Décision

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Lacoste et Cast North America Ltd (Fermée)

2009 QCCLP 1144

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

19 février 2009

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

345372-63-0804

 

Dossier CSST :

074913070

 

Commissaire :

Luce Morissette, juge administrative

 

Membres :

Francine Melanson, associations d’employeurs

 

Gérald Dion, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Yvon Lacoste

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Cast North America ltd (fermée)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 8 avril 2008, Yvon Lacoste (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 31 mars 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 21 septembre 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais pour l’ouverture et la fermeture de sa piscine et de son spa.

[3]                L’audience s’est tenue le 20 janvier 2009 sur dossier, la représentante du travailleur ayant fait parvenir, le matin de l’audience, une argumentation écrite. La compagnie Cast North America ltd est une entreprise fermée.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles que la CSST lui rembourse les travaux d’entretien de la piscine et du spa, incluant l’ouverture et la fermeture de ces installations.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales ont des avis différents.

[6]                La membre issue des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’ouverture et de fermeture de sa piscine et de son spa. Elle est d’avis qu’il ne s’agit pas de travaux d’entretien courant du domicile.

[7]                Pour sa part, le membre issu des associations des travailleurs retient que le travailleur a droit au remboursement de tels frais puisqu’il faut donner à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) une interprétation large et plus particulièrement à la notion des travaux d’entretien courant.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                Les faits suivants sont rapportés à partir du dossier du tribunal et des notes soumises par la représentante du travailleur.

[9]                Ainsi, le 12 janvier 1981, le travailleur se blesse au dos en exécutant son travail. Le diagnostic initial est celui d’entorse lombaire, mais rapidement, il sera changé pour celui de hernie discale au niveau L4-L5. Ce diagnostic a été accepté par la CSST.

[10]           Par la suite, le travailleur a subi une discectomie radicale au niveau L4-L5 du côté gauche et une foraminotomie postérieure.

[11]           La CSST a accepté les réclamations du travailleur pour de nombreuses récidives, rechutes ou aggravations qui sont survenues au fil des années.

[12]           Les notes évolutives du dossier de la CSST indiquent que le travailleur conserve de ses lésions professionnelles une atteinte permanente à l’intégrité physique de 111 %. Le travailleur est également porteur de limitations fonctionnelles importantes à tous les niveaux du côté psychologique, fonctionnel à la marche, à l’effort et aux postures. Au mois de septembre 2003, il est déclaré inemployable.

[13]           Le tribunal retient des notes évolutives de la CSST que le travailleur se déplace difficilement avec une canne tripode dans son domicile. La CSST a autorisé également l’achat d’un fauteuil auto-souleveur pour qu’il puisse s’asseoir ou changer de place. Sans cette aide technique, il serait confiné au lit. L’achat d’un fauteuil roulant motorisé a également été autorisé.

[14]           Le travailleur a bénéficié de plusieurs services d’aide personnelle à domicile et de mesures importantes d’adaptation résidentielle. La CSST rembourse déjà les frais de déneigement, ceux de l’entretien de la pelouse, le grand ménage annuel et la peinture de certaines pièces.

[15]           Le tribunal retient que le travailleur a fait l’achat d’une piscine et d’un spa avant son accident du travail à des fins de loisir. Toutefois, il semble que depuis son accident, l’utilisation de la piscine ou du spa lui procure un certain soulagement de ses douleurs lombaires.

[16]           Le tribunal constate aussi que des traitements d’aqua-physio lui ont déjà été prescrits par son médecin. Dans tous les cas, il a lui-même assumé jusqu’à ce jour les frais d’entretien de la piscine et du spa.

[17]           Également, la CSST a accepté de payer les aides techniques qui ont été installées pour faciliter l’accès du travailleur tant à la piscine qu’au spa (main courante et escalier). Toutefois, la CSST refuse de payer pour les frais liés à l’ouverture et la fermeture de ces installations en prétendant que ces opérations surviennent une fois par année seulement.

[18]           Le tribunal constate que la CSST ne remet nullement en cause la gravité de la condition physique du travailleur : elle invoque simplement la fréquence des travaux qui, selon toute vraisemblance à ses yeux, n’est pas courante.

[19]           De son côté, la représentante du travailleur prétend que l’ouverture et la fermeture de la piscine et du spa étaient des tâches exécutées par le travailleur avant son accident et qu’il n’est plus en mesure de les accomplir.

[20]           Le tribunal constate que ce fait n’a pas été remis en question par la CSST dans sa décision du 31 mars 2008.

[21]           Elle ajoute que ces tâches comprennent des contraintes physiques comme soulever et tirer les toiles, soulever des poids de plus de cinq kilos, transporter des outils, etc. Ce type de travail contrevient aux limitations fonctionnelles du travailleur. Elle a produit divers documents décrivant les opérations de fermeture et d’ouverture d’une piscine ou d’un spa. Le tribunal constate à la lecture de ces documents qu’une personne, pour procéder à ces opérations, doit, entre autres, chercher les fuites d’eau, retirer les accessoires, manipuler différents boyaux, vidanger l’eau accumulée sur les toiles, etc.

[22]           À ce sujet, le tribunal est d’avis que la condition physique du travailleur ne lui permet pas d’exécuter ces tâches en regard des limitations fonctionnelles dont il est porteur. En effet, il tombe sous le sens commun que si le travailleur se déplace en fauteuil roulant motorisé, il aura beaucoup de difficultés à entretenir une piscine ou un spa.

[23]           Il reste donc à décider si les frais réclamés par le travailleur pour l’entretien de la piscine et du spa sont remboursables par la CSST, le tout en regard de l’article 165 de la loi. Cet article se lit ainsi :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[24]           Comme la représentante du travailleur le souligne dans son argumentation écrite, le litige porte surtout sur la notion « d’entretien courant ». Elle est d’avis que l’interprétation à retenir est celle de travaux qui sont effectués pour maintenir le domicile en bon état. Chaque cas doit être étudié à son mérite.

[25]           Elle rappelle que la jurisprudence du tribunal a reconnu que le lavage des fenêtres, l’installation d’un abri d’auto pour l’hiver, la peinture extérieure ou l’application de teinture sur des galeries extérieures constituaient autant d’exemples de travaux d’entretien courant d’un domicile.

[26]           Elle prétend également que dans l’affaire Bond et 106456 Canada ltée[2], le tribunal a décidé que les frais liés à l’ouverture et à la fermeture d’un spa devaient être remboursés par la CSST en vertu de l’article 165 de la loi. Il est pertinent d’examiner un peu mieux cette décision puisqu’elle présente l’avantage de rapporter la jurisprudence sur la question.

[27]           Ainsi, dans cette décision, il est précisé que la gravité d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ne s’établit pas uniquement en regard du pourcentage de l’atteinte qui a été alloué, mais aussi en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur d’exercer les travaux visés à l’article 165 de la loi. La nature des limitations fonctionnelles octroyées est à cet égard fort pertinente.

[28]           Comme il a été précisé, dans le présent dossier, le tribunal est satisfait de la preuve présentée à cet égard.

[29]           Il est aussi pertinent de rappeler que le terme « domicile » réfère bien sûr au bâtiment d’habitation, mais aussi au terrain sur lequel celui-ci se trouve.[3]

[30]           Également, dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles rappelle que selon une jurisprudence[4] maintenant bien établie, la notion d’entretien courant du domicile prévue à l’article 165 de la loi doit s’interpréter « […] dans le sens de travaux d’entretien habituels, ordinaires du domicile, par opposition à des travaux d’entretien inhabituels ou extraordinaires. » À cet égard, les décisions qui ont reconnu antérieurement le droit pour un travailleur d’être remboursé des frais pour l’ouverture ou la fermeture d’une piscine ou d’un spa[5] sont rapportées.

[31]           Finalement, le but recherché par la réadaptation offerte à un travailleur en vertu de l’article 151 de la loi est rappelé soit, entre autres, l’aider à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle.

[32]           Dans cette affaire, qui traite de circonstances très similaires au présent dossier, la requête du travailleur concernant le remboursement des frais d’ouverture et de fermeture d’un spa a été accueillie.

[33]           Le tribunal est d’avis que dans le présent dossier, la requête du travailleur doit également être accueillie.

[34]           En effet, tout comme dans l’affaire Bond, le tribunal est d’avis que les frais réclamés constituent des frais courants d’entretien du domicile. À cet égard, il y a lieu d’ajouter que l’article 165 de la loi ne prévoit nullement de date ou de saison pour laquelle un travailleur peut faire exécuter des travaux. Également, il n’y est pas question d’un nombre de fois ou d’intervalle auquel ils doivent être faits.

[35]           À ce sujet, le tribunal partage entièrement les propos suivants tirés de la décision Babeu et Boulangeries Weston Québec ltée[6] qui sont fort pertinents :

[21]      Or, ce n’est pas ce que l’article 165 énonce. Il n’est aucunement prévu à cet article l’époque ou la date à laquelle un travailleur peut faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile, et encore moins le nombre de fois et l’intervalle à laquelle il doit les faire exécuter. La seule exigence prévue par cet article est que le travailleur démontre que ces frais ont été engagés. La production de pièce justificative par un travailleur répond alors à cette exigence.

 

 

[36]           Pour l’ensemble de ces motifs, le tribunal est d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie et qu’il a droit au remboursement des frais d’ouverture et de fermeture de sa piscine et de son spa.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, Yvon Lacoste;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 31 mars 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’ouverture et de fermeture de sa piscine et de son spa.

 

 

__________________________________

 

LUCE MORISSETTE

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 290357-61-0605 et 290361-61-0605,  28 mai 2007, G. Morin, (07LP-73).

[3]           Lussier et Steinberg inc., C.L.P. 153020-62-0012, 18 mai 2001, L. Boucher.

[4]           Lévesque et Mines Northgate inc., [1990] CALP 683 .

[5]           Bouras et CMC Électronique inc., C.L.P. 287041-71-0604; Monette et Ascenseurs Lumar Concord Québec inc., C.L.P. 284141-63-0603, 20 février 2007, D. Besse; Michaud et Couvercles Plastiques Lukan ltée (fermée), C.L.P. 351496-62C-0806, 9 décembre 2008, C. Burdett.

[6]           C.L.P. 166478-62B-0108, 16 janvier 2003, N. Blanchard, (02LP-177).

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