DÉCISION
[1] Le 12 juillet 2002, monsieur Charles Dallaire (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 juin 2002, à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme ses décisions initiales du 19 juillet 2001 et 24 octobre 2001 et déclare que le travailleur n'a pas droit au remboursement d'un tracteur pour gazon, d'une souffleuse à neige, d'une adaptation pour sa motoneige, d'une piscine avec système de chauffage, et de bois de chauffage. Par cette décision, la CSST déclare également qu'elle était justifiée de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu à compter du 23 octobre 2001 et qu'elle était justifiée de reprendre le versement lorsque le motif qui justifiait la suspension de celles-ci n'existait plus.
[3] Le travailleur est absent à l'audience et il n'y est pas représenté. Quant à Location R.S. Performax inc. (l'employeur) cet établissement est fermé. La CSST, partie intervenante au dossier, a fait part à la Commission des lésions professionnelles de son absence prévue à l'audience. Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles rend une décision sur dossier, conformément à l'article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Par le formulaire de contestation et le document joint, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu'il a droit au remboursement de frais concernant le bois de chauffage, l’accès à une piscine chauffée, des vêtements chauds et une souffleuse à neige.
L'AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d'employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête du travailleur à la Commission des lésions professionnelles n'est pas acceptable du fait que les dépenses dont il réclame le remboursement ne sont pas prévues par la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur peut bénéficier du remboursement de frais reliés au bois de chauffage, à une piscine chauffée, à des vêtements chauds de même qu'à une souffleuse à neige.
[7] Le travailleur exprime ses motifs de contestation au dossier de la façon suivante :
Bois de chauffage:
Avant mon accident de travail, survenu le 11 décembre 1995, je louais une petite maison sur la ferme de M. et Mme André et Danielle Therrien et non un appartement, sur le chemin Point Comfort à Northfield, à quelques kilomètres de Gracefield. Le système de chauffage de cette maison était au bois. Mon père est d'ailleurs déjà venu m'aider à rentrer le bois de chauffage, et ce, pas longtemps avant l'événement.
Piscine et vêtements chauds:
Le docteur Lesage, dans son rapport d'évaluation a fait comme commentaire que je devais avoir des vêtements chauds pour protéger ma jambe et mon pied. Depuis mon enfance mes parents allaient avec nous au chalet de mes grands-parents maternels et paternels, durant les vacances d'été. Je faisais de la natation et du ski nautique. Aujourd'hui mes parents demeurent sur le bord d'un lac, donc j'aurais droit de faire les mêmes sports que durant ma jeunesse. Cependant, depuis mon accident il ne m'est plus possible de jouir de ces sports car l'eau tant trop froide je ne peux plus faire de natation et avec l'état de mon pied, il m'est impossible de faire du ski nautique. Toutefois, l'accès à une piscine chauffée pouvait m'être bénéfique, ce que la C.S.S.T. avait accepté, mais ne m'a jamais remboursé le coût car ils ont changé d'idée à la dernière minute, ce qui m'a alors occasionné une dépense non prévue.
Souffleuse à neige :
Même si la C.S.S.T. a accepté de défrayer l'entretien du déblaiement par une personne il fallait que je me procure une souffleuse. Depuis mon accident il ne m'est plus possible de pelleter ma cour moi-même et les personnes qui viennent exigent une souffleuse car il y en a trop grand pour pelleter.
[8] Rappelons qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à la réadaptation que requiert son état. L'article 145 de la loi prévoit ce droit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
________
1985, c. 6, a. 145.
[9] La réadaptation physique fait partie du programme de réadaptation. Le contenu de ce programme inclut les soins et traitements médicaux jugés nécessaires par le médecin du travailleur. L’article 149 est le suivant :
149. Un programme de réadaptation physique peut comprendre notamment des soins médicaux et infirmiers, des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie, des exercices d’adaptation à une prothèse ou une orthèse et tous autres soins et traitements jugés nécessaires par le médecin qui a charge du travailleur.
________
1985, c. 6, a. 149.
[10] Dans les cas où un travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison de sa lésion professionnelle, la CSST peut rembourser le coût de travaux d'entretien courant du domicile selon certaines conditions. L'article 165 énonce ce qui suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui - même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
________
1985, c. 6, a. 165.
[11] Cette disposition impose donc les conditions suivantes :
· l’atteinte à l’intégrité physique doit être grave;
· le travailleur doit être incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile;
· les travaux doivent être ceux que le travailleur effectuerait normalement si ce n’était de sa lésion professionnelle.
[12] En l'espèce, le travailleur demande à être remboursé pour des travaux reliés au bois de chauffage, pour les frais d’accès à une piscine chauffée, pour l’achat de vêtements chauds de même que pour l’achat d’une souffleuse à neige.
[13] Qu’en est-il?
[14] D’abord pour le bois de chauffage, le tribunal constate que le travailleur remplit la première condition énoncée à l'article 165, puisque sa lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente grave à l'intégrité physique. En effet, à la suite de la lésion professionnelle du 11 décembre 1995, qui a affecté son membre inférieur gauche, le travailleur a conservé des séquelles importantes, soit une atteinte permanente totale de 72,15 % et les limitations fonctionnelles suivantes :
Établies en date du 12 février 1999
· Le travailleur pourra rester dans une position debout, moyennement statique, pour une période de 3-4 heures;
· Il pourra être assis de façon prolongée, sans problème;
· Il pourra marcher environ 5 à 10 minutes, en terrain plat, sans arrêts;
· Il devra éviter de marcher en terrain inégal;
· Il ne devra pas faire des travaux qui demandent des mouvements de flexion et d’extension fréquents de sa jambe;
· Il ne devra pas faire des travaux sur des objets vibrants ou qui demandent des mouvements de pivots fréquents au niveau de son M.I.G.;
· Il devra porter un habillement en conséquence de son problème d’engelure au niveau de son membre inférieur.
Établies en date du 4 avril 2000
· Les limitations se rattachent surtout au fait que monsieur doit maintenant avoir à sa disponibilité une salle de bains, en tout temps, lorsque la fonction vésicale se fait sentir.
Établies en date du 3 juillet 2001
· Éviter de pousser, porter, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de cinq kilos;
· Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension, de torsion de la colonne lombaire même à de faibles amplitudes;
· Éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers;
· Éviter de marcher en terrain accidenté ou glissant.
[15] Reste à savoir si le travailleur remplit les deuxième et troisième conditions de cette disposition. La jurisprudence a établi à plusieurs reprises que les frais reliés au bois de chauffage pouvaient constituer un travail d’entretien courant d’un domicile, au sens de l’article 165 de la loi[2]. En l’espèce, la déclaration du travailleur au dossier montre qu’il demeurait dans une petite maison qu’il louait à Northfield et rentrait lui-même son bois de chauffage avant l’accident. De plus, le tribunal constate que les limitations fonctionnelles qui l’affectent l’empêchent de refaire ce travail d’entretien courant. Il en ressort qu’en application des dispositions de la loi, le travailleur a droit au remboursement des frais reliés à ce travail.
[16] En regard de la demande de remboursement pour l’achat de vêtements chauds, le tribunal considère que cette demande n’a pas à être remboursée par la CSST puisque aucune disposition de la loi ne permet à la CSST de rembourser des vêtements chauds.
[17] Pour ce qui est de l’accès à une piscine chauffée, rien au dossier ne démontre qu’il s’agit d’un soin ou traitement médical prescrit par le médecin et jugé nécessaire par celui-ci et rien dans la loi ne prévoit non plus ce type de remboursement dans le cadre d'un programme de réadaptation. Par conséquent, le tribunal rejette la demande de remboursement s’y rapportant.
[18] Relativement à la demande de remboursement d’une souffleuse, le tribunal retient que le travailleur est incapable, compte tenu de ses limitations fonctionnelles, de faire lui-même les travaux de déneigement de son domicile. Puisqu’il s’agit de travaux d’entretien courant et que le travailleur faisait lui-même ces travaux avant l’accident, le tribunal estime que le coût des travaux devrait lui être remboursé par la CSST. Toutefois la CSST n'a pas à défrayer le coût d’achat d'une souffleuse, son obligation se limitant à rembourser les frais raisonnables pour le déneigement. Le tribunal considère que l'achat d'une souffleuse ne correspond aucunement à la notion de travaux d'entretien courant.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Charles Dallaire, le travailleur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 juin 2002, à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais pour les travaux reliés au bois de chauffage pour son domicile de Northfield;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement pour les travaux reliés au déneigement de son domicile;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement d’une carte d’accès à une piscine chauffée ni de vêtements chauds non plus qu’au remboursement d'une souffleuse à neige.
|
|
|
Marie Langlois |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
Panneton Lessard (Me Michèle Gagnon-Grégoire) |
|
|
|
Représentante de la partie intervenante |
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.