Degaris et Bétonnière Modernes |
2007 QCCLP 1221 |
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[1] Le 21 février 2006, Monsieur Serge Degaris (le travailleur) dépose, à la Commission des lésions professionnelles, une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 16 février 2006, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 28 décembre 2005 et déclare que le travailleur n’a pas subi, le 8 novembre 2005, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle.
[3] Le 22 décembre 2006, Me Denis Mailloux, représentant du travailleur, adresse une lettre à la Commission des lésions professionnelles pour informer le tribunal que le travailleur ne sera pas représenté à l’audience prévue le 10 janvier 2007, tout en soumettant une argumentation écrite.
[4] Le 9 janvier 2007, Me Marie-Ève Legault, représentante de la CSST, adresse une lettre à la Commission des lésions professionnelles pour informer le tribunal que la CSST ne sera pas représentée à l'audience, soumettant également une argumentation écrite.
[5] Le 10 janvier 2007, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint-Jérôme à laquelle Bétonnière Modernes (l’employeur) n’est pas représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les soins reçus à compter du 8 novembre 2005, et ce, pour un sevrage de narcotiques constituent une lésion professionnelle en vertu de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ou des traitements en vertu des articles 188 et 189 de cette même loi en relation avec l’accident du travail du 15 août 2003.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Pour la membre issue des associations d’employeurs, le travailleur n’a pas démontré par une preuve médicale prépondérante que le sevrage requis en date du 8 novembre 2005 est directement relié à sa lésion professionnelle, soit une entorse cervicale laquelle est consolidée depuis le 25 novembre 2004 avec suffisance des soins et des traitements. Il est démontré que le travailleur souffre d’une condition personnelle préexistante d’arthrose cervicale multiétagée, laquelle n’est pas reconnue comme lésion professionnelle. De plus, le travailleur utilisait déjà une médication analgésique de type narcotique avant que ne survienne sa lésion professionnelle. Le travailleur n’a donc pas droit à l’assistance médicale puisqu’il n’est plus victime d’une lésion professionnelle le 8 novembre 2005 et les prescriptions de l’article 31 de la loi ne sont aucunement applicables en l’espèce. La requête du travailleur devrait être rejetée.
[8] Pour la membre issue des associations syndicales, le travailleur a développé une dépendance aux narcotiques lors du traitement de sa lésion professionnelle. Ce n’est pas parce que la lésion professionnelle est consolidée que le travailleur n’a pas droit à l’assistance médicale en raison de son état qui découle directement des soins reçus durant le traitement de sa lésion professionnelle. Considérant que la CSST n’a pas démontré que la dépendance aux narcotiques relève strictement d’une condition personnelle préexistante et considérant la jurisprudence en la matière, la membre est d’avis que les dispositions des articles 188 et 189 de la loi trouvent application dans le présent dossier ou, à défaut, celles mentionnées à l’article 31, comme le soutient le procureur du travailleur. La requête du travailleur devrait être accueillie.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[9] Selon le libellé de la décision rendue en révision administrative par la CSST, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur est victime d’une récidive, rechute ou aggravation survenue le 8 novembre 2005.
[10] À cet effet, la docteure Bazinet estimait que le travailleur devait bénéficier d’un sevrage aux narcotiques, lesquels, selon la prétention du procureur du travailleur, auraient été prescrits dans le cadre de sa lésion professionnelle survenue le 15 août 2003, faisant en sorte que ce traitement découle de la lésion professionnelle.
[11] Pour la CSST, il n’est pas démontré que la dépendance du travailleur aux narcotiques et, subséquemment, son sevrage en date du 8 novembre 2005 découlent de sa lésion professionnelle, considérant la présence d’une condition personnelle préexistante non reconnue à titre de lésion professionnelle.
[12] Les faits pertinents du dossier sont les suivants :
Ø le travailleur est victime d’un premier accident du travail le 23 avril 1979 concernant la région lombaire.
Ø Le travailleur subit trois interventions chirurgicales, soit une laminectomie à L4-L5 en 1979, une discectomie à L5-S1 en 1985 et une décompression à L5-S1 droite avec fusion L4-S1, en 1994.
Ø À la suite du Rapport d’évaluation médicale du docteur Bah, un pourcentage additionnel de 13,35 % est retenu sur celui déjà octroyé de 20,4 %.
Ø Une rechute survenue en 1996 est refusée par la CSST, le docteur L’Espérance, neurochirurgien, concluant alors à un diagnostic de « Failed back surgery syndrome ».
Ø Malgré un emploi convenable retenu de moniteur-instructeur en conduite de véhicules lourds, le travailleur occupe un travail de chauffeur de bétonnière chez l’employeur lorsqu’il est à nouveau victime d’une lésion professionnelle, le 15 août 2003, à la suite d’une chute d’une hauteur de cinq pieds sur la hanche gauche.
Ø La docteure Agoues, médecin qui a charge, diagnostique initialement « contusion A.B. g, cuisse g. entorse lombaire et tendinite poignet g. ». Le 28 août 2003, la docteure Agoues ajoute le diagnostic d’entorse cervicale et de sciatalgie gauche.
Ø Le 7 avril 2004, le docteur Lesage, radiologiste, décrit, à la suite d’une résonance magnétique, une spondylarthrose multiétagée avec présence de complexes disco-ostéophytiques postérolatéraux droit, en C3-C4, et une sténose foraminale par uncarthrose en C5-C6, du côté droit.
Ø À la suite d’un examen à la demande de l’employeur par le docteur Toueg, orthopédiste, le dossier est dirigé auprès du Bureau d’évaluation médicale.
Ø Le 30 novembre 2004, le docteur Bourdua, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, examine le travailleur et retient le diagnostic d’entorse cervicale sur arthrose cervicale multiétagée. La lésion est consolidée, le 25 novembre 2004, avec suffisance de soins en physiothérapie et en ergothérapie, un plateau de récupération étant atteint. Une atteinte permanente de 2,2 % est retenue avec des limitations fonctionnelles.
Ø La CSST rend une décision, le 3 décembre 2004, reconnaissant le diagnostic d’entorse cervicale à titre de lésion professionnelle, mais non celui d’arthrose cervicale multiétagée qui demeure une condition personnelle. La CSST indique qu’elle cesse le paiement des soins ou traitements à compter du 25 novembre 2004. Cette décision n’est pas contestée par le travailleur.
Ø Le docteur Villemaire, interprétant une scintigraphie osseuse et tomographie de la colonne lombaire effectuée le 24 janvier 2005, décrit des atteintes d’allure inflammatoire ou dégénérative importante au niveau des articulations postérieures droite et gauche de L3 et de discrets phénomènes dégénératifs au niveau de la colonne cervicale avec atteintes dégénératives au niveau des épaules et des membres inférieurs.
Ø Le 9 mars 2005, le travailleur est victime d’une dépression majeure.
Ø Le 27 septembre 2005, la docteure Agoues produit un Rapport final, consolidant la lésion d’entorse cervicale avec une atteinte permanente de 2 % et avec des limitations fonctionnelles. La docteure Agoues fait alors expressément mention que le travailleur peut conduire un camion (bétonnière) [sic][2].
Ø Les notes de consultation médicale du 8 novembre 2004 de la docteure Bazinet, physiatre, indiquent au niveau des antécédents que le travailleur a déjà subi trois chirurgies au dos et qu’il avait du être sevré de la prise de codéine à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont[3]. Quant à l’histoire actuelle, il est indiqué qu’un médecin lui a prescrit de la morphine et qu’il est sevré depuis une semaine (Dilaudid[4] 12 mg aux quatre heures, 3 à 4 fois/jour plus de l’Hydromorph-Contin[5] 12mg bid depuis deux ans). À ses dires, le travailleur a cessé brusquement[6], il y a cinq jours, cette médication et souffre de tremblements, d’angoisse, de sudation, et présente des idées suicidaires. Le travailleur serait en purge de morphine. Après un appel à la pharmacie, elle note que le 19 septembre 2005, du Dilaudid (8 mg, 50 comp.) lui a été prescrit alors qu’en juillet c’est de l’Hydromorph-Contin (4 com. de 30 mg bid et de 8 comp. de 18 mg bid) de même qu’en juin (30 mg, bid, 60 com.). Dans son rapport médical, elle retient le diagnostic d’entorse cervicale, avec purge aiguë de morphine, en sevrage progressif.
Ø La docteure Bazinet émet un rapport médical le 9 novembre 2005, indiquant avoir vu le travailleur la veille et lui avoir prescrit à nouveau du Dilaudid, constatant que le travailleur était en sevrage brusque de narcotiques, d’où la réclamation du travailleur.
Ø Selon les notes médicales déposées par le procureur du travailleur, la docteure Bazinet aurait prescrit du Dilaudid 2mg, pour une dernière fois, le 14 mars 2006.
[13] La loi ne définit aucunement les notions de récidive, rechute ou aggravation. La jurisprudence reconnaît qu’il y a lieu de retenir le sens courant de ces termes soit : une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[7]. Aussi, la jurisprudence stipule qu’il y a lieu d’établir, par une preuve prépondérante, que la récidive, rechute ou aggravation est reliée à l’événement d’origine, que cette relation ne peut être présumée, que le témoignage du travailleur est insuffisant pour l’établir à lui seul alors qu’une preuve médicale est nécessaire[8].
[14] Pour y arriver, la jurisprudence identifie certains paramètres qui permettent de déterminer l’existence d’une telle relation : la gravité de la lésion initiale ; la continuité de la symptomatologie ; l’existence ou non d’un suivi médical ; le retour au travail avec ou sans limitation fonctionnelle ; la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ; la présence ou l’absence d’une condition personnelle ; la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale ; le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale. Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif mais, pris ensemble, ils peuvent permettre de décider du bien-fondé de la réclamation[9].
[15] Dans le présent dossier, le tribunal estime que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure en la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation le 8 novembre 2005, et ce, en fonction des critères énoncés ci-dessus.
[16] La lésion professionnelle fut consolidée le 25 novembre 2004 par le membre du Bureau d’évaluation médicale, bien qu’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles aient été retenues. Certes, le dossier démontre que, malgré cette consolidation, le travailleur a poursuivi ses consultations médicales auprès de la docteure Agoues et du docteur Imbeault. Toutefois, les notes de consultation médicale du 8 novembre 2005 ne font mention d’aucune symptomatologie présentée par le travailleur qui justifie de conclure qu’il y a une reprise évolutive, une recrudescence ou une aggravation de la condition médicale du travailleur, laquelle est indemnisée par l’attribution d’une atteinte permanente, et ce, bien que le travailleur témoigne, devant la Commission des lésions professionnelles lors d’une audience tenue le 21 décembre 2005, souffrir de cervicalgie persistante, d’engourdissements de tout le membre supérieur gauche, de sensation de cou barré et de douleurs à la région lombaire découlant de sa lésion du 23 avril 1979.
[17] Dans les faits, aucun examen physique n’est effectué par la docteure Bazinet démontrant une différence dans la condition physique du travailleur entre la date de consolidation de la lésion professionnelle et la consultation médicale du 8 novembre 2005. Ce n’est pas le propre d’une entorse que de causer des tremblements ou de la sudation. D’ailleurs, la docteure Bazinet se limite à effectuer un résumé du dossier. Il est donc clair que ce n’est pas la condition physique du travailleur découlant d’une entorse cervicale qui est en cause, mais une toute autre situation médicale, soit un état physique du travailleur découlant d’un arrêt brusque d’une médication de type opioïdes, cinq jours plus tôt, le tout résultant en une symptomatologie de tremblements, d’angoisse, de sudation et d’idées suicidaires.
[18] De l’avis du tribunal, ce n’est pas sous l’angle de la récidive, rechute ou aggravation que doit être analysée la réclamation du travailleur, comme l’a expressément fait la CSST lors de la soumission de la Réclamation du travailleur.
[19] D’ailleurs, ce n’est pas ce que réclame le travailleur. À la lecture de l’argumentation du procureur du travailleur, ce dernier demande expressément de déclarer que les soins reçus à compter du 8 novembre 2005 pour un sevrage de narcotiques le sont en vertu de sa lésion professionnelle ou constituent des traitements prodigués selon les articles 188 et 189 de la loi, et ce, en relation avec l’accident du travail survenu le 15 août 2003.
[20] Ainsi, bien que la Commission des lésions professionnelles puisse conclure qu’il ne s’agit pas d’une récidive, rechute ou aggravation, il revient à décider si le travailleur a droit aux bénéfices prévus aux articles 188 et 189 de la loi qui édictent :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la
Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des
gamètes et des embryons, les services
ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un
professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie
de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas
établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[21] Pour le procureur du travailleur, le dossier démontre que, durant les traitements prodigués par les médecins traitants, le travailleur s’est vu prescrire de la médication et notamment du Dilaudid. Il en veut pour preuve une note de la CSST laquelle indique que les prescriptions suivantes ont été relevées auprès de la pharmacie :
Ø en février et en mars 2004 par la docteure Agoues ;
Ø en avril 2004 par le docteur Imbeault ;
Ø en juillet 2004 par la docteure Agoues ;
Ø en septembre et en octobre 2004 par le docteur Lévesque ;
Ø en mars, avril, mai, juillet et septembre 2005 par la docteure Agoues ;
Ø en décembre 2005 par la docteure Bazinet.
[22] Certaines de ces prescriptions sont notamment présentes au dossier, soit celles du 12 et du 24 février 2004, du 10 septembre, du 4 novembre et du 12 décembre 2004.
[23] Le procureur du travailleur soutient que la médication a donc été prescrite dans le cours de la lésion professionnelle au niveau cervical, pour en atténuer les conséquences douloureuses. Cette médication est donc en relation avec l’accident du travail du 15 août 2003, et ce, malgré la présence d’une arthrose cervicale préexistante.
[24] Selon le principe de la réparation intégrale, le procureur soutient que l’on ne peut ainsi prétendre, comme le plaide la CSST, que cette médication fut prescrite uniquement en relation avec la condition d’arthrose présente du travailleur, alors que n’eut été de cet accident, le travailleur n’aurait pas eu à prendre une telle médication. Il admet cependant que le travailleur a pu prendre de la médication en vente libre pour ses douleurs lombaires, depuis son premier événement, comme le reconnaît lui-même le travailleur et comme le soumet la CSST.
[25] La consolidation d’une lésion professionnelle est ainsi définie à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[26] La consolidation d’une lésion professionnelle entraîne-t-elle l’extinction du droit du travailleur à l’assistance médicale ? La Commission des lésions professionnelles a répondu à cette question dans la cause Houde et SPCUM[10] :
[46.] La CSST et l’instance de la révision administrative se sont prononcés sur la présence ou non d’une rechute, récidive ou aggravation en date du 14 juillet 1998 de la lésion professionnelle survenue le 8 octobre 1997, alors que le travailleur dit avoir plutôt demandé qu’on lui autorise les traitements de physiothérapie prescrits le 14 juillet 1998. C’est d’ailleurs cette prescription qu’il a soumise au soutien de sa demande. Son formulaire de réclamation allègue toutefois une rechute, récidive ou aggravation.
[47.] La Commission des lésions professionnelles peut conclure que, en refusant de reconnaître une rechute, récidive ou aggravation, la CSST a répondu implicitement à la demande du travailleur. Toutefois, la Commission des lésions professionnelles peut, en vertu de l’article 377 de la Loi, rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Elle compte donc répondre spécifiquement aux deux questions puisque le travailleur peut avoir droit à des traitements de physiothérapie de soutien même si sa lésion est consolidée ou qu’il n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation. Ceci découle des articles 188 et 184 alinéa 5 de la Loi : [...]
[27] Récemment, dans un même contexte, le tribunal, tout en rejetant que la seule variation d'intensité des douleurs ressenties ne constitue pas une détérioration suffisamment significative d’une condition pour conclure à la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle, concluait cependant que cela ne fait pas nécessairement échec au remboursement des traitements réclamé par une travailleuse dans la mesure où elle peut y avoir droit en vertu de l'article 188 de la loi[11].
[28] La jurisprudence reconnaît en effet qu'un travailleur peut bénéficier de cette disposition de la loi et avoir droit ainsi à ce que la CSST assume le coût de certains traitements après la consolidation de sa lésion professionnelle, et ce, sans que ne survienne une récidive, rechute ou aggravation, s’il existe une relation entre les traitements recommandés par son médecin et sa lésion professionnelle, chaque cas devant être évalué à son mérite[12].
[29] La jurisprudence a plusieurs fois reconnu que des médicaments ou d’autres formes d‘assistance médicale peuvent être prescrits et remboursés par la CSST après la consolidation d’une lésion, dans certaines circonstances.[13]
[30] Il est également de jurisprudence majoritaire[14], puisque la consolidation ne signifie pas uniquement la guérison complète d’une lésion, mais aussi une stabilisation de celle-ci, que diverses modalités thérapeutiques peuvent demeurer nécessaires pour assurer le maintien d’un état devenu stationnaire. Lorsque de telles modalités thérapeutiques sont prescrites par le médecin traitant et que la nécessité de celles-ci n’est pas remise en cause par le biais de la procédure d’évaluation médicale, la seule question qui doit guider la CSST lors de l’étude d’une demande de remboursement des frais encourus pour ces modalités est celle de la relation avec la lésion professionnelle.
[31] Il ressort ainsi de la jurisprudence que les médicaments sont remboursés dans la mesure où leur relation avec la lésion est établie.
[32] Qu’en est-il du présent dossier ?
[33] Selon la procureure de la CSST, les prescriptions de narcotiques subséquentes à la date de consolidation de la lésion professionnelle par le médecin qui a charge ne peuvent être en relation qu’avec la condition arthrosique multiétagée cervicale du travailleur, laquelle est démontrée à la résonance magnétique et qui n’a pas été reconnue à titre de lésion professionnelle. Pour la CSST, le travailleur a admis ce fait en ne contestant pas la décision faisant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale et qui a reconnu l’entorse cervicale comme lésion professionnelle, mais non la condition arthrosique. Il en découle obligatoirement, le travailleur n’ayant pas contesté également la date de consolidation, que les traitements prescrits ne le deviennent que pour cette condition personnelle et qu’ainsi les articles 188 et 189 de la loi ne trouvent pas application.
[34] La Commission des lésions professionnelles ne retient pas la prétention de la procureure de la CSST selon laquelle un travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée, ne peut avoir droit à l’assistance médicale, sauf s’il démontre que son état de santé s’est détérioré et que cela justifie la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation. Ce n’est pas ce qu’a décidé le tribunal[15].
[35] Le tribunal se range derrière la jurisprudence plus que majoritaire en la matière et constate que l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale ne fait que préciser que le travailleur a atteint un plateau de récupération et que les soins en physiothérapie et en ergothérapie ne sont plus utiles ou indiqués. Il n’est aucunement mentionné de cesser toute médication.
[36] Demeure à déterminer la relation entre la prescription de médicaments, le 8 novembre 2005, pour permettre le sevrage graduel du travailleur aux narcotiques par la docteure Bazinet, et l’accident du travail du 15 août 2003.
[37] Le tribunal constate que la seule preuve dont il dispose quant à la prise de narcotiques antérieure à la lésion professionnelle demeure celle mentionnée par le procureur du travailleur qui admet que le travailleur, à la suite de sa lésion professionnelle au rachis lombaire, prenait de la médication (codéine) en vente libre.
[38] Selon la note de la docteure Bazinet du 8 novembre 2005, le travailleur a déjà été sevré de la prise de codéine à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, sans mention d’une date spécifique, la docteur Bazinet indiquant seulement par une flèche, une référence aux trois chirurgies lombaires subies par le travailleur. Toutefois, le tribunal ne dispose d’aucune information voulant que la consommation du travailleur, juste avant la survenance de sa lésion professionnelle en août 2003, justifie le fait que le travailleur ait développé une dépendance quotidienne aux narcotiques à ce moment.
[39] Le tribunal reconnaît que le travailleur a déjà fait l’objet d’un sevrage antérieur. Toutefois, selon l’enquête de la CSST auprès de la pharmacie usuelle du travailleur sur sa consommation de médicaments depuis 2001, ce dernier aurait acheté de la codéine en vente libre en octobre 2001, en janvier et février 2002 puis en janvier 2004, la lésion professionnelle étant survenue en août 2003. Il n’y a aucune preuve d’une consommation quelconque abusive ou suffisante entre le mois de février 2002 et la lésion professionnelle survenue en août 2003, soit un an plus tard pour conclure en cette dépendance.
[40] Par ailleurs, la docteure Bazinet mentionne spécifiquement, lors de son examen du 8 novembre 2005, que le travailleur prenait alors du Dilaudid et de l’Hydromorph-Contin, lesquels ne peuvent être obtenus que par prescription et ne relèvent pas de la vente libre.
[41] L’argument de la CSST, voulant que la consommation antérieure de narcotiques par le travailleur justifie le rejet automatique de sa réclamation, est ainsi écarté.
[42] Également, le tribunal ne retient pas que la présence de la condition personnelle préexistante d’arthrose cervicale justifie à elle seule la consommation de narcotiques après la date de consolidation.
[43] Dans un premier temps, le tribunal ne dispose d’aucune preuve permettant de retenir que cette condition personnelle préexistante était symptomatique avant la survenance de la lésion professionnelle en août 2003. Par ailleurs, il importe de noter que la CSST a défrayé les frais pour une série de deux blocs facettaires, soit en décembre 2003 et en octobre 2004. Or, il est pour le moins incongru de penser que cette forme de traitements le soit que pour une entorse cervicale simple.
[44] Par ailleurs, le dossier démontre également que le travailleur ne souffrait pas simplement de douleurs cervicales lors de la survenance de la lésion professionnelle. Le travailleur se plaignait également de douleurs aiguës sur fond de chronicité au niveau lombaire, comme le mentionne le docteur Morand le 25 septembre 2003, soit un mois après la survenance de la lésion. Cette condition ne peut d’emblée être qualifiée de personnelle, considérant les trois chirurgies lombaires du travailleur. Par ailleurs, il ne faut pas négliger le fait que le travailleur a effectué une chute de cinq pieds de son camion sur le côté gauche, lors de l’événement. Le fait que le travailleur se plaigne de douleur au cou, au bras et à la jambe gauche n’est donc pas étranger à l’accident. Il importe également de retenir que les diagnostics acceptés à titre de lésion professionnelle demeurent ceux de contusions à l’avant-bras gauche, à la cuisse gauche, d’entorse lombaire et de tendinite du poignet gauche auxquels s’ajoutera celui d’entorse cervicale.
[45] Dans un second temps, le tribunal ne dispose également d’aucune preuve justifiant que la prise de médicaments après la date de consolidation ne relève que de la présence de cette condition personnelle préexistante qui serait devenue symptomatique à la suite du fait accidentel. Comment distinguer, même si la condition arthrosique du travailleur constitue une condition personnelle au sens juridique, que les douleurs affligeant le travailleur ne proviennent exclusivement que de cette condition personnelle préexistante et non des séquelles de l’entorse cervicale pour laquelle une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles sont reconnues ? Il y a là une distinction médicale que la CSST plaide, mais que le tribunal n’est pas en mesure de vérifier au plan médical.
[46] Par ailleurs, le tribunal constate que les rapports médicaux présents au dossier à compter du 25 novembre 2004, date de consolidation, ne font mention que d’une entorse cervicale à titre de diagnostic, sans aucune référence à la condition personnelle préexistante du travailleur d’arthrose cervicale multiétagée, que ce soit par le docteur Imbeault ou par la docteure Agoues, médecin qui a charge.
[47] Le tribunal constate également que le docteur Imbeault, physiatre, augmente la dose de Dilaudid à compter du 4 novembre 2004, soit avant la date de consolidation. Cette dose est maintenue le 12 décembre 2004. Par la suite, le travailleur consulte régulièrement le docteur Imbeault et la docteure Agoues comme en font foi les rapports médicaux au dossier[16].
[48] Le registre du profil pharmacologique présent au dossier[17] démontre que le travailleur s’est vu prescrire plusieurs types de composés pharmacologiques narcotiques à compter du mois de février 2004, et ce, jusqu’à la consolidation de sa lésion professionnelle et, subséquemment, jusqu’en novembre 2005.
[49] Le tribunal reproduit ci-après un échantillon des prescriptions figurant à ce profil[18] :
Avant la date de consolidation :
Ø Ratio-Emtec (acétaminophen-300mg et phosphate de codéine-30mg, analgésique opioïde, 1 ou 2 comp./ 4 h, 90 comp.), le 9 février 2004, pour les diagnostics de douleurs à C5-C6, à T12, à la coiffe, au poignet et au pouce gauches et pour une épicondylite ;
Ø Dilaudid (chlorhydrate d’hydromorphone-2mg, analgésique opioïde, 1 à 2 comp./ 4 h, 60 comp.), le 12 février 2004, pour les diagnostics d’entorse cervicale et de récidive aux poignet, coude et épaule gauches ;
Ø Dilaudid (4mg, 1 comp./ 3 ou 4 h, 30 comp.), le 25 février 2004, pour les diagnostics d’entorse cervicale et de tendinite du poignet gauche ;
Ø Duragesic (Fentanyl-mcg/timbre, analgésique opioïde, 1 patch à tous les 3 jours), le 26 mars 2004, pour le diagnostic d’entorse cervicale par le docteur Imbeault ;
Ø Dilaudid (4mg, 1 comp./ 4 h, 60 comp.) le 26 mars 2004, pour le diagnostic d’entorse cervicale par la docteure Agoues ;
Ø Ratio-Codéine (phosphate de codéine-30mg, 1 ou 2 comp./ 4 h, 30 comp.), le 25 avril 2004, pour le diagnostic d’entorse cervicale ;
Ø Supeudol (chlorhydrate d’oxycodone-10mg, analgésique opioïde, ½ à 1 comp./4 ou 6 h, 90 comp.), le 7 mai 2005 et le 11 juin 2004, pour le diagnostic d’entorse cervicale ;
Ø Ratio-Codéine (30 mg, 1 à 2 comp./4 h, 180 comp.), le 26 juillet 2004, pour les diagnostics d’entorse cervicale et lombaire ;
Ø Dilaudid (2mg, 1 comp./ 6 h, 120 comp.), le 9 septembre 2004, pour le diagnostic d’entorse cervicale ;
Ø Dilaudid (4mg, 1 comp./ 4 ou 6 h, 120 comp.), le 7 octobre 2004; pour le diagnostic de discarthrose cervicale.
Après la date de consolidation :
Ø Dilaudid (2mg, 1comp./ 4 h, 100 comp.) avec Dilaudid (8mg, 1 comp./4 h, 100 comp.), le 11 mars 2005, pour le diagnostic d’entorse cervicale avec dépression ;
Ø Hydromorph-Contin (30mg, 1 comp./ jour, 60 comp.), le 11 mars 2005, pour les diagnostics d’entorse cervicale avec dépression ;
Ø Dilaudid (8mg, 1 comp./ 4 h avec 1 comp. Dilaudid 2mg, 40 comp.), le 22 avril 2005, pour les diagnostics d’entorse cervicale et de dépression ;
Ø Hydromorph-Contin (30mg, 1 comp./ aux 12 h, 60 comp.), le 22 avril 2005, pour les mêmes diagnostics ;
Ø Hydromorph-Contin (30mg, 1 comp./ aux 12 h, 60 comp.), le 1er juin 2005, pour les mêmes diagnostics ;
Ø Dilaudid (2mg, 1 com./ 4 h avec 1 comp. Dilaudid 8mg, 30 comp.), le 22 juin 2005, pour ces mêmes diagnostics ;
Ø Dilaudid (2mg, 1 com./ 4 h avec 1 comp. Dilaudid 8mg, 50 comp.), le 5 juillet 2005 ;
Ø Hydromorph-Contin (18mg, 1 comp./ aux 12 h, 84 comp.), le 5 juillet 2005 ;
Ø Dilaudid (8mg, 1 comp./ 4 h avec 1 comp. Dilaudid 2mg, 50 comp.), le 19 septembre 2005.
[50] La lecture de ce relevé confirme que le travailleur a entrepris une médication de type opioïde (Dilaudid) dès le mois de février 2004, sans arrêt. Le tribunal constate d’ailleurs une progression continue dans la dose prescrite et dans le mélange de médicaments prescrits par les médecins traitants, autant dans le cours de la consolidation de la lésion professionnelle, qu’à la suite de cette consolidation, et ce, jusqu’en septembre 2005. Il importe également de rappeler que, selon les notes médicales de la docteure Agoues, le travailleur s’est vu prescrire dès le 15 août 2003, soit à la date de l’événement, des Empracet 30[19].
[51] Il faut conclure que cette médication prescrite avant la date de consolidation relevait à ce moment de la lésion professionnelle et qu’en aucun moment, il n’est spécifié au dossier que celle-ci est prescrite spécifiquement pour une condition personnelle préexistante d’arthrose cervicale multiétagée. Il n’y est fait aucune distinction. Le dossier ne permet pas de distinguer cette condition médicale, ni avant ni après la consolidation de l’entorse cervicale, au plan des traitements administrés. La médication prescrite demeure de nature analgésique, soit pour le soulagement de la douleur et non en vue d’une guérison quelconque de la condition du travailleur.
[52] Le tribunal constate qu’il s’agit toujours de prescriptions des mêmes médicaments tout au cours de cette période de l’année. Le tribunal note également la progression de la prise de ce type de médicaments tout au cours de l’évolution de la lésion professionnelle, et ce, à compter du mois de janvier 2004. En effet, selon les informations dont dispose le tribunal, il appert que la dose d’opioïdes, que le travailleur consomme, progresse de plus en plus, et ce, même avant la consolidation de la lésion professionnelle, pour s’accélérer davantage après la consolidation.
[53] Le tribunal note qu’habituellement, dans le cas d’entorse, les douleurs sont maximales lors de l’événement ou dans les 48 heures suivantes et que, par la suite, elles s’amenuisent. Dans le présent dossier, il ressort que la consommation de médicaments de type opioïdes est inversement proportionnelle à l’évolution naturelle d’une entorse, le travailleur consommant plus cette médication après la consolidation de sa lésion qu’au moment des événements. Cela témoigne, de l’avis du tribunal, d’une pharmacodépendance installée depuis un certain temps.
[54] Ainsi, selon les données disponibles et les antécédents connus du travailleur, il ne fait aucun doute qu’avec la prise régulière de ces médicaments et aux doses prescrites, il y avait de forte chance, sinon une certitude, que le travailleur puisse développer rapidement une dépendance à ce type de médication, et ce, même avant la consolidation de sa lésion professionnelle.
[55] Selon le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques[20] :
Le Dilaudid (chlorhydrate d’hydromorphone) est indiqué pour le soulagement des douleurs modérées ou intenses.
La puissance de 1 mg d’hydromorphone est environ huit fois supérieure à celle de 1 mg de morphine.
Posologie : Administration par voie orale : Chez les adultes, la dose recommandée par voie orale est de 2 à 4 mg, toutes les 4 à 6 heures, au besoin[21].
Pharmacodépendance : Tous les opioïdes comme la morphine et le Dilaudid peuvent produire une pharmacodépendance et présenter un potentiel d’abus. La psychodépendance, la physicodépendance et la tolérance risquent de se développer avec l’administration répétée d’hydromorphone. L’agent doit être prescrit et administré avec le même degré de prudence que la morphine. L’arrêt soudain de l’administration d’hydromorphone risque d’entraîner un syndrome de sevrage.
Le chlorhydrate d’hydromorphone doit être utilisé avec prudence chez les patients atteints d’alcoolisme ou d’autres formes de pharmacodépendance en raison de l’incidence accrue de tolérance aux opioïdes et de psychodépendance observée chez ces populations de patients.
[56] Le tribunal pourrait certes s’interroger sur le nombre de prescriptions, la dose prescrite et la quantité de médicaments prescrits, avant et après la consolidation de la lésion professionnelle, mais cela ne relève pas de sa compétence. Le tribunal ne peut que se questionner sur le fait que, dès la consultation initiale, le travailleur s’est vu prescrire des Empracet, sans que la note médicale ne fasse mention d’une déclaration volontaire par le travailleur voulant qu’il ait fait l’objet d’une dépendance antérieure à la codéine et sans que les médecins se questionnent ou interrogent le travailleur sur ses habitudes ou sur sa consommation de drogues, d’alcool ou de produits de même nature, favorisant l’accoutumance ou la dépendance à ces produits.
[57] Il n’en demeure pas moins que le travailleur a alors entrepris la prise de ce type de médicaments pour lesquels, considérant le passé du travailleur, il y avait de forte chance de créer une nouvelle dépendance. Toutefois, cette prise de médicaments à risque le fut dans le cadre de sa lésion professionnelle. D’ailleurs, il y a lieu de constater que le travailleur a certes développé cette dépendance et une tolérance (par la prise d’une dose de plus en plus forte pour obtenir le même effet), considérant sa consommation qui ne cesse d’augmenter avec le temps. Même si le tribunal peut constater, à la limite, une quête de ce type de médicaments auprès de plusieurs médecins par le travailleur, il n’en demeure pas moins que la prise de ce type de médication dès la survenance de la lésion professionnelle (par la prise d’Empracet 30) et en particulier à compter du mois de février 2004 (par la prise de Dilaudid), a entraîné, considérant le passé du travailleur sur cet aspect, une dépendance de ce dernier pour ce type de médicaments que les médecins ont continué de prescrire au cours de la lésion professionnelle et après la consolidation de cette dernière.
[58] Le tribunal estime que le travailleur, en développant une telle dépendance aux narcotiques, lesquels furent prescrits au cours de sa lésion professionnelle, n’a pas à subir les conséquences de cette situation, et ce, du seul fait que la lésion professionnelle est consolidée juridiquement à une certaine date, alors que ses médecins poursuivent l’administration de ce type de composés, que le travailleur consomme, en vue du soulagement de ses douleurs découlant de sa lésion professionnelle, même si un plateau thérapeutique était atteint.
[59] Le tribunal estime que le traitement en vue d’un sevrage proposé par la docteure Bazinet à compter du 8 novembre 2005 est en relation directe avec la lésion professionnelle survenue le 15 août 2003 et, qu’à ce titre, en fonction de l’approche développée dans le cadre de l’application des articles 188 et 189, le travailleur a droit aux soins que requiert son état à compter du 8 novembre 2005 et que les soins reçus sont la conséquence directe de sa lésion professionnelle.
[60] Le travailleur a ainsi satisfait aux exigences de la preuve que requiert l’application des articles 188 et 189 de la loi et, dans ces circonstances, il a ainsi droit aux bénéfices de la loi en ce qui a trait aux soins reçus dans ce cadre.
[61] En venant à la conclusion à laquelle le tribunal parvient, il devient superflu de discourir sur l’argument supplémentaire soumis par le procureur du travailleur voulant que la demande du travailleur puisse être satisfaite par l’application des dispositions de l’article 31 de la loi lequel énonce ce qui suit :
31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:
1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;
2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).
__________
1985, c. 6, a. 31.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par monsieur Serge Degaris ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 février 2006, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que monsieur Serge Degaris a droit au remboursement des frais engagés pour les médicaments et les traitements prescrits par son médecin, la docteure Bazinet, dans le cadre de son sevrage aux narcotiques.
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Robert Daniel |
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Commissaire |
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Me Denis Mailloux |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marie-Ève Legault |
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Panneton Lessard |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q. c., A-3.001
[2] Alors que selon les informations au dossier, le travailleur s’est vu prescrire 50 comprimés de Dilaudid (10 mg aux 4 h) (Chlorhydrate d’hydromorphone, analgésique opioïde, selon L’ASSOCIATION DES PHARMACIENS DU CANADA, CPS : Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, 37e éd., Ottawa, l'Association, 2002, 2218 p), le 19 septembre 2005, et que ce médicament peut altérer les aptitudes mentales et (ou) physiques nécessaires à l’exécution de tâches potentiellement dangereuses comme la conduite d’un véhicule motorisé ou l’utilisation de machines, toujours selon le CPS.
[3] Le dossier, tel que constitué, est muet quant aux modalités et au suivi de ce sevrage, si ce n’est que le travailleur aurait continué à se procurer de la codéine en vente libre en pharmacie.
[4] Voir note précédente.
[5] Identique au Dilaudid (de la compagnie Abbott), mais fabriqué par la compagnie Purdue Pharma.
[6] Le tribunal ne dispose d’aucune information voulant que ce soit à la suite du refus d’un médecin de prescrire ces médicaments ou à la suite d’un refus d’un pharmacien de renouveler une prescription.
[7] Lapointe et Cie Minière Québec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38
[8] Millette et CUM, [1994] C.A.L.P. 833
[9] Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19
[10] Houde et SPCUM, C.L.P. 114845-62-9904, 27 septembre 199, P. Perron
[11] Robert et La Cour du Roi (faillite), C.L.P. 255363-64-0502, 5 juin 2006, C.-A. Ducharme
[12] Estinvil et Fibro friction, C.L.P. 151741-72-0012, 27 avril 2001, R. Langlois ; Quenneville et Trucson Steel Works, [2002] C.L.P. 307 .
[13] Les entreprises Becker inc. et Sylvestre, [1987] C.A.L.P. 342 ; Sciascia et Boulangerie & Pâtisserie Ampère, [1996] C.A.L.P. 1099 ; Bertrand et Northern Telecom Canada ltée, [1999] C.L.P. 772 ; Blais et Groupe Hamelin inc., C.L.P. 91025-05-9708, 16 février 1999, F. Ranger ; Hubert et Gestion VRG enr, C.L.P. 104340-62B-9809, 16 juillet 1999, A. Vaillancourt ; Déry et Romir Construction inc., C.L.P. 112392-73-9901, 3 septembre 1999, L. Crochetière ; Quenneville et Truscon Steel Works, [2000] C.L.P. 307 ; Chagnon et Aventure Électronique, C.L.P. 187312-71-0207, 6 février 2003, L. Couture ; Bégin et Les industries UDT inc. (fermée) et CSST, C.L.P. 226338-62-0402, 8 septembre 2004, H. Marchand.
[14] Guyot et Cie minière IOC, C.A.L.P. 38166-60-9203, 6 mai 1994, F. Dion-Drapeau ; Beaulieu et Commission des écoles catholiques de Montréal, [1995] C.A.L.P. 1350 ; Munos et D. & D. ICS Groups inc., C.A.L.P. 78390-60-9604, 6 février 1997, L. Boucher ; Pinet et Transport American Can. Cat. Inc., C.L.P. 111964-62C-9903, 4 août 1999, Y. Lemire ; Ethier et Manoir Cartierville, C.L.P. 109210-61-9901, 25 novembre 1999, L. Boudreault ; Raymond et Via Rail Canada inc., C.L.P. 93189-62-9711, 18 avril 2000, H. Rivard ; Faucher et Canadian Tire, C.L.P. 130087-05-01, 13 juillet 2000, M. Allard ; Denis et Coffrages C.C.C. ltée, C.L.P. 117405-32-9905, 24 janvier 2001, G. Tardif ; Lamontagne et Sûreté du Québec, C.L.P. 130466-05-0001, 15 juin 2001, F. Ranger ; Dicaire et Métallurgie Noranda inc. (Division CCR), C.L.P. 152843-63-0012, 13 juillet 2001, M. Gauthier ; Desjardins et Ross Finlay ltée, C.L.P. 161600-08-0105, 7 février 2002, P. Prégent ; St-Pierre et Centres Jeunesse de Montréal et CSST, C.L.P. 183891-61-0205, 19 juillet 2002, L. Nadeau.
[15] Casino de Montréal et Raymond, C.L.P. 214264-61-0308, 3 mai 2004, G. Morin
[16] Soit les 15 décembre 2004, 2 février 2005, 9 mars, 6 avril, 4 mai, 1er juin, 7 juillet, 12 août et le 27 septembre 2005, date du Rapport final de la docteure Agoues.
[17] Couvrant les prescriptions à compter du 24 janvier 2004 jusqu’au 13 décembre 2005.
[18] Les annotations sur la nature chimique et analgésique des produits proviennent de l’ASSOCIATION DES PHARMACIENS DU CANADA, CPS : Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, op.cit., note 2
[19] Médicament composé d’aspirine et de 30 mg de codéine.
[20] Op. cit., note 2
[21] À comparer avec les doses que le travailleur s’est vu prescrire.
AVIS :
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