Décision

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Pelletier et CLSC Basse-Ville-Limoilou-Vanier

2009 QCCLP 1463

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

4 mars 2009

 

Région :

Québec

 

Dossiers :

325844-31-0708      352320-31-0806

 

Dossier CSST :

121127898

 

Commissaire :

Pierre Simard, juge administratif

 

Membres :

Gaétan Gagnon, associations d’employeurs

 

Michel Bouchard, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Lise Pelletier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

CLSC Basse-Ville-Limoilou-Vanier

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 325844-31-0708

 

[1]                Le 21 août 2007, madame Lise Pelletier (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une contestation à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 30 juillet 2007.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 14 mai 2007 par laquelle on informait la travailleuse qu’elle n’avait pas le droit d’obtenir le remboursement de ses frais d’utilisation d’un stationnement intérieur.

 

Dossier 352320-31-0806

[3]                Le 25 juin 2008, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une contestation à l’encontre d’une décision rendue par la CSST, le 18 juin 2008.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme les décisions initialement rendues les 19 et 20 février 2008.

[5]                Plus spécifiquement, quant à la décision du 19 février 2008, on indique que la travailleuse n’a pas le droit d’obtenir le remboursement de ses frais de déménagement. Quant à la décision du 20 février 2008, on informe la travailleuse qu’elle n’a pas le droit d’obtenir le remboursement de ses frais d’entretien courant de son domicile quant à la peinture et au grand ménage. On ajoute que l’allocation d’aide personnelle à domicile qui lui est versée vise déjà les travaux de ménage.

[6]                La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Québec, le 23 octobre 2008. La travailleuse était présente et représentée. Le CLSC Basse-Ville-Limoilou-Vanier (l’employeur) et sa représentante avaient informé, par écrit, le tribunal de leur absence.

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[7]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer les décisions contestées et d’autoriser le remboursement des différents frais dont il est question aux décisions rendues par la CSST.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de rejeter les demandes de la travailleuse portant sur le remboursement du coût d’utilisation d’un stationnement intérieur ainsi que ceux portant sur le remboursement de ses frais de déménagement.

[9]                D’autre part, les membres, en application de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) recommandent à la Commission des lésions professionnelles d’autoriser le remboursement des frais de grand ménage et de peinture qu’a dû encourir la travailleuse suite au changement de son domicile, à son déménagement.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[10]           Des documents au dossier ainsi que de la preuve administrée lors de l’audience, la Commission des lésions professionnelles résumera les éléments pertinents aux litiges qui lui sont soumis.

[11]           Rappelons que la travailleuse subissait une lésion professionnelle, le ou vers le 17 septembre 2001, provoquant un syndrome de surcharge musculaire et une élongation musculaire des tendons fléchisseurs des poignets droit et gauche. Cette lésion fut consolidée le ou vers le 24 mai 2002, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

[12]           D’autre part, la Commission des lésions professionnelles, dans une décision[2] du 22 juin 2007, concluait que la travailleuse présentait un syndrome de dystrophie réflexe sympathique, syndrome qui n’était pas consolidé. On ajoutait, à cette décision, que l’état de la travailleuse justifiait l’octroi d’une aide personnelle à domicile, la travailleuse étant fortement limitée dans sa capacité physique.

[13]           Le ou vers le 24 janvier 2007, la travailleuse demande à la CSST de lui rembourser les coûts d’utilisation d’un stationnement intérieur sur la base de billets médicaux. Plus spécifiquement, son médecin traitant souligne que la travailleuse ne peut être exposée au froid et doit éviter d’utiliser le balai ou le grattoir pour nettoyer son véhicule.

[14]           Par la suite, le 14 janvier 2008, la travailleuse demande à la CSST de la rembourser de ses frais de déménagement et ceux inhérents aux travaux de grand ménage et de peinture résultant de ce déménagement.

[15]           Rappelons que la travailleuse bénéficie déjà d’aide personnelle à domicile, permettant une prise en charge des travaux de ménage légers et lourds qui doivent être effectués à son domicile.

[16]           À l’audience, la travailleuse confirme qu’elle est toujours suivie médicalement, sa lésion professionnelle n’étant pas consolidée, le tout dans le contexte du diagnostic du syndrome de dystrophie réflexe.

[17]           Quant aux frais de stationnement de son véhicule, la travailleuse souligne qu’elle conduisait, avant sa lésion professionnelle, son véhicule sans aucun problème. Pendant une période de cinq ans, elle n’a pu conduire.

[18]           Suite aux traitements qu’elle reçoit, elle reprend l’utilisation graduelle de son véhicule. Or, en hiver, lorsque son véhicule est stationné dans un stationnement ouvert, elle doit procéder au déneigement et au déglaçage de ce véhicule. La travailleuse souligne qu’elle éprouve d’énormes difficultés à ce faire et que, par ailleurs, ses médecins traitants lui ont recommandé l’usage d’un stationnement intérieur.

[19]           À l’audience, on dépose sous les cotes T-1 et T9, les recommandations médicales précitées.

[20]           D’autre part, la travailleuse confirme qu’elle bénéficie d’une aide à domicile, étant elle-même capable de faire certains travaux légers. L’aide qu’elle reçoit vise particulièrement les travaux de ménage, en l’occurrence les travaux lourds et légers.

[21]           La travailleuse ajoute que depuis un certain temps, elle surveillait, dans son bloc appartements, la mise en disponibilité d’un autre appartement, plus grand, mieux éclairé et équipé d’un balcon.

[22]           En conséquence, lorsque cet appartement est devenu disponible, profitant de l’occasion, la travailleuse l’a loué. Le tout a entraîné la nécessité de procéder à un déménagement (emballage/déballage), à l’exécution d’un grand ménage en préparation de ce déménagement ainsi qu’à des travaux de peinture, travaux qu’elle a elle-même défrayés.

[23]           Voilà donc l’essentiel de la preuve offerte à la Commission des lésions professionnelles complétée par des rapports médicaux indiquant que la travailleuse est toujours en suivi médical.

[24]           Le représentant de la travailleuse soutient que celle-ci a le droit d’obtenir le remboursement des frais réclamés, aussi bien en application de l’article 1 de la loi que par voie d’application des dispositions légales particulièrement prévues au chapitre de la réadaptation sociale.

[25]           On soulève particulièrement l’application des dispositions de l’article 165 de la loi :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[26]           Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles note que la CSST a rejeté ces réclamations pour différents motifs.

[27]           L’un de ces premiers motifs porte sur la nature même des frais réclamés, particulièrement dans le contexte de l’assistance médicale prévue aux articles 188 et suivants de la loi.

[28]           Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles doit confirmer la décision de la CSST, quant à cette première base juridique, les dispositions de l’article 189 énonçant spécifiquement l’ensemble des services, soins et traitements prévus par la loi.

[29]           Aucun des éléments réclamés par la travailleuse ne cadre ou n’est prévu dans ces dispositions.

[30]           En second lieu, la CSST soulève le fait que la lésion professionnelle de la travailleuse n’est pas consolidée et qu’en conséquence on ne peut évaluer si elle présente une atteinte ainsi que des limitations fonctionnelles qui, notons-le, pour l’article 165, sont qualifiées de « graves ».

[31]           Rappelons que la travailleuse n’est pas consolidée et qu’en conséquence, conformément aux dispositions de la loi, il est prématuré de pouvoir se prononcer sur les conséquences permanentes résultant de la lésion professionnelle.

[32]           Il n’en demeure, comme l’a rappelé à plusieurs occasions la Commission des lésions professionnelles, que la travailleuse se retrouve dans un état d’incapacité importante, vu l’existence d’une « symptomatologie » toujours active pour laquelle elle est traitée.

[33]           Bien plus, les dispositions des articles 145 et suivants de la loi impliquent que l’on doit distinguer entre la présence d’une atteinte permanente et son évaluation puisque, en tout état de cause, plusieurs des mesures qui y sont prévues visent spécifiquement des cas où la lésion professionnelle n’est pas consolidée.

[34]           Pour s’en convaincre, constatons que la travailleuse reçoit une assistance financière pour une aide personnelle à domicile, tel que prévu à l’article 158, le tout afin de maintenir celle-ci à son domicile.

[35]           La Commission des lésions professionnelles rejette donc l’argument invoqué aux décisions de la CSST et portant sur cette notion d’atteinte permanente non évaluée.

[36]           Dans l’état actuel des choses du dossier, de son développement, il faut considérer que la travailleuse est incapable d’occuper ses fonctions et qu’en conséquence son atteinte permanente non évaluée est importante, conséquente et a toutes les qualités d’une atteinte grave à son intégrité physique.

[37]           Une fois cela dit, quant aux réclamations de la travailleuse, il faut bien constater que les tribunaux ne peuvent se substituer au législateur afin de bonifier la loi qui fut adoptée par l’Assemblée nationale.

[38]           Ainsi donc, il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles de suppléer au législateur à moins qu’une telle possibilité soit prévue dans la loi.

[39]           La Commission des lésions professionnelles est consciente que l’objectif du législateur est de procéder à la réparation des conséquences d’une lésion professionnelle telle que définie à l’article 1.

[40]           Il n’en demeure que, de façon spécifique, le législateur a fixé les différentes prestations ou indemnités qui pouvaient être dispensées aux bénéficiaires.

[41]           Quant au stationnement, la Commission des lésions professionnelles doit immédiatement constater qu’il n’existe aucune disposition spécifique sur ce sujet. Par ailleurs, de tels frais ne peuvent être assimilés à ceux énoncés par le législateur, particulièrement dans le cadre de la réadaptation sociale. En conséquence, la travailleuse ne peut être indemnisée ou remboursée des frais qu’elle encourt à ce poste.

[42]           Quant au déménagement, la Commission des lésions professionnelles constate immédiatement que celui-ci résulte d’une décision personnelle de la travailleuse et n’est nullement relié aux conséquences de sa lésion professionnelle.

[43]           À l’article 154 de la loi, le législateur a prévu que certains frais peuvent être remboursés, jusqu’à concurrence des montants indiqués, lorsque la travailleuse doit déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle.

[44]           Force nous est de conclure que les dispositions de l’article 154 ne peuvent s’appliquer au cas de la travailleuse.

[45]           D’autre part, il est établi que la travailleuse reçoit déjà une assistance financière à titre d’aide personnelle à domicile pour effectuer des travaux de ménage lourds et légers. Rappelons que ces travaux s’exécutent dans le cadre de l’application de l’article 158 et visent les travaux qui s’exécutent, généralement, de façon hebdomadaire.

[46]           Les travaux visés dans cette disposition sont bien différents de ceux prévus à l’article 165. En effet, ces travaux, que l’on retrouve à l’article 165, sont ceux portant sur l’entretien courant du domicile, travaux que la travailleuse aurait effectués normalement elle-même si ce n’était des conséquences de sa lésion professionnelle.

[47]           La Commission des lésions professionnelles, avec tout le respect pour l’opinion contraire, croit que les travaux de grand ménage requis lors d’un déménagement, particulièrement lors de la prise de possession des lieux, dépassent le cadre des travaux lourds que l’on doit exécuter hebdomadairement.

[48]           Il en est de même des travaux de peinture.

[49]           À l’audience, la travailleuse a confirmé qu’avant sa lésion professionnelle, elle effectuait elle-même ces travaux, lorsque requis. Elle ne fut pas en mesure de le faire dans le contexte de sa lésion professionnelle.

[50]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles conclut que la prépondérance de preuve, sur ce sujet particulier, permet de conclure qu’effectivement la travailleuse présente une atteinte permanente sous-jacente à son incapacité totale actuelle qui est de la même nature qu’une atteinte permanente grave l’empêchant d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, travaux qu’elle aurait effectués elle-même.

[51]           En conséquence, la travailleuse a le droit d’obtenir le remboursement des frais associés à ces travaux, dans les limites prévues par la loi.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 325844-31-0708

REJETTE la contestation déposée par madame Lise Pelletier, le 21 août 2007;

CONFIRME la décision émise par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 30 juillet 2007.

 

Dossier 352320-31-0806

ACCUEILLE en partie la contestation déposée par madame Lise Pelletier, le 25 juin 2008;

MODIFIE la décision émise par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 juin 2008;

DÉCLARE que madame Lise Pelletier n’a pas le droit d’obtenir le remboursement des frais de déménagement;

DÉCLARE que madame Lise Pelletier a le droit d’obtenir, en application de l’article 165  de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le remboursement de ses frais d’entretien courant de son domicile relativement aux travaux de grand ménage et de peinture.

 

 

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PIERRE SIMARD

 

 

 

 

 

 

 

Me Georges-Étienne Tremblay

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

Madame Hélène R. Santerre

CENTRE SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX QUÉBEC SUD

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 194802-31-0211, 22 juin 2007, G. Tardif.

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