Décision

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Dumas et Aliments Asta inc.

2009 QCCLP 5977

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sept-ĂŽles

Le 2 septembre 2009

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent

et CĂ´te-Nord

 

Dossiers :

259544-01A-0504    281551-01A-0602    281828-01A-0602

 

Dossier CSST :

127205078

 

Commissaire :

Normand Michaud, juge administratif

 

Membres :

Gilles Cyr, associations d’employeurs

 

Pierre Boucher, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Dr Gilles Desmarchais

______________________________________________________________________

 

259544-01A-0504   281551-01A-0602

281828-01A-0602

 

 

Éric Dumas

Aliments Asta inc.

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Aliments Asta inc.

Éric Dumas

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

et

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

Partie intervenante

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 259544-01A-0504

 

[1]    Le 6 avril 2005, monsieur Éric Dumas (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 29 mars 2005 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]    Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 17 dĂ©cembre 2004 et dĂ©clare que le travailleur n’a pas subi de lĂ©sion professionnelle le 19 octobre 2004 et qu’il n’a pas droit aux prestations prĂ©vues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

Dossier 281551-01A-0602

[3]    Le 3 fĂ©vrier 2006, le travailleur dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une seconde requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la CSST rendue le 10 janvier 2006 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[4]    Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 16 novembre 2005 et dĂ©clare sans objet la demande de rĂ©vision de l’employeur en ce qui concerne l’admissibilitĂ©. La CSST dĂ©clare Ă©galement que, vu que la rĂ©clamation du travailleur avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© refusĂ©e, la dĂ©cision du 16 novembre 2005 est sans effet quant aux consĂ©quences lĂ©gales portant sur les autres sujets mĂ©dicaux et par consĂ©quent, la demande de rĂ©vision de cette dĂ©cision du 16 novembre 2005 est sans objet.

Dossier  281828-01A-0602

[5]    Le 10 fĂ©vrier 2006, l’entreprise Aliments Asta inc. (l’employeur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle elle conteste Ă©galement la mĂŞme dĂ©cision de la CSST rendue le 10 janvier 2006.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 259544-01A-0504

[6]    Le travailleur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer qu’il a subi une lĂ©sion professionnelle le 19 octobre 2004.

Dossier 281551-01A-0602

[7]    Le travailleur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de retenir les conclusions du docteur Laflamme, membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale et de retenir le diagnostic de tendinite Ă  l’épaule gauche. Il demande aussi de dĂ©clarer que la lĂ©sion n’était pas consolidĂ©e le 24 octobre 2005 et que des soins et traitements Ă©taient encore nĂ©cessaires.

Dossier  281828-01A-0602

[8]    De façon subsidiaire, dans la mesure oĂą la Commission des lĂ©sions professionnelles dĂ©cidait que le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle, l’employeur demande au tribunal de dĂ©clarer que la lĂ©sion est consolidĂ©e en date du 19 octobre 2004 ou du 16 aoĂ»t 2005 sans limitations fonctionnelles ni atteinte permanente, ni nĂ©cessitĂ© d’autres soins ou traitements.

[9]    L’audience s’est tenue le 11 juin 2009 Ă  Rivière-du-Loup en prĂ©sence du travailleur et de sa reprĂ©sentante. Madame Édith Laplante, directrice des ressources humaines pour l’employeur, est Ă©galement prĂ©sente. Pour sa part, la reprĂ©sentante de la CSST a prĂ©alablement informĂ© le tribunal de son absence.

LES FAITS

[10]           L’employeur est une entreprise spĂ©cialisĂ©e dans l’abattage et la dĂ©coupe de porcs pour le dĂ©sossage et la vente.

[11]           Le travailleur est âgĂ© de 37 ans lors des Ă©vĂ©nements allĂ©guĂ©s. Il travaille depuis 1997 comme journalier chez l’employeur oĂą il a occupĂ© diffĂ©rents postes dans le dĂ©partement de l’abattage. Il tĂ©moigne qu’il travaille habituellement du lundi au vendredi et Ă  l’occasion le samedi. Il commence sa journĂ©e Ă  7 h 30 et termine lorsqu’il n’y a plus de porcs Ă  abattre, soit vers les 17h-18 h. Il dit qu’il faisait assez rĂ©gulièrement une cinquantaine d’heures par semaine parce qu’en plus, il faisait le mĂ©nage Ă  l’abattoir. Il bĂ©nĂ©ficie de deux pauses de quinze minutes, l’une le matin et l’autre en après-midi. On lui accorde une heure pour le dĂ®ner.

[12]           Le travailleur explique Ă  l’audience que les premières douleurs ont commencĂ© Ă  se manifester au niveau des Ă©paules en 1999 lors de la crise du verglas. Ă€ l’époque, plusieurs abattoirs de la rĂ©gion de MontrĂ©al ont Ă©tĂ© fermĂ©s, ce qui leur a  occasionnĂ© un surplus de travail. On a dĂ» abattre de 60 Ă  80 grosses truies de plus par jour. Celles-ci Ă©taient plus lourdes et attachĂ©es plus haut qu’habituellement, ce qui rendait le travail plus difficile. De plus, il devait couper les pattes Ă  l’aide d’un sĂ©cateur ou d’une scie manuelle. Il avait alors dĂ©veloppĂ© un mal aux Ă©paules, mais il n’a pas portĂ© plainte Ă  la CSST de peur de perdre son emploi. Les douleurs ont par la suite disparu. Il ajoute que plusieurs travailleurs ont quittĂ© en raison de maux aux Ă©paules.

[13]           Le travailleur mentionne Ă  l’audience que les douleurs ont repris au niveau des Ă©paules, mais de façon plus prononcĂ©e Ă  gauche qu’à droite, Ă  l’étĂ© 2004. Il mentionne tant Ă  l’audience que dans ses dĂ©clarations Ă  la CSST et aux mĂ©decins examinateurs qu’il n’y a eu aucun fait accidentel susceptible d’avoir causĂ© une blessure. Il attribue plutĂ´t ses douleurs Ă  son travail rĂ©pĂ©titif et exigeant ainsi qu’aux nombreux mouvements qu’il exĂ©cute. Il prĂ©cise que les douleurs ont commencĂ© surtout lorsqu’il travaillait Ă  la «back rail » (rail de retenue), alors qu’il remplaçait pour des vacances. Il  considère ce travail plus exigeant qu’à l’éviscĂ©ration.

[14]           Il souligne qu’il s’est plaint plusieurs fois de cette situation Ă  son contremaĂ®tre qui lui a rĂ©pondu que « Si ce n’était pas ça, il devait s’en aller chez lui ». L’employeur disait qu’il n’avait pas le choix vu qu’il manquait de personnel.

[15]           Le 19 octobre 2004, le travailleur consulte la docteure Geneviève Soucy car il avait beaucoup de douleurs, il ne s’endurait plus. Elle indique sur le rapport mĂ©dical transmis Ă  la CSST un diagnostic de tendinite du sus-Ă©pineux gauche sur travail rĂ©pĂ©titif. Elle suggère l’application de glace et prescrit des anti-inflammatoires. Elle autorise une assignation temporaire comportant certaines restrictions, soit Ă©viter les travaux rĂ©pĂ©tĂ©s avec le membre supĂ©rieur gauche, ne pas le surĂ©lever Ă  plus de 90°, ne pas soulever de poids de plus de cinq kilos avec ce membre.

[16]           Le 2 novembre 2004, le travailleur est examinĂ© par le docteur Yves Raymond, qui assurera le suivi par la suite. Le mĂ©decin pose un diagnostic de tendinite Ă  l’épaule gauche, diagnostic qu’il conservera tout au long du dossier. Il ne note aucune amĂ©lioration. Il prescrit des traitements de physiothĂ©rapie et maintient les anti-inflammatoires. Il prolonge l’assignation temporaire, mais refuse un retour progressif au travail rĂ©gulier.

[17]           Le 5 novembre 2004, le travailleur complète une rĂ©clamation pour la CSST en ces termes :

« J’ai commencĂ© Ă  avoir mal Ă  l’épaule depuis un bout mais c’était endurable plus le temps passait plus ça faisait mal alors j’ai consultĂ© et j’ai une tendinite Ă  l’épaule gauche. Â»

 

 

[18]           Le 17 dĂ©cembre 2004, la CSST refuse la rĂ©clamation du travailleur. Elle considère qu’il ne s’agit pas d’un accident du travail ni d’une maladie professionnelle. Cette dĂ©cision est confirmĂ©e le 29 mars 2005 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative, d’oĂą le litige dans le dossier 259544-01A-0504.

[19]           Le docteur Raymond revoit le travailleur rĂ©gulièrement. Le 30 novembre, il constate une amĂ©lioration lente. Le 14 dĂ©cembre, il rapporte une diminution des douleurs au repos et peu d’endurance. Il refuse le retour progressif au travail rĂ©gulier. Le 28 dĂ©cembre 2004, il note une dĂ©tĂ©rioration depuis que la physiothĂ©rapie a Ă©tĂ© cessĂ©e en dĂ©cembre, soit après la dĂ©cision de la CSST. Il modifie l’assignation temporaire.

[20]           Le 12 janvier 2005, le travailleur est examinĂ© par le docteur Paul-O. Nadeau, orthopĂ©diste, Ă  la demande de l’employeur. Il diagnostique une tendinite Ă  l’épaule plus importante du cĂ´tĂ© droit qu’à gauche et non rĂ©solue. Aussi la date de consolidation n’est pas obtenue mĂ©dicalement parlant et ne le sera pas avant six semaines. Toutefois, au point de vue lĂ©gal, il consolide la lĂ©sion en date de l’évĂ©nement, soit le 19 octobre 2004.

[21]           Il suggère une rĂ©sonance magnĂ©tique et des traitements de physiothĂ©rapie Ă  raison de 5 jours par semaine ainsi qu’une infiltration surtout du cĂ´tĂ© droit. Il estime qu’il est trop tĂ´t pour parler d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Il indique que le travailleur peut faire un travail rĂ©munĂ©rateur en autant qu’il ne soulève pas de charges de plus de cinq livres et qu’il ne fasse pas de mouvements au-delĂ  de 60° de flexion et d’abduction tant Ă  gauche qu’à droite.

[22]           Le 8 fĂ©vrier 2005, le docteur Nadeau procède Ă  l’analyse des descriptions des tâches de travail et d’une vidĂ©ocassette de quatre postes de travail, soit prĂ©posĂ© Ă  l’extraction de l’anus, prĂ©posĂ© Ă  l’éviscĂ©ration de l’abdomen et prĂ©posĂ© Ă  l’extraction du système digestif poste 1 et poste 2. Il conclut qu’il n’y a pas de relation causale entre la lĂ©sion diagnostiquĂ©e et le travail. Il considère qu’il n’y a pas de blessure. Selon lui, les charges sont physiologiques, les amplitudes ne sont jamais maintenues en statique et les activitĂ©s sont variĂ©es. Les temps de repos sont importants. Il ajoute qu’il n’y a aucun mĂ©canisme appropriĂ© pour causer une telle lĂ©sion, qu’il y a non concordance entre le site de lĂ©sion et une histoire naturelle qui est non respectĂ©e.

[23]           Le 14 mars 2005, le docteur Raymond note qu’il y a peu d’amĂ©lioration vu l’absence de traitements. Il poursuit les anti-inflammatoires et l’assignation temporaire qu’il modifie. Il indique que le travailleur ne doit pas manipuler de panses, car il s’agit d’un travail Ă  cadence rapide et qu’elles sont souvent d’un poids de plus de dix kilos.

[24]           Le travailleur tĂ©moigne qu’il a cessĂ© les travaux lĂ©gers en mai 2005 lorsque le directeur de l’usine lui a dit qu’il n’y en avait plus pour lui et qu’il devait demander pour son assurance-emploi ou son assurance-salaire. Il indique qu’il s’était plaint souvent Ă  l’employeur que le travail qu’on lui demandait d’accomplir en assignation temporaire ne respectait pas ce que son mĂ©decin avait autorisĂ©. On le retournait alors revoir son mĂ©decin. Il a repris le travail en juin 2006 comme cuisinier dans un restaurant.

[25]           Le 16 aoĂ»t 2005, le travailleur est examinĂ© de nouveau par le docteur Nadeau Ă  la demande de l’employeur. Il rapporte une sensibilitĂ© Ă  la palpation des apophyses postĂ©rieures en postĂ©rieur de mĂŞme qu’à la fosse du sus-Ă©pineux tant Ă  gauche qu’à droite. Il note que le Hawkins Ă©veille des douleurs, mais au niveau de la fosse du sous-Ă©pineux et au niveau du trapèze et de l’élĂ©vateur de l’épaule tant Ă  gauche qu’à droite. Il remarque des crĂ©pitations Ă  1 sur 4 au niveau de la coiffe des rotateurs tant Ă  gauche qu’à droite.

[26]           Il conclut Ă  un diagnostic de tendinopathie dĂ©gĂ©nĂ©rative au niveau de la coiffe des rotateurs tant Ă  gauche qu’à droite d’ordre personnel. Il considère qu’il s’agit d’une condition strictement personnelle et qu’il n’y a donc aucune lĂ©sion occupationnelle.

[27]            Au point de vue lĂ©gal, il consolide la lĂ©sion Ă  la date de dĂ©claration de l’évĂ©nement, soit le 19 octobre 2004. Cependant, au niveau mĂ©dical, il considère que la lĂ©sion d’ordre personnel est consolidĂ©e en date de son examen, soit le 16 aoĂ»t 2005. Il ne suggère aucun autre soin ou traitement, ni atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles.

[28]           Dans une note mĂ©dico-administrative du mĂŞme jour, il rĂ©itère ses conclusions quant Ă  l’absence de relation entre la lĂ©sion et le travail.

[29]           Le 26 septembre 2005, le docteur Raymond produit un rapport complĂ©mentaire dans lequel il maintient le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs Ă  l’épaule gauche. Il indique que des traitements de physiothĂ©rapie seraient encore nĂ©cessaires et qu’il tentera une infiltration. Il ajoute qu’il est trop tĂ´t pour se prononcer sur la consolidation, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[30]           Le 3 octobre 2005, il note une diminution de la douleur Ă  la suite de l’infiltration. Cependant il en subsiste Ă  la palpation tout comme une diminution de la force et de l’endurance.

[31]           Le 31 octobre 2005, il rapporte une bonne Ă©volution, les mouvements sont plus complets. Il dĂ©clare le travailleur apte Ă  reprendre des travaux lĂ©gers.

[32]           Le 24 octobre 2005, le travailleur est examinĂ© par le docteur Denis Laflamme, orthopĂ©diste, en sa qualitĂ© de membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale. Il rapporte que le travailleur lui dĂ©clare que son Ă©tat est relativement stable au niveau de l’épaule gauche. S’il maintient une pĂ©riode de repos, les douleurs sont peu prĂ©sentes. Cependant, s’il fait des activitĂ©s physiques, comme faire l’entretien domestique lourd comme passer la «moppe» ou la balayeuse, il persiste une douleur au niveau de l’épaule gauche qui se situe Ă  la fosse du sus-Ă©pineux ainsi qu’à la rĂ©gion sous-acromiale gauche. Ses douleurs sont accentuĂ©es par la mobilisation de l’épaule. Ă€ droite, il se dit relativement bien.

[33]           Le docteur Laflamme indique que la manĹ“uvre de Hawkins est positive Ă  gauche. Le travailleur allègue une douleur Ă  la palpation aux niveaux de la fosse du sus-Ă©pineux et sous-acromiale gauche. Au niveau de l’épaule droite, son examen est dans les limites de la normale.

[34]           Il conclut que le travailleur a prĂ©sentĂ© une tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche qui n’est pas encore consolidĂ©e. Il ajoute qu’il pourrait bĂ©nĂ©ficier d’une nouvelle infiltration Ă  base de cortisone.

[35]           Le 16 novembre 2005, la CSST rend une dĂ©cision Ă  la suite de l’avis motivĂ© du docteur Laflamme. Elle informe le travailleur que compte tenu que sa rĂ©clamation a Ă©tĂ© refusĂ©e et contestĂ©e, l’avis du Bureau d’évaluation mĂ©dicale sera en consĂ©quence appliquĂ©e advenant que la dĂ©cision soit infirmĂ©e en appel.

[36]           Le mĂŞme jour, le docteur Raymond parle d’une amĂ©lioration Ă  la suite des traitements de physiothĂ©rapie et de cortisone. Le 23 dĂ©cembre suivant, il note une amĂ©lioration de 80 %.

[37]           Le 9 janvier 2006, le docteur Raymond consolide la lĂ©sion sans atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.

[38]           Le 10 janvier 2006, la CSST rend une dĂ©cision Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative. Elle dĂ©clare sans objet la demande de rĂ©vision de l’employeur de la dĂ©cision du 16 novembre 2005 en ce qui concerne l’admissibilitĂ©. De plus, compte tenu que la dĂ©cision du 29 mars 2005 ne reconnaĂ®t pas la lĂ©sion professionnelle, elle dĂ©clare sans effet la dĂ©cision du 16 novembre 2005 quant aux consĂ©quences lĂ©gales portant sur les autres sujets mĂ©dicaux. Par consĂ©quent, elle dĂ©clare sans objet la demande de rĂ©vision logĂ©e par l’employeur de cette dĂ©cision du 16 novembre 2005. Le travailleur et l’employeur en appellent tous deux devant la Commission des lĂ©sions professionnelles de cette dĂ©cision du 10 janvier 2006, d’oĂą les litiges dans les dossiers 281551-01A-0602 et 281828-01A-0602.

[39]           Le 24 aoĂ»t 2006, la CSST refuse une rĂ©clamation du travailleur pour une rĂ©cidive, rechute ou aggravation survenue le 27 juin 2006 puisque la lĂ©sion initiale du 19 octobre 2004 a Ă©tĂ© refusĂ©e comme lĂ©sion professionnelle. Le travailleur n’a pas contestĂ© cette dĂ©cision. Le tribunal note seulement qu’on retrouve au dossier plusieurs rapports mĂ©dicaux du docteur Raymond avec un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.

[40]           Le 26 octobre 2006, le travailleur passe une rĂ©sonance magnĂ©tique qui rĂ©vèle une arthrose importante aux Ă©paules et au cou. Le radiologiste recommande d’éviter le travail dans un environnement frais et humide, ainsi qu’à proximitĂ© des bouches de ventilation Ă  gros dĂ©bit d’air froid. On ne retrouve pas cet examen au dossier.

[41]           Le 24 septembre 2008, le travailleur est examinĂ© par le docteur Gilles Roger Tremblay, orthopĂ©diste, Ă  la demande de sa reprĂ©sentante. Le mĂ©decin rapporte que le travailleur a Ă©tĂ© examinĂ© par le docteur Michel Blanchet, orthopĂ©diste, Ă  la demande de la compagnie d’assurances. Le docteur Blanchet a retrouvĂ© Ă  son examen des signes compatibles avec une tendinite de l’épaule gauche et droite. Il recommandait alors, comme limitation temporaire d’éviter les positions d’abduction ou de flexion antĂ©rieure de plus de 90 degrĂ©s. Il suggĂ©rait une infiltration au niveau des deux Ă©paules. Malheureusement le rapport d’expertise du docteur Blanchet n’a pas Ă©tĂ© soumis Ă  la CSST ou au tribunal.

[42]           Le docteur Tremblay note une douleur Ă  la palpation de la bordure antĂ©rieure et latĂ©rale des deux acromions. Il observe une amplitude articulaire passive de 30° Ă  gauche lors de la rotation interne de l’épaule, alors qu’elle est de 40° Ă  droite. Il indique que la mise en tension de la longue portion du biceps est douloureuse Ă  gauche, mais seulement par la manĹ“uvre de l’élĂ©vation de l’avant-bras en supination.

[43]           Il conclut que «ce patient, porteur d’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs, a fait des mouvements sollicitant la coiffe des rotateurs et a dĂ©veloppĂ© une tendinite de l’épaule gauche». Il retient comme diagnostic en relation avec une lĂ©sion professionnelle, celui de tendinite de l’épaule gauche. Il Ă©value l’atteinte permanente Ă  3 % et recommande les limitations fonctionnelles suivantes :

-          Éviter les efforts de plus de 10 Ă  15 kilogrammes avec le membre supĂ©rieur gauche;

-          Éviter les mouvements rĂ©pĂ©titifs de l’épaule gauche;

-          Éviter les positions de l’épaule gauche Ă  plus de 80 degrĂ©s d’abduction ou 80 degrĂ©s d’élĂ©vation antĂ©rieure;

-          Éviter les positions statiques de l’épaule gauche en abduction ou en Ă©lĂ©vation antĂ©rieure quel que soit le degrĂ©.

[44]           Il considère que sa lĂ©sion est consolidĂ©e et il n’a aucun traitement Ă  recommander. Il ajoute qu’il ne croit pas que ce patient a la capacitĂ© d’exercer cet emploi, ou du moins toutes les tâches reliĂ©es Ă  cet emploi.

[45]           Le 8 juin 2009, le docteur Tremblay produit un rapport d’expertise Ă  la demande de la reprĂ©sentante du travailleur. Il indique avoir visionnĂ© tous les postes de travail que celui-ci a occupĂ©s, sauf le poste du «back rail». Il est d’avis que, sauf pour le poste Ă  l’extraction de l’anus, le travailleur a, de façon presque continue, un ou les deux bras au-dessus de la position horizontale. Il considère donc que le travailleur a eu, durant les sept ans oĂą il a fait ce travail, suffisamment d’exposition pour causer une tendinite de la coiffe des rotateurs, et ce, mĂŞme s’il ne fait pas ce travail de façon constante et qu’il y a rotation.

[46]           Madame Nancy Dumont, conjointe du travailleur, est Ă©galement entendue Ă  sa demande. Elle indique qu’avant le 19 octobre 2004, il se plaignait d’avoir mal aux Ă©paules. Les douleurs se sont accentuĂ©es durant l’étĂ© 2004. Elle lui a conseillĂ© d’aller consulter, mais il ne voulait pas, car il avait peur d’être congĂ©diĂ©. Il s’est finalement dĂ©cidĂ© Ă  consulter en octobre 2004, car il Ă©tait «rendu Ă  bout. L’épaule lui <shakait > durant la nuit. Ça le rĂ©veillait ».

[47]           Elle mentionne qu’après une journĂ©e de travail rĂ©gulière, il Ă©tait fatiguĂ©, Ă©puisĂ©. Il se tenait et se massait l’épaule gauche. Il prenait des TylĂ©nols presqu’à tous les jours. Les fins de semaines, c’était moins pire, mais il avait quand mĂŞme de la douleur. Elle ajoute qu’il a dĂ» cesser d’agir comme entraĂ®neur de l’équipe de baseball de son fils Ă  l’étĂ© 2004, car il avait trop mal Ă  l’épaule.

[48]           Lors de l’audience, la Commission des lĂ©sions professionnelles a visionnĂ© des  cassettes qui ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es par l’employeur et produites Ă  la CSST, sauf celle dĂ©montrant le poste de prĂ©posĂ© Ă  la rail de retenue. Elle a entendu le tĂ©moignage du travailleur portant sur les exigences de ces diffĂ©rents postes de travail ainsi que la façon dont il exĂ©cutait son travail. L’employeur a dĂ©posĂ© Ă  la CSST une description dĂ©taillĂ©e de chacun de ces postes de travail.

[49]           Le travailleur attribue principalement sa maladie aux exigences physiques que comporte le poste de prĂ©posĂ© Ă  la rail de retenue. Il mentionne avoir occupĂ© ce poste pendant une longue pĂ©riode Ă  l’étĂ© 2005 et parfois Ă  la journĂ©e ou la semaine longue. Il indique qu’à cette Ă©poque, il Ă©tait gĂ©nĂ©ralement seul Ă  ce poste, sauf lorsqu’il y avait un surplus de porcs. Par contre, lorsqu’il n’y en avait pas, il allait aider ou remplacer d’autres travailleurs Ă  d’autres postes.

[50]           Il explique qu’il s’agit d’une rail d’évitement sur laquelle les inspecteurs ou les prĂ©posĂ©s Ă  l’éviscĂ©ration acheminent les porcs qui ont des anomalies ou des contaminations (par exemple lorsque les intestins sont perforĂ©s). On doit alors faire tout ce qui n’a pas Ă©tĂ© fait ou devait ĂŞtre fait. Ainsi, il utilise assez rĂ©gulièrement une scie Ă  air, d’un poids d’environ 30 livres, ou une «skinneuse» pour enlever certaines parties de peau. Il lui arrive Ă  l’occasion d’enlever une fesse complète qui pèse environ 35-40 livres et qu’on doit manipuler Ă  bout de bras. De plus, lorsqu’un porc se dĂ©croche et tombe par terre, il doit le ramasser. Il prĂ©cise que les porcs sont accrochĂ©s plus haut qu’aux postes d’éviscĂ©ration, soit 8-10 pouces plus haut que sa tĂŞte. Il a donc les bras rĂ©gulièrement Ă©levĂ©s.

[51]           Ă€ propos de ce poste de travail, madame Laplante mentionne que les relevĂ©s de temps de l’employeur indiquent que le travailleur n’a pas travaillĂ© rĂ©gulièrement Ă  ce poste au cours de l’étĂ© 2004. Toutefois, elle reconnaĂ®t que ces relevĂ©s ne rapportent pas les changements de postes en cours de journĂ©e ni la durĂ©e de travail Ă  chaque poste.

[52]           Le travailleur admet que les postes de travail apparaissant sur les vidĂ©os correspondent en gros Ă  ce qu’il faisait avant sa lĂ©sion. Toutefois, il mentionne que la cadence est plus rapide sur les cassettes qu’à l’époque et qu’à certains postes, il Ă©tait seul alors qu’on compte plus de travailleurs sur les vidĂ©os, ce qui augmente la quantitĂ© de porcs Ă  traiter. Madame Laplante reconnaĂ®t qu’effectivement l’employeur a augmentĂ© le nombre de porcs abattus depuis 2003. Ainsi en octobre 2004, on abattait 350 porcs Ă  l’heure, tandis que le nombre a augmentĂ© Ă  375 en mars 2005 lors de la prise du vidĂ©o.

[53]           Le travailleur prĂ©cise que lorsqu’il a occupĂ© le poste Ă  l’extraction de l’anus, il Ă©tait seul. Il devait donc ouvrir tous les porcs passant sur la chaĂ®ne de production, alors que sur le vidĂ©o, il y a deux travailleurs qui agissent en alternance. De mĂŞme, sur les postes Ă  l’éviscĂ©ration, on compte quatre travailleurs, alors qu’ils Ă©taient trois Ă  l’étĂ© 2004. Le temps de rĂ©cupĂ©ration est donc plus long maintenant.

[54]           Il explique que pour le poste Ă  l’extraction de l’anus, il a rĂ©gulièrement les bras au-dessus de la position horizontale ou en Ă©lĂ©vation antĂ©rieure, notamment pour la stĂ©rilisation de l’appareil Ă  chaque porc.

[55]           Relativement au poste Ă  l’ouverture des coffres, le travailleur mentionne qu’il utilise une scie, pesant environ une centaine le livres qui est soutenue par un câble. Il doit toutefois la manipuler et la retenir avec ses deux mains. Il ajoute qu’avant 2003, on procĂ©dait avec un couteau, ce qui Ă©tait beaucoup plus exigeant. La rotation Ă  ce poste se fait aux deux heures environ.

[56]           Le travailleur indique qu’il est droitier. Il tient donc son couteau de la main droite. Il se sert continuellement de son bras gauche pour tenir, soulever ou tirer sur les diffĂ©rentes pièces de viande Ă  enlever, pour les placer dans les plateaux, pour tenir les gros outils ou encore lorsqu’il a le bras droit fatiguĂ©. Il prĂ©cise qu’il force plus avec son bras gauche qu’avec le droit. Il explique que pour les rotations de postes, on n’arrĂŞte pas la chaĂ®ne de production. Les changements de postes se font de façon continue tout en travaillant.

[57]           Madame Laplante tĂ©moigne Ă©galement et nuance certains propos du travailleur. Elle souligne qu’il est rare que les porcs tombent par terre et que ce n’est qu’une infime partie des porcs abattus qui se retrouvent sur la rail de retenue. Toutefois, elle ne peut en prĂ©ciser le nombre. Elle ajoute que le poste de travail Ă  la rĂ©cupĂ©ration des abats n’est pas très exigeant puisqu’il s’agit d’une des portes d’entrĂ©e dans l’usine. Toutefois, elle mentionne qu’elle n’est pas rĂ©gulièrement dans l’abattoir. Elle y va Ă  l’occasion et au besoin. Elle confirme qu’en 2004, on abattait environ 350 porcs Ă  l’heure.


L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[58]           La reprĂ©sentante du travailleur soutient que celui-ci a subi une lĂ©sion professionnelle le 19 octobre 2004 de la nature d’une maladie professionnelle. Elle soumet que le diagnostic de tendinite Ă  l’épaule gauche a Ă©tĂ© Ă©mis et conservĂ©. Elle prĂ©tend que la prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 29 de la loi s’applique en l’espèce. Selon elle, la preuve non contestĂ©e dĂ©montre que le travailleur a effectuĂ©, depuis qu’il est Ă  l’emploi, de nombreuses tâches qui sollicitent les membres supĂ©rieurs et impliquent des mouvements rĂ©pĂ©titifs Ă  une cadence importante.

[59]           Elle plaide que le diagnostic de tendinite Ă  l’épaule gauche est en relation avec le travail effectuĂ© par le travailleur chez l’employeur depuis huit ans. Les premières douleurs ont commencĂ© Ă  se manifester en 1998 lors de la crise du verglas, oĂą on a connu un surplus de travail, ont repris Ă  l’étĂ© 2004, pour finalement devenir incapacitantes en octobre 2004. Elle demande de retenir les conclusions du membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale.

[60]             Pour sa part, la reprĂ©sentante de l’employeur allègue que le travailleur a travaillĂ© depuis 1997 sur plusieurs postes, et ce, en rotation Ă  chaque jour. Ainsi, il y avait une variĂ©tĂ© de mouvements qui ne demandent pas des positions statiques prolongĂ©es avec les bras en position Ă©levĂ©e. Elle mentionne aussi que le travailleur Ă©tait habituĂ© Ă  faire des mouvements qui sollicitent les mĂŞmes parties du corps, ce qui diminue les possibilitĂ©s de maladie professionnelle. Elle soutient que l’employeur a toujours accommodĂ© le travailleur lorsqu’il se plaignait de mal aux Ă©paules en lui assignant des tâches moins exigeantes.

[61]           De plus, elle prĂ©tend que l’expertise du docteur Nadeau conclut Ă  une pathologie d’origine personnelle et non reliĂ©e au travail. Elle conclut donc que le travailleur n’a pas subi de lĂ©sion professionnelle.

[62]           Subsidiairement, si le tribunal concluait que le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle, elle est d’avis que la lĂ©sion a Ă©tĂ© consolidĂ©e le 16 aoĂ»t 2005 sans limitations fonctionnelles ni atteinte permanente, ni nĂ©cessitĂ© d’autres soins ou traitements.

L’AVIS DES MEMBRES

[63]           Le membre issu des associations syndicales et celui issu des associations d’employeurs sont tous deux d’avis que les requĂŞtes du travailleur devraient ĂŞtre accueillies et celle de l’employeur rejetĂ©e. Ils estiment que le travailleur a fait la preuve qu’il a subi une lĂ©sion professionnelle. Le tĂ©moignage non contredit du travailleur rĂ©vèle qu’il utilise ses deux membres supĂ©rieurs Ă  une cadence Ă©levĂ©e et en faisant preuve de force. De plus, Ă  l’époque prĂ©cĂ©dant l’exacerbation des douleurs, il y avait moins d’employĂ©s, ce qui accroissait sa tâche.

[64]           Toutefois, ils soulignent que les docteurs Nadeau et Tremblay ainsi que la Direction de la rĂ©vision administrative n’ont pas examinĂ© la deuxième vidĂ©ocassette qui dĂ©montre le travail effectuĂ© Ă  la rail de retenue.

[65]           Ils considèrent tous deux que la lĂ©sion devrait ĂŞtre consolidĂ©e en date du 9 janvier 2006, sans atteinte permanente ni limitations permanentes.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[66]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©cider dans un premier temps si le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle le 19 octobre 2004. Dans un deuxième temps, si la rĂ©clamation est acceptĂ©e, la Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©terminer le diagnostic de la maladie professionnelle dont il a Ă©tĂ© victime ainsi que la date de la consolidation, la nĂ©cessitĂ© de soins, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, le cas Ă©chĂ©ant.

[67]           Afin de rendre la prĂ©sente dĂ©cision et en l’absence d’une procĂ©dure de contestation mĂ©dicale initiĂ©e par l’employeur ou par la CSST, le tribunal est liĂ© par le diagnostic Ă©mis par le mĂ©decin qui a charge du travailleur, Ă  savoir celui de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. De plus, ce diagnostic a Ă©tĂ© confirmĂ© par le docteur Laflamme en sa qualitĂ© de membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale et par le docteur Tremblay. Ce diagnostic a Ă©galement Ă©tĂ© retenu par le docteur Nadeau lors de sa première Ă©valuation ainsi que par le docteur Blanchet qui a vu le travailleur Ă  la demande de la compagnie d’assurances.

Dossier 259544-01A-0504

[68]           L’article 2 de la loi dĂ©finit la lĂ©sion professionnelle comme suit :

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

[69]           D’emblĂ©e, le tribunal Ă©carte les notions d’accident du travail et de rĂ©cidive, rechute ou aggravation. La preuve ne permet pas l’analyse en fonction de ces notions, d’ailleurs, il ne s’agit pas lĂ  de la prĂ©tention du travailleur. Reste alors la notion de maladie professionnelle, que dĂ©crit en ces termes l’article 2 de la loi :

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

[70]           Pour Ă©tablir l’existence d’une maladie professionnelle, le travailleur peut bĂ©nĂ©ficier de l’application d’une prĂ©somption que l’article 29 de la loi prĂ©voit en ces termes :  

 29.  Les maladies Ă©numĂ©rĂ©es dans l'annexe I sont caractĂ©ristiques du travail correspondant Ă  chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliĂ©es directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[71]           L’annexe Ă  laquelle fait rĂ©fĂ©rence l’article 29 Ă©nonce :

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION IV

 

MALADIES CAUSÉES PAR DES AGENTS PHYSIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

[…]

 

2.  Lésion musculo-squelettique se
     manifestant par des signes objectifs
     (bursite, tendinite, ténosynovite):

un travail impliquant des répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées;

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

 

[72]           Tout d’abord, le tribunal constate que le diagnostic de tendinite se retrouve Ă  l’annexe I de la loi.  Il faut donc analyser si le travailleur effectue des mouvements rĂ©pĂ©titifs ou des pressions sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es qui sollicitent les tendons lĂ©sĂ©s.

[73]           La Commission des lĂ©sions professionnelles tient Ă  prĂ©ciser qu’au stade de l’application de la prĂ©somption de l’article 29 de la loi, son analyse s’est limitĂ©e Ă  la prĂ©sence de gestes rĂ©pĂ©titifs sur des pĂ©riodes de temps prolongĂ©es qui sollicitent dans une certaine mesure les tendons de l’épaule gauche.  Ă€ cette Ă©tape, il faut Ă©viter d’ajouter des conditions ou des critères additionnels Ă  ceux choisis par le lĂ©gislateur, car cela serait contraire Ă  la volontĂ© de celui-ci.

[74]           D’ailleurs, dans l’affaire Leduc et General Motors du Canada ltĂ©e[2], le tribunal rappelle que :

[48] Quant, à l'absence d'efforts, de positions contraignantes ou de positions statiques, il s'agit là de facteurs qui n'ont pas à être considérés au stade de l'application de la présomption de maladie professionnelle.  Comme l'a précisé la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Société canadienne des postes et Renaud(6), il n'y a pas lieu, à ce stade, d'exiger la preuve de facteurs de risque autres que ceux qui sont spécifiquement mentionnés à l'annexe I de la loi puisque cela aurait pour effet d'ajouter au texte de loi.  Les facteurs de risque, tels la charge, la posture et l'amplitude, doivent plutôt être considérés pour les fins du renversement de la présomption :

 

La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le législateur, n’ayant pas par ailleurs défini les concepts de «répétitions de mouvements ou de pressions sur des périodes de temps prolongées», a voulu s’en remettre à l’appréciation de l’instance décisionnelle en  regard de chaque cas d’espèce qui peut lui être soumis (19).

 

De plus, la Commission des lésions professionnelles est d’avis, comme il a déjà été décidé dans l’affaire Corporation Polypack ltée et Aliments Multibar inc. et Pimparé (20) que le «législateur, au paragraphe 2 de la section IV de l’annexe I, n’exige pas la démonstration d’une amplitude de mouvement et de la force».  Exiger, au stade de l’application de la présomption, que les mouvements impliquent des facteurs de risques non prévus à l’annexe I, aurait pour conséquence d’ajouter au texte de loi.

 

Cependant, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que ces facteurs de risques ou l’absence de ces facteurs de risques peuvent être pris en compte dans l’analyse de l’ensemble de la preuve de l’employeur visant à renverser cette présomption.

_____________________

(6) [1999] C.L.P. 746 ; voir aussi : SociĂ©tĂ© canadienne des postes et Ouimet, [1994] C.A.L.P. 1579 ; SociĂ©tĂ© canadienne des postes et Allard, [1995] C.A.L.P. 1042 , rĂ©vision judiciaire rejetĂ©e, 200-05-001848-956, le 3 novembre 1995, j. Bergeron, (J7-10-10); Simard et SociĂ©tĂ© canadienne des postes, [1998] C.L.P. 1201 , rĂ©vision rejetĂ©e, 101150-02-9805, le 19 mars 2001, Carole Lessard, requĂŞte en rĂ©vision judiciaire pendante, C.S. QuĂ©bec, 2000-05-015033-017; Borden (Division Catelli) et Gougeon, C.L.P. 137230-71-9907, le 18 janvier 2001, Carmen racine

(19) [1997] CALP 195 .

                (20) CALP no. 61024-60-9407, 1996-02-09, Louise Boucher, commissaire  (sic)

 

 

 

[75]           Relativement aux mouvements rĂ©pĂ©tĂ©s, la Commission des lĂ©sions professionnelles a Ă©crit ce qui suit[3]

[54] La jurisprudence a circonscrit ce qu’on devait entendre par la notion de «mouvements répétés» prévue à l’annexe. Il s’agit de mouvements ou de pressions semblables, sinon identiques, qui doivent se succéder de façon continue, pendant une période de temps prolongée et à une cadence assez rapide, avec périodes de récupération insuffisantes. Les mouvements ou pressions doivent nécessairement impliquer la structure anatomique visée par la lésion identifiée 3.

 

[55] Dans l’affaire Bigeault et ICC Cheminées Industrielles inc. 4, la Commission des lésions professionnelles réaffirmait ce principe selon lequel le concept de répétitions de mouvements impose par définition que l’on tienne compte non seulement du nombre des répétitions mais aussi de la période de temps au cours de laquelle elles se produisent, c'est-à-dire du rythme auquel les mouvements se succèdent, de leur fréquence ou cadence. Pour être jugés répétitifs au sens de la loi et ainsi donner ouverture à la présomption de l’article 29, les mouvements en cause doivent être sinon identiques du moins physiologiquement semblables, être répétés en nombre suffisant mais aussi selon une cadence assez rapide et ce, de façon continue. Le nombre et la durée des répétitions permettront ensuite de juger si elles sont maintenues sur des périodes de temps prolongées […]5.

_________

3.    Foster-Ford et Catelli [1989] inc., Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, 56830-61-9402, 1995-10-12, B. Lemay; Lamontagne et Bois Francs Impérial ltée et CSST, Commission des lésions professionnelles, 102428-62A-9806, 1999-03-10, C. Demers; Casino de Montréal et Olivieri, [1997] CALP, 988.

4.  CLP, 183731-64-0205, 2003-10-17, J.-F. Martel, rĂ©vision rejetĂ©e, 2004-11-16, L. Boucher.

5.    Champagne et Corporation Inglasco ltĂ©e, C.L.P. 245449-05-0410, 30 mars 2005, P. Simard.

 

 

[76]           L’employeur mentionne qu’à l’époque pertinente, il abattait environ 350 porcs Ă  l’heure. Le tribunal s’est livrĂ© Ă  un calcul simple. En divisant ce nombre de porcs par 60 minutes, on constate que le travailleur, lorsqu’il est seul Ă  un poste de travail, bĂ©nĂ©ficie d’un peu moins de dix secondes pour effectuer les opĂ©rations nĂ©cessaires sur chaque porc. Rappelons qu’on travaille sur une chaĂ®ne de production qui circule constamment. Le tribunal considère qu’il s’agit d’une rĂ©pĂ©tition de mouvements au sens oĂą l’entend la jurisprudence, selon la preuve faite et les cassettes vidĂ©o visionnĂ©es.

[77]           Le tribunal ne retient pas l’argument de l’employeur et du docteur Nadeau selon lequel le travail du travailleur n’implique pas de mouvements rĂ©pĂ©titifs parce que ce dernier est affectĂ© Ă  diffĂ©rents postes de travail, parce qu’il y a des pauses entre chaque opĂ©ration et parce qu’il n’y a pas d’efforts, de positions statiques ni de positions contraignantes.

[78]           Concernant la rotation de postes, la preuve dĂ©montre qu’au moment oĂą les douleurs Ă  l’épaule gauche sont apparues, le travailleur a surtout travaillĂ© au poste de prĂ©posĂ© Ă  la rail de retenue, et ce, pour des journĂ©es ou semaines complètes. De plus, mĂŞme s’il y avait des rotations aux demi-heures ou aux deux heures pour d’autres postes, le tribunal constate que ce sont toujours les mĂŞmes structures anatomiques de l’épaule qui sont sollicitĂ©es.

[79]           De plus, le tribunal n’a pas, au visionnement des vidĂ©ocassettes, observĂ© un temps de pause qui soit significatif entre chacune des opĂ©rations requises lors de l’éviscĂ©ration ou mĂŞme Ă  la rail de retenue, de sorte qu’il n’est pas permis de conclure Ă  une pĂ©riode de rĂ©cupĂ©ration compensatoire. De mĂŞme, en considĂ©rant que le travailleur ne rĂ©pète pas un seul et unique mouvement avec les mains, il demeure qu’il effectue, au cours d’une mĂŞme journĂ©e, une multitude de mouvements qui sont tous de nature Ă  solliciter la coiffe de rotateurs de l’épaule, de sorte que c’est plutĂ´t le cumul de ces mouvements qu’il faut considĂ©rer aux fins de conclure Ă  des mouvements effectuĂ©s de manière rĂ©pĂ©titive.

[80]           De l’avis du soussignĂ©, ces conclusions permettent d’appliquer la prĂ©somption de l’article 29 de la loi.

[81]           Cette prĂ©somption de l’article 29 de la loi peut toutefois ĂŞtre renversĂ©e.  Dans l’affaire Rossi et SociĂ©tĂ© Diamond Tea Gown inc.[4], le tribunal Ă©tablissait que :

[65] Or, il faut tenir compte du fait que la présomption de l’article 29 de la loi peut être renversée.  Le sens et l’utilité de la présomption n’est-il pas justement de présumer l’existence d’une relation entre certain type de travail et certain type de maladie.  Une fois

la présomption établie, celle-ci peut être renversée par toute preuve pertinente visant à établir l’absence de relation entre la maladie et les mouvements effectués au travail2.

____________

2         VĂ©zina et Emballages DĂ©li-Plus inc., C.L.P. 109275-63-9901, 22 septembre 2000, M. Carignan; SociĂ©tĂ©       canadienne des postes et Renaud, [1999] C.L.P. 746 .

 

 

 

[82]           L’employeur prĂ©tend qu’il faut conclure Ă  l’absence de relation causale entre la lĂ©sion et le travail Ă©tant donnĂ© l’opinion exprimĂ©e par le docteur Nadeau. Le tribunal est d’avis que cette seule opinion n’est pas suffisante pour renverser la prĂ©somption. Le docteur Nadeau n’a pas visionnĂ© la cassette vidĂ©o concernant le poste de rail de retenue, poste que le travailleur considère comme le plus exigeant et en partie responsable de l’apparition de sa maladie. Son opinion est contredite par celle du docteur Tremblay qui a visionnĂ© la mĂŞme cassette.

[83]           Le tribunal ne retient pas l’argument du docteur Nadeau voulant que la maladie du travailleur soit strictement d’origine personnelle. Bien qu’il soit porteur d’une dĂ©gĂ©nĂ©rescence, sa maladie Ă©tait asymptomatique. Les douleurs sont apparues au travail Ă  la suite d’efforts effectuĂ©s. Sa conjointe tĂ©moigne de ses douleurs Ă  la fin des journĂ©es de travail et qu’elles Ă©taient moins importantes durant les fins de semaine.

[84]           Outre le fait de rĂ©fĂ©rer Ă  l’opinion du docteur Nadeau, l’employeur n’a offert aucune autre preuve visant Ă  Ă©tablir que la maladie qu’a contractĂ©e le travailleur n’est pas reliĂ©e Ă  son travail.

[85]           Le tribunal ajoute que le travailleur fait un travail sur une chaĂ®ne de production et doit respecter une certaine cadence ou un rythme de travail certain (un porc en moins de dix secondes). La preuve permet de conclure que les gestes ou les positions de l’épaule sont susceptibles d’entraĂ®ner une lĂ©sion tendineuse de l’épaule, et plus particulièrement de la coiffe des rotateurs, sont justement une position prolongĂ©e des Ă©paules en flexion antĂ©rieure et en abduction. Or, la preuve dĂ©montre clairement que le travailleur exĂ©cute son travail avec les Ă©paules en flexion antĂ©rieure et en abduction de manière quasi-constante, et ce, quel que soit le poste de travail occupĂ© et en dĂ©pit de la rotation des tâches.

[86]           Il faut Ă©galement retenir que le travailleur est de petite taille (5 pieds et 8 pouces), ce qui lui demande de travailler plus souvent Ă  bout de bras (en extension complète), comme le souligne d’ailleurs le docteur Tremblay. De plus, la preuve non contredite rĂ©vèle que les porcs placĂ©s sur la rail de retenue sont accrochĂ©s plus haut qu’aux autres postes de travail. Cette position constitue une posture contraignante. D’ailleurs, la Commission des lĂ©sions professionnelles a dĂ©cidĂ© Ă  plusieurs reprises[5] que la petite taille d’un travailleur peut lui faire adopter une posture de travail contraignante qui augmente l’amplitude des mouvements dynamiques des Ă©paules.

[87]           Après analyse de l’ensemble des documents au dossier et de la preuve prĂ©sentĂ©e Ă  l’audience, la Commission des lĂ©sions professionnelles conclut que le travailleur a Ă©tĂ© victime d’une maladie professionnelle le 19 octobre 2004.

Dossiers 281551-01A-0602 et 281828-01A-0602

[88]           Le travailleur et l’employeur en appellent tous deux de la dĂ©cision rendue le 10 janvier 2006 Ă  la suite de l’avis motivĂ© du membre du Bureau d’évaluation mĂ©dicale. La CSST dĂ©clare sans objet les conclusions du mĂ©decin puisque la rĂ©clamation du travailleur a Ă©tĂ© rejetĂ©e. Rappelons que le docteur Laflamme considère que la lĂ©sion n’est pas encore consolidĂ©e et que des soins et traitements sont encore nĂ©cessaires. Il ne s’est pas prononcĂ© sur l’atteinte permanente et les limitations professionnelles.


Le diagnostic

[89]           Cette question a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© traitĂ©e pour reconnaĂ®tre que le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle.

La date de consolidation

[90]           L’employeur prĂ©tend que la lĂ©sion professionnelle devrait ĂŞtre consolidĂ©e en date du 16 aoĂ»t 2005, soit la date de l’examen du docteur Nadeau. Pour sa part, le travailleur soumet que la consolidation devrait plutĂ´t ĂŞtre en date du 9 janvier 2006, soit la date retenue par le docteur Raymond.

[91]           La notion de consolidation est dĂ©finie comme suit Ă  l’article 2 de la loi :

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27, 2006, c. 53, a. 1  .

 

 

[92]           Par ailleurs, la jurisprudence[6] a Ă©tabli que la consolidation d’une lĂ©sion n’est pas synonyme de guĂ©rison et qu’il y a consolidation lorsqu’il n’y a plus d’amĂ©lioration prĂ©visible de la lĂ©sion professionnelle, c’est-Ă -dire qu’un seuil thĂ©rapeutique est atteint et qu’aucun traitement ne peut, de façon prĂ©visible, apporter une amĂ©lioration.

[93]           La jurisprudence[7] a aussi Ă©tabli que la consolidation d’une lĂ©sion est une notion essentiellement mĂ©dicale, le lĂ©gislateur ayant voulu qu'il soit statuĂ© sur l’état de santĂ© d’un travailleur en fonction d’un protocole mĂ©dical devant avoir une certaine objectivitĂ©, l’espoir d’amĂ©lioration de l’état de ce dernier devant Ă©galement s’appuyer sur des règles mĂ©dicales.

[94]           Le tribunal ne retient pas la date du 16 aoĂ»t 2005 suggĂ©rĂ©e par le docteur Nadeau, mĂ©decin de l’employeur. Le mĂ©decin Ă©tablit la date de consolidation en fonction de son examen. Toutefois, il rapporte une sensibilitĂ© des apophyses Ă  la fosse du sus-Ă©pineux. De plus, la manĹ“uvre de Hawkins est positive et Ă©veille des douleurs aux niveaux de la fosse du sous-Ă©pineux et du trapèze et de l’élĂ©vateur de l’épaule tant Ă  gauche qu’à droite. Il remarque Ă©galement des crĂ©pitements Ă  1 sur 4 au niveau de la coiffe des rotateurs. Le docteur Laflamme fait sensiblement les mĂŞmes observations et considère que la lĂ©sion n’est pas encore consolidĂ©e.

[95]            De plus, la preuve rĂ©vèle que le travailleur n’avait pas atteint un plateau de rĂ©cupĂ©ration Ă  cette date. Le dossier indique qu’il a reçu par la suite plusieurs traitements de physiothĂ©rapie, deux infiltrations qui ont amĂ©liorĂ© sa condition, comme le mentionne le docteur Raymond qui voyait le travailleur pratiquement aux deux semaines.

[96]           ConsĂ©quemment, la Commission des lĂ©sions professionnelles retient la date du 9 janvier 2006 comme date de consolidation de la lĂ©sion professionnelle. Il estime que c’est Ă  ce moment, selon la preuve mĂ©dicale, que le travailleur a atteint un plateau de rĂ©cupĂ©ration.

Les soins et traitements

[97]           L’employeur demande de dĂ©clarer que les soins et traitements n’étaient plus justifiĂ©s après le 16 aoĂ»t 2005.

[98]           Le tribunal souligne que la lĂ©sion n’était pas encore consolidĂ©e Ă  cette date. La preuve rĂ©vèle que le travailleur a reçu des traitements de physiothĂ©rapie après cette date ainsi que deux infiltrations. Ces soins ont amĂ©liorĂ© sa condition selon son mĂ©decin traitant et ont permis la consolidation le 9 janvier 2006.

[99]           Par consĂ©quent, le tribunal considère que les soins et traitements n’étaient plus requis après le 9 janvier 2006.

L’atteinte permanente

[100]       L’employeur demande de retenir l’avis du docteur Nadeau qui conclut qu’il n’y a pas lieu d’accorder d’atteinte permanente parce qu’il ne retrouve pas d’accrochage. Pour sa part, le docteur Tremblay, qui a examinĂ© le travailleur en septembre 2008, soit après la rechute ou rĂ©cidive allĂ©guĂ©e de juin 2006, accorde un pourcentage de 3 % en vertu du Règlement sur le barème des dommages corporels[8] (le Barème). Le docteur Laflamme ne s’est pas prononcĂ© sur le sujet puisqu’il considĂ©rait que la lĂ©sion n’était pas encore consolidĂ©e, tandis que le docteur Raymond, le mĂ©decin traitant, n’accorde aucune atteinte permanente

[101]       Le tribunal est d’avis qu’il ne peut retenir l’évaluation du docteur Tremblay pour dĂ©montrer l’existence de sĂ©quelles permanentes de la lĂ©sion professionnelle du 19 octobre 2004 dans la mesure oĂą il n’a pas Ă©tĂ© effectuĂ© de manière contemporaine Ă  la consolidation de cette lĂ©sion, mais plus de deux ans et demi plus tard, et ce, Ă  la suite d’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation allĂ©guĂ©e et qui a Ă©tĂ© refusĂ©e.

[102]       Le tribunal conclut donc que la preuve mĂ©dicale prĂ©pondĂ©rante dĂ©montre que la lĂ©sion professionnelle du 19 octobre 2004 n’a pas entraĂ®nĂ© d’atteinte permanente.

Les limitations fonctionnelles

[103]       L’employeur demande au tribunal de retenir les conclusions du docteur Nadeau. Le docteur Raymond n’en a pas accordĂ© et le docteur Laflamme ne s’est pas prononcĂ©. Le tribunal Ă©carte le rapport du docteur Tremblay sur ce sujet pour les raisons dĂ©jĂ  mentionnĂ©es.

[104]       Par consĂ©quent, le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu de retenir des limitations fonctionnelles Ă  la suite de la lĂ©sion initiale.

[105]       Pour toutes ces raisons, le tribunal estime qu’il y a lieu d’accueillir en partie les requĂŞtes du travailleur et de l’employeur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 259544-01A-0504

ACCUEILLE la requête de monsieur Éric Dumas, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 29 mars 2005 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi le 19 octobre 2004 une lésion professionnelle  et qu’il a droit aux indemnités prévues à la loi.

Dossiers 281551-01A-0602 et 281828-01A-0602

ACCUEILLE en partie la requĂŞte du travailleur;

ACCUEILLE en partie la requête de l’employeur;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 10 janvier 2006 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de la lĂ©sion professionnelle subie par monsieur Éric Dumas, le travailleur, est une tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche;

DÉCLARE que la lĂ©sion professionnelle du 19 octobre 2004 est consolidĂ©e depuis le 9 janvier 2006 sans requĂ©rir de soins ou de traitements et que la CSST n’avait plus Ă  les payer Ă  compter de cette date;

DÉCLARE que la lésion professionnelle du 19 octobre 2004 n’a entraîné aucune atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur et qu’il n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel;

DÉCLARE que la lésion professionnelle du 19 octobre 2004 n’a entraîné aucune limitation fonctionnelle.

 

 

 

 

Normand Michaud

 

 

Me Lucrezia Plutino

MERCURE AVOCATS INC.

Représentante du travailleur

 

 

Me Marie-Claude Delisle

PANNETON LESSARD

Représentante de la CSST

 



[1]       L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 162099-61-0105, 10 janvier 2003, G. Morin

[3]           Côté et Boiseries Leblanc inc., C.L.P. 219337-04-0310, 20 janvier 2006, J.-F. Clément.

[4]           C.L.P. 220900-71-0311, 7 mai 2004, A. Vaillancourt

[5]           Lavoie et Waterville TG inc., C.L.P. 152941-05-0012, 1er août 2001, F. Ranger; Laviolette et Zellers inc., C.L.P. 151222-07-0011, 23 août 2001, M. Langlois; Levesque et Commission scolaire des Affluents, C.L.P. 146027-72-0009, 14 décembre 2001, F. Juteau.

[6]     Voir notamment : Soucy-Tessier et CSST, [1995] C.A.L.P. 1434 .

[7]     CSN Construction, Fédération des employées et employés de service public CSN et Confédération des syndicats nationaux c. C.L.P., [2000] C.L.P. 43 (C.S.), appel rejeté, C.A. Montréal, 500-09-009666-009, 14 janvier 2003, jj. Brossard, Morin, Rayle.

[8]           [1987] 119 G.O. II, 5576

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