctionnement du Parlement. Il est nécessaire à trois niveaux: pour encourager les témoins à parler ouvertement devant le comité parlementaire, pour permettre au comité d'exercer sa fonction d'enquête et, de façon plus secondaire, pour éviter les conclusions de fait contradictoires. [nous soulignons]

Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 72.

[82]            Cette dĂ©cision est pendante en appel.

[83]            Les dĂ©fenderesses soulèvent des arguments importants qu’il faudra trancher, mais il est prĂ©maturĂ© d’en disposer maintenant.  Il est probable que la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale du Canada se prononcera avant le procès dans la prĂ©sente instance.  Il faut voir que la juge Tremblay-Lamer soulève elle-mĂŞme l’existence d’une controverse quant Ă  l’application de ce privilège aux tĂ©moins.  Il n’est pas nĂ©cessaire de dĂ©cider cette question Ă  ce stade des procĂ©dures dans la prĂ©sente instance.

[84]            En effet, les dĂ©fenderesses ont pu renoncer Ă  la protection accordĂ©e par ce privilège, notamment, en rĂ©fĂ©rant elles-mĂŞmes Ă  des segments de leurs dĂ©clarations devant les comitĂ©s, et ce, dans le cadre d’autres instances dont celle portant sur l’autorisation du prĂ©sent recours.

[85]            C’est d’ailleurs ce que plaident les demandeurs.  Pour en dĂ©cider, il faut connaĂ®tre les circonstances de ces dĂ©clarations devant les comitĂ©s et celles de leur utilisation par les dĂ©fenderesses dans les diffĂ©rentes instances.  Ou encore, celles liĂ©es Ă  l’absence d’objections formulĂ©es en temps utile.

[86]            Le Tribunal ne dĂ©cide pas Ă  ce stade de la valeur des objections qui pourront ĂŞtre formulĂ©es par les dĂ©fenderesses.

[87]            Si les dĂ©clarations des reprĂ©sentants des dĂ©fenderesses ne sont pas protĂ©gĂ©es par le privilège de l’immunitĂ© parlementaire, elles paraissent, Ă  première vue, prĂ©senter un degrĂ© de pertinence suffisant pour que les allĂ©gations y rĂ©fĂ©rant ne soient pas radiĂ©es.  Cette preuve pourra alimenter la discussion judiciaire sur les Ă©lĂ©ments pertinents Ă  la faute reprochĂ©e, notamment, quant Ă  l’état de connaissance des dĂ©fenderesses sur la dangerositĂ© de leurs produits, les fausses reprĂ©sentations et la publicitĂ© trompeuse.

[88]            Les parties pourront discuter lors d’une confĂ©rence de gestion de la possibilitĂ© d’une enquĂŞte portant sur la recevabilitĂ© de cette preuve, et ce, avant le procès.  Le Tribunal conservera la facultĂ© de dĂ©cider de l’opportunitĂ© de se prononcer sur cette preuve avant le procès.

[89]            La demande de radiation sera rejetĂ©e.

4.         Demande de radiation des allégations référant aux jugements rendus en matière constitutionnelle

[90]            Cette demande vise la procĂ©dure introductive dans le recours instituĂ© par le cqts.  Il est utile de reproduire les allĂ©gations visĂ©es par la demande de radiation :

67.        Par son arrĂŞt rendu en 1995 portant sur la constitutionnalitĂ© de la Loi rĂ©glementant les produits du tabac (L.R.C. 1985 (4e supp) c. 14), la Cour suprĂŞme du Canada a conclu que le phĂ©nomène de dĂ©pendance au tabac est tel que son interdiction reprĂ©senterait une solution inconcevable, sa mise en Ĺ“uvre Ă©tant de nature Ă  entraĂ®ner une augmentation du crime et de la contrebande, au-delĂ  de ce qu'on peut dĂ©jĂ  observer;

68.        Le 22 août 2005, la Cour d'appel du Québec, en concluant au caractère intra vires de l'essentiel des dispositions de la Loi sur le tabac (1997, ch. 13), a conclu qu'il est difficile de nier que la plupart de ceux qui commencent à fumer deviennent dépendants du tabac et ne réussissent à se défaire de cette habitude qu'au prix d'efforts de volonté considérables;

(…)

80.        Par son arrêt rendu en 1995 portant sur la constitutionnalité de la Loi réglementant les produits du tabac (L.R.C. 1985 (4e supp) c. 14), la Cour suprême du Canada a conclu que le l'usage du tabac fabriqué et vendu par les défenderesses était selon une preuve écrasante un produit dangereux et une cause principale de cancer;

81.        Le 22 aoĂ»t 2005, la Cour d'appel du QuĂ©bec, en concluant au caractère intra vires de presque l'ensemble des dispositions de la Loi sur le tabac (1997, ch. 13), a conclu que :

·         la fumĂ©e du tabac est un poison;

·         l'usage du tabac entraĂ®ne des consĂ©quences extrĂŞmement graves pour la santĂ©, qu'il constitue l'un des facteurs les plus importants de plusieurs maladies mortelles, tout en constituant une cause probable et directe de cancers et de maladies cardiaques et vasculaires entraĂ®nant le dĂ©cès;

·         les effets incontestablement nĂ©fastes du tabac sur la santĂ© constituent un très grave problème pour la sociĂ©tĂ©;

82.        Il appert donc que les produits du tabac que fabriquent et vendent les défenderesses sont extrêmement dangereux, ne comportent aucun niveau sécuritaire d'exposition, que leur consommation entraîne d'importantes conséquences pour la santé, lesquelles ne peuvent d'aucune façon se justifier vu l'absence totale de bénéfice découlant du seul usage pouvant en être fait;

[91]            Voici l’utilisation souhaitĂ©e par le cqts du contenu de ces dĂ©cisions rendues en matière constitutionnelle :

Les litiges mus devant la Cour suprĂŞme en 1995 et la Cour d’appel du QuĂ©bec en 2005 visaient, pour les dĂ©fenderesses en l’instance, Ă  ce que soient dĂ©clarĂ©es inconstitutionnelles, d’une part, la Loi rĂ©glementant les produits du tabac (L.C. 1988, ch. 20 (ci-après la « LRPT Â») et, d’autre part, la Loi sur le tabac (L.C. 1997, ch.13) sur la base de la Charte canadienne des droits et libertĂ© (L.R.C. 1985, app. ll, no 44, annexe B, partie 1) (ci-après la « Charte Â»);

Aux termes de leurs procédures en jugement déclaratoire, instituées en 1988 à l’encontre de la LRTP et en 1997 à l’encontre de la Loi sur le tabac, les défenderesses en l’instance prétendaient, entre autres, que le Parlement avait enfreint leur droit à la liberté d’expression garantie par l’article 2b) de la Charte[26];

Par son arrêt rendu en 1995, la Cour suprême du Canada décida à la majorité que le LRTP était intra vires du Parlement en application de sa compétence en matière pénale, mais déclara inopérantes certaines de ses dispositions (articles 4, 5, 6, 8 et 9), incluant celles concernant les messages non attribués relatifs à la santé, aux motifs qu’elles violaient la liberté d’expression des fabricants garantie à l’article 2b de la Charte (supra) et n’apportaient pas une limite raisonnable à l’exercice de ce droit, dont la justification puisse se démontrer au sens de l’article premier;

Par son arrêt rendu en 2005, la Cour d’appel du Québec a confirmé la validité constitutionnelle de la Loi sur le tabac en regard du droit à la liberté d’expression garantie par la Charte (supra), maintenant le jugement rendu par la Cour supérieure en date du 13 décembre 2002, sauf en ce qui a trait à certains mots des articles 18(2)a, 20, 24 et 25 de la loi;

Ces deux jugements ont donc affecté les droits des défenderesses en l’instance en ce que, d’une part, en 1995, elles ont vu confirmer leur droit à ne pas se voir attribuer les avis relatifs à la santé et, d’autre part, en 2005, elles ont vu leur droit à la liberté d’expression, en ce qui a trait aux mises en garde apparaissant sur les emballages ainsi qu’à la promotion et la publicité de leurs produits, restreint;

Afin de tirer une conclusion quant Ă  l’atteinte au droit garanti par la Charte (supra), tant la Cour SuprĂŞme que la Cour d’appel ont appliquĂ© les deux critères dĂ©veloppĂ©s par l’arrĂŞt R. c. Oakes [1986] 1 R.C.S. 103 , soit :

a)         l’objectif visé par le législateur est-il suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit fondamental (la jurisprudence récente traite plutôt d’un objectif urgent et réel)?;

b)         les moyens choisis pour atteindre l’objectif sont-ils proportionnels Ă  cet objectif (critère de la proportionnalitĂ©)? Ce critère comporte trois volets :

-           les mesures choisies doivent avoir un lien rationnel avec l’objectif;

-           elles doivent porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté;

-           il doit exister une proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets salutaires.

Dans la détermination du lien rationnel existant entre les prohibitions imposées par les législations attaquées et l’objectif du législateur, les tribunaux ont unanimement tiré les conclusions apparaissant aux paragraphes 67, 68, 80 et 81 de la Requête introductive d’instance du cqts;

Pour ce faire, les tribunaux ont analysé et apprécié une importante preuve relative aux méfaits du tabac sur la santé[27];

Plus particulièrement, l’arrêt de la Cour d’appel du Québec était fondé sur une preuve administrée devant la Cour supérieure portant, entre autres, sur la description des produits du tabac fabriqués et vendus par les défenderesses et sur les effets physiologiques reliés à leur consommation[28];

Le droit à la liberté d’expression des défenderesses en l’instance fut donc affecté pour des raisons directement reliées à des faits qui sont au cœur du présent litige;

Les jugements de la Cour suprême et de la Cour d’appel, incluant leurs motifs, sont donc des faits juridiques importants, affectant les droits des défenderesses au terme de la présente instance;

Les défenderesses ont été présentes à toutes les étapes des instances ayant mené aux jugements dont elles voudraient voir radier les références, et ont, par le biais des mêmes cabinets d’avocats présents en l’instance, été en mesure de contre-interroger chacun des experts entendus ou autrement contredire, comme il leur semblait bon de le faire, la preuve qui était alors administrée contre elles;

Par ailleurs, ces faits juridiques créent une présomption simple de faits, essentiellement réfragable, ouvrant ainsi la porte à une preuve contraire que les défenderesses pourront présenter, si tant est qu’elle existe.

[92]            Selon les dĂ©fenderesses, l’existence d’une prĂ©somption simple de faits rĂ©sultant des conclusions factuelles d’un jugement de nature civile est controversĂ©e.  Voici comment elles dĂ©crivent cette controverse :

De la même façon, on ne présume pas vraies les conclusions factuelles d’un jugement rendu en matière civile dans une autre instance civile. Ainsi, la Cour d’appel a récemment refusé de considérer les conclusions factuelles d’un tribunal siégeant en matière civile comme prouvées dans une autre instance civile[29].

Lavoie c. Perras, [2004] R.R.A. 53 (C.A.), par. 19 : « Les règles de preuve ne permettent pas de verser dans un dossier les faits mis en preuve dans un autre dossier, a fortiori quand il s’agit d’une preuve faite devant jury dans une juridiction Ă©trangère. Les règles de preuve requièrent que les faits soient mis en preuve par des tĂ©moins qui, le cas Ă©chĂ©ant, pourront ĂŞtre soumis au contre‑interrogatoire de la partie adverse Â». (texte dĂ©jĂ  soulignĂ©)

Vidal c. S.F.S. Logic-Fisc inc., C.S. (Montréal) No 500-06-000012-969, 27 avril 2005, D. Marcelin, j.c.s. La Cour ordonne le retrait d’un jugement rendu par la Cour du Québec dans un dossier connexe déposé comme pièce au soutien de la Déclaration en recours collectif, au motif que nos règles de preuve ne permettent pas d’introduire un tel jugement en preuve (par. 24). Elle ordonne également la radiation de l’allégation référant à ce jugement.

Rouleau c. Placements Etteloc inc., [2000] R.J.Q. 2633 (C.S.), requĂŞte pour permission d’appeler rejetĂ©e : 2000-10-30 (C.A.M.) No 500-09-010112-001, en obiter, au par. 35 : « MĂŞme dans le cas d’un jugement d’un tribunal de droit commun par exemple, il est acquis que les faits constatĂ©s par un juge dans sa dĂ©cision ne font pas preuve dans une autre instance oĂą le jugement est citĂ©, et ce, bien que le jugement, dans son dispositif, soit lui-mĂŞme un acte authentique Â». (texte dĂ©jĂ  soulignĂ©)

J.-C. ROYER, La preuve civile, 3e Ă©d., Cowansville, Yvon Blais, 2003, no 278 : « La seule production d’un jugement n’est pas une preuve suffisante des faits relatĂ©s par le juge et qui proviennent des tĂ©moignages rendus Â».

Voir Ă©galement, par analogie, l’arrĂŞt Atelier Richard Dugal Performance inc. c. Lefebvre, Dufresne, Labelle & AssociĂ©s inc, [1995] R.D.J. 524 (C.A.) (oĂą la Cour Ă©nonce que les constatations de faits d’un arbitre ne sont pas admissibles en preuve dans une instance civile subsĂ©quente : « La preuve des faits gĂ©nĂ©rateurs de responsabilitĂ© et des dommages subis doit ĂŞtre faite directement devant le tribunal par les tĂ©moins compĂ©tents, en mesure de s'exprimer sur les Ă©lĂ©ments pertinents. L'arbitre Charest n'est pas un tĂ©moin de ces faits et la sentence qu'il a rendue, Ă  la suite d'une preuve qui peut ne pas ĂŞtre la mĂŞme que celle qu'entendra la Cour et, de toute façon, en l'absence de l'intimĂ©e, ne peut ĂŞtre opposĂ©e Ă  cette dernière Â» (p. 525).

Voir Ă©galement, par analogie, l’affaire Coalition pour la protection de l’environnement du parc linĂ©aire « Petit train du nord Â» c. Émond, C.S. (MontrĂ©al) No 700-06-000001-000, le 30 aoĂ»t 2002, H. Langlois, j.c.s., oĂą la Cour Ă©nonce qu’elle n’est pas liĂ©e par l’apprĂ©ciation des faits qu’a pu faire le Bureau de RĂ©vision de l’évaluation foncière du QuĂ©bec, ou par les conclusions qu’il a pu en tirer (par. 68-70). La Cour ordonne par consĂ©quence le retrait des dĂ©cisions rendues par le Bureau concernant la moins-value de certaines propriĂ©tĂ©s situĂ©es près du Parc LinĂ©aire.

Voir Ă©galement les causes suivantes dans lesquelles on a dĂ©cidĂ© qu’un tribunal pĂ©nal ne doit pas considĂ©rer les conclusions factuelles tirĂ©es par un tribunal siĂ©geant en matière civile mettant en cause les mĂŞmes faits :

Bégin c. R., J.E. 95-1749 (C.A.), p. 4-5.

Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Gingras, J.E. 95-84 (T.T.), p. 12.

[93]            Dans le cadre d’un dĂ©bat constitutionnel, il existe une distinction entre les faits lĂ©gislatifs et les faits adjudicatifs qui concernent plus particulièrement les parties en litige.  La preuve des faits lĂ©gislatifs se fait souvent par une preuve extrinsèque.  Ces aspects ont Ă©tĂ© soulignĂ©s par certains des juges qui ont dĂ©cidĂ© du litige constitutionnel auxquels rĂ©fèrent les allĂ©gations visĂ©es :

Imperial Tobacco Ltd. c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), [1991] R.J.Q. 2260 (C.S.) (dĂ©cision renversĂ©e en appel mais non sur ce point : [1993] R.J.Q. 375 (C.A.), renversĂ©e en appel : [1995] 3 R.C.S. 199 ), le juge Chabot  (p. 2267) : « Dans la prĂ©sente affaire, le tribunal est saisi d'une question constitutionnelle et non pas d'une action en responsabilitĂ© civile contre un fabricant de tabac pour des dommages causĂ©s par son produit. Ce fait aura son importance dans la dĂ©termination que fera plus loin le tribunal de la preuve dans la prĂ©sente cause Â».

Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral) c. R.J.R. - MacDonald inc., [1993] R.J.Q. 375 (C.A.) (dĂ©cision renversĂ©e en appel mais non sur ce point : [1995] 3 R.C.S. 199 ), le juge LeBel (p. 391) : « Par ailleurs, une telle approche se mĂ©prend sur la nature d'une affaire constitutionnelle comme celle-ci. Elle ne s'assimile pas Ă  un simple procès civil. Nous ne sommes pas placĂ©s devant un dossier oĂą un plaideur particulier tenterait, par hypothèse, de dĂ©montrer que, dans son cas, sa consommation de tabac et la publicitĂ© faite par tel manufacturier dont il consommait les cigarettes ont causĂ© son cancer du poumon ou son emphysème. Il s'agit plutĂ´t de dĂ©terminer sur quelle base un lĂ©gislateur peut choisir d'agir, dans des perspectives incertaines Â».

J.T.I. MacDonald c. Canada (Procureure gĂ©nĂ©rale), [2002] R.J.Q. 1478 (C.S.), par. 43-47, dĂ©sistement d’appel : 2002-06-26, C.A.M. No 500-09-012285-029 : « Le prĂ©sent dossier a des ramifications insoupçonnĂ©es. Le tabagisme est un phĂ©nomène complexe et, il faut le dire puisque la preuve le dĂ©montre et les demanderesses l’admettent, il est nuisible Ă  la santĂ©. Un large « corps d’opinion Â» mondial tente de cerner la question et d’y trouver des solutions. De mĂŞme se pose la question de lien entre la publicitĂ© et la consommation de tabac. Le tribunal doit prendre connaissance de ce corps d’opinion et il est illusoire de penser le faire selon le processus contradictoire propre aux faits adjudicatifs. Il serait inutile de le faire puisque les deux types de preuve visent des fins diffĂ©rentes. Prendre connaissance d’un rapport du chirurgien gĂ©nĂ©ral des États-Unis sur l’état du tabagisme chez nos voisins en 1995 est utile Ă  la rĂ©flexion du tribunal. Cela ne veut pas dire que le tribunal doive endosser ses conclusions et recommandations, mais simplement qu’il est le reflet d’une connaissance actuelle dans un pays industrialisĂ© et que le lĂ©gislateur canadien en a pris connaissance avant d’adopter la loi. Il est inutile, dans ce cas prĂ©cis, d’assigner et de contre-interroger le chirurgien gĂ©nĂ©ral. Cette preuve est un exemple de preuve extrinsèque Â». (texte dĂ©jĂ  soulignĂ©)

[94]            Il faut rappeler que le fardeau de preuve en matière constitutionnelle est identique Ă  celui du litige civil :  la prĂ©pondĂ©rance de preuve.  Toutefois, le contexte est diffĂ©rent.

[95]            L’existence mĂŞme des jugements rendus dans les instances constitutionnelles constitue en soi des faits juridiques.  Il est possible de rĂ©fĂ©rer Ă  ces faits pour discuter de l’état de connaissance des parties sur les enjeux liĂ©s Ă  la responsabilitĂ© civile.  Ces jugements ont pu avoir des consĂ©quences sur la conduite des parties, leur connaissance de la dangerositĂ© des produits.  Cela suffit Ă  ne pas prononcer la radiation demandĂ©e.

[96]            Quant Ă  la preuve rapportĂ©e et commentĂ©e par ces jugements, les conclusions tirĂ©es par le cqts dans ses allĂ©gations sont limitĂ©es et de toute façon, les demandeurs dĂ©poseront des rapports d’expertise sous peu.

[97]            Le Tribunal est d’avis de reporter après le dĂ©pĂ´t des expertises en demande la dĂ©cision sur la valeur probante des faits rapportĂ©s Ă  ces allĂ©gations.

[98]            Compte tenu de l’ampleur de ce litige, le Tribunal privilĂ©gie une approche pragmatique plutĂ´t que strictement lĂ©galiste des questions soumises par les parties.  Il est inutile Ă  ce stade de dĂ©cider du sort qui sera fait du contenu factuel des jugements rendus dans des instances apparentĂ©es par certains enjeux.

[99]            Il s’agit-lĂ  d’un aspect d’ailleurs soulevĂ© par la juge soussignĂ©e, mais non encore discutĂ© lors des prĂ©cĂ©dentes confĂ©rences de gestion.  Selon les difficultĂ©s qui pourraient survenir dans la mise en Ă©tat du dossier, il pourrait ĂŞtre sage de discuter de la portĂ©e et du contenu des dĂ©clarations, admissions et conclusions factuelles dĂ©coulant de ces autres instances afin d’accĂ©lĂ©rer le processus et mieux cibler les aspects vĂ©ritablement litigieux.  Dans cet esprit, le Tribunal ne dĂ©cide pas Ă  ce stade de ce qui sera retenu ou pas de ces dĂ©cisions.  La discussion n’est pas complète sur ce sujet dans l’état actuel du dossier.

[100]       Le Tribunal reporte la dĂ©cision sur cet aspect après le dĂ©pĂ´t des expertises en demande et selon l’évaluation qui sera faite alors des besoins reliĂ©s Ă  la mise en Ă©tat.

[101]       Il n’est pas judicieux de dĂ©cider dans l’absolu d’une controverse liĂ©e aux enjeux de la preuve sans que la nĂ©cessitĂ© d’une telle dĂ©cision ait Ă©tĂ© Ă©tablie.  La gestion du recours implique nĂ©cessairement l’exercice d’un jugement d’opportunitĂ© quant au moment oĂą une dĂ©cision doit ĂŞtre rendue compte tenu des embĂ»ches qu’elle peut receler par comparaison au bĂ©nĂ©fice qu’elle peut engendrer.

5.         Demande de radiation des allégations non permises par le jugement d’autorisation.

[102]       Les dĂ©fenderesses rĂ©fèrent aux paragraphes 82 Ă  93 dans le dossier LĂ©tourneau et aux paragraphes 135 Ă  147 dans le dossier du cqts.  Il s’agit d’allĂ©gations concernant les diverses maladies causĂ©es par le tabagisme et concernant la stratĂ©gie publicitaire ciblant les personnes mineures.

[103]       Selon les dĂ©fenderesses, ces dĂ©bats n’ont pas Ă©tĂ© inclus aux questions collectives.

[104]       Il en serait de mĂŞme des paragraphes 142 Ă  153 du dossier du cqts, concernant la stratĂ©gie publicitaire envers les personnes mineures.

[105]       Selon les dĂ©fenderesses, ces allĂ©gations « dĂ©naturent Â» le recours tel qu’il a Ă©tĂ© autorisĂ©[30].

[106]       Il existe un consensus Ă  l’effet que le jugement d’autorisation possède l’autoritĂ© de chose jugĂ©e dans l’application des articles 1003 et 1005 C.p.c.

[107]       Le juge saisi du recours après l’autorisation ne siège pas en appel de la dĂ©cision prĂ©alable de son collègue.  Il possède toutefois un pouvoir de rĂ©vision (art. 1022 C.p.c.).

[108]       Ces balises Ă©tant posĂ©es, il ne faut pas interprĂ©ter les dispositions de la loi comme empĂŞchant l’efficacitĂ© du recours collectif.  Ce sera le cas s’il est interdit de prĂ©ciser Ă  la procĂ©dure introductive d’instance des conclusions incluses Ă  celles autorisĂ©es, et ce, par implication nĂ©cessaire.

[109]       Ici encore, il s’agit de faire preuve de respect envers le processus choisi et souhaitĂ© par le lĂ©gislateur.  Tout n’est pas prĂ©vu et ne pourrait l’être en raison des ramifications du recours collectif.  Le lĂ©gislateur confie au juge l’exercice d’une discrĂ©tion orientĂ©e par le contenu du jugement d’autorisation, mais avec une mesure de souplesse pour en assurer la pleine exĂ©cution.  C’est dans ce sens qu’il faut interprĂ©ter la dĂ©cision du juge Robert Mongeon[31] :

18  Tout d'abord, la procĂ©dure applicable au recours collectif, quoique spĂ©cifique, ne doit pas ĂŞtre interprĂ©tĂ©e comme un cadre d'une rigiditĂ© telle que l'on soit forcĂ© de recourir Ă  la gymnastique proposĂ©e par Servier. En effet, Servier propose indirectement de forcer la partie demanderesse Ă  recommencer le processus d'autorisation afin de lui redonner l'opportunitĂ© de contester ces nouveaux ajouts dans le contexte gĂ©nĂ©ral du recours collectif proposĂ©. Or, il n'y a pas d'appel d'un jugement d'autorisation d'un recours collectif. Il ne faudrait pas risquer d'en crĂ©er un.

19  MĂŞme si l'Ă©tape de l'autorisation d'exercer un tel recours est essentielle, elle n'en demeure pas moins une Ă©tape : elle ne constitue pas le recours en lui-mĂŞme qui est instituĂ© par dĂ©claration subsĂ©quente au jugement d'autorisation.

20  De plus, si le lĂ©gislateur avait voulu que la requĂŞte, et le jugement qui l'accompagne, constituent alors le seul cadre factuel et juridique Ă  l'intĂ©rieur duquel le recours collectif pourrait ĂŞtre considĂ©rĂ© ou dĂ©battu, il l'aurait spĂ©cifiĂ© clairement. Dans un tel cas, la requĂŞte en autorisation et le jugement qui l'autorise n'auraient pas Ă  ĂŞtre repris dans un nouveau document intitulĂ© «DĂ©claration». Ces deux documents (la requĂŞte et le jugement d'autorisation) auraient vraisemblablement constituĂ© la procĂ©dure introductive d'instance. Ce n'est pas ce que suggère le Code de procĂ©dure civile.

21  Or, en permettant Ă  la partie requĂ©rante de signifier une dĂ©claration dans les trois mois du jugement d'autorisation, il semble clair que le lĂ©gislateur a voulu permettre Ă  cette partie d'Ă©laborer plus amplement et de façon plus dĂ©taillĂ©e sur les questions de fait ou de droit soulevĂ©es par l'exercice de son recours, sans toutefois sortir du contexte gĂ©nĂ©ral de ce dernier. Â»

(…)

« 25  Dans sa requĂŞte en radiation d'allĂ©gations et de conclusions, Servier se plaint du fait que la demanderesse a ajoutĂ© des faits et des conclusions qui n'ont pas Ă©tĂ© considĂ©rĂ©es par le juge Dalphond.

26  Faut-il le rĂ©pĂ©ter, le juge Dalphond s'est prononcĂ© dans un contexte plus succinct que ce que l'ensemble de la preuve rĂ©vĂ©lera au juge du fond. Ce faisant, le juge Dalphond se devait de traiter la demande d'autorisation du recours collectif dans sa gĂ©nĂ©ralitĂ© plutĂ´t que dans sa spĂ©cificitĂ©.

(nos soulignements)

[110]       Au stade de l’autorisation, comme il se devait, le juge Jasmin a tenu les faits allĂ©guĂ©s pour avĂ©rĂ©s[32].  Il a Ă©cartĂ© les questions d’opinion, les rĂ©fĂ©rant au juge du fond.  Il ne s’est pas prononcĂ© sur la valeur probante des Ă©lĂ©ments contradictoires de la preuve.

[111]       Parmi ces faits tenus pour avĂ©rĂ©s, le juge Jasmin mentionne qu’il y a ceux concernant les diverses maladies reliĂ©es au tabagisme[33], ceux concernant la stratĂ©gie publicitaire visant les jeunes[34] et ceux concernant les cigarettes dites « lĂ©gères Â» ou « douces Â»[35].

[112]       Les allĂ©gations de procĂ©dure introductive d’instance concernant les maladies causĂ©es par le tabagisme sont pertinentes Ă  la preuve reliĂ©e aux questions communes dĂ©terminĂ©es par le juge Jasmin et notamment :

 

A)        dans le dossier cqts :

Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?

Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?

Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?

B)        dans le dossier LĂ©tourneau :

Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?

(…)

Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?

Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?

Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?

(…)

Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?

[113]       La demande de radiation sera rejetĂ©e.

6.         Demande de radiation fondée sur le ouï-dire

[114]       Cette demande vise la rĂ©fĂ©rence Ă  des rapports publiĂ©s par le Surgeon General Americain, en 1964 et en 1982[36], aux paragraphes 73 et 74 de la requĂŞte introductive d’instance.

[115]       Le Cqts rĂ©fère ainsi Ă  un rapport du Dr William Pickert, expert auprès de SantĂ© Canada, relatant l’état des connaissances scientifiques sur la nicotine et contenant des opinions sur ses effets[37].

[116]       Selon les dĂ©fenderesses, ces rapports constituent des dĂ©clarations extrajudiciaires Ă©crites et contreviennent Ă  la règle prohibant le ouĂŻ-dire (art. 2843 C.c.Q.).  Pour les demandeurs :

Il est prématuré de conclure à l’introduction d’une preuve illégale. Ces pièces n’ont pas encore été introduites en preuve mais simplement communiquées. Pour les motifs exposés précédemment, le demandeur est maître des moyens de preuve destinés à introduire légalement ces pièces. 

La Cour ne peut prĂ©sumer Ă  ce stade des procĂ©dures de la façon dont ces pièces seront introduites en preuve : un reprĂ©sentant du Surgeon General pourrait ĂŞtre assignĂ©, les experts, tant en demande qu’en dĂ©fense, pourraient y rĂ©fĂ©rer et les annexer aux rapports qu’ils seront amenĂ©s Ă  produire. Enfin, ces pièces pourraient faire l’objet d’une requĂŞte sous l’article 2870 C.c.Q. Ă€ ce propos, il est pertinent de noter que les dĂ©fenderesses avaient, au stade de l’autorisation, prĂ©sentĂ© une requĂŞte visant Ă  introduire en preuve des extraits du rapport de 1981 du Surgeon General, dĂ©clarant, aux termes de l’affidavit joint Ă  leur requĂŞte, qu’il Ă©tait dĂ©raisonnable d’exiger la comparution d’un reprĂ©sentant de cette institution et que les circonstances entourant l’élaboration de ces documents donnaient Ă  ceux-ci des garanties suffisamment sĂ©rieuses pour pouvoir s’y fier.

[117]       De plus, ces rapports sont pertinents Ă  l’état de connaissance des parties quant aux consĂ©quences physiologiques du tabagisme.  L’état de connaissance des parties sur la dangerositĂ© du tabagisme est pertinent aux questions communes Ă©tablies par le juge Jasmin sur la faute et le lien causal.

[118]       La demande de radiation sera rejetĂ©e.

7.         Demande de radiation à l’égard des allégations non pertinentes

[119]       Les dĂ©fenderesses expliquent leur demande :

La jurisprudence énonce qu’un fait allégué est pertinent s’il permet d’établir les faits générateurs du droit réclamé, des faits qui contribuent à prouver d’une façon rationnelle les faits générateurs du droit réclamé ou encore s’ils aident le tribunal à apprécier la force probante d’un témoignage.

Domaine de la Rivière inc. c. Aluminium du Canada Ltée, [1985] R.D.J. 30 (C.A.), p. 35.

St-Onge Lebrun c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme, [1990] R.D.J. 56 (C.A.), p. 57.

En l’espèce, les paragraphes 6 (qui concerne le nombre de décès annuels liés à la consommation du tabac), 34 (qui concerne les ventes et le profit net de Japan Tobacco inc.) et 109 (qui concerne des affirmations faites dans une autre instance) (dossier Létourneau), n’ont aucun lien avec les faits qui doivent être prouvés par Mme Létourneau afin d’avoir gain de cause et ne sont pas de nature à aider le tribunal à apprécier la force probante des témoignages.

Il en va de mĂŞme des paragraphes 43 (qui concerne les ventes et le profit net de Japan Tobacco inc.) et 120 (qui concerne des affirmations faites dans une autre instance) (dossier cqts).

Il importe de faire radier ces allégations des procédures de façon à éviter que les débats ne s’éternisent sur des questions dont la solution ne permettra pas de faire progresser le dossier.

Domaine de la Rivière inc. c. Aluminium du Canada Ltée, [1985] R.D.J. 30 (C.A.), p. 35.

[120]       Toutes ces allĂ©gations, incluant celles portant sur les profits rĂ©alisĂ©s par les dĂ©fenderesses, peuvent Ă©tablir le contexte des questions communes dĂ©finies par le juge Jasmin, notamment quant au caractère intentionnel de la faute reprochĂ©e, la stratĂ©gie de mise en marchĂ© et les choix liĂ©s Ă  la fabrication du produit.

[121]       La demande de radiation sera rejetĂ©e.

8.         La demande de précisions et de radiation d’allégations diverses

A.         Manipulation

[122]       Les paragraphes 105 (dossier cqts) et 99 et 100 (dossier LĂ©tourneau), ont trait Ă  des allĂ©gations de manipulation des taux de nicotine dans les cigarettes fabriquĂ©es par les dĂ©fenderesses. Ces allĂ©gations ont trait Ă  une question spĂ©cifiquement autorisĂ©e par le juge Jasmin dans les deux dossiers, Ă  savoir : « les intimĂ©es ont-elles sciemment mis sur le marchĂ© un produit qui crĂ©e une dĂ©pendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin Ă  la dĂ©pendance d’une bonne partie des fumeurs Â».

[123]       La pertinence Ă©tant Ă©tablie, la requĂŞte en radiation sera rejetĂ©e.

B.         Allégations qui ne concernent pas le membre désigné

[124]       Les paragraphes 65, 66 et 155 Ă  162 (dossier cqts), de mĂŞme que 159 et 164 (dossier LĂ©tourneau), concernent la consommation de cigarettes lĂ©gères ou douces, alors qu’il n’apparaĂ®t pas des RequĂŞtes introductives d’instance que M. Blais ou Mme LĂ©tourneau, auraient fumĂ© de telles cigarettes.

[125]       Selon les dĂ©fenderesses :

Il est un principe de base en matière de recours collectif que le représentant ou le membre désigné doit lui-même avoir une cause d’action contre la ou les défenderesses afin que le procès de ce représentant ou de ce membre désigné permette à la Cour de tirer des conclusions pour l’ensemble des membres du groupe.[38].

Il serait primordial que le représentant ou le membre désigné soit en mesure de parler de sa consommation personnelle du produit et de ses connaissances à cet égard afin que la Cour puisse tirer quelque conclusion que ce soit eu égard aux autres membres du groupe.

Les défenderesses ont un droit fondamental de pouvoir contre-interroger le représentant ou le membre désigné sur ces allégations, ce qu’ils ne seront pas en mesure de faire s’ils n’ont jamais fumé ce type de produit.

Ni le procès de M. Blais, ni celui de Mme Létourneau, ne permettra à la Cour de tirer quelque conclusion que ce soit relativement aux allégations qui concernent les cigarettes légères ou douces à moins que ceux-ci ne viennent préciser qu’ils auraient consommé de tels produits.

La dépendance

Dans le dossier Létourneau, il convient de préciser quant aux paragraphes 104 à 106, si les dangers auxquels on réfère se limitent au risque de la dépendance et si non, de radier la partie de l’allégation qui ne concerne pas ce risque. En effet, Mme Létourneau ne souffre d’aucune maladie et sa réclamation ne porte que sur la dépendance. Toute allégation qui viserait d’autres problèmes de santé est non pertinente. Pour les mêmes raisons, les parties d’allégations qui ne concernent pas le risque de la dépendance contenues aux paragraphes 108 et 110 à 113, devraient être radiées.

 

 

Les maladies

Le même raisonnement s’applique aux paragraphes 71, 76 et 77 à 79 (dossier cqts). Encore une fois, le procès de M. Blais ne permettra pas à la Cour de tirer des conclusions en ce qui concerne les cancers du larynx, de la gorge et de l’emphysème, ce dernier ne souffrant pas de ces maladies.

Quant au paragraphe 5 (dossier cqts), les dĂ©fenderesses prennent note de l’engagement du demandeur contenu dans sa lettre du 10 janvier 2006 de retirer l’expression « entre autres Â» de ce paragraphe.

Les paragraphes 24 (dossier cqts) et 15 (dossier LĂ©tourneau), sont Ă  l’effet que le contrĂ´le effectif d’Imasco serait exercĂ© par BAT Ă  compter de aoĂ»t 1990, sans prĂ©ciser sur quels faits on se base pour faire cette allĂ©gation. Les dĂ©fenderesses sont en droit de savoir de manière plus prĂ©cise sur quels faits s’appuient cette allĂ©gation de « contrĂ´le effectif Â».

Dommages

Les paragraphes 109, 116, 123 et 131 (dossier cqts) et 190 (dossier LĂ©tourneau), rĂ©fèrent Ă  des dommages directs et indirects de façon gĂ©nĂ©rale sans en prĂ©ciser la teneur. Les dĂ©fenderesses prennent note de l’engagement du demandeur (dossier cqts) contenu dans sa lettre du 10 janvier 2006 de prĂ©ciser que les dommages non pĂ©cuniaires sont ceux Ă©noncĂ©s au paragraphe 163 et les dommages pĂ©cuniaires ceux Ă©noncĂ©s au paragraphe 173. Il retirera Ă©galement les termes « direct Â» et « indirect Â» de ces paragraphes au plus tard le 23 janvier 2006.

[126]       Selon les demandeurs :

Principe généraux[39]

Comme il a été rappelé à maintes reprises, la procédure de recours collectif n’exige pas que le représentant ait un lien de droit direct à l’égard de l’ensemble des questions de faits et de droit alléguées pour toutes et chacune des défenderesses …

Dans l’affaire Hotte, l’honorable juge Dalphond siĂ©geant alors Ă  la Cour supĂ©rieure, rĂ©itĂ©rait le principe suivant Ă  l’occasion de l’autorisation d’exercer d’un recours collectif contre la compagnie pharmaceutique Servier Canada Inc. :

[42]  Avec Ă©gard pour l'avocat de Servier, Mme Hotte n'a pas Ă  souffrir de toutes les maladies possiblement causĂ©es par le PondĂ©ral pour ĂŞtre reprĂ©sentative de l'ensemble des membres du groupe (Guilbert c. Vacances Sans Frontières ltĂ©e, J.E. 91-1015 (C.A.); Meese c. Corporation financière Globex, J.E. 2000-179 (C.S.)).  Le fait qu'elle souffre de HPP, l'une de ces maladies, est suffisant pour la considĂ©rer reprĂ©sentative des consommateurs affectĂ©s par le produit. [40]

Dans le même sens, le juge Dalphond concluait ainsi dans l’affaire Meese, autorisant l’exercice d’un recours collectif à l’encontre de divers promoteurs, dirigeants et intermédiaires financiers :

« Le fait que le requĂ©rant n’ait pas investi en 1989, contrairement Ă  certains membres du groupe, n’est pas significatif, comme d’ailleurs le fait qu’il n’ait pas investi dans toutes et chacune des sociĂ©tĂ©s mises sur pied par les intimĂ©s S.I.P. ou Globex.  La source de la rĂ©clamation de chacun des membres du groupe est un modus operandi similaire, impliquant les mĂŞmes promoteurs et planificateurs.  Restreindre le recours aux seules annĂ©es et sociĂ©tĂ©s oĂą le requĂ©rant a investi ne pourrait que susciter d’autres requĂŞtes en autorisation dirigĂ©es contre les mĂŞmes intimĂ©s, ce qui ne serait pas dans l’intĂ©rĂŞt de la justice. Â» [41]

Le juge Dalphond dĂ©crivant ensuite les deux catĂ©gories de recours collectifs pouvant ĂŞtre dirigĂ©es contre plusieurs dĂ©fendeurs mentionne celui oĂą :

« ...les membres font valoir une mĂŞme cause d’action Ă  l’encontre de plusieurs personnes qui auraient posĂ© des gestes semblables Ă  l’égard de l’un ou l’autre des membres du groupe.  En pareil cas, s’il fallait dĂ©finir le groupe des demandeurs en fonction de l’auteur des faits reprochĂ©s, cela entraĂ®nerait une multiplicitĂ© de recours et possiblement de jugements contradictoires. Â»[42]

En ce qui a trait spĂ©cifiquement Ă  l’absence de lien de droit, la Cour d’appel a rappelĂ© dans l’arrĂŞt Texeira que le critère n’était pas que le requĂ©rant ait un lien de droit avec chaque intimĂ© mais plutĂ´t « d’analyser si les faits allĂ©guĂ©s paraissent justifier les conclusions recherchĂ©es. Â»[43]

Même le fait de ne pas avoir contracté avec chaque défenderesse ne limite aucunement la qualité du représentant.[44]

(…)

Le fait de ne pas avoir toutes les maladies dont sont susceptibles de souffrir les membres du groupe ou de ne pas avoir personnellement vécu tous et chacun des faits à l’origine de l’action, en somme, de ne pas avoir de lien de droit direct à l’égard de l’ensemble des questions de faits et de droit alléguées pour toutes et chacune des défenderesses, n’enlève pas la qualité de représentant en recours collectif.

(nos soulignements)

[127]       Le Tribunal confirme le point de vue des demandeurs Ă  cet Ă©gard.  De plus, le fait pour les reprĂ©sentants de ne pas avoir personnellement subi tous les impacts allĂ©guĂ©s n’affecte pas le caractère de pertinence des allĂ©gations visĂ©es en regard des questions autorisĂ©es par le juge Jasmin.

[128]       La demande de radiation sera rejetĂ©e.

9.         Les dépens

[129]       Plusieurs enjeux soulevĂ©s par les moyens prĂ©liminaires seront traitĂ©s Ă  un stade ultĂ©rieur de la gestion de l’instance tel que prĂ©cisĂ© au prĂ©sent jugement.  Aussi, le Tribunal n’accordera pas les dĂ©pens.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[130]       ACCUEILLE en parties les moyens prĂ©liminaires prĂ©senter par les dĂ©fenderesses ;

[131]       PREND ACTE de l’engagement des demandeurs contenu Ă  leur lettre du 10 janvier 2006 et annexĂ©e au procès-verbal d’audience du 25 janvier 2006 et leur DEMANDE de procĂ©der Ă  ces radiations dans les 30 jours du prĂ©sent jugement :

[132]       PREND ACTE de l’engagement des demanderesses de prĂ©ciser les moyens de preuve pour chacune des allĂ©gations des requĂŞtes introductives d’instance et leur ACCORDE un dĂ©lai de 30 jours pour ce faire ;

[133]       REJETTE les autres moyens prĂ©liminaires ;

[134]       RÉSERVE les droits des parties selon ce qui est prĂ©vu au paragraphe 76 du prĂ©sent jugement ;

[135]       LE TOUT SANS FRAIS.

 

 

 

__________________________________

CAROLE JULIEN, J.C.S.

 

 

 


 

 

DANS LE DOSSIER 500-06-000076-980

 

Me Marc Beauchemin

DE GRANDPRÉ CHAIT

et

Me Michel Bélanger

Me Yves Lauzon

Me Jean-Philippe Lincourt

LAUZON BÉLANGER

Procureurs du Conseil québécois sur le tabac et la santé et de la personne désignée Jean-Yves Blais

 

Me Guy Pratte

Me Peter Richardson

Me Emmanuelle Rolland

Me Marie Audren

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de l’intimée JTI-Macdonald Corp.

 

Me Christine A. Carron

Me Sylvie Rodrigue

OGILVY RENAULT

Procureurs de l’intimée Impérial Tobacco Limitée

 

Me Gérald Tremblay

Me Jean-François Lehoux

Me Donald Bisson

Me Simon Potter

McCARTHY TÉTRAULT

Procureurs de l’intimée Rothmans, Benson & Hedges

 

 

DANS LE DOSSIER 500-06-000070-983

 

Me Philippe H. Trudel

Me Bruce Johnston

TRUDEL & JOHNSTON

et

Me Gordon Kugler

Me Pierre Boivin

KUGLER, KANDESTIN

Procureurs de la requérante Cécilia Létourneau

 

Me Guy Pratte

Me Peter Richardson

Me Emmanuelle Rolland

Me Marie Audren

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de l’intimée JTI-Macdonald Corp.

 

Me Christine A. Carron

Me Sylvie Rodrigue

OGILVY RENAULT

Procureurs de l’intimée Impérial Tobacco Limitée

 

Me Gérald Tremblay

Me Jean-François Lehoux

Me Donald Bisson

Me Simon Potter

McCARTHY TÉTRAULT

Procureurs de l’intimée Rothmans, Benson & Hedges

 

Dates d’audience :

23 au 27 janvier 2006

 



[1] McCARTHY, TÉTRAULT, Defending Class Actions in Canada, « Role of the Court Â», CCH Canadian Limited, 2002, p. 109, section 2;  LEBEAU, François, Certaines difficultĂ©s en matière de recours collectif et pistes de solution, « Le pouvoir d’accĂ©lĂ©rer le dĂ©roulement du recours Â», EYB 1999 DEV. 121, http://rejb.editionsyvonblais.com, p. 10 ;  LAFOND, Pierre-Claude, Le recours collectif comme voie d’accès Ă  la justice pour les consommateurs, « Le juge maĂ®tre d’œuvre des mesures de protection Â», Éditions ThĂ©mis, 1996, p. 434 ;  FERLAND, Denis et EMERY, BenoĂ®t, PrĂ©cis de procĂ©dure civile du QuĂ©bec, vol.2, 4e Ă©d., Éditions Yvon Blais, p. 940, par. 79 Ă  81 ;  ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, Éditions Yvon Blais, 3e Ă©d., 2003, p. 135 ;  CORRIVEAU, Chantal, L’exercice de la discrĂ©tion judiciaire dans le cadre du recours collectif une fois le recours autorisĂ©, DĂ©veloppements rĂ©cents sur les recours collectifs - 156, service de la formation permanente du Barreau du QuĂ©bec, Éditions Yvon Blais inc. 2001, p. 25, 26 et ss. ;  LAUZON, Yves, Le recours collectif, Éditions Yvon Blais inc. 2001, p. 68-69.

[2] C.S. Habitibi, no 150-06-000004-028, 14 décembre 2004, j. Viens. (C.A.) 200-09-005067-050.

[3] Voir procès-verbal du 22 décembre 2005.

[4] Banque Nationale du Canada  c.  Marcoux, J.E. 95-1831 (C.A.).

[5] Blanchet  c. Bécotte, J.E. 94-149 (C.A.); Société nationale de l’Amiante  c.  Lab Chrysotile Inc., C.A.Q., no 200-09-000390-937, 04-08-1993.

[6] Gypsy Jean Co. Ltd.  c.  Promotora Industrial del Balsas S.A. de C.V. Mexico, [1983] R.D.J. 202 (C.A.)

[7] De Martigny  c.  Batshaw, [1972] C.A. 608 .

[8] Desjardins  c.  Domtar Inc., J.E. 96-2150 (C.S.); Fabricants de jeux et jouets Wrebbit Inc.  c.  Benoît, J.E. 96-2072 (C.S.);  Rhéaume  c.  Arthur, J.E. 93-1587 (C.S.).

[9] St-Onge Lebrun  c.  Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, [1990] R.D.J. 56 , 57 (C.A.); St-Basile-le-Grand (Ville de)  c.  Flibotte, J.E. 94-968 (C.A.);  Robert  c.  Hôpital de Chicoutimi Inc., J.E. 91-963 (C.A.);  Simard c.  Auberge des Cevennes Inc., [1989] R.D.J. 616 (C.A.);  Paiement  c.  Sous-ministre du Revenu du Québec, J.E. 88-1292 (C.A.); Charlebois  c. Boutique Kit International Ltée, [1987] R.D.J. 607 (C.A.);  Domaine de la Rivière Inc.  c.  Aluminium du Canada, [1985] R.D.J. 30 , 35 (C.A.); Gagnon  c.  Ludger Harvey & Fils Ltée, [1968] B.R. 939 .

[10] Champagne  c.  Collège d’enseignement général et professionnel de Jonquière, [1996] R.J.Q. 2229 (C.A).

[11] Dufresne immobilier ltée  c.  Cadim inc., R.E.J.B. 2002-31973 (C.S.); Legault  c.  Mahtani, 2000 R.J.Q. 397 (C.A.); Cablâge QMI inc.  c.  Société en commandite Bell Expressvu, J.E. 2002-1054 (C.S).

[12] L.R.Q., c. C-12

[13] L.R.Q., c. P-40.1

[14] Curateur public  c.  Syndicat national des employĂ©s de l’hĂ´pital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211 , p. 288 - 229 ;  Masson  c.  Thompson, [1997] R.J.Q. 634 (C.S.).

[15] Masson  c.  Thompson, [1997] R.J.Q. 634 (C.S.) ; J.E. 2000-2199 (C.A.).

[16] Id. p. 653.  Le Comité provincial des malades et al. c. Le Regroupement des CHSLD Christ-Roy (Centre hospitalier soins longue durée) et al. C.S. Montréal, no 500-06-000064-986, 22 décembre 2005, j. Champagne, p. 56, 57.

[17] DĂ©veloppements rĂ©cents sur les recours collectifs (Service de la formation permanente Barreau du QuĂ©bec), Les Éditions Yvon Blais inc. LEBEAU, François, Vers l’indemnisation des membres : le processus post-jugement et les considĂ©rations en matière de transaction. p. 140-141.

[18] Laferrière  c.  Lawson, [1991] 1 R.C.S. 541 , p. 582, 591, 607 ;  Sol-Air B.G. Inc.  c.  Marsh et McLennan, [1988] R.R.A. 206 (C.A.).

[19] Dallaire  c.  Martel, [1989] 2 R.C.S. 419 .

[20] Voir par. 85 Ă  87 et 94;

[21] New-Brunswick Broadcasting  c.  Nova Scotia, [1993] 1 R.C.S. 319 , p. 384 - 385.

[22] Id.

[23] Plan d’argumentation des défenderesses Imperial Tobacco Canada Limitée et Rothmans, Benson & Hedges inc., p. 17 et 18.

[24] Précité note 23, p. 18

[25] Prebble  c.  Television New-Zealand Ltd, [1995] 1 A.C. 321 (P.C.).

[26] R.J.R. MacDonald et al. c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral) - ci-après « l’arrĂŞt de la Cour suprĂŞme », supra, par. 2 et J.T.I. MacDonald Corp. c. Canada (Procureure gĂ©nĂ©rale) - ci-après « l’arrĂŞt de la Cour d’appel du QuĂ©bec Â», supra, par. 9 et 18;

[27] Par. 30, 31 32 et 183 de l’arrêt de la Cour suprême et les par. 11 à 15 et 239, 240, 244 et 345 de l’arrêt de la Cour d’appel du Québec;

[28] J.T.I. MacDonald Corp. c. Canada (Procureure générale) (supra - 1ère instance), par. 126 à 129 (preuve en toxicologie), 148 à 188 (preuve en médecine interne et cardiologie), 189 à 233 (preuve sur les caractéristiques physiques, chimiques et toxicologiques du tabac), 234 à 257 (preuve statistique portant sur la consommation du tabac au Canada), 293 à 325 (preuve en médecine préventive et communautaire), 326 à 435 (preuve sur la mise en marché des produits du tabac par les défenderesses);

[29] Il semble toutefois que cette question ne fasse pas l’unanimitĂ© : voir les affaires Centre Jeunesse GaspĂ©sie / Les ĂŽles c. R.-J.L., [2004] R.J.Q. 1415 (C.A.), par. 23; Mani-Utenam c. NoĂ«l, [2004] R.J.Q. 2124 (C.A.), par. 47; Vennat c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), J.E. 2005-619 (C.S.), par. 43 et ss.; et Lawyers Title Insurance c. Michalakopoulos, [2004] R.R.A. 1215 (C.S.).

[30] SociĂ©tĂ© d’électrolyse et de chimie Alcan LtĂ©e  c.  ComitĂ© d’environnement de la Baie Inc., [1992] R.D.J. 333 (C.A.), p. 339 - 340 et 342 ;  Rouleau  c.  Placements Etteloc inc.,  J.E.  99-935 (C.S.), p. 26 ;  Vidal  c.  S.F.S. Logic-Fise inc., EYB 2005-90291 (C.S.).

[31] Hotte c. Servier Canada inc., R.E.J.B. 2002-34321 (C.S.).

[32] Par. 36 du jugement d’autorisation.

[33] Par. 9, 18, 22, 55, 56 du jugement d’autorisation.

[34] Par. 15, 25 du jugement d’autorisation.

[35] Par. 63 du jugement d’autorisation.

[36] cqts - 19 et cqts - 20.

[37] cl - 18.

[38] Western Canadian Shopping Centres c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534 , par. 40 : « Success for our class member must meansuccess for all Â».

[39] Hotte c. Servier Canada inc. (C.S. MontrĂ©al, nÂş 540-06-000001-976, le 14 janvier 2002, j. Dalphond, REJB 2002-29909 ; Meese c. Corporation Financière Globex, C.S. MontrĂ©al, no 500-06-000015-947, le 15 dĂ©cembre 1999, j. Dalphond, REJB 1999‑16409; ComitĂ© provincial des malades et al c.  C.H.S.L.D. Christ-Roi et al., C.S. QuĂ©bec, nÂş 200-06-000004-971, le 20 fĂ©vrier 1998, j. Desmeules, REJB 1998‑05813; Billette c. Toyota Canada et al., C.S. MontrĂ©al, no 500-06-000184-024, le 25 aoĂ»t 2005, j. Delorme, EYB 2005‑94334; Texeira c. Tetra Vision Inc. et al., C.S. MontrĂ©al, no 500-06-009000-993, le 22 mars 2001, j. Fish, Delisle, Robert, REJB 2001‑23492; Option Consommateurs et al. c. Assurances gĂ©nĂ©rales des Caisses Desjardins et al., C.S. MontrĂ©al, nÂş 500-06-000093-993, le 19 juillet 2001, j. Melançon, REJB 2001‑25788; Option Consommateurs et al. c. Union Canadienne et al., C.S. MontrĂ©al, no 505-06-000006-002, le 17 mai 2005, j. Julien, EYB 2005‑97774; Syndicat national des employĂ©s de l’HĂ´pital St-Ferdinand (CSN) et al. c. Le curateur public du QuĂ©bec, [1996] 3 R.C.S. 211 .

[40]   Hotte c. Servier Canada inc. (C.S. MontrĂ©al, no.540-06-000001-976, le 14 janvier 2002, j. Dalphond, REJB 2002-29909 , par. 42.

[41]   Meese c. Corporation Financière Globex, C.S. Montréal, no 500-06-000015-947, le 15 décembre 1999, j. Dalphond, REJB 1999-16409 , par. 98.  Voir au même effet, Comité provincial des malades et al c.  C.H.S.L.D. Christ-Roi et al., C.S. Québec, nº 200-06-000004-971, le 20 février 1998, j. Desmeules, REJB 1998-05813 .

[42]   Meese c. Corporation Financière Globex, C.S. MontrĂ©al, no 500-06-000015-947, le 15 dĂ©cembre 1999, j. Dalphond, REJB 1999‑16409, par. 101.

[43]Texeira c. Tetra Vision Inc. et al., C.S. Montréal, no 500-06-009000-993, le 22 mars 2001, j. Fish, Delisle, Robert, REJB 2001-23492 , par. 9, voir au même effet, Option Consommateurs et al. c. Assurances générales des Caisses Desjardins et al., C.S. Montréal, nº 500-06-000093-993, le 19 juillet 2001, j. Melançon, REJB 2001-25788 , par. 44.

[44]Billette c. Toyota Canada et al., C.S. MontrĂ©al, no 500-06-000184-024, le 25 aoĂ»t 2005, j. Delorme, EYB 2005-94334 , par. 28, 30, 46 et 47.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.