Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp. |
2006 QCCS 1098 |
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(Recours collectif) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000076-980 |
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500-06-000070-983 |
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DATE: |
2 mars 2006 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE CAROLE JULIEN, J.C.S. |
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No 500-06-000076-980
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CONSEIL QUÉBÉCOIS SUR LE TABAC ET LA SANTÉ et JEAN-YVES BLAIS |
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Requérants |
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c. |
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JTI-MACDONALD CORP. et IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE et ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. |
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Intimées |
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ET No 500-06-000070-983
CÉCILIA LÉTOURNEAU Requérante c.
JTI-MACDONALD CORP. et IMPERIAL TOBACCO CANADA LTÉE et ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC. Intimées |
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JUGEMENT |
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[1] Le 21 février 2005, notre collègue, l’honorable Pierre Jasmin, a autorisé l’exercice d’un recours collectif contre les défenderesses pour le compte des groupes suivants :
Toutes les personnes résidant au Québec qui, au moment de lasignification de la requête, étaient dépendantes de la nicotine contenue dans les cigarettes fabriquées par les défenderesses et le sont demeurées ainsi que les héritiers légaux des personnes qui étaient comprises dans le groupe lors de la signification de la requête mais qui sont décédées par la suite sans avoir préalablement cessé de fumer.
Toutes les personnes résidant au Québec, qui au moment de la signification de la requête souffraient d’un cancer du poumon, du larynx, de la gorge ou d’emphysème, ou qui depuis la signification de la requête ont développé un cancer du poumon, du larynx, de la gorge ou ont souffert d’emphysème après avoir inhalé directement de la fumée de cigarettes, avoir fumé un minimum de quinze cigarettes par période de vingt-quatre (24) heures pendant une période prolongée et ininterrompue d’au moins cinq (5) ans et les ayants droit de toute personne qui rencontrait les exigences ci-haut mentionnées et qui serait décédée depuis la signification de la requête.
[2] Le juge Jasmin a déterminé les questions communes suivantes pour les deux groupes :
Les défenderesses ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
Les défenderesses avaient-elles connaissance et étaient-elles présumées avoir connaissance des risques et des dangers associés à la consommation de leurs produits?
Les défenderesses ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
Les défenderesses ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
Les défenderesses ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
Les défenderesses ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs?
Les défenderesses ont-elles conspiré entre elles pour maintenir un front commun visant à empêcher que les utilisateurs de leurs produits ne soient informés des dangers inhérents à leur consommation?
Les défenderesses ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
[3] Il a décrit comme suit les conclusions se rattachant au recours collectif :
ACCUEILLIR l’action de la requérante Cécilia Létourneau;
CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à payer à la requérante des dommages exemplaires;
CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à verser à la requérante des dommages et intérêts à être évalués avec intérêt depuis l’assignation de la présente requête ainsi que l’indemnité additionnelle prévue par l’article 1619 C.c.Q.;
ACCUEILLIR l’action de la requérante en recours collectif pour le compte de tous les membres du groupe;
ORDONNER le recouvrement collectif des réclamations pour dommages exemplaires, la liquidation des réclamations individuelles des membres conformément aux dispositions prévues aux articles 1037 à 1040 C.p.c.;
CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à payer à chaque membre du groupe des dommages exemplaires;
CONDAMNER les défenderesses, solidairement, à payer à chacun des membres du groupe le montant de sa réclamation, avec intérêt depuis l’assignation de la présente requête et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619C.c.Q.;
LE TOUT, avec dépens, incluant les frais d’experts et les frais d’avis;
ACCUEILLIR l'action en dommages et intérêts du requérant et de chacun des membres du groupe;
DÉCLARER les intimées conjointement et solidairement responsables des dommages subis par M. Blais et chacun des membres du groupe;
CONDAMNER les intimées à indemniser les membres du groupe et les dommages subis;
CONDAMNER les intimées à payer à chacun des membres du groupe, des dommages exemplaires pour atteinte à la vie et à la sécurité de leur personne;
RÉSERVER le droit pour chacun des membres de réclamer des dommages futurs liés à la consommation du tabac;
ORDONNER aux intimées que soient versées, à titre de mesures réparatrices, à même les indemnités accordées aux membres, jusqu'à concurrence de la proportion que le tribunal jugera opportun de fixer, les sommes nécessaires à la constitution d'un fonds visant à mettre en œuvre des mesures d'intervention destinées à limiter la consommation de cigarette (dont notamment l'information, l'éducation et le traitement des personnes enclines à fumer ou dépendantes des produits du tabac), la recherche médicale des maladies liées au tabac;
CONDAMNER les intimées à payer aux requérants et à chacun des membres du groupe l'intérêt au taux légal à la date de la présente requête et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q.
[4] Le 31 mars 2005, le juge en chef François Rolland désignait la juge soussignée pour entendre toutes les procédures relatives à l’exercice du recours collectif.
[5] Entre le 31 mars 2005 et la date du présent jugement, cinq conférences de gestion ont été tenues. Les parties ne s’entendent pas sur l’échéancier relatif à la mise en état du dossier. Selon les demandeurs, elle sera complétée en 2007. Selon les défenderesses, elle doit être prolongée jusqu’au 30 octobre 2008. En clair, l’audition au fond ne débuterait qu’en 2009.
[6] La juge soussignée a refusé d’entériner les échéanciers proposés sur une aussi longue période. Les échéances ont été approuvées jusqu’au 30 juin 2006. Entre-temps, la mise en état a progressé :
a) signification des avis requis par la loi en mai - juin 2005 ;
b) signification des procédures introductives d’instance en septembre 2005 ;
c) identification des experts retenus en demande et des enjeux des expertises ;
d) confection d’une liste des admissions de nature scientifique et technique recherchées en demande ;
e)signification des moyens préliminaires ;
f) interrogatoires avant défense des représentants en demande, en mars et avril 2006 ;
g)dépôt des expertises en demande vers le 30 juin 2006, sauf celle portant sur des études épidémiologiques dont la date de dépôt reste à déterminer.
[7] Ce faisant, les échéances les plus courtes prévues en demande ont été devancées de six mois, ce qui se reflètera sur l’ensemble de la mise en état.
[8] Les procureurs en défense se sont engagés à réaliser l’inventaire du contenu des interrogatoires effectués au stade de l’autorisation. Ils se sont engagés à éviter la duplication de ces interrogatoires au mérite et à récupérer, le cas échéant, les portions pertinentes des interrogatoires sur l’autorisation. Ils conservent la faculté de poursuivre les interrogatoires avant défense en deux phases, l’une avant et l’autre après le dépôt des expertises en demande.
[9] Les procureurs en demande ont offert d’identifier pour chaque allégué de la procédure introductive d’instance le mode de preuve projeté : expertise, témoins ordinaires, etc.
[10] La juge soussignée a demandé aux procureurs en défense d’assurer la disponibilité de leurs experts afin que les échéances soient fixées pour la suite du dossier à compter de l’été 2006.
[11] Compte tenu de l’état d’avancement du dossier, la juge soussignée a différé le recours à certaines initiatives quant aux expertises estimant qu’elles ne permettraient pas, à ce stade, l’accélération de la mise en état avant juin 2006. Ces initiatives restent disponibles si les délais semblaient devoir s’étirer après juin 2006.
[12] Il faut constater pour l’heure, la collaboration obtenue de tous dans la mise en état de ces dossiers, et ce, conformément au devoir de chacun d’agir comme auxiliaire de la justice dans le contexte particulier du recours collectif après le stade de l’autorisation. Rappelons les pouvoirs et devoirs du Tribunal après l’autorisation dont la latitude prévue à l’article 1045 C.p.c.[1].
[13] Ces mesures de gestion ont un impact sur l’issue de certains moyens préliminaires soumis par les défenderesses. Nous y reviendrons.
[14] C’est dans ce contexte général de la gestion des recours que les défenderesses ont procédé sur leurs moyens préliminaires. Certains de leurs arguments influenceront la gestion des recours selon la décision rendue. C’est le cas, notamment, à l’égard des interrogatoires prévus. Ce sera le cas également à l’égard des étapes ultérieures de la gestion. Il faut en tenir compte dès maintenant dans la mesure de ce qui peut être raisonnablement anticipé.
[15] L’audition des moyens préliminaires a intégré les arguments sur les deux dossiers. Le Tribunal en disposera en précisant, lorsque requis, les distinctions nécessaires entre eux.
[16] Les moyens préliminaires comportent des demandes de précisions, de radiation d’allégations, de production de documents et de suspension de l’instance.
[17] Un moyen d’irrecevabilité a été soulevé par j.t.i. macdonald, mais l’audition à cet égard a été continuée sine die dans l’attente de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Bouchard c. Agropur[2]. Les procureurs se sont engagés à se rendre disponibles à brève échéance pour disposer de ce moyen d’irrecevabilité dès que l’arrêt de la Cour d’appel sera connu[3].
[18] Le Tribunal procède maintenant à un rappel des principes applicables aux moyens soulevés.
[19] Après l’autorisation, le recours collectif suit les règles ordinaires sauf, incompatibilité. Les défenderesses peuvent présenter des moyens préliminaires communs à une partie importante de membres et qui portent sur une question de nature collective (art. 1012 C.p.c.).
[20] Les moyens soulevés sont qualifiés de moyens dilatoires parce qu’ils sont susceptibles de provoquer l’arrêt de la poursuite pendant le délai fixé par le jugement y faisant droit. C’est d’ailleurs ce que demandent les défenderesses. Il faut, toutefois, tout en préservant les droits des parties, éviter de créer des obstacles au bon déroulement de l’instance.
[21] L’obtention de précisions ressort du droit à une défense pleine et entière. Il s’agit de délimiter le litige auquel la partie défenderesse doit répondre. Les précisions évitent les surprises lors du procès[4] et en facilitent le déroulement.
[22] La Cour d’appel impose une interprétation libérale des articles 159 et 168 (7) C.p.c. Toutefois, la demande de précisions doit viser des allégations « vagues et ambiguës », les précisions étant « nécessaires à la préparation de la défense »[5].
[23] Les allégations de la demande sont considérées suffisantes si elles permettent à la partie défenderesse de savoir ce que la partie adverse a l’intention de prouver[6].
[24] Le Tribunal jouit d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation du caractère vague et imprécis des allégations[7].
[25] L’article 168 in fine C.p.c. prévoit la possibilité pour la défenderesse d’obtenir la radiation d’allégations non pertinentes[8].
[26] Les allégations visées seraient non pertinentes parce que :
a) Le recouvrement collectif des dommages réclamés est incompatible avec la démonstration des éléments constitutifs de la responsabilité civile, notamment, celle du lien causal;
b) Certaines allégations nécessitent une preuve d’expertise et les rapports des experts n’ont pas été produits à ce jour;
c) Certaines allégations ne pourront être prouvées, car elles renvoient à des déclarations des représentants des défenderesses protégées par le privilège de l’immunité parlementaire;
d) Certaines allégations renvoient aux conclusions factuelles tirées par des juges dans le cadre de litiges constitutionnels apparentés et ces conclusions n’ont pas de valeur probante dans la présente affaire;
e) Certaines allégations s’écartent du cadre du recours collectif tel qu’il a été autorisé par le juge Jasmin;
f) Certaines allégations réfèrent à une preuve de ouï-dire;
g) Certaines allégations sont étrangères aux enjeux du présent litige ou ne concernent pas le membre désigné.
[27] La notion de pertinence a été définie par la Cour d’appel. Un fait peut être allégué et est pertinent lorsqu’il s’agit du fait en litige, lorsqu’il contribue à prouver de façon rationnelle un fait en litige ou lorsqu’il permet d’apprécier la force probante d’un témoignage. En cas de doute sur le caractère pertinent d’une allégation, il y a lieu de faire confiance à la partie qui l’allègue et entend en faire la preuve[9].
[28] Les défenderesses ont le droit d’obtenir la communication d’une pièce que la partie adverse utilisera au procès[10]. La production doit être faite avant le dépôt de la défense et avant l’interrogatoire préalable en vertu de 397 C.p.c.[11]. Cette demande concerne les rapports d’expertise en demande.
[29] Cette mesure peut être accordée pour le temps nécessaire à la fourniture des précisions ou à la communication des documents demandés.
[30] Cette demande vise les paragraphes 186 à 189 dans le dossier Létourneau et 163 à 179 dans le dossier Cqts.
[31] Létourneau réclame une somme de 5 000 $ pour chaque membre du groupe en compensation des dommages non pécuniaires liés à la dépendance. Le recouvrement collectif de cette condamnation est évalué à 8 901 000 000 $.
[32] Létourneau réclame de plus, pour chaque membre, une somme de 5 000 $ à titre de dommages exemplaires pour atteinte illicite et intentionnelle à leurs droits garantis par la Charte des droits et libertés du Québec[12] et pour le défaut des défenderesses de se conformer à la Loi sur la protection du consommateur[13]. Le recouvrement collectif de cette condamnation est évalué à 8 901 000 000 $.
[33] Létourneau demande au Tribunal de déterminer le processus de distribution et de paiement à chaque membre, selon les articles 1027 à 1036 C.p.c. et compte tenu de la preuve et des suggestions qui seront présentées en temps opportun.
[34] Aux paragraphes 190 et 191, Létourneau prévoit la faculté pour les membres de présenter des réclamations individuelles pour tout autre dommage et selon les articles 1027 à 1040 C.p.c.
[35] D’autre part, le Cqts réclame les dommages non pécuniaires pour perte de jouissance de la vie, souffrances et douleurs psychiques et morales, diminution de l’espérance de vie, troubles, ennuis et inconvénients au montant de 100 000 $ pour chaque membre et des dommages exemplaires de 5 000 $ pour chaque membre, pour les mêmes raisons que celles alléguées par Létourneau.
[36] En se fondant sur une évaluation d’une moyenne annuelle de nouveaux cas de cancers du poumon, de la gorge, du larynx et d’emphysème pour la période déterminée par le juge Jasmin, le cqts allègue que le nombre total des membres du groupe est de 49 035.
[37] Le cqts évalue la somme totale du recouvrement collectif à 5 148 675 000 $.
[38] Le cqts suggère que le reliquat, le cas échéant, après distribution aux membres, soit utilisé selon la décision du Tribunal.
[39] Les dommages pécuniaires feront l’objet de réclamations individuelles.
[40] Selon les défenderesses, les mesures de recouvrement collectif préconisées par la demande visent à occulter les multiples questions individuelles, notamment, sur le lien de causalité.
[41] Selon les articles 1031 et 1032 C.p.c., le recouvrement collectif peut être ordonné si la preuve permet d’établir de façon « suffisamment exacte le montant total des réclamations des membres. ».
[42] Selon les défenderesses, il sera impossible de déterminer le nombre des membres et le total de leur réclamation en raison des aspects individualisés associés à la preuve du lien causal :
a) le préjudice causé doit résulter de la consommation des produits des défenderesses ;
b) le degré de connaissance des membres à l’égard des risques associés à la consommation de ces produits affecte le lien causal ;
[43] Selon les défenderesses, l’indemnisation forfaitaire proposée par Létourneau et le cqts constituerait une condamnation arbitraire insuffisante dans certains cas et excessive dans d’autres cas constituant alors des dommages punitifs de facto.
[44] Or, les éléments constitutifs de responsabilité civile doivent être établis selon les critères habituels de preuve même s’il s’agit d’un recours collectif[14].
[45] En matière de recours collectif, il est possible de traiter les réclamations individuelles en fonction d’une moyenne significative par rapport au plus grand nombre de réclamations[15].
[46] Il faut considérer l’ensemble de la preuve et déterminer si le préjudice subi par les membres appelle une compensation à peu près similaire[16]. Ce peut être le cas pour les dommages moraux (non pécuniaires) qui peuvent être arbitrés[17].
[47] Les défenderesses s’insurgent contre l’utilisation des études épidémiologiques pour établir le lien de causalité de façon collective. Il faudra de toute façon compléter cette analyse par des enquêtes individuelles sur le lien causal[18], ce qui inclut l’évaluation de la connaissance des risques par la victime[19] ou lorsqu’il existe d’autres facteurs de causalité.
[48] Avec égards, tous ces arguments sont prématurés à ce stade. Le jugement en autorisation prévoit la possibilité de procéder par étapes[20]. Ces aspects relèveront de la gestion de l’instance, ultérieurement.
[49] De plus, la preuve n’est pas disponible à ce stade pour évaluer les critères de l’article 1031 C.p.c. Il serait imprudent et contraire à l’esprit des dispositions relatives au recours collectif de radier des allégations pertinentes au recouvrement collectif prématurément, hors du contexte de l’enquête et sans nécessité. Les conclusions du jugement qui condamneraient au paiement d’une somme d’argent doivent prévoir le recouvrement collectif ou individuel ou les deux simultanément (art. 1028 C.p.c.). Le recouvrement collectif est ordonné si le Tribunal peut conclure de façon suffisamment exacte le moment total des réclamations des membres. S’il ne le peut pas, il ne pourra l’ordonner. D’autre part, si les réclamations individuelles peuvent être efficacement traitées, le jugement en disposera tout en déterminant, si requis, des modes de preuve et de procédure particuliers (art. 1039 C.p.c.) Nous n’en sommes pas là.
[50] Sur la preuve de lien causal, la demande proposera ses moyens et leur valeur sera examinée. Les allégations relatives au recouvrement collectif ne décident pas de la suffisance de la preuve quant au lien causal.
[51] De toute façon, les enquêtes épidémiologiques, auxquelles la demande veut se référer, peuvent être utiles à d’autres fins que l’établissement du lien causal. Elles peuvent alimenter la preuve sur l’état de connaissance des défenderesses à l’égard des risques associés à la consommation de leurs produits. Elles peuvent contribuer à établir la faute, notamment, quant à un devoir d’information, le cas échéant. Il s’agit d’ailleurs d’une question commune établie au jugement d’autorisation.
[52] Les défenderesses conservent toute la latitude nécessaire pour formuler leurs objections à la preuve et sur l’utilisation qui sera faite de celle-ci.
[53] Les défenderesses plaident avec raison qu’elles doivent connaître dès maintenant le cadre factuel et juridique auquel elles doivent répondre. Cette préoccupation légitime existe pour les deux parties et le Tribunal a le devoir de le préciser si besoin est.
[54] Toutefois, les décisions à cet égard tiennent compte de l’état d’avancement du dossier, de la connaissance acquise par chacun sur les enjeux du litige à la lumière des informations disponibles.
[55] Au stade des moyens préliminaires, le juge doit faire preuve de prudence et de réalisme. L'article 1028 C.p.c. prévoit que les décisions relatives au recouvrement collectif ou individuel et leurs modalités seront décidées à une étape ultérieure soit après l’enquête, lors du jugement final et en se fondant sur la preuve (art. 1031 C.p.c.).
[56] Il est nettement prématuré d’en décider maintenant et indirectement par la radiation des allégations qui y réfèrent. Au contraire, une telle radiation introduirait un élément d’incertitude, car les parties pourraient, de toute façon, être tentées de plaider que le Tribunal doit en décider malgré cela lors du jugement final, puisqu’il s’agit du choix du législateur.
[57] La radiation à ce stade serait contraire à l’esprit et à la lettre du titre IV du C.p.c. Le cadre et les enjeux sont précisés par la loi. Les parties doivent prévoir la preuve et les arguments pertinents pour décider de cet aspect au jugement final. Elles conservent toute la latitude nécessaire pour orienter la décision à cet égard.
[58] Cela dit, la gestion de l’instance pourra établir des consensus, dès avant le procès, sur la simplification de la preuve et l’accélération de la procédure.
[59] La gestion peut définir les étapes du procès, déterminer des sous-groupes ou toute autre mesure susceptible de décider du recouvrement collectif et individuel. Il est possible que les interrogatoires avant et après défense, les rapports d’expertises, les rencontres préalables entre les experts et les admissions des parties fourniront des éléments de preuve permettant de préciser et anticiper les contours des mesures de recouvrement éventuellement retenues lors du jugement final.
[60] Cette discussion reste possible et même nécessaire tout au long de la gestion comme d’ailleurs la simplification et l’accélération du processus jusqu’à jugement à l’égard de tous les enjeux, et ce, dans le respect des droits des parties.
[61] La demande de radiation n’est pas le moyen approprié d’en disposer. Elle sera rejetée.
[62] Les défenderesses réfèrent aux paragraphes 6, 9, 11, 48, 50, 51, 58, 60, 61, 70, 73, 74 à 78, 82 à 93, 99, 100, 159 du dossier Létourneau et aux paragraphes 21, 52, 53, 55, 56, 58, 59, 61 à 66, 70, 72, 75, 78, 79 et 105 du dossier du cqts.
[63] Selon les défenderesses, ces allégations nécessitent une preuve fondée sur le témoignage d’experts et non sur celui de témoins ordinaires des faits. Or, le témoignage d’experts doit être précédé du dépôt de leurs rapports (art. 402.1 C.p.c.).
[64] Les défenderesses exigent que ces allégations soient appuyées par un expert et à défaut, qu’elles soient radiées. Elles invoquent les articles 331.1 à 331.3 C.p.c. afin d’obliger les demandeurs à communiquer les expertises qu’ils détiennent déjà, et ce, immédiatement. Pour celles à venir, elles demandent leur communication dans un délai raisonnable et que le délai pour contester soit suspendu en attendant leur production.
[65] Avec respect, le Tribunal estime que cette discussion, aussi intéressante soit-elle, est ici un faux problème. La gestion de l’instance a déjà résolu les difficultés reliées au dépôt éventuel des expertises en demande.
[66] L’échéancier approuvé jusqu’au 30 juin 2006 a été devancé par le dépôt des expertises en demande avant cette date. Vu la collaboration offerte par les demandeurs à cet égard, il n’est nul besoin de suspendre l’instance. Il n’est d’ailleurs pas prévu à l’échéancier que la contestation écrite soit déposée avant le 30 juin 2006.
[67] Au contraire, le Tribunal reporte la discussion sur l’échéancier à une date ultérieure et toutes les auditions reliées à la gestion de l’instance sont déjà fixées jusqu’en juin 2007 à raison d’une conférence de gestion à chaque mois.
[68] De cette façon, les défenderesses obtiendront les rapports d’expertise avant de déposer leur contestation.
[69] Quant aux interrogatoires avant défense, il est déjà prévu qu’ils se poursuivront en deux phases, avant et après le dépôt des expertises. L’esprit de cette décision, reliée à la gestion de l’instance, est de permettre l’avancement de la mise en état sur toutes les allégations qui ne seraient pas du ressort des experts. Les allégations visées par la présente demande pourront être discutées dans la deuxième phase de l’interrogatoire, si besoin est, après le dépôt des expertises. Encore ici, nul besoin de suspendre l’instance.
[70] Enfin, les demandeurs ont proposé d’identifier pour chacune de leurs allégations, les moyens de preuve envisagés. Le Tribunal retient cette suggestion propre à favoriser la mise en état et en prendra acte aux conclusions du présent jugement.
[71] Le Tribunal a déjà mentionné à plusieurs reprises que les décisions relatives à la gestion tentent de refléter un consensus des parties lorsque cela est possible. Cette approche implique une mesure de souplesse afin d’ajuster la mise en état au degré d’avancement du dossier et aux besoins des parties. À ce jour, la mise en état progresse de façon satisfaisante. Les défenderesses conservent la faculté de soulever, dans le cadre de la gestion, les difficultés qui pourraient survenir et qui seraient liées à la preuve de ces allégations.
[72] Lors de l’audition des moyens préliminaires, les défenderesses ont insisté sur le fait qu’elles ne renonçaient à aucun des moyens soulevés malgré les engagements et accommodements proposés par la partie demanderesse, notamment, sur la production des expertises et la scission de l’interrogatoire avant défense en deux phases, avant et après le dépôt des expertises.
[73] C’est le droit le plus strict des défenderesses de maintenir leurs moyens préliminaires. Toutefois, le Tribunal conserve la faculté d’en disposer selon son évaluation des besoins de la mise en état et de tenir compte des engagements souscrits afin d’éviter les difficultés que les moyens préliminaires visaient à résoudre.
[74] Rendre jugement sur des questions devenues théoriques peut créer des embûches à une gestion pragmatique de l’instance.
[75] Le Tribunal rappelle le pouvoir étendu de gestion prévu à l’article 1045 C.p.c. dans le contexte du recours collectif.
[76] La demande de radiation est rejetée à ce stade, mais les droits des défenderesses sont réservés afin de tenir compte de l’évolution de la mise en état, notamment, quant au respect des engagements souscrits par la partie demanderesse.
[77] Selon les défenderesses, les déclarations de leurs représentants devant les comités du Parlement fédéral bénéficient du privilège de l’immunité parlementaire. Ces déclarations ne pourraient être invoquées dans la présente instance. Ce privilège profiterait aux personnes qui témoignent devant les commissions parlementaires.
[78] Létourneau réfère à ces déclarations aux paragraphes 46, 68, 70, 120, 122, 123 et 136 de la procédure introductive. Il en est de même aux paragraphes 87, 115, 125 de celle cqts.
[79] En l’espèce, il s’agit de déclarations non assermentées et volontaires des représentants des défenderesses devant les comités suivants :
(i) le Comité législatif de la Chambre des Communes sur le projet de loi C - 204, soit la Loi régissant l’usage du tabac dans les lieux de travail fédéraux et les véhicules de transport en commun et modifiant la Loi sur les produits dangereux en ce qui concerne la publicité des cigarettes (paragraphes 46 et 123 de la requête Létourneau et paragraphe 87 de la requête du cqts);
(ii) le Comité sénatorial permanent de l’Énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui avait pour mandat d’étudier le projet de loi S-20, soit la Loi visant à donner à l’industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada (paragraphes 68, 70 et 136 de la requête Létourneau); et
(iii) le Comité permanent de la Santé, du bien-être social et des affaires sociales de la Chambre des communes, concernant la question de fond des projets de loi C-39 (Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (Annonce de cigarettes)), C-45 (Loi visant à restreindre l’usage du tabac), C-53(Loi modifiant la Loi des aliments et drogues), C-143 (Loi modifiant la Loi sur la répression de l’usage du tabac chez les adolescents), C-137 (Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (Interdiction de réclames de cigarettes)) et C-147 (Loi ayant pour objet de contrôler la teneur en goudron et en nicotine des cigarettes) (paragraphes 120 et 122 de la requête Létourneau et paragraphes 115 et 125 de la requête du cqts).
[80] Personne ne conteste l’existence d’un tel privilège pour les membres du Parlement et les personnes assignées à témoigner. La Cour suprême[21] a confirmé l’objet de ce privilège afin de permettre aux organismes législatifs de bien s’acquitter de leurs fonctions. Il existe par exemple, un droit constitutionnel non écrit de s’exprimer librement à l’Assemblée législative sans crainte de poursuites civiles[22]. Ce privilège a été consacré en faveur des témoins par la procédure parlementaire de la Chambre des communes du Canada. Selon les défenderesses[23] :
L’application de ce privilège à un témoin qui témoigne devant un comité ou une commission parlementaire fédérale au Canada a été confirmée dans Beauchesne’s Parliamentary Rules and Forms of the House of Commons of Canada, un outil fondamental quant à la procédure parlementaire de la Chambre des communes du Canada:
Witnesses before committees share the same privilege of freedom of speech as Members. Nothing said before a committee (or at the Bar of the House) may be used in a court of law. Thus a witness may not refuse to answer on the grounds that he will incriminate himself. [nous soulignons]
A. FRASER, G.A. BIRCH et W.F. DAWSON, Beauchesne’s Parliamentary Rules and Forms of the House of Commons of Canada, 5e éd., Toronto, Carswell, 1978, par. 77.
La question a été étudiée de façon plus détaillée par le Procureur général de l’Ontario dans le rapport du O.L.R.C., qui traite spécifiquement de l’Assemblée générale de l’Ontario.
À la page 82 du rapport du O.L.R.C., le Procureur général de l’Ontario conclut ainsi quant à l’étendue de l’immunité parlementaire conférée à des témoins devant des commissions ou comités parlementaires :
After quoting Beauchesne that “[n]othing said before a committee ... may used in a court of law”, the Committee Report considered whether witnesses enjoyed the same “privileges” as members of the Legislative Assembly and whether evidence taken at a legislative committee hearing was protected at subsequent criminal, as well as civil, proceedings. While the Standing Procedural Affairs Committee was of the view that witnesses enjoyed full protection in respect of subsequent civil proceedings, it thought that the protection in respect of subsequent criminal proceedings was “less clear cut”. However, the Committee stated categorically that “[w]itnesses do, of course, retain the right to invoke the Canada Evidence Act. [nous soulignons] (Report on Witnesses Before Legislative Committees, Ontario Law Reform Commission, Ministry of the Attorney General, 1981, p. 82).
[81] Cette approche a été retenue par la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale du Canada à l’égard d’un témoin. Selon les défenderesses[24] :
Dans une décision récente, la juge Tremblay-Lamer de la Cour fédérale du Canada, division de première instance, s’est penchée sur l’étendue de l’immunité parlementaire dans le cas de son application à un témoin.
Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 .
La Cour devait déterminer si le témoignage antérieur de M. Charles Guité devant une commission pouvait être utilisé contre ce même témoin lors de son témoignage devant une autre commission, soit la Commission Gomery.
Les procureurs de l’honorable Alfonso Gagliano ont présenté l’argument que l’immunité parlementaire ne trouvait pas application dans un tel cas car le témoignage antérieur de M. Guité serait utilisé simplement pour le contre-interroger sur des déclarations antérieures prétendument incompatibles.
De plus, M. Guité ne comparaissait pas devant une instance civile ou criminelle, mais bien devant une commission qui n’avait aucun pouvoir de déclaration de culpabilité ni même de recommandation de poursuites civiles ou criminelles.
Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 19.
Dans cette décision, la juge Tremblay-Lamer confirme que les membres du Parlement, ainsi que les témoins détiennent des privilèges parlementaires :
Premièrement, les membres du Parlement, tout comme les témoins, détiennent des privilèges parlementaires vis-à-vis de la Couronne et de la magistrature - New Brunskwick Broadcasting Co. La Commission Gomery agit suite à une décision du gouvernement (la Couronne) d’ordonner une enquête (...). Ainsi, la Commission, pas plus que les tribunaux civiles ou criminels, ne peut contrevenir aux privilèges parlementaires dont jouit la Chambre des communes.
Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 67.
Toujours dans l’affaire Gagliano, la juge Tremblay-Lamer a cité avec approbation les commentaires de Lord Browne-Wilkinson du Judicial Committe of the Privy Council siégeant en appel de la Nouvelle-Zélande dans l’affaire Prebble[25], au sujet de l’application de l’immunité parlementaire aux témoins :
Finally, Hunt J. based himself on a narrow construction of article 9, derived from the historical context in which it was originally enacted. He correctly identified the mischief sought to be remedied in 1689 as being, inter alia, the assertion by the King's Courts of a right to hold a Member of Parliament criminally or legally liable for what he had done or said in Parliament. From this he deduced the principle that article 9 only applies to cases in which a court is being asked to expose the maker of the statement to legal liability for what he has said in Parliament. This view discounts the basic concept underlying article 9, viz. the need to ensure so far as possible that a member of the legislature and witnesses before committees of the House can speak freely without fear that what they say will later be held against them in the courts. The important public interest protected by such privilege is to ensure that the member or witness at the time he speaks is not inhibited from stating fully and freely what he has to say. If there were any exceptions which permitted his statements to be questioned subsequently, at the time when he speaks in Parliament he would not know whether or not there would subsequently be a challenge to what he is saying. Therefore he would not have the confidence the privilege is designed to protect. [nous soulignons]
Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 75, citant Prebble, pp. 333-334.
La juge Tremblay-Lamer conclut ainsi :
[...] Ainsi, pour lord Browne-Wilkinson, l’intérêt public qui est protégé par le privilège est de s’assurer qu’un témoin, au moment où il témoigne devant un comité parlementaire, n’est pas freiné de parler librement.
Je suis de cet avis. Je crois qu’il est important pour la démocratie canadienne qu’un témoin puisse parler ouvertement devant un comité parlementaire. Cet objectif sera accompli s’il ne craint pas, au moment où il témoigne devant ce comité, que l’on puisse utiliser ses paroles par la suite pour le discréditer dans une autre instance, que celle-ci entraîne des conséquences légales ou non. C’est en lui donnant l’assurance qu’il est complètement protégé par le privilège et qu’il ne pourra être interrogé par la suite qu’il est plus probable qu’il parle avec confiance.
L’incertitude quant à la portée du privilège qui lui est accordé peut accentuer le sentiment de vulnérabilité d'un témoin et l'empêcher de s'exprimer ouvertement, ce qui réduirait évidemment l'efficacité des audiences devant les comités parlementaires.
Bien sûr, une telle proposition est difficile à démontrer avec certitude (ce qui explique probablement la controverse sur le sujet), puisqu'il est évident que les réactions humaines peuvent varier d'un individu à l'autre. Je reconnais que chez certains, une protection complète peut les conduire à une fausse impression de sécurité.
Malgré cela, la prudence m'invite à suivre l'avis des plus hauts tribunaux qui ont conclu à la nécessité d'étendre le privilège à toute instance. […][nous soulignons]
Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 76 à 80.
La Cour fédérale a donc maintenu la décision du commissaire John Gomery d’exclure le témoignage antérieur de monsieur Guité, confirmant ainsi l’application large du privilège de l’immunité parlementaire:
À mon avis, le pouvoir d'empêcher le contre-interrogatoire de témoins en utilisant des éléments de preuve obtenus au cours de travaux précédents du Parlement tombe sous le coup du privilège parlementaire parce qu'il est nécessaire au fonctionnement du Parlement. Il est nécessaire à trois niveaux: pour encourager les témoins à parler ouvertement devant le comité parlementaire, pour permettre au comité d'exercer sa fonction d'enquête et, de façon plus secondaire, pour éviter les conclusions de fait contradictoires. [nous soulignons]
Gagliano c. Canada (Procureur général), T-2250-04, 2005 CF 576 , par. 72.
[82] Cette décision est pendante en appel.
[83] Les défenderesses soulèvent des arguments importants qu’il faudra trancher, mais il est prématuré d’en disposer maintenant. Il est probable que la Cour d’appel fédérale du Canada se prononcera avant le procès dans la présente instance. Il faut voir que la juge Tremblay-Lamer soulève elle-même l’existence d’une controverse quant à l’application de ce privilège aux témoins. Il n’est pas nécessaire de décider cette question à ce stade des procédures dans la présente instance.
[84] En effet, les défenderesses ont pu renoncer à la protection accordée par ce privilège, notamment, en référant elles-mêmes à des segments de leurs déclarations devant les comités, et ce, dans le cadre d’autres instances dont celle portant sur l’autorisation du présent recours.
[85] C’est d’ailleurs ce que plaident les demandeurs. Pour en décider, il faut connaître les circonstances de ces déclarations devant les comités et celles de leur utilisation par les défenderesses dans les différentes instances. Ou encore, celles liées à l’absence d’objections formulées en temps utile.
[86] Le Tribunal ne décide pas à ce stade de la valeur des objections qui pourront être formulées par les défenderesses.
[87] Si les déclarations des représentants des défenderesses ne sont pas protégées par le privilège de l’immunité parlementaire, elles paraissent, à première vue, présenter un degré de pertinence suffisant pour que les allégations y référant ne soient pas radiées. Cette preuve pourra alimenter la discussion judiciaire sur les éléments pertinents à la faute reprochée, notamment, quant à l’état de connaissance des défenderesses sur la dangerosité de leurs produits, les fausses représentations et la publicité trompeuse.
[88] Les parties pourront discuter lors d’une conférence de gestion de la possibilité d’une enquête portant sur la recevabilité de cette preuve, et ce, avant le procès. Le Tribunal conservera la faculté de décider de l’opportunité de se prononcer sur cette preuve avant le procès.
[89] La demande de radiation sera rejetée.
[90] Cette demande vise la procédure introductive dans le recours institué par le cqts. Il est utile de reproduire les allégations visées par la demande de radiation :
67. Par son arrêt rendu en 1995 portant sur la constitutionnalité de la Loi réglementant les produits du tabac (L.R.C. 1985 (4e supp) c. 14), la Cour suprême du Canada a conclu que le phénomène de dépendance au tabac est tel que son interdiction représenterait une solution inconcevable, sa mise en œuvre étant de nature à entraîner une augmentation du crime et de la contrebande, au-delà de ce qu'on peut déjà observer;
68. Le 22 août 2005, la Cour d'appel du Québec, en concluant au caractère intra vires de l'essentiel des dispositions de la Loi sur le tabac (1997, ch. 13), a conclu qu'il est difficile de nier que la plupart de ceux qui commencent à fumer deviennent dépendants du tabac et ne réussissent à se défaire de cette habitude qu'au prix d'efforts de volonté considérables;
(…)
80. Par son arrêt rendu en 1995 portant sur la constitutionnalité de la Loi réglementant les produits du tabac (L.R.C. 1985 (4e supp) c. 14), la Cour suprême du Canada a conclu que le l'usage du tabac fabriqué et vendu par les défenderesses était selon une preuve écrasante un produit dangereux et une cause principale de cancer;
81. Le 22 août 2005, la Cour d'appel du Québec, en concluant au caractère intra vires de presque l'ensemble des dispositions de la Loi sur le tabac (1997, ch. 13), a conclu que :
· la fumée du tabac est un poison;
· l'usage du tabac entraîne des conséquences extrêmement graves pour la santé, qu'il constitue l'un des facteurs les plus importants de plusieurs maladies mortelles, tout en constituant une cause probable et directe de cancers et de maladies cardiaques et vasculaires entraînant le décès;
· les effets incontestablement néfastes du tabac sur la santé constituent un très grave problème pour la société;
82. Il appert donc que les produits du tabac que fabriquent et vendent les défenderesses sont extrêmement dangereux, ne comportent aucun niveau sécuritaire d'exposition, que leur consommation entraîne d'importantes conséquences pour la santé, lesquelles ne peuvent d'aucune façon se justifier vu l'absence totale de bénéfice découlant du seul usage pouvant en être fait;
[91] Voici l’utilisation souhaitée par le cqts du contenu de ces décisions rendues en matière constitutionnelle :
Les litiges mus devant la Cour suprême en 1995 et la Cour d’appel du Québec en 2005 visaient, pour les défenderesses en l’instance, à ce que soient déclarées inconstitutionnelles, d’une part, la Loi réglementant les produits du tabac (L.C. 1988, ch. 20 (ci-après la « LRPT ») et, d’autre part, la Loi sur le tabac (L.C. 1997, ch.13) sur la base de la Charte canadienne des droits et liberté (L.R.C. 1985, app. ll, no 44, annexe B, partie 1) (ci-après la « Charte »);
Aux termes de leurs procédures en jugement déclaratoire, instituées en 1988 à l’encontre de la LRTP et en 1997 à l’encontre de la Loi sur le tabac, les défenderesses en l’instance prétendaient, entre autres, que le Parlement avait enfreint leur droit à la liberté d’expression garantie par l’article 2b) de la Charte[26];
Par son arrêt rendu en 1995, la Cour suprême du Canada décida à la majorité que le LRTP était intra vires du Parlement en application de sa compétence en matière pénale, mais déclara inopérantes certaines de ses dispositions (articles 4, 5, 6, 8 et 9), incluant celles concernant les messages non attribués relatifs à la santé, aux motifs qu’elles violaient la liberté d’expression des fabricants garantie à l’article 2b de la Charte (supra) et n’apportaient pas une limite raisonnable à l’exercice de ce droit, dont la justification puisse se démontrer au sens de l’article premier;
Par son arrêt rendu en 2005, la Cour d’appel du Québec a confirmé la validité constitutionnelle de la Loi sur le tabac en regard du droit à la liberté d’expression garantie par la Charte (supra), maintenant le jugement rendu par la Cour supérieure en date du 13 décembre 2002, sauf en ce qui a trait à certains mots des articles 18(2)a, 20, 24 et 25 de la loi;
Ces deux jugements ont donc affecté les droits des défenderesses en l’instance en ce que, d’une part, en 1995, elles ont vu confirmer leur droit à ne pas se voir attribuer les avis relatifs à la santé et, d’autre part, en 2005, elles ont vu leur droit à la liberté d’expression, en ce qui a trait aux mises en garde apparaissant sur les emballages ainsi qu’à la promotion et la publicité de leurs produits, restreint;
Afin de tirer une conclusion quant à l’atteinte au droit garanti par la Charte (supra), tant la Cour Suprême que la Cour d’appel ont appliqué les deux critères développés par l’arrêt R. c. Oakes [1986] 1 R.C.S. 103 , soit :
a) l’objectif visé par le législateur est-il suffisamment important pour justifier la suppression d’un droit fondamental (la jurisprudence récente traite plutôt d’un objectif urgent et réel)?;
b) les moyens choisis pour atteindre l’objectif sont-ils proportionnels à cet objectif (critère de la proportionnalité)? Ce critère comporte trois volets :
- les mesures choisies doivent avoir un lien rationnel avec l’objectif;
- elles doivent porter le moins possible atteinte au droit ou à la liberté;
- il doit exister une proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets salutaires.
Dans la détermination du lien rationnel existant entre les prohibitions imposées par les législations attaquées et l’objectif du législateur, les tribunaux ont unanimement tiré les conclusions apparaissant aux paragraphes 67, 68, 80 et 81 de la Requête introductive d’instance du cqts;
Pour ce faire, les tribunaux ont analysé et apprécié une importante preuve relative aux méfaits du tabac sur la santé[27];
Plus particulièrement, l’arrêt de la Cour d’appel du Québec était fondé sur une preuve administrée devant la Cour supérieure portant, entre autres, sur la description des produits du tabac fabriqués et vendus par les défenderesses et sur les effets physiologiques reliés à leur consommation[28];
Le droit à la liberté d’expression des défenderesses en l’instance fut donc affecté pour des raisons directement reliées à des faits qui sont au cœur du présent litige;
Les jugements de la Cour suprême et de la Cour d’appel, incluant leurs motifs, sont donc des faits juridiques importants, affectant les droits des défenderesses au terme de la présente instance;
Les défenderesses ont été présentes à toutes les étapes des instances ayant mené aux jugements dont elles voudraient voir radier les références, et ont, par le biais des mêmes cabinets d’avocats présents en l’instance, été en mesure de contre-interroger chacun des experts entendus ou autrement contredire, comme il leur semblait bon de le faire, la preuve qui était alors administrée contre elles;
Par ailleurs, ces faits juridiques créent une présomption simple de faits, essentiellement réfragable, ouvrant ainsi la porte à une preuve contraire que les défenderesses pourront présenter, si tant est qu’elle existe.
[92] Selon les défenderesses, l’existence d’une présomption simple de faits résultant des conclusions factuelles d’un jugement de nature civile est controversée. Voici comment elles décrivent cette controverse :
De la même façon, on ne présume pas vraies les conclusions factuelles d’un jugement rendu en matière civile dans une autre instance civile. Ainsi, la Cour d’appel a récemment refusé de considérer les conclusions factuelles d’un tribunal siégeant en matière civile comme prouvées dans une autre instance civile[29].
Lavoie c. Perras, [2004] R.R.A. 53 (C.A.), par. 19 : « Les règles de preuve ne permettent pas de verser dans un dossier les faits mis en preuve dans un autre dossier, a fortiori quand il s’agit d’une preuve faite devant jury dans une juridiction étrangère. Les règles de preuve requièrent que les faits soient mis en preuve par des témoins qui, le cas échéant, pourront être soumis au contre‑interrogatoire de la partie adverse ». (texte déjà souligné)
Vidal c. S.F.S. Logic-Fisc inc., C.S. (Montréal) No 500-06-000012-969, 27 avril 2005, D. Marcelin, j.c.s. La Cour ordonne le retrait d’un jugement rendu par la Cour du Québec dans un dossier connexe déposé comme pièce au soutien de la Déclaration en recours collectif, au motif que nos règles de preuve ne permettent pas d’introduire un tel jugement en preuve (par. 24). Elle ordonne également la radiation de l’allégation référant à ce jugement.
Rouleau c. Placements Etteloc inc., [2000] R.J.Q. 2633 (C.S.), requête pour permission d’appeler rejetée : 2000-10-30 (C.A.M.) No 500-09-010112-001, en obiter, au par. 35 : « Même dans le cas d’un jugement d’un tribunal de droit commun par exemple, il est acquis que les faits constatés par un juge dans sa décision ne font pas preuve dans une autre instance où le jugement est cité, et ce, bien que le jugement, dans son dispositif, soit lui-même un acte authentique ». (texte déjà souligné)
J.-C. ROYER, La preuve civile, 3e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2003, no 278 : « La seule production d’un jugement n’est pas une preuve suffisante des faits relatés par le juge et qui proviennent des témoignages rendus ».
Voir également, par analogie, l’arrêt Atelier Richard Dugal Performance inc. c. Lefebvre, Dufresne, Labelle & Associés inc, [1995] R.D.J. 524 (C.A.) (où la Cour énonce que les constatations de faits d’un arbitre ne sont pas admissibles en preuve dans une instance civile subséquente : « La preuve des faits générateurs de responsabilité et des dommages subis doit être faite directement devant le tribunal par les témoins compétents, en mesure de s'exprimer sur les éléments pertinents. L'arbitre Charest n'est pas un témoin de ces faits et la sentence qu'il a rendue, à la suite d'une preuve qui peut ne pas être la même que celle qu'entendra la Cour et, de toute façon, en l'absence de l'intimée, ne peut être opposée à cette dernière » (p. 525).
Voir également, par analogie, l’affaire Coalition pour la protection de l’environnement du parc linéaire « Petit train du nord » c. Émond, C.S. (Montréal) No 700-06-000001-000, le 30 août 2002, H. Langlois, j.c.s., où la Cour énonce qu’elle n’est pas liée par l’appréciation des faits qu’a pu faire le Bureau de Révision de l’évaluation foncière du Québec, ou par les conclusions qu’il a pu en tirer (par. 68-70). La Cour ordonne par conséquence le retrait des décisions rendues par le Bureau concernant la moins-value de certaines propriétés situées près du Parc Linéaire.
Voir également les causes suivantes dans lesquelles on a décidé qu’un tribunal pénal ne doit pas considérer les conclusions factuelles tirées par un tribunal siégeant en matière civile mettant en cause les mêmes faits :
Bégin c. R., J.E. 95-1749 (C.A.), p. 4-5.
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Gingras, J.E. 95-84 (T.T.), p. 12.
[93] Dans le cadre d’un débat constitutionnel, il existe une distinction entre les faits législatifs et les faits adjudicatifs qui concernent plus particulièrement les parties en litige. La preuve des faits législatifs se fait souvent par une preuve extrinsèque. Ces aspects ont été soulignés par certains des juges qui ont décidé du litige constitutionnel auxquels réfèrent les allégations visées :
Imperial Tobacco Ltd. c. Canada (Procureur général), [1991] R.J.Q. 2260 (C.S.) (décision renversée en appel mais non sur ce point : [1993] R.J.Q. 375 (C.A.), renversée en appel : [1995] 3 R.C.S. 199 ), le juge Chabot (p. 2267) : « Dans la présente affaire, le tribunal est saisi d'une question constitutionnelle et non pas d'une action en responsabilité civile contre un fabricant de tabac pour des dommages causés par son produit. Ce fait aura son importance dans la détermination que fera plus loin le tribunal de la preuve dans la présente cause ».
Canada (Procureur général) c. R.J.R. - MacDonald inc., [1993] R.J.Q. 375 (C.A.) (décision renversée en appel mais non sur ce point : [1995] 3 R.C.S. 199 ), le juge LeBel (p. 391) : « Par ailleurs, une telle approche se méprend sur la nature d'une affaire constitutionnelle comme celle-ci. Elle ne s'assimile pas à un simple procès civil. Nous ne sommes pas placés devant un dossier où un plaideur particulier tenterait, par hypothèse, de démontrer que, dans son cas, sa consommation de tabac et la publicité faite par tel manufacturier dont il consommait les cigarettes ont causé son cancer du poumon ou son emphysème. Il s'agit plutôt de déterminer sur quelle base un législateur peut choisir d'agir, dans des perspectives incertaines ».
J.T.I. MacDonald c. Canada (Procureure générale), [2002] R.J.Q. 1478 (C.S.), par. 43-47, désistement d’appel : 2002-06-26, C.A.M. No 500-09-012285-029 : « Le présent dossier a des ramifications insoupçonnées. Le tabagisme est un phénomène complexe et, il faut le dire puisque la preuve le démontre et les demanderesses l’admettent, il est nuisible à la santé. Un large « corps d’opinion » mondial tente de cerner la question et d’y trouver des solutions. De même se pose la question de lien entre la publicité et la consommation de tabac. Le tribunal doit prendre connaissance de ce corps d’opinion et il est illusoire de penser le faire selon le processus contradictoire propre aux faits adjudicatifs. Il serait inutile de le faire puisque les deux types de preuve visent des fins différentes. Prendre connaissance d’un rapport du chirurgien général des États-Unis sur l’état du tabagisme chez nos voisins en 1995 est utile à la réflexion du tribunal. Cela ne veut pas dire que le tribunal doive endosser ses conclusions et recommandations, mais simplement qu’il est le reflet d’une connaissance actuelle dans un pays industrialisé et que le législateur canadien en a pris connaissance avant d’adopter la loi. Il est inutile, dans ce cas précis, d’assigner et de contre-interroger le chirurgien général. Cette preuve est un exemple de preuve extrinsèque ». (texte déjà souligné)
[94] Il faut rappeler que le fardeau de preuve en matière constitutionnelle est identique à celui du litige civil : la prépondérance de preuve. Toutefois, le contexte est différent.
[95] L’existence même des jugements rendus dans les instances constitutionnelles constitue en soi des faits juridiques. Il est possible de référer à ces faits pour discuter de l’état de connaissance des parties sur les enjeux liés à la responsabilité civile. Ces jugements ont pu avoir des conséquences sur la conduite des parties, leur connaissance de la dangerosité des produits. Cela suffit à ne pas prononcer la radiation demandée.
[96] Quant à la preuve rapportée et commentée par ces jugements, les conclusions tirées par le cqts dans ses allégations sont limitées et de toute façon, les demandeurs déposeront des rapports d’expertise sous peu.
[97] Le Tribunal est d’avis de reporter après le dépôt des expertises en demande la décision sur la valeur probante des faits rapportés à ces allégations.
[98] Compte tenu de l’ampleur de ce litige, le Tribunal privilégie une approche pragmatique plutôt que strictement légaliste des questions soumises par les parties. Il est inutile à ce stade de décider du sort qui sera fait du contenu factuel des jugements rendus dans des instances apparentées par certains enjeux.
[99] Il s’agit-là d’un aspect d’ailleurs soulevé par la juge soussignée, mais non encore discuté lors des précédentes conférences de gestion. Selon les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en état du dossier, il pourrait être sage de discuter de la portée et du contenu des déclarations, admissions et conclusions factuelles découlant de ces autres instances afin d’accélérer le processus et mieux cibler les aspects véritablement litigieux. Dans cet esprit, le Tribunal ne décide pas à ce stade de ce qui sera retenu ou pas de ces décisions. La discussion n’est pas complète sur ce sujet dans l’état actuel du dossier.
[100] Le Tribunal reporte la décision sur cet aspect après le dépôt des expertises en demande et selon l’évaluation qui sera faite alors des besoins reliés à la mise en état.
[101] Il n’est pas judicieux de décider dans l’absolu d’une controverse liée aux enjeux de la preuve sans que la nécessité d’une telle décision ait été établie. La gestion du recours implique nécessairement l’exercice d’un jugement d’opportunité quant au moment où une décision doit être rendue compte tenu des embûches qu’elle peut receler par comparaison au bénéfice qu’elle peut engendrer.
[102] Les défenderesses réfèrent aux paragraphes 82 à 93 dans le dossier Létourneau et aux paragraphes 135 à 147 dans le dossier du cqts. Il s’agit d’allégations concernant les diverses maladies causées par le tabagisme et concernant la stratégie publicitaire ciblant les personnes mineures.
[103] Selon les défenderesses, ces débats n’ont pas été inclus aux questions collectives.
[104] Il en serait de même des paragraphes 142 à 153 du dossier du cqts, concernant la stratégie publicitaire envers les personnes mineures.
[105] Selon les défenderesses, ces allégations « dénaturent » le recours tel qu’il a été autorisé[30].
[106] Il existe un consensus à l’effet que le jugement d’autorisation possède l’autorité de chose jugée dans l’application des articles 1003 et 1005 C.p.c.
[107] Le juge saisi du recours après l’autorisation ne siège pas en appel de la décision préalable de son collègue. Il possède toutefois un pouvoir de révision (art. 1022 C.p.c.).
[108] Ces balises étant posées, il ne faut pas interpréter les dispositions de la loi comme empêchant l’efficacité du recours collectif. Ce sera le cas s’il est interdit de préciser à la procédure introductive d’instance des conclusions incluses à celles autorisées, et ce, par implication nécessaire.
[109] Ici encore, il s’agit de faire preuve de respect envers le processus choisi et souhaité par le législateur. Tout n’est pas prévu et ne pourrait l’être en raison des ramifications du recours collectif. Le législateur confie au juge l’exercice d’une discrétion orientée par le contenu du jugement d’autorisation, mais avec une mesure de souplesse pour en assurer la pleine exécution. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter la décision du juge Robert Mongeon[31] :
18 Tout d'abord, la procédure applicable au recours collectif, quoique spécifique, ne doit pas être interprétée comme un cadre d'une rigidité telle que l'on soit forcé de recourir à la gymnastique proposée par Servier. En effet, Servier propose indirectement de forcer la partie demanderesse à recommencer le processus d'autorisation afin de lui redonner l'opportunité de contester ces nouveaux ajouts dans le contexte général du recours collectif proposé. Or, il n'y a pas d'appel d'un jugement d'autorisation d'un recours collectif. Il ne faudrait pas risquer d'en créer un.
19 Même si l'étape de l'autorisation d'exercer un tel recours est essentielle, elle n'en demeure pas moins une étape : elle ne constitue pas le recours en lui-même qui est institué par déclaration subséquente au jugement d'autorisation.
20 De plus, si le législateur avait voulu que la requête, et le jugement qui l'accompagne, constituent alors le seul cadre factuel et juridique à l'intérieur duquel le recours collectif pourrait être considéré ou débattu, il l'aurait spécifié clairement. Dans un tel cas, la requête en autorisation et le jugement qui l'autorise n'auraient pas à être repris dans un nouveau document intitulé «Déclaration». Ces deux documents (la requête et le jugement d'autorisation) auraient vraisemblablement constitué la procédure introductive d'instance. Ce n'est pas ce que suggère le Code de procédure civile.
21 Or, en permettant à la partie requérante de signifier une déclaration dans les trois mois du jugement d'autorisation, il semble clair que le législateur a voulu permettre à cette partie d'élaborer plus amplement et de façon plus détaillée sur les questions de fait ou de droit soulevées par l'exercice de son recours, sans toutefois sortir du contexte général de ce dernier. »
(…)
« 25 Dans sa requête en radiation d'allégations et de conclusions, Servier se plaint du fait que la demanderesse a ajouté des faits et des conclusions qui n'ont pas été considérées par le juge Dalphond.
26 Faut-il le répéter, le juge Dalphond s'est prononcé dans un contexte plus succinct que ce que l'ensemble de la preuve révélera au juge du fond. Ce faisant, le juge Dalphond se devait de traiter la demande d'autorisation du recours collectif dans sa généralité plutôt que dans sa spécificité.
(nos soulignements)
[110] Au stade de l’autorisation, comme il se devait, le juge Jasmin a tenu les faits allégués pour avérés[32]. Il a écarté les questions d’opinion, les référant au juge du fond. Il ne s’est pas prononcé sur la valeur probante des éléments contradictoires de la preuve.
[111] Parmi ces faits tenus pour avérés, le juge Jasmin mentionne qu’il y a ceux concernant les diverses maladies reliées au tabagisme[33], ceux concernant la stratégie publicitaire visant les jeunes[34] et ceux concernant les cigarettes dites « légères » ou « douces »[35].
[112] Les allégations de procédure introductive d’instance concernant les maladies causées par le tabagisme sont pertinentes à la preuve reliée aux questions communes déterminées par le juge Jasmin et notamment :
Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
Les intimées ont-elles fabriqué, mis en marché, commercialisé un produit dangereux, nocif pour la santé des consommateurs?
(…)
Les intimées ont-elles mis en œuvre une politique systématique de non-divulgation de ces risques et de ces dangers?
Les intimées ont-elles banalisé ou nié ces risques et ces dangers?
Les intimées ont-elles mis sur pied des stratégies de marketing véhiculant de fausses informations sur les caractéristiques du bien vendu?
(…)
Les intimées ont-elles intentionnellement porté atteinte au droit à la vie, à la sécurité, à l’intégrité des membres du groupe?
[113] La demande de radiation sera rejetée.
[114] Cette demande vise la référence à des rapports publiés par le Surgeon General Americain, en 1964 et en 1982[36], aux paragraphes 73 et 74 de la requête introductive d’instance.
[115] Le Cqts réfère ainsi à un rapport du Dr William Pickert, expert auprès de Santé Canada, relatant l’état des connaissances scientifiques sur la nicotine et contenant des opinions sur ses effets[37].
[116] Selon les défenderesses, ces rapports constituent des déclarations extrajudiciaires écrites et contreviennent à la règle prohibant le ouï-dire (art. 2843 C.c.Q.). Pour les demandeurs :
Il est prématuré de conclure à l’introduction d’une preuve illégale. Ces pièces n’ont pas encore été introduites en preuve mais simplement communiquées. Pour les motifs exposés précédemment, le demandeur est maître des moyens de preuve destinés à introduire légalement ces pièces.
La Cour ne peut présumer à ce stade des procédures de la façon dont ces pièces seront introduites en preuve : un représentant du Surgeon General pourrait être assigné, les experts, tant en demande qu’en défense, pourraient y référer et les annexer aux rapports qu’ils seront amenés à produire. Enfin, ces pièces pourraient faire l’objet d’une requête sous l’article 2870 C.c.Q. À ce propos, il est pertinent de noter que les défenderesses avaient, au stade de l’autorisation, présenté une requête visant à introduire en preuve des extraits du rapport de 1981 du Surgeon General, déclarant, aux termes de l’affidavit joint à leur requête, qu’il était déraisonnable d’exiger la comparution d’un représentant de cette institution et que les circonstances entourant l’élaboration de ces documents donnaient à ceux-ci des garanties suffisamment sérieuses pour pouvoir s’y fier.
[117] De plus, ces rapports sont pertinents à l’état de connaissance des parties quant aux conséquences physiologiques du tabagisme. L’état de connaissance des parties sur la dangerosité du tabagisme est pertinent aux questions communes établies par le juge Jasmin sur la faute et le lien causal.
[118] La demande de radiation sera rejetée.
[119] Les défenderesses expliquent leur demande :
La jurisprudence énonce qu’un fait allégué est pertinent s’il permet d’établir les faits générateurs du droit réclamé, des faits qui contribuent à prouver d’une façon rationnelle les faits générateurs du droit réclamé ou encore s’ils aident le tribunal à apprécier la force probante d’un témoignage.
Domaine de la Rivière inc. c. Aluminium du Canada Ltée, [1985] R.D.J. 30 (C.A.), p. 35.
St-Onge Lebrun c. Hôtel-Dieu de St-Jérôme, [1990] R.D.J. 56 (C.A.), p. 57.
En l’espèce, les paragraphes 6 (qui concerne le nombre de décès annuels liés à la consommation du tabac), 34 (qui concerne les ventes et le profit net de Japan Tobacco inc.) et 109 (qui concerne des affirmations faites dans une autre instance) (dossier Létourneau), n’ont aucun lien avec les faits qui doivent être prouvés par Mme Létourneau afin d’avoir gain de cause et ne sont pas de nature à aider le tribunal à apprécier la force probante des témoignages.
Il en va de même des paragraphes 43 (qui concerne les ventes et le profit net de Japan Tobacco inc.) et 120 (qui concerne des affirmations faites dans une autre instance) (dossier cqts).
Il importe de faire radier ces allégations des procédures de façon à éviter que les débats ne s’éternisent sur des questions dont la solution ne permettra pas de faire progresser le dossier.
Domaine de la Rivière inc. c. Aluminium du Canada Ltée, [1985] R.D.J. 30 (C.A.), p. 35.
[120] Toutes ces allégations, incluant celles portant sur les profits réalisés par les défenderesses, peuvent établir le contexte des questions communes définies par le juge Jasmin, notamment quant au caractère intentionnel de la faute reprochée, la stratégie de mise en marché et les choix liés à la fabrication du produit.
[121] La demande de radiation sera rejetée.
[122] Les paragraphes 105 (dossier cqts) et 99 et 100 (dossier Létourneau), ont trait à des allégations de manipulation des taux de nicotine dans les cigarettes fabriquées par les défenderesses. Ces allégations ont trait à une question spécifiquement autorisée par le juge Jasmin dans les deux dossiers, à savoir : « les intimées ont-elles sciemment mis sur le marché un produit qui crée une dépendance et ont-elles fait en sorte de ne pas utiliser les parties du tabac comportant un taux de nicotine tellement bas qu’il aurait pour effet de mettre fin à la dépendance d’une bonne partie des fumeurs ».
[123] La pertinence étant établie, la requête en radiation sera rejetée.
[124] Les paragraphes 65, 66 et 155 à 162 (dossier cqts), de même que 159 et 164 (dossier Létourneau), concernent la consommation de cigarettes légères ou douces, alors qu’il n’apparaît pas des Requêtes introductives d’instance que M. Blais ou Mme Létourneau, auraient fumé de telles cigarettes.
[125] Selon les défenderesses :
Il est un principe de base en matière de recours collectif que le représentant ou le membre désigné doit lui-même avoir une cause d’action contre la ou les défenderesses afin que le procès de ce représentant ou de ce membre désigné permette à la Cour de tirer des conclusions pour l’ensemble des membres du groupe.[38].
Il serait primordial que le représentant ou le membre désigné soit en mesure de parler de sa consommation personnelle du produit et de ses connaissances à cet égard afin que la Cour puisse tirer quelque conclusion que ce soit eu égard aux autres membres du groupe.
Les défenderesses ont un droit fondamental de pouvoir contre-interroger le représentant ou le membre désigné sur ces allégations, ce qu’ils ne seront pas en mesure de faire s’ils n’ont jamais fumé ce type de produit.
Ni le procès de M. Blais, ni celui de Mme Létourneau, ne permettra à la Cour de tirer quelque conclusion que ce soit relativement aux allégations qui concernent les cigarettes légères ou douces à moins que ceux-ci ne viennent préciser qu’ils auraient consommé de tels produits.
Dans le dossier Létourneau, il convient de préciser quant aux paragraphes 104 à 106, si les dangers auxquels on réfère se limitent au risque de la dépendance et si non, de radier la partie de l’allégation qui ne concerne pas ce risque. En effet, Mme Létourneau ne souffre d’aucune maladie et sa réclamation ne porte que sur la dépendance. Toute allégation qui viserait d’autres problèmes de santé est non pertinente. Pour les mêmes raisons, les parties d’allégations qui ne concernent pas le risque de la dépendance contenues aux paragraphes 108 et 110 à 113, devraient être radiées.
Les maladies
Le même raisonnement s’applique aux paragraphes 71, 76 et 77 à 79 (dossier cqts). Encore une fois, le procès de M. Blais ne permettra pas à la Cour de tirer des conclusions en ce qui concerne les cancers du larynx, de la gorge et de l’emphysème, ce dernier ne souffrant pas de ces maladies.
Quant au paragraphe 5 (dossier cqts), les défenderesses prennent note de l’engagement du demandeur contenu dans sa lettre du 10 janvier 2006 de retirer l’expression « entre autres » de ce paragraphe.
Les paragraphes 24 (dossier cqts) et 15 (dossier Létourneau), sont à l’effet que le contrôle effectif d’Imasco serait exercé par BAT à compter de août 1990, sans préciser sur quels faits on se base pour faire cette allégation. Les défenderesses sont en droit de savoir de manière plus précise sur quels faits s’appuient cette allégation de « contrôle effectif ».
Les paragraphes 109, 116, 123 et 131 (dossier cqts) et 190 (dossier Létourneau), réfèrent à des dommages directs et indirects de façon générale sans en préciser la teneur. Les défenderesses prennent note de l’engagement du demandeur (dossier cqts) contenu dans sa lettre du 10 janvier 2006 de préciser que les dommages non pécuniaires sont ceux énoncés au paragraphe 163 et les dommages pécuniaires ceux énoncés au paragraphe 173. Il retirera également les termes « direct » et « indirect » de ces paragraphes au plus tard le 23 janvier 2006.
[126] Selon les demandeurs :
Principe généraux[39]
Comme il a été rappelé à maintes reprises, la procédure de recours collectif n’exige pas que le représentant ait un lien de droit direct à l’égard de l’ensemble des questions de faits et de droit alléguées pour toutes et chacune des défenderesses …
Dans l’affaire Hotte, l’honorable juge Dalphond siégeant alors à la Cour supérieure, réitérait le principe suivant à l’occasion de l’autorisation d’exercer d’un recours collectif contre la compagnie pharmaceutique Servier Canada Inc. :
[42] Avec égard pour l'avocat de Servier, Mme Hotte n'a pas à souffrir de toutes les maladies possiblement causées par le Pondéral pour être représentative de l'ensemble des membres du groupe (Guilbert c. Vacances Sans Frontières ltée, J.E. 91-1015 (C.A.); Meese c. Corporation financière Globex, J.E. 2000-179 (C.S.)). Le fait qu'elle souffre de HPP, l'une de ces maladies, est suffisant pour la considérer représentative des consommateurs affectés par le produit. [40]
Dans le même sens, le juge Dalphond concluait ainsi dans l’affaire Meese, autorisant l’exercice d’un recours collectif à l’encontre de divers promoteurs, dirigeants et intermédiaires financiers :
« Le fait que le requérant n’ait pas investi en 1989, contrairement à certains membres du groupe, n’est pas significatif, comme d’ailleurs le fait qu’il n’ait pas investi dans toutes et chacune des sociétés mises sur pied par les intimés S.I.P. ou Globex. La source de la réclamation de chacun des membres du groupe est un modus operandi similaire, impliquant les mêmes promoteurs et planificateurs. Restreindre le recours aux seules années et sociétés où le requérant a investi ne pourrait que susciter d’autres requêtes en autorisation dirigées contre les mêmes intimés, ce qui ne serait pas dans l’intérêt de la justice. » [41]
Le juge Dalphond décrivant ensuite les deux catégories de recours collectifs pouvant être dirigées contre plusieurs défendeurs mentionne celui où :
« ...les membres font valoir une même cause d’action à l’encontre de plusieurs personnes qui auraient posé des gestes semblables à l’égard de l’un ou l’autre des membres du groupe. En pareil cas, s’il fallait définir le groupe des demandeurs en fonction de l’auteur des faits reprochés, cela entraînerait une multiplicité de recours et possiblement de jugements contradictoires. »[42]
En ce qui a trait spécifiquement à l’absence de lien de droit, la Cour d’appel a rappelé dans l’arrêt Texeira que le critère n’était pas que le requérant ait un lien de droit avec chaque intimé mais plutôt « d’analyser si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées. »[43]
Même le fait de ne pas avoir contracté avec chaque défenderesse ne limite aucunement la qualité du représentant.[44]
(…)
Le fait de ne pas avoir toutes les maladies dont sont susceptibles de souffrir les membres du groupe ou de ne pas avoir personnellement vécu tous et chacun des faits à l’origine de l’action, en somme, de ne pas avoir de lien de droit direct à l’égard de l’ensemble des questions de faits et de droit alléguées pour toutes et chacune des défenderesses, n’enlève pas la qualité de représentant en recours collectif.
(nos soulignements)
[127] Le Tribunal confirme le point de vue des demandeurs à cet égard. De plus, le fait pour les représentants de ne pas avoir personnellement subi tous les impacts allégués n’affecte pas le caractère de pertinence des allégations visées en regard des questions autorisées par le juge Jasmin.
[128] La demande de radiation sera rejetée.
[129] Plusieurs enjeux soulevés par les moyens préliminaires seront traités à un stade ultérieur de la gestion de l’instance tel que précisé au présent jugement. Aussi, le Tribunal n’accordera pas les dépens.
[130] ACCUEILLE en parties les moyens préliminaires présenter par les défenderesses ;
[131] PREND ACTE de l’engagement des demandeurs contenu à leur lettre du 10 janvier 2006 et annexée au procès-verbal d’audience du 25 janvier 2006 et leur DEMANDE de procéder à ces radiations dans les 30 jours du présent jugement :
[132] PREND ACTE de l’engagement des demanderesses de préciser les moyens de preuve pour chacune des allégations des requêtes introductives d’instance et leur ACCORDE un délai de 30 jours pour ce faire ;
[133] REJETTE les autres moyens préliminaires ;
[134] RÉSERVE les droits des parties selon ce qui est prévu au paragraphe 76 du présent jugement ;
[135] LE TOUT SANS FRAIS.
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__________________________________ CAROLE JULIEN, J.C.S. |
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DANS LE DOSSIER 500-06-000076-980
Me Marc Beauchemin |
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DE GRANDPRÉ CHAIT |
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Me Michel Bélanger |
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Me Yves Lauzon Me Jean-Philippe Lincourt LAUZON BÉLANGER |
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Procureurs du Conseil québécois sur le tabac et la santé et de la personne désignée Jean-Yves Blais |
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Me Guy Pratte Me Peter Richardson Me Emmanuelle Rolland Me Marie Audren BORDEN LADNER GERVAIS Procureurs de l’intimée JTI-Macdonald Corp.
Me Christine A. Carron Me Sylvie Rodrigue OGILVY RENAULT Procureurs de l’intimée Impérial Tobacco Limitée
Me Gérald Tremblay Me Jean-François Lehoux Me Donald Bisson Me Simon Potter McCARTHY TÉTRAULT Procureurs de l’intimée Rothmans, Benson & Hedges
DANS LE DOSSIER 500-06-000070-983
Me Philippe H. Trudel Me Bruce Johnston TRUDEL & JOHNSTON et Me Gordon Kugler Me Pierre Boivin KUGLER, KANDESTIN Procureurs de la requérante Cécilia Létourneau
Me Guy Pratte Me Peter Richardson Me Emmanuelle Rolland Me Marie Audren BORDEN LADNER GERVAIS Procureurs de l’intimée JTI-Macdonald Corp.
Me Christine A. Carron Me Sylvie Rodrigue OGILVY RENAULT Procureurs de l’intimée Impérial Tobacco Limitée
Me Gérald Tremblay Me Jean-François Lehoux Me Donald Bisson Me Simon Potter McCARTHY TÉTRAULT Procureurs de l’intimée Rothmans, Benson & Hedges
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Dates d’audience : |
23 au 27 janvier 2006 |
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[1] McCARTHY, TÉTRAULT, Defending Class Actions in Canada, « Role of the Court », CCH Canadian Limited, 2002, p. 109, section 2; LEBEAU, François, Certaines difficultés en matière de recours collectif et pistes de solution, « Le pouvoir d’accélérer le déroulement du recours », EYB 1999 DEV. 121, http://rejb.editionsyvonblais.com, p. 10 ; LAFOND, Pierre-Claude, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, « Le juge maître d’œuvre des mesures de protection », Éditions Thémis, 1996, p. 434 ; FERLAND, Denis et EMERY, Benoît, Précis de procédure civile du Québec, vol.2, 4e éd., Éditions Yvon Blais, p. 940, par. 79 à 81 ; ROYER, Jean-Claude, La preuve civile, Éditions Yvon Blais, 3e éd., 2003, p. 135 ; CORRIVEAU, Chantal, L’exercice de la discrétion judiciaire dans le cadre du recours collectif une fois le recours autorisé, Développements récents sur les recours collectifs - 156, service de la formation permanente du Barreau du Québec, Éditions Yvon Blais inc. 2001, p. 25, 26 et ss. ; LAUZON, Yves, Le recours collectif, Éditions Yvon Blais inc. 2001, p. 68-69.
[2] C.S. Habitibi, no 150-06-000004-028, 14 décembre 2004, j. Viens. (C.A.) 200-09-005067-050.
[3] Voir procès-verbal du 22 décembre 2005.
[4] Banque Nationale du Canada c. Marcoux, J.E. 95-1831 (C.A.).
[5] Blanchet c. Bécotte, J.E. 94-149 (C.A.); Société nationale de l’Amiante c. Lab Chrysotile Inc., C.A.Q., no 200-09-000390-937, 04-08-1993.
[6] Gypsy Jean Co. Ltd. c. Promotora Industrial del Balsas S.A. de C.V. Mexico, [1983] R.D.J. 202 (C.A.)
[7] De Martigny c.
Batshaw,
[1972]
[8] Desjardins c. Domtar Inc., J.E. 96-2150 (C.S.); Fabricants de jeux et jouets Wrebbit Inc. c. Benoît, J.E. 96-2072 (C.S.); Rhéaume c. Arthur, J.E. 93-1587 (C.S.).
[9] St-Onge Lebrun c. Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme,
[1990] R.D.J. 56
, 57 (C.A.); St-Basile-le-Grand (Ville de) c. Flibotte,
J.E. 94-968
(C.A.); Robert c. Hôpital
de Chicoutimi Inc.,
J.E. 91-963
(C.A.);
Simard c. Auberge des
Cevennes Inc.,
[1989] R.D.J. 616
(C.A.);
Paiement c. Sous-ministre du Revenu du Québec,
J.E. 88-1292
(C.A.); Charlebois c. Boutique Kit International Ltée,
[1987] R.D.J. 607
(C.A.); Domaine de
[10] Champagne c. Collège d’enseignement général et professionnel de Jonquière, [1996] R.J.Q. 2229 (C.A).
[11] Dufresne immobilier ltée c. Cadim inc., R.E.J.B. 2002-31973 (C.S.); Legault c. Mahtani, 2000 R.J.Q. 397 (C.A.); Cablâge QMI inc. c. Société en commandite Bell Expressvu, J.E. 2002-1054 (C.S).
[12] L.R.Q., c. C-12
[13] L.R.Q., c. P-40.1
[14] Curateur public c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211 , p. 288 - 229 ; Masson c. Thompson, [1997] R.J.Q. 634 (C.S.).
[15] Masson c. Thompson, [1997] R.J.Q. 634 (C.S.) ; J.E. 2000-2199 (C.A.).
[16] Id. p. 653. Le Comité provincial des malades et al. c. Le Regroupement des CHSLD Christ-Roy (Centre hospitalier soins longue durée) et al. C.S. Montréal, no 500-06-000064-986, 22 décembre 2005, j. Champagne, p. 56, 57.
[17] Développements récents sur les recours collectifs (Service de la formation permanente Barreau du Québec), Les Éditions Yvon Blais inc. LEBEAU, François, Vers l’indemnisation des membres : le processus post-jugement et les considérations en matière de transaction. p. 140-141.
[18] Laferrière c. Lawson, [1991] 1 R.C.S. 541 , p. 582, 591, 607 ; Sol-Air B.G. Inc. c. Marsh et McLennan, [1988] R.R.A. 206 (C.A.).
[19] Dallaire c. Martel, [1989] 2 R.C.S. 419 .
[20] Voir par. 85 à 87 et 94;
[21] New-Brunswick Broadcasting c.
[22] Id.
[23] Plan d’argumentation des défenderesses Imperial Tobacco Canada Limitée et Rothmans, Benson & Hedges inc., p. 17 et 18.
[24] Précité note 23, p. 18
[25] Prebble c. Television
New-Zealand Ltd, [1995]
[26]
R.J.R. MacDonald et al. c. Canada (Procureur général) - ci-après
« l’arrêt de
[27]
Par. 30, 31 32 et 183 de l’arrêt de
[28] J.T.I. MacDonald Corp. c. Canada (Procureure générale) (supra - 1ère instance), par. 126 à 129 (preuve en toxicologie), 148 à 188 (preuve en médecine interne et cardiologie), 189 à 233 (preuve sur les caractéristiques physiques, chimiques et toxicologiques du tabac), 234 à 257 (preuve statistique portant sur la consommation du tabac au Canada), 293 à 325 (preuve en médecine préventive et communautaire), 326 à 435 (preuve sur la mise en marché des produits du tabac par les défenderesses);
[29] Il semble toutefois que cette question ne fasse pas l’unanimité : voir les affaires Centre Jeunesse Gaspésie / Les Îles c. R.-J.L., [2004] R.J.Q. 1415 (C.A.), par. 23; Mani-Utenam c. Noël, [2004] R.J.Q. 2124 (C.A.), par. 47; Vennat c. Canada (Procureur général), J.E. 2005-619 (C.S.), par. 43 et ss.; et Lawyers Title Insurance c. Michalakopoulos, [2004] R.R.A. 1215 (C.S.).
[30]
Société d’électrolyse et de chimie Alcan Ltée c. Comité
d’environnement de
[31] Hotte c. Servier Canada inc., R.E.J.B. 2002-34321 (C.S.).
[32] Par. 36 du jugement d’autorisation.
[33] Par. 9, 18, 22, 55, 56 du jugement d’autorisation.
[34] Par. 15, 25 du jugement d’autorisation.
[35] Par. 63 du jugement d’autorisation.
[36] cqts - 19 et cqts - 20.
[37] cl - 18.
[38] Western Canadian Shopping Centres c. Dutton, [2001] 2 R.C.S. 534 , par. 40 : « Success for our class member must meansuccess for all ».
[39] Hotte c. Servier Canada inc. (C.S. Montréal, nº 540-06-000001-976, le 14 janvier 2002, j. Dalphond, REJB 2002-29909 ; Meese c. Corporation Financière Globex, C.S. Montréal, no 500-06-000015-947, le 15 décembre 1999, j. Dalphond, REJB 1999‑16409; Comité provincial des malades et al c. C.H.S.L.D. Christ-Roi et al., C.S. Québec, nº 200-06-000004-971, le 20 février 1998, j. Desmeules, REJB 1998‑05813; Billette c. Toyota Canada et al., C.S. Montréal, no 500-06-000184-024, le 25 août 2005, j. Delorme, EYB 2005‑94334; Texeira c. Tetra Vision Inc. et al., C.S. Montréal, no 500-06-009000-993, le 22 mars 2001, j. Fish, Delisle, Robert, REJB 2001‑23492; Option Consommateurs et al. c. Assurances générales des Caisses Desjardins et al., C.S. Montréal, nº 500-06-000093-993, le 19 juillet 2001, j. Melançon, REJB 2001‑25788; Option Consommateurs et al. c. Union Canadienne et al., C.S. Montréal, no 505-06-000006-002, le 17 mai 2005, j. Julien, EYB 2005‑97774; Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand (CSN) et al. c. Le curateur public du Québec, [1996] 3 R.C.S. 211 .
[40] Hotte c. Servier Canada inc. (C.S. Montréal, no.540-06-000001-976, le 14 janvier 2002, j. Dalphond, REJB 2002-29909 , par. 42.
[41] Meese c. Corporation Financière Globex, C.S. Montréal, no 500-06-000015-947, le 15 décembre 1999, j. Dalphond, REJB 1999-16409 , par. 98. Voir au même effet, Comité provincial des malades et al c. C.H.S.L.D. Christ-Roi et al., C.S. Québec, nº 200-06-000004-971, le 20 février 1998, j. Desmeules, REJB 1998-05813 .
[42] Meese c. Corporation Financière Globex, C.S. Montréal, no 500-06-000015-947, le 15 décembre 1999, j. Dalphond, REJB 1999‑16409, par. 101.
[43]Texeira c. Tetra Vision Inc. et al., C.S. Montréal, no 500-06-009000-993, le 22 mars 2001, j. Fish, Delisle, Robert, REJB 2001-23492 , par. 9, voir au même effet, Option Consommateurs et al. c. Assurances générales des Caisses Desjardins et al., C.S. Montréal, nº 500-06-000093-993, le 19 juillet 2001, j. Melançon, REJB 2001-25788 , par. 44.
[44]Billette c. Toyota Canada et al., C.S. Montréal, no 500-06-000184-024, le 25 août 2005, j. Delorme, EYB 2005-94334 , par. 28, 30, 46 et 47.
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