Décision

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Pelletier et CLSC de l'Érable

2007 QCCLP 3925

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Drummondville

Le 5 juillet 2007

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

310082-04B-0702

 

Dossier CSST :

116160219

 

Commissaire :

Ann Quigley, avocate

 

Membres :

Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs

 

Julie Bouchard, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

France Pelletier

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

C.L.S.C. de l’Érable

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 12 février 2007, madame France Pelletier (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 9 janvier 2007 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision initiale du 12 juillet 2006 laquelle se prononce sur une série de demandes d’adaptation du domicile de la travailleuse et aides techniques. En vertu de cette décision, la CSST refuse de rembourser : la construction d’un nouveau patio, l’achat d’un bain de type thérapeutique, d’un nouveau lavabo de salle de bain, les aménagements électriques se rattachant à l’aménagement de la nouvelle salle de bain ainsi que l’aménagement de nouvelles armoires et d’une fenêtre. Elle refuse également de rembourser un lit électrique, une table à roulettes adaptée à ce lit, une lumière à télécommande et une table particulière pour les loisirs au salon.

[3]                Une audition a lieu à Drummondville le 30 avril 2007. La travailleuse est présente et représentée. L’employeur n’est pas représenté. La cause est mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais liés à l’adaptation de son domicile de même qu’aux aides techniques rendues nécessaires à la suite de la lésion professionnelle qu’elle a subie le 29 janvier 1999 soit les éléments suivants apparaissant sur un document préparé par le conjoint de la travailleuse et produit à l’audience:

1. CHAMBRE À COUCHER

a) Lit électrique                                                            2841,12$

b) Table pour manger qui se glisse en dessous du lit       690,15$

c) Lumière du dessus de lit                                           218,43$

 

2. SALLE DE BAIN

a) Bain et accessoires                                                  292,11$

b) Lavabo et Matériaux                                                  338,80$

c) Douche et accessoires                                             1055,26$

d) Électricité pour le chauffage et les thermostats           1192,42$

e) Fenêtres salle de bain et de lavage                            844,28$

f) Armoires pour ranger les serviettes                             1737,55$

 

3. AGRANDISSEMENT DU PATIO

Matériaux et main-d’œuvre                                            1452,64$

 

4. MAIN-D’ŒUVRE (120 h. x 15,00$ par heure)                         1800,00$

 

TOTAL :          12 462,56$

 

 

LES FAITS

[5]                La travailleuse exerce la fonction de préposée aux bénéficiaires pour l’employeur lorsque, le 29 janvier 1999, elle ressent une douleur au bas du dos en déplaçant une bénéficiaire avec une collègue de travail. Cette douleur ne la rend pas incapable d’effectuer son travail.

[6]                Le 6 février 1999, la travailleuse chute sur le terrain de stationnement de l’employeur en se rendant à son véhicule automobile. Elle ressent alors une douleur localisée au même site que celle ressentie le 29 janvier 1999, soit au bas du dos du côté gauche.

[7]                Le 7 février 1999, la travailleuse consulte le docteur Racine qui pose le diagnostic d’entorse lombaire, lui prescrit des anti-inflammatoires et du repos. Lors d’une visite subséquente, le docteur Racine ajoute au diagnostic d’entorse lombaire celui d’entorse au poignet gauche. Il prescrit des traitements de physiothérapie à la travailleuse.

[8]                Le 16 février 1999, la travailleuse complète un formulaire de réclamation à la CSST. Elle y reprend la description des deux faits accidentels mentionnés précédemment.

[9]                La travailleuse est prise en charge par le docteur Racine.

[10]           Le 14 juin 1999, à la demande de l’employeur, la travailleuse est évaluée par le docteur Paul O. Nadeau, orthopédiste. À la suite de son examen physique, le docteur Nadeau retient le diagnostic de contusion au niveau du bassin avec entorse lombaire, lésion qu’il consolide le jour même sans prévoir d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle.

[11]           Le 28 juillet 1999, le docteur André Girard, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale (BEM), évalue la travailleuse. Il conclut à la non-consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse. La travailleuse consulte ensuite le docteur Morand, physiatre, qui procède à des infiltrations.

[12]           Le 8 novembre 1999, sur les conseils du docteur Morand, la travailleuse effectue un retour au travail progressif à raison de trois heures par jour, deux jours par semaine avec certaines limitations fonctionnelles.

[13]           Le 16 novembre 1999, à la demande de la CSST, la travailleuse est évaluée par le docteur Raymond Hould, orthopédiste. Le docteur Hould retient le diagnostic d’entorse de l’articulation sacro-iliaque gauche. Il ne prescrit aucun traitement et consolide la lésion professionnelle le jour de son examen, sans retenir d’atteinte permanente ou limitation fonctionnelle.

[14]           Le 8 décembre 1999, le docteur Racine complète un rapport complémentaire à la demande de la CSST. Il souligne que la travailleuse avait repris son travail à temps partiel, mais que depuis l’évaluation auprès du docteur Hould, il y a eu recrudescence des douleurs à la suite d’un mouvement de torsion lors de l’examen. Il indique que la travailleuse a dû cesser son travail et qu’elle ne l’a pas repris depuis.

[15]           Le 16 décembre 1999, le docteur Morand note une augmentation des douleurs lombaires chez la travailleuse à la suite de l’examen auprès du docteur Hould. Elle prescrit des anti-inflammatoires de même que des traitements de physiothérapie et maintient l’arrêt de travail.

[16]           Le 17 janvier 2000, le docteur Gaston Paradis, orthopédiste et membre du BEM, évalue la travailleuse. Il retient le diagnostic d’entorse lombaire avec contusion, lésion qu’il consolide au 16 novembre 1999, sans autre traitement, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

[17]           Le 28 janvier 2000, sur la base de l’avis du BEM, la CSST rend une décision déterminant qu’elle est capable d’exercer son emploi depuis le 16 novembre 1999 et met fin à son indemnité de remplacement du revenu à cette date.

[18]           Le 29 octobre 2001, la travailleuse est évaluée par le docteur Patrice Montminy, chirurgien orthopédiste. À la suite de son examen, il est d’avis que la travailleuse conserve une atteinte permanente de l’ordre de 3,80 % pour entorse de la sacro-iliaque avec séquelles fonctionnelles, mais sans changement radiologique (code 102597 -1,5 %) et entorse de la colonne lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées (code 204004 - 2 %) ainsi que les limitations fonctionnelles suivantes :

-          ne pas soulever, porter, pousser, tirer de façon répétée ou fréquente des charges de plus de 5 kilos,

-          ne pas effectuer de mouvements répétés ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire,

-          ne pas circuler dans les escaliers, ne pas marcher en terrains accidentés ou glissants, ne pas travailler en position accroupie ou fléchie,

-          ne pas ramper ou grimper, ne pas être soumise à des vibrations de basse fréquence ou à des contrecoups,

-          ne pas demeurer en position fixe, soit assise, debout pour des périodes supérieures à 30 minutes,

-          ne pas avoir à se déplacer en automobile sur une base fréquente dans le cadre de son travail.

 

 

[19]           Le 31 janvier 2002, la travailleuse est évaluée par le docteur Mario Giroux, à la demande de la CSST. Ce dernier retient une atteinte permanente de l’ordre de 1,5 % de même que des limitations fonctionnelles de classe 2.

[20]           Le 1er mai 2002, la CSST procède à une intervention en ergothérapie en vue d’aménager un poste à écran cathodique à domicile. À cette fin, elle mandate madame Linda Fournier, ergothérapeute. Une copie de ce rapport se retrouve au dossier.

[21]           Le 31 mai 2002, le docteur Réjean Grenier, orthopédiste et membre du BEM, conclut à une atteinte permanente de 3,80 % et à des limitations fonctionnelles de classe 3, soit :

-          ne pas soulever des charges de plus de 10 kilos

-          éviter de faire des mouvements répétés de flexion, extension, torsion de la colonne lombaire sans appui, de marcher sur un terrain accidenté ou glissant, de faire le travail en position à genoux ou accroupie et de subir des vibrations de base fréquence ou des contrecoups à la colonne lombaire ou au bassin.

 

 

[22]           Le 2 août 2002, la CSST rend une décision déterminant un emploi convenable de commis au service à la clientèle pour lequel la travailleuse débute une formation le 5 août 2002.

[23]           Le 21 février 2003, la travailleuse subit une lésion professionnelle, soit une rechute, récidive ou aggravation en faisant un faux pas dans la neige. Le diagnostic de bursite trochantérienne gauche est alors posé. La travailleuse doit mettre fin à sa formation en vue d’occuper l’emploi de commis au service à la clientèle.

[24]           Le 23 août 2003, la CSST procède à une évaluation des besoins en aides techniques et en aménagement du domicile. L’ergothérapeute mandatée par la CSST à cette fin, soit madame Magali Coursange, se rend à domicile. À la suite de son intervention, madame Coursange fait les constats suivants et recommande :

Cuisine :

·         Un réaménagement des armoires serait à évaluer pour enlever un bloc d’armoires au sol et libérer un dessous de comptoir;

·         Ajouter du rangement à la portée de la cliente et mieux choisir l’emplacement de la vaisselle pour limiter les manutentions et les déplacements;

·         Demander au fournisseur des électroménagers s’il est possible de faciliter l’ouverture et la fermeture de la cuisinière et du réfrigérateur;

·         Éventuellement, si la cuisine offre un dégagement sous les armoires, un banc sur roulettes pourrait être utilisé ou le siège du déambulateur s’il est assez haut par rapport au comptoir;

·         Utiliser une table sur roulettes ou déserte pour déplacer les plats et couverts elle pourrait être utilisée pour charges à déplacer.

 

Salon : recommandations :

·         Chaise berçante avec la fonction d’autosouleveur;

·         Table inclinable et ajustable en hauteur pour les loisirs comme les casse-tête et éventuellement la peinture, la lecture.

 

Salle de bain : recommandations :

·         Siège surélevé de toilette de 2 pouces;

·         Barre d’appui au mur pour la toilette;

·         Système de levier pour transfert au bain avec chaise mobile, facile d’entretien et qui permet l’accès au bas pour tous les autres membres de la famille;

·         Douche téléphone de type « High Low » pour permettre de l’atteindre une fois assise;

·         Surélever la laveuse d’environ un pied support disponible chez Sears.

 

Chambre à coucher : recommandations :

·         Hausser le meuble à tiroirs d’un pied;

·         Un lit électrique multi positions pourrait faciliter les transferts au lit et les changements de posture;

·         Une barre d’appui pour les transferts au lit de type « Bed Assist »;

·         Son conjoint aura alors besoin d’une base de lit indépendante et de matelas.

 

Autonomie à la marche : recommandations :

·         Déambulateur à roulettes pour personne de petite taille pour l’intérieur et l’extérieur avec un siège;

·         Canne droitière avec poignée ergonomique.

 

Autonomie à l’hygiène et à l’habillage : recommandations :

·         Une cuillère à long manche pour mettre les chaussures;

·         Enlève chaussures;

·         Lacets élastiques;

·         Enfile bas;

·         Brosse à long manche pour l’hygiène.

 

Niveau du plancher : recommandations :

·         Pour que madame puisse utiliser son déambulateur facilement et la déserte, il serait préférable que les pentes soient installées pour faciliter le passage sur le seuil.

 

Conduite auto : recommandations :

·         Faire l’essai d’un siège « Obusform » pour un meilleur support au dos et au siège.

 

 

[25]           La travailleuse fait une réclamation à la CSST pour dépression majeure. Le 4 septembre 2003, la CSST rend une décision concluant qu’il y a une relation entre le nouveau diagnostic de dépression majeure et l’événement du 29 janvier 1999.

[26]           Le 14 janvier 2004, la travailleuse est évaluée par la docteure Guylaine Proteau, psychiatre. Cette dernière recommande de poursuivre la thérapie pour cinq à dix sessions. Elle consolide la lésion professionnelle au 14 janvier 2004. Elle croit que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente au point de vue psychiatrique, mais émet des limitations fonctionnelles principalement reliées à l’importante régression, au besoin de maternage chez une dame carencée affectivement et à la chronicité dans le rôle de malade.

[27]           Le 15 juin 2004, la CSST rend une décision reconnaissant une relation entre le nouveau diagnostic de tendinite à l’épaule gauche et l’événement du 29 janvier 1999.

[28]           Le 22 septembre 2004, la CSST rend une décision reconnaissant une relation entre le nouveau diagnostic de contusion au coude droit et l’événement du 29 janvier 1999.

[29]           Le 11 novembre 2004, la CSST procède à une seconde évaluation des besoins en aides techniques et en aménagement du domicile. Cette fois, la CSST mandate madame Linda Fournier, ergothérapeute. Elle fait les constats et recommandations suivantes :

Cuisine :

·         Elle note que présentement, la travailleuse n’est pas autonome pour la préparation des repas et elle recommande de réévaluer la pertinence d’aménager la cuisine à la suite de l’opération qui est prévue.

 

Salon : recommandations :

·         Fauteuil autosouleveur pour favoriser les transferts sécuritaires et une position confortable au salon.

 

Salle de bain : recommandations :

·         Système de levage pour le transfert au bain avec chaise mobile, facile d’entretien et qui permet l’accès facile au bain pour tous les autres membres de la famille;

·         Brosse à long manche avec embout spécial pour laver entre les orteils;

·         Recouvrement supplémentaire pour la brosse à long manche pour le dos et si madame veut éventuellement être autonome pour le lavage, elle recommande d’installer un deuxième support pour la sécheuse et de placer la sécheuse à côté de la laveuse et non par-dessus.

 

Chambre à coucher : recommandations :

·         Une barre d’appui pour les transferts au lit de type « Bed Assist » avec des courroies pour attacher autour du sommier métallique pour plus de stabilité.

 

 

[30]           Il est à noter qu’au moment où madame Fournier se déplace chez la travailleuse elle possède déjà un lit électrique de même qu’une table à roulettes.

[31]           Le 26 novembre 2004, la travailleuse passe un électromyogramme (EMG) qui s’avère normal sans processus neuropathique au membre inférieur gauche ou radiculopathie lombosacrée active.

[32]           Le 10 décembre 2004, le docteur Montminy procède à une fusion sacro-iliaque.

[33]           Le 11 avril 2005, la travailleuse est réévaluée à la demande de la CSST par la docteure Guylaine Proteau. Le diagnostic retenu par la docteure Proteau est celui de trouble panique avec agoraphobie probable. Elle prescrit un traitement de la douleur ainsi que la poursuite de la médication en y apportant certaines modifications au point de vue psychiatrique. Elle consolide la lésion professionnelle le 14 janvier 2004. Elle retient une atteinte permanente de l’ordre de 5 % pour névrose groupe 1 (code 222547) ainsi que des limitations fonctionnelles reliées au comportement agoraphobique, à la régression et au besoin de maternage chez une dame carencée affectivement qui s’est chronicisée dans le rôle de malade.

[34]           Le 1er décembre 2005, madame Coursange procède à une nouvelle évaluation des besoins de la travailleuse. Elle établit un plan d’intervention qui se résume comme suit : elle rappelle les objectifs généraux du plan d’intervention, soit favoriser un environnement sécuritaire à domicile pour réaliser les activités de la vie quotidienne et favoriser l’autonomie fonctionnelle à domicile. En vue de la rendre plus autonome à se déplacer de façon sécuritaire à la maison, madame Coursange recommande de faire le point avec le médecin pour cibler l’aide à la mobilité la plus appropriée. Si l’usage du fauteuil roulant est ciblé, il serait nécessaire que Madame ait un fauteuil roulant mieux adapté à ses besoins. Si le fauteuil roulant est retenu, des aménagements devront être prévus pour avoir accès aux commodités de la cuisine et pour niveler le plancher entre la cuisine et le corridor menant aux chambres et à la salle de bain. Quant aux modalités pour rendre Madame plus autonome pour se laver les pieds, elle recommande de fournir une brosse à long manche pour laver les pieds et pour que Madame puisse obtenir de l’aide en cas d’urgence lorsqu’elle est seule à la maison, elle suggère l’usage du système « Argus ».

[35]           Le 12 août 2005, la CSST rend une décision reconnaissant une relation entre le nouveau diagnostic d’épicondylite bilatérale et l’événement du 29 janvier 1999.

[36]           Le 6 janvier 2006, la travailleuse subit une chirurgie au niveau sacro-iliaque. Elle est opérée par le docteur Montminy.

[37]           Le 23 août 2006, le docteur Montminy complète un rapport d’évaluation médicale (REM). Il rappelle la date de la consolidation de la lésion, soit le 20 juillet 2006. Il retient une atteinte permanente correspondant à 9,50 % ainsi que des limitations fonctionnelles de classe 4, soit que la travailleuse :

-          ne peut pas soulever, porter, pousser, tirer de façon répétée ou fréquente aucune charge,

-          ne peut pas marcher pour des périodes supérieures à 15 minutes,

-          ne doit pas avoir à demeurer en position fixe, soit debout, soit assise pour des périodes supérieures à 30 minutes,

-          ne peut pas effectuer des mouvements répétés ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, et ce, même de faible amplitude,

-          ne doit pas avoir à circuler dans les escaliers,

-          ne doit pas avoir à marcher en terrains accidentés ou glissants,

-          ne doit pas avoir à travailler en position accroupie,

-          ne doit pas avoir à ramper ou à grimper,

-          ne peut pas non plus demeurer dans une position instable,

-          ne doit pas avoir à effectuer des mouvements répétés de son membre inférieur gauche, - ne doit pas être soumise à des vibrations de basse fréquence ou à des contrecoups à la  colonne vertébrale.

 

 

[38]           Dans le cadre de sa réadaptation physique et sociale, la travailleuse bénéficie d’une série d’aides techniques autorisées et remboursées par la CSST, soit : canne à poignée ergonomique, marchette avec roues et siège bas, enfile bas souple, cuillère à manche long, brosse à long manche, enlève chaussures, lacets, plaque d’aluminium, dossier « Obusforme », siège de toilette surélevé, ajustement et pose de deux seuils de porte en stainless, ajustement et pose de barre d’appui usagée, barre de soutien escamotable, canne avec deux embouts, fauteuil autosouleveur, béquilles canadiennes, bracelet épicondylien, béquille droite avec support pour bras et coude, deux paires de câbles pour Tens, deux paires d’électrodes pour Tens, rembourrage des béquilles et technique enseignée, ajustement des appareils, fauteuil roulant sur mesure et « Lève-o-tech ». De plus, la travailleuse bénéficie de thérapie de soutien dispensée par madame Carole Letendre, psychologue, de même que d’aide personnelle pour certaines activités de la vie quotidienne.

[39]           Le 27 septembre 2006, la travailleuse consulte le docteur Racine qui pose un diagnostic d’épicondylite externe bilatérale en attente de chirurgie. Le médecin note également un syndrome dépressif.

[40]           Le 30 octobre 2006, la CSST rend une décision concernant le paiement de frais de réadaptation. Elle accepte de payer un fauteuil roulant adapté, un coussin « Jay Easy » 21 X 16 et une demi-table rabattable (table de loisirs).

[41]           Le 11 octobre 2006, la CSST mandate monsieur Jasmin Belhumeur, ergothérapeute, afin qu’il analyse trois éléments, soit :

1)  le besoin d’adaptation du domicile. Pente pour compenser trois dénivellations;

2)  l’évaluation des besoins en aides techniques pour le bain;

3)  donner des conseils relativement à l’aménagement sécuritaire du lit.

 

 

[42]           Le 20 octobre 2006, la CSST rend une décision faisant suite à l’évaluation de monsieur Belhumeur. Elle accepte de rembourser les travaux suivants : trois dénivellations (seuil de la porte du salon, corridor et du bureau), changer la porte de côté pour une porte de 36 pouces de large, agrandir le balcon dans l’abri d’auto pour atteindre un espace libre de 5 pieds X 5 pieds selon les normes de la SCHL.

[43]           Le 7 novembre 2006, la CSST rend une deuxième décision concernant l’adaptation du domicile de la travailleuse. Cette décision confirme l’ajout de travaux supplémentaires acceptés par la CSST, soit : relever le patio arrière d’environ 2 à 2 ½ pouces afin qu’il soit à égalité avec la galerie de côté, remplacer six poteaux de 4 pouces X 4 pouces en bois traité, enlever le treillis, relever le patio puis refixer le treillis.

[44]           Le 7 novembre 2006, la CSST rend une décision concernant la capacité de travail de la travailleuse. Elle conclut qu’il est actuellement impossible de déterminer un emploi que la travailleuse serait capable d’exercer à plein temps. La CSST va donc continuer de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la travailleuse ait atteint l’âge de 68 ans.

[45]           À l’audience, monsieur Jean-Marie Chouinard, époux de la travailleuse depuis 27 ans, témoigne. C’est lui qui a supervisé et procédé personnellement à une partie importante des travaux d’adaptation du domicile. À partir du document qu’il a préparé et produit au tribunal intitulé : Réclamation concernant les aides techniques et l’adaptation du domicile ainsi que l’équipement de loisirs, le témoin a apporté des précisions sur chaque chef de réclamation.

[46]           Il a débuté son témoignage en donnant des explications sur les motifs l’ayant poussé à procéder à l’agrandissement du patio qui est passé d’une dimension de 6 pieds X 4 pieds à une dimension de 16 pieds X 14 pieds. Il a informé le tribunal qu’à la suite de la chute qu’a faite la travailleuse en 2003, son moral a été grandement affecté notamment par l’augmentation des limitations fonctionnelles et la perte d’autonomie. Afin de lui remonter le moral et de lui permettre d’aller à l’extérieur admirer son jardin, le jardinage étant une activité que la travailleuse appréciait particulièrement et à laquelle elle s’adonnait avant son accident du travail, il a dû agrandir le patio sans quoi la travailleuse ne pouvait y aller en fauteuil roulant compte tenu de l’espace restreint. Grâce au réaménagement effectué, la travailleuse a dorénavant accès au patio de même qu’au côté de la maison, le patio rejoignant dorénavant l’entrée principale située à cet endroit.

[47]           En ce qui a trait à la salle de bain, monsieur Chouinard dit que dans l’ancienne salle de bain, l’espace était trop restreint pour que la travailleuse puisse y entrer et circuler avec son fauteuil roulant. De plus, il était impossible d’y installer le « Lève-o-tech », aide technique permettant à la travailleuse de prendre un bain en toute sécurité puisqu’il n’y avait pas assez d’espace de dégagement. Il a donc décidé de réaménager une des chambres à coucher située à côté de la salle de bain à cette fin. La salle de bain a été convertie en salle de lavage.

[48]           Monsieur Chouinard témoigne à l’effet que l’ensemble des travaux d’adaptation du domicile a été effectué selon les règles de l’art et après consultation auprès de l’ergothérapeute, madame Coursange, dans le cadre d’un mandat privé qu’il lui a confié.

[49]           Monsieur Chouinard produit des photos de la nouvelle salle de bain. Il est à noter que les travaux d’adaptation effectués l’ont été avant que la CSST ne les autorise. Le témoin signale qu’ils ont installé un bain thérapeutique (bain-tourbillon) bien que ce n’était pas leur intention au départ. Le coût réclamé à la CSST est donc celui d’un bain standard. La décision d’acheter un bain thérapeutique provient plutôt d’une aubaine dont monsieur Chouinard a décidé de se prévaloir.

[50]           Quant à la douche installée dans la nouvelle salle de bain, monsieur Chouinard en a expliqué l’installation dans une lettre adressée à la CSST par le fait qu’il y a eu un long délai avant que le système de levage « Lève-o-tech » ne soit autorisé et installé. Selon lui, la travailleuse ne pouvait soulever ses jambes pour entrer dans le bain. Pendant de nombreux mois, la travailleuse ne pouvait accéder au bain sans aide et devait se laver à la débarbouillette. La douche avec un siège et des barres de support a permis de pallier cela.

[51]           La réclamation pour l’électricité (chauffage et thermostat) couvre notamment le coût de l’installation d’un « Convectair » prenant moins d’espace qu’une plinthe électrique standard.

[52]           Le remplacement des fenêtres de la salle de bain et de lavage a été fait, selon monsieur Chouinard, pour faciliter l’autonomie de la travailleuse. Auparavant, ces deux pièces étaient munies de fenêtres coulissantes lesquelles ont été remplacées par des fenêtres à manivelle beaucoup plus faciles à ouvrir et à fermer.

[53]           Finalement, l’aménagement d’une armoire qui peut s’ouvrir de la salle de lavage ou de la salle de bain a été fait notamment pour permettre à la travailleuse, lors de la lessive, de mettre la literie à partir de la salle de lavage dans l’armoire et d’y avoir accès de la salle de bain.

[54]           Quant aux réclamations pour la chambre à coucher, soit un lit électrique, une table pour manger se glissant sous le lit ainsi qu’une lumière avec télécommande, monsieur Chouinard justifie ces achats par la condition de la travailleuse. En effet, la travailleuse doit changer fréquemment de positions la nuit sans quoi, elle ressent beaucoup de douleurs. Dans leur lit double, la travailleuse devait dormir avec de nombreux oreillers et elle réveillait son mari régulièrement au cours de la nuit à cause de la douleur. Cette situation affectait physiquement et psychologiquement la travailleuse ainsi que son mari qui n’arrivait plus à dormir. La solution retenue a été d’acheter un lit électrique à la travailleuse et un lit simple pour son mari. Ainsi, la travailleuse active le lit lorsqu’elle a à changer de position sans avoir à réveiller son mari. De plus, elle réussit à se relever et à s’installer plus rapidement et aisément du lit.

[55]           Monsieur Chouinard justifie l’achat d’une table à roulettes se glissant sous le lit par le fait que la travailleuse, au cours de la journée, passe quatre à six heures au lit en moyenne. Il lui arrive donc occasionnellement de manger au lit. Cette table lui permet de conserver ses choses à proximité telles que mots croisés, casse-tête, lecture. De plus, la nuit, si elle a de la difficulté à s’endormir, elle peut lire.

[56]           Quant à la lumière à télécommande, le fait qu’elle soit télécommandée évite à monsieur Chouinard de se lever pour aller l’éteindre pendant la nuit lorsque la travailleuse cesse de lire et essaie de dormir.

[57]           Monsieur Chouinard précise que pour l’ensemble des travaux qu’il a effectués personnellement, il a chargé un coût de main-d’œuvre de 15,00 $ l’heure. Ce tarif est basé sur d’autres travaux d’aménagement qu’il a eu à effectuer pour lesquels la CSST lui avait autorisé ledit tarif. Son témoignage est corroboré, à cet égard, par les notes évolutives rédigées par le conseiller en réadaptation assigné au dossier le 16 octobre 2003, monsieur Paul Gervais.

[58]           La travailleuse témoigne également. Dans un premier temps, elle rappelle qu’elle est infirmière depuis 1979. Elle signale qu’avant son accident du travail, elle était très active autant au point de vue professionnel que personnel (sports, famille, loisirs). Jusqu’en 2003, la travailleuse dit qu’elle pouvait : conduire son auto, marcher, suivre une formation en secrétariat cinq jours par semaine, faire la cuisine, le ménage et le repassage.

[59]           À la suite de la rechute subie en 2003, la travailleuse s’exprime en disant : « qu’elle est retournée au point zéro ». Elle a commencé à prendre des narcotiques, a cessé sa formation en secrétariat, elle n’effectue presque plus de sorties culturelles et ne conduit plus sa voiture, par mesure de sécurité. Elle ne fait plus l’entretien de sa maison et les repas en raison principalement de ses douleurs aux bras. Elle signale que depuis 2003, sans que le docteur Montminy ne puisse en expliquer la cause exacte, sa jambe se dérobe sans avertissement, occasionnant des chutes. Elle a ainsi chuté lors d’un traitement de physiothérapie en 2004, elle a également chuté à son domicile alors qu’elle a passé environ une demi-heure au sol avant que quelqu’un ne lui vienne en aide. Elle dit également être tombée dans le jardin et s’être fracturé deux côtes et causer un fragment discal au niveau dorsal.

[60]           Reprenant chacun des items de la réclamation faite au tribunal relativement aux frais d’adaptation de domicile, la travailleuse confirme que l’aménagement du patio lui permet de prendre l’air, d’aller dehors, d’admirer l’aménagement paysager. En plus de contribuer à son autonomie en lui donnant accès à sa cour arrière, cela a un effet bénéfique au point de vue psychologique.

[61]           Interrogée sur l’utilisation que la travailleuse fait de son fauteuil roulant, elle précise que depuis l’été 2004, elle a tranquillement commencé à l’utiliser en alternance avec la canne et la marchette. Depuis 2006, elle se promène presque constamment en fauteuil roulant. De plus, elle signale que le docteur du Tremblay, tel qu’il appert d’une lettre datée du 18 mars 2007 adressée à la CSST et produite à la Commission des lésions professionnelles, recommande en raison de ses problèmes de coude et d’épaule, un fauteuil roulant électrique. La travailleuse est en attente d’une décision de la part de la CSST à cet égard.

[62]           Quant à la salle de bain, la travailleuse précise qu’à la suite de sa rechute de 2003, elle n’était plus capable de prendre de bain ou de douche puisque celle-ci était localisée dans le bain. Ainsi, du printemps 2003 à l’été 2004, elle a dû faire sa toilette à la débarbouillette. Avant son accident, elle prenait une douche le matin pour se réveiller et un bain le soir pour relaxer. Elle a pu reprendre un bain pour la première fois en novembre 2006 grâce au réaménagement de la salle de bain et l’installation d’un « Lève-o-tech » payé par la CSST.

[63]           En ce qui a trait aux aménagements de sa chambre à coucher, la travailleuse explique qu’elle n’a que deux positions pour dormir, soit sur le côté droit ou le dos. Avant l’achat d’un lit électrique, elle devait mettre plusieurs oreillers. Elle devait réveiller son mari en moyenne sept à huit fois par nuit afin qu’il l’aide à changer de position. Dorénavant, elle peut ajuster elle-même la position du lit. Elle ne réveille son mari qu’une à deux fois par nuit pour aller à la salle de bain. De plus, le lit électrique facilite son lever du lit.

[64]           Quant à la table à roulettes, elle est indispensable selon elle puisqu’elle doit se reposer au lit trois à cinq heures par jour en moyenne, parfois plus dépendamment de la douleur. Cette table lui permet de garder les choses principales dont elle a besoin à côté d’elle. Il lui arrive parfois de prendre des repas au lit.

[65]           La lumière à télécommande lui offre plus d’autonomie, car elle ne s’endort jamais à la même heure. Elle lui évite donc de déranger son mari pour éteindre la lumière et lui permet également d’en contrôler l’intensité.

[66]           Interrogée sur l’aide à domicile dont la travailleuse bénéficie, elle précise qu’elle a quelqu’un depuis 2003. Au début, la personne mandatée par la CSST était là pour faire un peu de ménage, mais les besoins d’aide à domicile ont été augmentés avec le temps. Actuellement, il y a quelqu’un à domicile le mardi et le jeudi en après-midi de même que le mercredi toute la journée. Cette personne prépare les repas de la semaine, fait du ménage, du lavage, du repassage et aide pour les sorties.

L’AVIS DES MEMBRES

[67]           La membre issue des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis. Ils considèrent que la preuve justifie, conformément à l’article 153 de la loi, le remboursement des frais liés à l’agrandissement du patio, les matériaux et la main-d’œuvre (1452,64 $), l’installation d’un bain standard et d’accessoires (292,11 $), un lavabo et les matériaux (338,80 $) et le coût de la main-d’œuvre (300,00 $), pour un total de 2383,55 $.

[68]           De plus, ils considèrent que les aides techniques suivantes sont remboursables par la CSST, soit un lit électrique (2841,12 $), une table pour manger qui se glisse en dessous du lit (690,15 $) et une lumière télécommandée (218,43 $), pour un total de 3749,70 $.

[69]           Ils sont donc d’avis d’accueillir en partie la requête déposée le 12 février 2007 par madame France Pelletier et de modifier la décision de la CSST rendue le 9 janvier 2007 à la suite d’une révision administrative. 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[70]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a droit au remboursement de certains frais d’adaptation du domicile et aides techniques et préciser, le cas échéant, le montant de ce remboursement.

[71]           L’article 151 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) définit la réadaptation sociale en ces termes :

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

(Notre soulignement)

 

 

[72]           L’article 152 de la loi précise ce que couvre la réadaptation sociale:

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

 

1°   des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2°   la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3°   le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4°   le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5°   le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

(Notre soulignement)

 

 

[73]           Pour sa part, l’article 153 de la loi établit les conditions qui doivent être satisfaites afin de bénéficier de frais d’adaptation du domicile en ces termes :

153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si:

 

1°   le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2°   cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3°   le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

(Nos soulignements)

 

 

[74]           De plus, l’article 156 exige que :

156. La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci lui fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

__________

1985, c. 6, a. 156.

 

(Notre soulignement)

 

 

[75]           L’interprétation des notions « adaptation nécessaire » et « solutions appropriées pour avoir accès de façon autonome aux biens et commodités de la maison » constitue la pierre angulaire en l’espèce.

[76]           Dans l’affaire Frigault et Commission scolaire de Montréal[2], la Commission des lésions professionnelles s’exprime comme suit quant au caractère nécessaire de l’adaptation du domicile :

[50]  « La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à ces demandes. Si l’on peut comprendre que ces appareils puissent faciliter la vie de la travailleuse, puissent lui être utiles, l’article 153 réfère à des adaptations qui soient nécessaires pour faciliter l’accès aux biens et commodités du domicile. Le critère est celui d’une nécessité, ce qui est différent d’une utilité ou d’une facilité… »

 

(Notre soulignement)

 

 

[77]           Le tribunal est sensible aux conséquences des lésions professionnelles subies par la travailleuse. Il retient que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :

-          ne peut pas soulever, porter, pousser, tirer de façon répétée ou fréquente aucune charge,

-          ne peut pas marcher pour des périodes supérieures à 15 minutes,

-          ne doit pas avoir à demeurer en position fixe, soit debout, soit assise pour des périodes supérieures à 30 minutes,

-          ne peut pas effectuer des mouvements répétés ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, et ce, même de faible amplitude,

-          ne doit pas avoir à circuler dans les escaliers,

-          ne doit pas avoir à marcher en terrains accidentés ou glissants,

-          ne doit pas avoir à travailler en position accroupie,

-          ne doit pas avoir à ramper ou à grimper,

-          ne peut pas non plus demeurer dans une position instable,

-          ne doit pas avoir à effectuer des mouvements répétés de son membre inférieur gauche,

-          ne doit pas être soumise à des vibrations de basse fréquence ou à des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

 

[78]           Sur la base de l’ensemble de ces limitations fonctionnelles, la CSST conclut que la travailleuse est dans l’impossibilité d’occuper quelque emploi que ce soit sur une base régulière et choisit de l’indemniser jusqu’à l’âge de 68 ans. De plus, elle autorise une série d’aides techniques et d’adaptation du domicile de même qu’elle octroie une aide personnelle à domicile. De l’ensemble du tableau, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse satisfait à la première exigence de l’article 153 de la loi, soit de conserver une atteinte permanente grave.

[79]           Qu’en est-il maintenant de la seconde condition de l’article 153 soit que l’adaptation du domicile soit « nécessaire et constitue la solution la plus appropriée pour permettre à la travailleuse d’entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d’avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile »?

[80]            Quant à l’agrandissement du patio, la preuve démontre que l’ancien patio avait une dimension de 6 pieds X 4 pieds. Ce patio donne sur la cour arrière qui est aménagée. Monsieur Chouinard de même que la travailleuse ont tous deux témoigné à l’effet qu’avant son accident du travail, la travailleuse s’adonnait sur une base régulière au jardinage. Il est évident que les dimensions de l’ancien patio ne permettent pas à la travailleuse de s’y déplacer en fauteuil roulant avec aisance. La question à se poser est de savoir si la cour arrière peut être considérée comme une commodité de la maison.

[81]           Dans l’affaire Lussier et Steinberg inc.[3], la Commission des lésions professionnelles devait déterminer si le travailleur avait droit au remboursement du coût total des frais d’adaptation de sa piscine extérieure. Dans un premier temps, le tribunal a rappelé que :

[44] Aucun pouvoir réglementaire ou autre n’est prévu à la Loi pour circonscrire, énumérer ou limiter les coûts inhérents à l’adaptation d’un domicile d’un travailleur.

 

 

[82]           Le tribunal analyse ensuite la preuve dont il dispose dont le fait que l’utilisation de la piscine hors terre était une activité habituelle en saison estivale et que l’achat et l’utilisation de cette piscine n’auraient pas été possibles, n’eut été de l’existence du domicile et du terrain sur lequel elle est érigée. Basée sur la preuve offerte et l’interprétation de l’article 151 de la loi, la Commission des lésions professionnelles conclut que :

[49] Il s’ensuit que cette piscine constitue un accessoire du domicile du travailleur et qu’en tant que tel, elle doit être considérée comme bien ou commodité du domicile.

 

 

[83]           Selon le même raisonnement, soit que la cour arrière constitue un accessoire du domicile, le tribunal considère que l’aménagement d’un plus grand patio est nécessaire en l’espèce afin d‘en permettre l’accès à la travailleuse puisqu’il s’agit d’un bien ou d’une commodité du domicile. De plus, il fournit un moyen d’entrer et de sortir du domicile, de façon autonome.

[84]           Les coûts réclamés par la travailleuse pour ces travaux sont de 1452,64 $ incluant les matériaux et la main-d’œuvre.

[85]           L’article 156 de la loi exige que la travailleuse lui fournisse au moins : « deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu’elle exige, et lui remet copie des autorisations et permis requis pour l’exécution des travaux » avant d’autoriser les coûts desdits travaux.

[86]           Dans l’affaire Marceau et Ressources M.S.V. (fermé) et CSST[4], la Commission des lésions professionnelles apporte un certain éclairage sur l’exigence de fournir au moins deux soumissions à la CSST conformément à l’article 156 de la loi. Le tribunal précise que, dans un contexte d’adaptation de domicile, ce n’est pas le travailleur qui est cocontractant avec l’entreprise chargée d’effectuer les travaux d’adaptation mais plutôt la CSST qui agit , en quelque sorte, à titre de maître d’œuvre. À cet égard, elle a l’obligation de s’assurer que les mesures d’adaptation sont adéquates et doit voir à la qualité des travaux. Il est donc logique qu’elle puisse bénéficier d’au moins deux estimations en vue de choisir l’entrepreneur à qui les travaux seront confiés.

[87]           En l’espèce, le dossier de la travailleuse n’a pas suivi le processus habituel. D’une part, la travailleuse n’a pas obtenu, préalablement, au début des travaux d’adaptation du domicile visés par la présente requête, l’autorisation de la CSST et une approbation de sa part quant au remboursement des frais encourus. De plus, elle n’a pas fourni les deux estimations exigées par l’article 156 de la loi puisque ce ne sont pas des entrepreneurs qui ont procédé aux travaux mais plutôt son mari.

[88]           Dans de telles circonstances, le fait de ne pas avoir respecté les exigences de l’article 156 de la loi rend-il la réclamation de la travailleuse pour le remboursement des frais encourus irrecevable? Le tribunal ne le croit pas.

[89]           D’une part, il a été mis en preuve que monsieur Chouinard a fait appel à l’expertise de l’ergothérapeute, madame Magali Coursange, dans le cadre d’un mandat privé qu’il lui a confié, afin de s’assurer que les travaux d’adaptation soient exécutés selon les règles de l’art.

[90]           D’autre part, monsieur Chouinard s’est assuré que les travaux ainsi facturés le soient au moindre coût possible.

[91]           Au surplus, en aucun temps la CSST n’a invoqué la non-conformité des travaux pour en refuser le remboursement, tel qu’il appert du libellé même de la décision rendue le 12 juillet 2006 à cet effet.

[92]           Le tribunal est donc d’avis que les travaux d’agrandissement du patio sont nécessaires pour permettre à la travailleuse « d’entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d’avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile » soit, en l’espèce, la cour arrière qui constitue un accessoire de ce domicile. Les frais de 1452,64 $ réclamés à cette fin sont raisonnables et justifiés et devront être remboursés par la CSST.

[93]           Quant aux travaux de réaménagement de la salle de bain, le tribunal considère que l’interprétation de la portée de l’article 153 dans l’affaire Frigault précitée s’applique à la présente situation. Il apparaît important de faire la distinction entre ce qui est nécessaire pour permettre à la travailleuse d’être autonome en ayant accès aux commodités de sa salle de bain et ce qui est utile. Bien que certains aménagements effectués soient utiles ou rendent la vie plus facile à l’ensemble de la famille, ils n’apparaissent pas revêtir le caractère de nécessité requis pour atteindre les objectifs de la loi.

[94]           En fait, le tribunal est convaincu, sur la base de la preuve offerte et notamment les plans et croquis fournis par monsieur Chouinard complétés par son témoignage crédible, que l’ancienne pièce où était localisée la salle de bain n’offrait pas suffisamment d’espace pour y installer et surtout utiliser le « Lève-o-tech ». Ainsi, la relocalisation de la salle de bain dans une pièce plus grande était nécessaire. Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles considère que le coût du bain standard, soit 292,11 $ est justifié. Il en va de même pour le lavabo et les matériaux au coût de 338,80 $. Par ailleurs, rien dans la preuve offerte ne permet de justifier les autres dépenses, soit la douche et les accessoires, les fenêtres de la salle de bain et de lavage et l’armoire pour ranger les serviettes.

[95]           En ce qui a trait à la douche et aux accessoires, bien que la Commission des lésions professionnelles soit consciente que la travailleuse en a bénéficié en attente de l’installation du « Lève-o-tech », elle se questionne sur la nécessité et surtout sur la sécurité de cette douche, compte tenu particulièrement du témoignage de la travailleuse selon lequel ses membres inférieurs se dérobent régulièrement sans avertissement. Le tribunal constate que seule l’ergothérapeute, madame Coursange, recommande en 2003 l’achat d’une douche téléphone de type « High low ». Les autres ergothérapeutes, soit madame Fournier et monsieur Belhumeur n’en traitent pas. Bien que la douche soit munie d’un banc, celui-ci semble étroit selon les photos produites à l’audience. De plus, pour y accéder, la travailleuse doit marcher sur une surface glissante ce qui contrevient aux imitations fonctionnelles émises par son médecin, le docteur Montminy. Par conséquent, le tribunal n’autorise pas le remboursement des frais de 1055,26 $ relatifs à l’achat et l’installation de cette douche et des accessoires.

[96]           Quant aux fenêtres de la salle de bain et de la salle de lavage, le tribunal ne voit pas en quoi le changement de fenêtres augmente l’autonomie de la travailleuse, d’autant plus que l’accès à la fenêtre de la salle de lavage semble particulièrement difficile si l’on se fie aux photographies produites à l’audience. Les coûts de 844,28 $ ne sont donc pas remboursables.

[97]           En ce qui a trait à l’armoire pour ranger les serviettes, il s’agit là d’un équipement qui est sûrement fort utile, mais aucunement nécessaire compte tenu des limitations fonctionnelles de la travailleuse et du fait qu’elle bénéficie d’une aide à domicile pour effectuer le lavage et le repassage en raison de ses limitations fonctionnelles, n’étant pas en mesure de le faire elle-même. Le coût de 1737,55 $ n’est donc pas remboursable.

[98]           Quant aux frais d’électricité réclamés pour le chauffage et les thermostats s’élevant à 1192,42 $, le tribunal les trouve exorbitants compte tenu de la preuve dont il dispose.

[99]           En effet, monsieur Chouinard a témoigné à l’effet qu’il a remplacé une plinthe électrique standard par un « Convectair » afin de procurer plus d’espace de dégagement. Le tribunal n’est pas convaincu de la nécessité de cette adaptation. Quant au reste, la pièce utilisée pour aménager la nouvelle salle de bain (chambre de leur fille) était déjà munie d’électricité. Ainsi, le tribunal en déduit, en l’absence de justification à l’audience, que les seuls autres frais liés à l’électricité ont vraisemblablement été générés par l’installation d’un bain thérapeutique qui relève du choix personnel de monsieur Chouinard et de la travailleuse et qui n’a pas à être assumé par la CSST puisqu’il n’est pas nécessaire au sens de l’article 153 de la loi. Le remboursement des frais d’électricité réclamés n’est donc pas autorisé par le tribunal.

[100]       En ce qui a trait aux coûts de main-d’œuvre réclamés pour le réaménagement de la salle de bain, soit 1800,00 $ (120 heures à 15,00 $ l’heure), le tribunal retient du témoignage du mari de la travailleuse qu’en vue de minimiser les coûts d’adaptation du domicile, il a consacré ses vacances de l’été 2003 et 2004 à ces travaux. Il en a fait une grande partie personnellement et pour les tâches spécialisées, a eu recours aux services de son beau-frère, qui a une bonne connaissance de la plomberie de même qu’à un ami ayant des compétences en menuiserie. Le tribunal présume, en l’absence de précisions offertes par monsieur Chouinard, que les 120 heures de main-d’œuvre réclamées couvrent l’ensemble des travaux effectués. Puisque de l’avis du tribunal, les seuls travaux d’adaptation requis sont l’installation d’un bain standard et d’un lavabo, le tribunal considère que 300,00 $ (20 heures à 15,00 $ l’heure) constitue un montant raisonnable dans les circonstances.

[101]       Relativement au coût d’achats d’aides techniques pour la chambre à coucher, sur la base de la condition physique de la travailleuse, du rapport de l’ergothérapeute, madame Linda Fournier, et de la preuve offerte à l’audience, le tribunal en vient à la conclusion que le lit électrique constitue une aide technique remboursable. Il en est de même pour la table à roulettes et la lumière à télécommande. Ces aides techniques favorisent l’accès à une commodité de la maison, soit la chambre à coucher. De plus, elles assurent un meilleur sommeil à la travailleuse et une plus grande autonomie à l’égard de ses positions et habitudes de sommeil.

[102]        Dans l’affaire Saint-Amour et Makibois inc.[5], la Commission des lésions professionnelles ayant à se pencher sur le remboursement du coût d’achat d’un lit thérapeutique et d’un fauteuil auto-souleveur, retient que :

[16] Ainsi, la loi prévoit que le travailleur, dans le cadre de la réadaptation sociale, a droit, dans la mesure du possible, d’obtenir l’aide lui permettant de s’adapter à sa nouvelle situation et de redevenir autonome dans le cadre de ses activités quotidiennement. Être capable de se déplacer, de changer de position seul ou avec un minimum d’aide, sont des situations permettant au travailleur de surmonter les conséquences personnelles et sociales de son état. Le lit thérapeutique et le fauteuil auto-souleveur sont à même de remplir ce rôle, selon l’avis du docteur Duranleau, du travailleur, de la conjointe de celui-ci et du tribunal.

 

(Notre soulignement)

 

 

[103]       Bien que dans la présente affaire, le tribunal ne dispose pas d’une prescription du médecin de la travailleuse pour les aides techniques réclamées pour la chambre à coucher, les limitations fonctionnelles émises par le médecin traitant, dont celles recommandant qu’elle ne maintient pas de positions fixes pour une période supérieure à 30 minutes, appuient le témoignage de la travailleuse corroboré par celui de son époux à l’effet que lorsqu’elle est dans son lit, elle doit changer de position fréquemment. La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis de rembourser l’ensemble de ces aides techniques soit une somme de 3749,90 $.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame France Pelletier, la travailleuse, produite le 12 février 2007 à la Commission des lésions professionnelles;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 janvier 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que les frais suivants sont remboursables : l’agrandissement du patio, les matériaux et la main-d’œuvre (1452,64 $), l’installation d’un bain standard et d’accessoires (292,11 $), l’installation d’un lavabo et accessoires (338,80 $) et le coût de la main-d’œuvre (300,00 $), pour un total de 2383,55 $.

DÉCLARE que les aides techniques suivantes sont remboursables par la CSST : un lit électrique (2841,12 $), une table pour manger qui se glisse en dessous du lit (690,15 $) et une lumière télécommandée (218,43 $), pour un total de 3749,70 $.

 

 

 

__________________________________

 

Ann Quigley

 

Commissaire

 

 

M. Jacques Lahaie

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           C.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau

[3]           C.L.P. 143225-62-0006, 05-04-01, G. Godin

[4]           C.L.P. 269451-02-0508, 31 mars 2006, R. Deraîche

[5]           C.L.P. 118733-07-9906, 08 septembre 1999, S. Lemire

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