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[2]
Par sa décision, la révision administrative
confirme la décision rendue le 29 septembre 2004 par
[3]
[4] Une audience fut tenue le 8 juillet 2005, à 10 h au lieu de 11 h, à l'Hôtel-motel Francis de New-Richmond. Seul le travailleur est présent mais non représenté. Il était accompagné de madame Yvette Parent qui est sa conjointe et propriétaire de la résidence où il habite. Déboisement Articbec inc. (l'employeur) est absent et non représenté. La cause fut prise en délibéré le 26 juillet 2005.
L’OBJET DE
[5]
Le travailleur demande à
[6] Le travailleur demande d'autoriser les frais pour la période qui devrait se terminer le ou vers le 29 septembre 2005, puisque sa demande initiale, pour laquelle il a reçu une décision, est celle de septembre 2004.
L’AVIS DES MEMBRES
[7]
Le membre issu des associations d'employeurs et
le membre issu des associations syndicales sont d'avis d'accueillir la requête
du travailleur, d'infirmer la décision rendue par la révision administrative de
[8] Les membres sont d'avis que l'interprétation donnée par la CSST de l'article 165 de la loi, notamment de l'expression « qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion » est interprétée trop restrictivement, ce qui ne répond pas à l'objectif de la loi, tel qu'établi à l'article 1 de celle-ci.
[9] Les membres sont d'avis que le travailleur a établi, par une prépondérance de preuve, qu'il respecte toutes les conditions imposées par l'article 165 de la loi et que s'il fait effectuer ces travaux (grand ménage) annuel, il aura droit au remboursement de ceux-ci, sur production de pièces justificatives déposées à la CSST.
[10] Toutefois, les membres sont d'avis que les frais pouvant être réclamés par le travailleur doivent être raisonnables, compte tenu que le salaire minimum au Nouveau-Brunswick, soit la province où il habite, est inférieur à celui de la province de Québec et qu'une durée d'environ 10 heures est estimée par le travailleur et sa conjointe pour faire effectuer ce travail annuel de grand ménage.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[11] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur aurait droit à un remboursement pour des frais afférents à un grand ménage annuel, qu'il requiert pour la période s'échelonnant entre septembre 2004 et septembre 2005, et ce, à titre de travaux d'entretien courant du domicile de sa conjointe, où il habite.
[12] Le droit au remboursement des travaux d’entretien courant du domicile est prévu au chapitre de la réadaptation sociale. L’article 151 de la loi mentionne ce qui suit :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
__________
1985, c. 6, a. 151.
[13] L’article 165 prévoit les conditions auxquelles la CSST accepte de rembourser le coût de tels travaux :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[14] Selon la preuve documentaire et les témoignages rendus par le travailleur et sa conjointe, madame Yvette Parent, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit au remboursement des frais qu'il engagera pour faire effectuer le grand ménage annuel du domicile de sa conjointe, où il habite avec cette dernière, en autant qu'il produise des pièces justificatives raisonnables démontrant qu'il a payé pour faire effectuer ces travaux par une tierce personne, et ce, en raison des faits et des motifs suivants:
[15] D'abord, la première condition d'admissibilité prévue à l'article 165 de la loi est respectée par le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique, laquelle résulte de sa lésion professionnelle initiale du 8 août 1983 et de ses RRA reconnues par la CSST.
[16] La deuxième condition est aussi respectée, puisque le travailleur est incapable d'effectuer lui-même les travaux d'entretien courant de son domicile, notamment en raison de ses limitations fonctionnelles permanentes à la colonne cervicale et lombaire.
[17] La troisième condition est que le travailleur doit démontrer, par une prépondérance de preuve, qu'il « effectuerait normalement lui-même ces travaux, si ce n'était de sa lésion professionnelle ». C'est cette condition qui est litigieuse ici.
[18] La dernière condition est que le travailleur pourrait être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ses travaux, jusqu'à concurrence d'un maximum annuel prévu par la loi, s'il prouve qu'il a réellement engagé des frais pour faire effectuer ses travaux par une tierce personne en produisant à la CSST les pièces justificatives le démontrant. Cette condition n'est pas encore respectée par le travailleur, puisque ce dernier attend la décision de la Commission des lésions professionnelles avant de faire exécuter ces travaux par une tierce personne, car il n'a pas les moyens financiers de les assumer.
[19] Après l'analyse de la preuve documentaire et des témoignages rendus par le travailleur et sa conjointe, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur aura droit au remboursement des frais qu'il engagera pour faire exécuter ces travaux, et ce, pour les raisons suivantes:
[20] Le travailleur a été victime d'un accident du travail survenu le 8 août 1983, alors qu'il occupe son emploi de bûcheron. À cette date, il a reçu un arbre sur le dos et le cou. Les médecins diagnostiquent une dorsalgie et une cervicalgie post-traumatiques. Il reçoit des prestations pour incapacité totale temporaire (ITT) jusqu'au 3 décembre 1983. Le diagnostic final de cervico-dorsalgie post-traumatique est retenu par son médecin qui a charge. Le travailleur ne se voit attribuer aucun déficit anatomo-physiologique (DAP) ni limitation fonctionnelle, à ce moment, et il reprend un travail léger, à compter du 5 décembre 1983.
[21] Le 1er octobre 1985, le travailleur est victime d'un nouvel accident du travail qui lèse sa région lombaire, alors qu'il exerce l'emploi de pompiste depuis environ six semaines chez un autre employeur. C'est en soulevant un moteur qu'il s'est blessé. Cette réclamation est acceptée par la CSST et un diagnostic final de douleur interscapulaire est retenu par son médecin qui consolide cette lésion le 30 décembre 1985, sans déficit anatomo-physiologique ni limitations fonctionnelles.
[22] Par la suite, le travailleur a subi des RRA de son accident du travail du 8 août 1983, notamment en date des 26 mai 1986 et 8 avril 1997. Lors de sa RRA du 26 mai 1986, on diagnostique une hernie discale L4-L5 et une spondylolyse de L5. Le travailleur est opéré par le docteur Robert Lefrançois, neurochirurgien, qui procède notamment à une laminectomie et à une discoïdectomie radicale à l'espace L4-L5.
[23] Cette lésion est consolidée le 4 décembre 1989 par le docteur Pierre Plante, physiatre, qui procède aussi au rapport d'évaluation médicale (REM) du travailleur. Ce REM donne suite à son examen fait au travailleur le 4 décembre 1989 et à son rapport colligé le 19 février 1990 et accepté par le médecin de la CSST.
[24] À ce moment, le docteur Plante retient les diagnostics de « séquelle d'entorse cervicale avec fracture et changement radiologique et instabilité radiologique et séquelle de hernie discale lombaire opérée ».
[25] Le docteur Plante accorde un pourcentage total de DAP de 13 % pour les séquelles cervicales et dorso-lombaires issues de la RRA du 26 mai 1986. Un DAP de 2 % est accordé pour une fracture par écrasement de moins de 25 % du corps vertébral de C4; 3 % pour une instabilité de C6-C7 qui est objectivée; 2 % pour une entorse cervicale sous forme de dérangement intervertébral mineur (DIM) avec séquelles fonctionnelles objectivées avec changement radiologique; et un DAP de 2 % pour une entorse de la colonne thoracique supérieure avec séquelles fonctionnelles post-traumatiques (chute d'un arbre sur le dos).
[26] Quant au DAP accordé pour la lésion lombaire, le travailleur se voit attribuer 3 % pour une discoïdectomie lombaire à L4-L5 et 1 % pour une laminectomie partielle lombaire au niveau L4-L5.
[27] La CSST accepte le REM colligé par le docteur Plante, le 19 février 1990, et accorde un pourcentage de 15,6 % d'APIPP au travailleur, résultant de sa RRA du 26 mai 1986.
[28] Quant aux limitations fonctionnelles, le docteur Plante en retient pour les séquelles cervicales. Il écrit ce qui suit:
Le travailleur présente des douleurs d'origine mécanique cervicales très nettes et thoraciques supérieures et il y a également de l'instabilité au niveau de sa colonne cervicale.
[29] Le docteur Plante conclut alors que le travailleur ne peut effectuer un travail où il y a le moindrement de risque de traumatismes à sa colonne cervicale pouvant être causés par des objets de son environnement, ce qui l'empêche d'exercer son emploi prélésionnel de bûcheron. Il doit donc:
Ø Limiter les positions prolongées statiques du rachis cervical;
Ø Ne pas soulever, de façon répétitive, plus de 5 kilos au-dessus du niveau des membres supérieurs; et
Ø Ne doit pas faire un travail au-dessus du niveau des épaules.
[30] Par la suite, la CSST reconnaît, à compter du 8 avril 1997, une autre RRA de son accident du travail du 8 août 1983, mais essentiellement à la colonne lombaire. Le travailleur a subi une deuxième discoïdectomie, à l'espace L4-L5, en date du 3 octobre 1997. De plus, le docteur Jarzen a fait une fusion antérieure et une décompression de l'espace L4-L5, puisque le travailleur avait de la difficulté à bouger sa région dorso-lombaire.
[31] À la suite de cette RRA du 8 avril 1997, un pourcentage d'APIPP additionnel de 14,40 % fut accordé au travailleur, soit un DAP de 11 % et un pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie (DPJV) de 3,40 %, le tout tel qu'il appert de la décision rendue le 30 septembre 1998 par la CSST.
[32] Ce pourcentage donne suite au REM complété par le docteur Maurice Caron, omnipraticien, qui a questionné et examiné le travailleur le 28 juillet 1998. Il a colligé et modifié son rapport, à la demande de la CSST, en date du 24 septembre 1998.
[33] Dans son REM, le docteur Caron retient que les séquelles antérieures qui s'établissaient à 13 % au total, tant pour la région cervicale que lombaire sont maintenues. Par contre, les séquelles lombaires ont augmenté, puisque le travailleur a droit à un DAP de 3 % pour une greffe lombaire de L4-L5, faite le 3 octobre 1997, et à un DAP additionnel de 8 % pour une ankylose incomplète de la colonne lombaire qui se répartit de la façon suivante:
Ø 3 % pour une flexion antérieure (perte de 20°);
Ø 1 % pour une extension (perte de 5°);
Ø 2 % pour une flexion latérale droite (perte de 15°);
Ø 1 % pour une rotation droite (perte de 5°);
Ø 1 % pour une hypoesthésie dysesthésie du territoire de L1.
[34] Quant aux séquelles cervicales et thoraciques, celles-ci sont maintenues à 9 %. Des limitations fonctionnelles permanentes sont retenues à la colonne lombaire du travailleur par le docteur Caron qui retient celles-ci:
LIMITATIONS FONCTIONNELLES:
Monsieur Coulombe présente des séquelles fonctionnelles au niveau lombaire qui entraînent les restrictions suivantes, il doit éviter:
- d'effectuer des mouvements amples et fréquents de mobilisation de la colonne dorso-lombaire;
- de soulever des charges de plus de 25 livres;
- de marcher sans pause de façon prolongée plus de 20 minutes;
- de monter fréquemment des escaliers;
- de garder la posture assise sans pause plus de 30 minutes et debout plus de 15 minutes;
- de subir des vibrations et des contrecoups à la colonne lombaire.
[35] D'ailleurs, contrairement à la CSST, le docteur Caron écrit dans le REM que le travailleur présente aussi des limitations fonctionnelles se rattachant à sa colonne cervicale et il réfère à l'évaluation faite par le docteur Pierre Plante, en date du 4 décembre 1989, ce qui n'est pas mentionné par la CSST, dans sa décision rendue le 19 janvier 2005 par la révision administrative qui n'en discute pas.
[36] Le 5 décembre 2001, la CSST avise, par décision, le travailleur, qu'elle est incapable de lui déterminer un emploi qu'il serait en mesure d'exercer à temps plein et elle continuera de lui verser des IRR jusqu'à l'âge de 68 ans.
[37] En juillet 2004, le travailleur demande à la CSST de lui payer les travaux pour la peinture intérieure de la résidence de sa conjointe, soit madame Parent, avec laquelle il vit depuis 2004.
[38] Le 28 septembre 2004, madame Solange Moreau de la CSST a téléphoné au travailleur pour évaluer sa demande de travaux de peinture intérieure. Dans le cadre de cette discussion, elle rapporte les propos qu'aurait tenus le travailleur, à cette date, de la façon suivante:
Appel au T. pour évaluer la demande de travaux de peinture intérieure.
Au début, T. me dit qu'avant sa lésion, il habitait dans des blocs à appartements et qu'il ne faisait jamais de travaux de peinture.
Il s'arrangeait toujours pour choisir des appartements qui n'avaient pas besoin de l'être. Il n'avait pas à tondre le gazon et il n'avait pas à déneiger l'entrée. Il n'a jamais fait de grand ménage.
Après explication de l'article 165, soit que la CSST rembourse les frais pour les travaux d'entretien courants du domicile que le T. faisait lui-même avant ou au moment de sa lésion. Le T. revient sur ce qu'il m'a expliqué et il me dit qu'avant le décès de sa conjointe (en 1989), il le faisait lui-même et, après son décès, il ne le faisait plus. En 1983 (année de son accident de travail), il habitait à Matane avec sa femme et sa famille dans des blocs à appartements où il n'avait aucuns travaux d'entretien à faire. Il travaillait pour une compagnie qui faisait des contrats d'Hydro-Québec à Rivière-du-Loup et il était bûcheron dans le déboisement. Il revenait chez lui les fins de semaine et il était sur l'assurance-chômage l'hiver.
Le T. dit qu'avant cette période, il a eu une maison à St-Jean de Cherbourg et, là, il déneigeait avec un grattoir et une pelle mais lorsqu'il y avait une grosse quantité de neige, il appelait un tracteur pour la pousser. Il peinturait aussi puisqu'il n'avait pas les moyens de payer pour le faire faire. Il utilisait alors un escabeau, rouleaux, pinceaux et pannes. Je lui pose de nouveau la question pour savoir s'il faisait du grand ménage et il m'assure que non puisqu'il peinturait à la place. À Matane, il devait pelleter son balcon. Quand il était propriétaire d'une maison il faisait tout l'entretien lui-même.
Actuellement, il habite dans la maison d'une dame qui serait sa conjointe. Elle est propriétaire d'une maison de 20' X 30', 2 étages incluant, au 1er étage, un salon, une cuisine, une salle de bain et une chambre et, au 2e étage, il y a une salle de bain et une chambre. [sic] [Notre soulignement]
[39] À la même date, soit le 28 septembre 2004, madame Moreau a procédé à une grille d'évaluation des besoins pour le remboursement des frais d'entretien courant du domicile où réside le travailleur et complète chacune des sections concernant les différents travaux d'entretien du domicile.
[40] Madame Moreau conclut que le travailleur conserve une atteinte permanente grave et des limitations fonctionnelles permanentes, tant à la région dorso-lombaire qu'à la région cervicale. Elle énumère aussi le pourcentage d'APIPP, soit un total de 30 %, et les nombreuses limitations fonctionnelles permanentes qui empêchent le travailleur d'effectuer la plupart des travaux d'entretien courant du domicile, notamment le déneigement de son stationnement et de ses entrées où il réside, les travaux de peinture (main-d'œuvre) et même les travaux de grand ménage annuel que le travailleur n'aurait pas la capacité physique d'effectuer lui-même, en raison de sa lésion professionnelle et de ses RRA.
[41] Madame Moreau conclut que le travailleur, qui a déjà fait certains travaux de peinture, alors qu'il vivait en appartement ou encore dans son domicile, puisqu'il fut propriétaire de deux maisons dans le passé, a droit au remboursement de la main-d'œuvre pour la peinture intérieure du domicile de sa conjointe où il réside, et ce, aux cinq ans, ainsi qu'au remboursement pour les frais de déneigement de l'entrée principale et des deux galeries et portes donnant accès à ce domicile, le tout tel qu'il appert des décisions rendues les 29 septembre 2004 et 19 octobre 2004 par la CSST.
[42] Cependant, la CSST refuse les travaux de grand ménage annuel, puisque, dit-elle, le travailleur confirme qu'il ne faisait pas ces travaux, puisqu'il faisait de la peinture au lieu et place. Or, même si ce travail allait à l'encontre de ses limitations fonctionnelles permanentes, tant à la région cervicale que dorso-lombaire, la CSST conclut que le grand ménage annuel n'est pas admissible du fait que le travailleur ne faisait pas lui-même ces travaux avant sa lésion professionnelle du 8 août 1983 ni après cette date.
[43] La CSST, par l'entremise de la réviseure, retient que c'est la situation du travailleur, au moment de sa RRA survenue le 8 avril 1997 qui doit être considérée dans le cadre de l'article 165 de la loi. Elle conclut que le travailleur n'a pas fait la démonstration qu'il effectuait normalement le grand ménage, au moment où sa lésion professionnelle est survenue. Elle s'appuie notamment sur des notes évolutives colligées par des agents de la CSST qui démontrent que le travailleur a déménagé à tous les ans et même plusieurs fois par an, notamment en 1997 (3 fois), en 1996 (1 fois), en 1995 (3 fois), etc.
[44] Or, c'est en considérant les notes évolutives de la conseillère en réadaptation (madame Moreau), les changements fréquents de domicile faits par le travailleur et l'absence de preuve qu'il effectuerait lui-même ses travaux, si ce n'était de sa lésion professionnelle, que la révision administrative en vient à la conclusion que le travailleur n'a pas droit au paiement des travaux d'entretien courant pour le grand ménage annuel et confirme ainsi la décision rendue le 29 septembre 2004 par la CSST, d'où la requête produite par le travailleur.
[45] Avec respect pour la CSST, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a droit à ces frais s'il engage une personne, moyennant une pièce justificative prouvant qu'il a fait effectuer ces travaux de grand ménage annuel au domicile où il habite, soit celui de sa conjointe, et ce, en raison des motifs suivants:
[46] D'abord, parce la CSST interprète différemment l'une des conditions d'admissibilité prévue à l'article 165 de la loi, lorsqu'elle considère que les travaux d'entretien courant réclamés par le travailleur ou qu'il pourrait leur réclamer, sont ceux qu'il effectuerait lui-même si ce n'était de sa lésion professionnelle, en considérant que le verbe « effectuerait », et non pas « effectuait », réfère systématiquement au vécu prélésionnel du travailleur, lors des travaux d'entretien courant du domicile, c'est-à-dire à ceux qu'il faisait avant l'une ou plusieurs de ses lésions professionnelles qui l'empêchaient alors d'effectuer lui-même ses travaux.
[47] Avec respect pour la CSST et l'interprétation qu'elle donne à l'article 165 de la loi, la Commission des lésions professionnelles n'est pas de cet avis et réfère notamment à trois décisions[2], où elle s'est prononcée sur les conditions d'admissibilité prévues à l'article 165 de la loi et notamment de l'interprétation à donner au terme « qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion) » Ces trois commissaires ont discuté de l'interprétation à donner à ce terme, libellé à l'article 165 de la loi, et quelle est celle qui doit être retenue afin de répondre à l'objectif visé par la loi, soit à son article 1 qui se lit comme suit:
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[48] Or, l'objet premier de la loi est la réparation des lésions professionnelles et les conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. Il fut aussi établi par la jurisprudence que l'interprétation de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles doit être large et libérale afin d'atteindre l'objectif visé par celle-ci.
[49] L'article 41 de la Loi d'interprétation[3]stipule ce qui suit:
Objet présumé.
41. Toute disposition d'une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations ou de favoriser l'exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.
Interprétation libérale.
Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.
S. R. 1964, c. 1, a. 41; 1992, c. 57, a. 602.
[50] À maintes reprises, les tribunaux supérieurs et la Commission des lésions professionnelles ont confirmé que pour atteindre l'objectif de la loi, cette dernière doit bénéficier d'une interprétation large et libérale de ses dispositions.[4]
[51] Enfin, les dispositions d'une loi doivent nécessairement s'interpréter les unes en relation avec les autres comme le prévoit la Loi d'interprétation à l'article 41.1 :
Effet d'une loi.
41.1. Les dispositions d'une loi s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'ensemble et qui lui donne effet.
1992, c. 57, a. 603.
[52] Au processus de réparation, le paiement de frais reliés à l'entretien courant du domicile est une mesure permettant de pallier aux conséquences des séquelles reliées à la lésion professionnelle.
[53] Or, tel qu'établi par le commissaire Clément dans la décision Bacon et General Motors du Canada ltée(2), le soussigné constate que le législateur a plutôt utilisé le verbe « effectuer » au conditionnel et non pas à l'imparfait, lorsqu'il a libellé l'article 165 de la loi. Ce faisant, le tribunal estime donc qu'il faut plutôt rechercher dans la preuve les éléments démontrant ce qui se serait passé dans l'éventualité où le travailleur ne s'était pas blessé et non pas systématiquement et uniquement ce qu'il faisait auparavant, quoique le vécu du travailleur pourrait être garant de l'avenir et constituer une preuve très importante pour démontrer qu'il n'aurait pas effectué lui-même certains travaux.
[54] Toutefois, si un travailleur peut démontrer par une preuve prépondérante que, bien qu'il n'effectuait pas lui-même ses travaux d'entretien courant du domicile, avant sa lésion professionnelle, mais qu'il les aurait effectués après cette lésion, cela lui permettra d'obtenir les bénéfices prévus à la loi.
[55] C'est d'ailleurs cette interprétation qui a été retenue par le commissaire Simard dans l'affaire Huard & Yvan Huard(2), où un travailleur avait acquis une résidence après la survenance de sa lésion professionnelle, de sorte qu'avant cette lésion professionnelle, il n'effectuait pas lui-même la tonte du gazon. C'est en se procurant cette résidence qu'il constate qu'il est incapable de procéder lui-même à la tonte du gazon et qu'il demande à la CSST le remboursement des frais encourus à cet effet, ce que refuse la CSST en prétextant qu'il n'effectuait pas cette tâche auparavant, n'ayant pas de gazon à couper, puisqu'il n'était pas propriétaire d'un domicile.
[56] C'est cette interprétation qui est directement mise en cause dans le présent cas et qui fut rejetée par les commissaires Simard, Clément et Deraiche, en retenant que le sens donné à l'article 165 de la loi, par la CSST, en réduit considérablement la portée, ce qui est inacceptable et que celle-ci ajoute à cette condition qui emploie le conditionnel, et non l'imparfait, du terme « effectuerait normalement lui-même ».
[57] Or, le travailleur témoigne que ses enfants n'habitent plus avec lui et que, même s'il demeurait à logement auparavant, ses travaux étaient effectués soit par ses enfants ou encore il engageait une personne pour les faire, étant donné qu'il n'avait pas la capacité physique en raison de ses limitations fonctionnelles permanentes pour effectuer le grand ménage, c'est-à-dire laver les vitres intérieures et extérieures, les murs et les plafonds, la salle de bain et l'espace de rangement. Il considère qu'il pourrait effectuer ces travaux, si ce n'était de ses limitations fonctionnelles permanentes, tant au niveau de la région cervicale que lombaire, ce qui l'empêche de le faire.
[58] Il ajoute que, lorsque sa femme vivait, il l'aidait dans certains travaux de peinture et de nettoyage, ce qui démontre qu'il aurait pu aussi faire le grand ménage, lorsqu'il habitait avec sa femme et ses enfants.
[59] Il souligne aussi que sa conjointe, soit madame Parent, en raison de son invalidité totale, ne peut effectuer ces travaux elle-même et paie même une personne pour faire effectuer le petit ménage de son domicile, et ce, de façon hebdomadaire. Toutefois, depuis qu'elle ne travaille plus, elle n'a plus les moyens de payer cette personne pour ces travaux réguliers.
[60] Le travailleur ajoute que, financièrement, même s'il reçoit de l'IRR de la CSST, il n'a pas les moyens de payer lui-même pour des travaux d'entretien courant du domicile, où il habite avec sa conjointe.
[61] En dernier lieu, le travailleur et sa conjointe croient que 10 heures seraient suffisantes pour effectuer le grand ménage annuel de leur domicile, et ce, avec taux horaire inférieur au salaire minimum du Québec.
[62] La Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur a démontré, par une prépondérance de preuve, que n'eût été de sa lésion professionnelle et de ses nombreuses limitations fonctionnelles, tant à la région cervicale que lombaire, il aurait effectué lui-même ses travaux de grand ménage annuel, et ce, à partir de l'automne 2004.
[63] Cependant, pour y avoir droit, le travailleur devra produire à la CSST une facture démontrant qu'il a engagé ces frais et payé une tierce personne pour les avoir fait effectuer, et ce, pour un montant raisonnable, compte tenu de la durée de ces travaux et du salaire minimum applicable dans cette province. Sur la foi de la production d'une facture originale, la CSST devra alors rembourser le travailleur du coût de ces travaux d'entretien courant du domicile (grand ménage annuel), où il habite.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête produite par monsieur Jean-Guy Coulombe (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 19 janvier 2005 par la révision administrative de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST);
DÉCLARE que, sur la production de pièces justificatives raisonnables, auprès de la CSST, le travailleur a droit au remboursement des frais qu'il aura payés pour faire exécuter des travaux d'entretien courant de son domicile, et ce, pour la période de septembre 2004 à septembre 2005; et
RENVOIE le dossier à la CSST pour donner suite à la présente décision.
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Me Robin Savard |
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Commissaire |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Landry et Thiro ltée, C.L.P. 158556-02-0104, le 14 septembre 2001, R. Deraiche; Huard et Yvan Huard, C.L.P. 222161-31-0311, le 12 février 2004, P. Simard; Bacon et General Motors du Canada ltée, C.L.P. 226939-04-0402, le 17 novembre 2004, J.F. Clément.
[3] L.R.Q., c.i. 16
[4]. Betts et Gallant c. Workmen's Compensation Board, [1934] 1 D.L.R. 438 (C.S.C.); Workmen's Compensation Board c. Theed, [1940] R.C.S. 553; Deschênes et Société canadienne de métaux Reynolds ltée, [1989] C.A.L.P. 300 , requête en évocation rejetée, [1989] C.A.L.P. 891 (C.S.); Antenucci c. Canada Steamship Lines inc., [1991] R.J.Q. 968 (C.A.); Québec téléphone c. C.A.L.P., [1990] C.A.L.P. 1099 (C.S.)
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.