Décision

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Doyon et DD Distributions Lubrifiants inc.

2010 QCCLP 3040

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

20 avril 2010

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

377241-62-0904

 

Dossier CSST :

100097856

 

Commissaire :

Doris Lévesque, juge administratif

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Serge Adam, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Clément Doyon

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

DD Distributions Lubrifiants inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 30 avril 2009, monsieur Clément Doyon (monsieur Doyon) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative, le 23 avril 2009.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 22 décembre 2008 pour conclure que monsieur Doyon a droit au remboursement de ses frais de déplacement pour une distance maximale de 200 kilomètres, représentant une somme de 29,00 $.

[3]                Une audience a lieu, à Longueuil, le 1er mars 2010, à laquelle assiste monsieur Doyon, non représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Monsieur Doyon demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu'il a droit au remboursement de la totalité du kilométrage encouru lors de son déplacement pour aller consulter son médecin ayant charge pratiquant à Sherbrooke, en date du 17 novembre 2008, ce qui représente une distance réelle de 440 kilomètres entre son domicile et le cabinet de ce médecin.

[5]                En plus de demander d’être remboursé pour la différence de 240 kilomètres, refusée par la CSST, il indique que le montant de 0,145 $ le kilomètre, octroyé par la CSST, est insuffisant et réclame plutôt le tarif maximum.

LES FAITS

[6]                La preuve révèle que le 12 décembre 1990, monsieur Doyon est victime d’une lésion professionnelle résultant d’un accident du travail. Le diagnostic reconnu est celui de hernie discale en L4-L5 gauche pour laquelle il a subi une discoïdectomie. Cette lésion est consolidée le 6 août 1991, avec une atteinte permanente à son intégrité physique de 13,2 % ainsi que des limitations fonctionnelles.

[7]                Subséquemment, il est victime de deux récidives, rechutes ou aggravations les 26 mai 1994 et 25 décembre 2004 (C.L.P. 260089-05-0504).

[8]                Le 3 décembre 2008, monsieur Doyon soumet une réclamation à la CSST relative à une demande de remboursement pour des frais de déplacement encourus le 17 novembre 2008 pour se rendre à la clinique de son médecin ayant charge, en relation avec sa lésion professionnelle. Il réclame le remboursement des frais pour une distance parcourue de 440 kilomètres entre le cabinet de son médecin à Sherbrooke et son domicile situé à Saint-Hubert, sur la Rive-sud de Montréal.

[9]                Le 22 décembre 2008, sous forme d’un avis de paiement, la CSST lui rembourse ses frais de déplacement pour une distance de 200 kilomètres, au tarif de 0,145 $ le kilomètre, correspondant à un montant de 29,00 $.

[10]           Par ailleurs, dans sa décision rendue à la suite d’une révision administrative le 23 avril 2009, la CSST indique qu’elle accepte le remboursement uniquement pour une distance de 200 kilomètres. Elle l’avise qu’elle ne l’indemnisera pas pour l’excédent de 240 kilomètres. La distance réelle des trajets effectués au volant de son véhicule personnel entre son domicile, localisé à Saint-Hubert, et le cabinet de son médecin situé à Sherbrooke représente un déplacement de 440 kilomètres.

[11]           La CSST appuie sa décision sur le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour (le Règlement)[1] qui prévoit, à l’article 9 :

9.  Lorsqu'un travailleur choisit, sans avoir été préalablement autorisé par la Commission, de recevoir des soins ou de subir des examens médicaux à une distance de plus de 100 kilomètres de sa résidence alors que ces soins ou ces examens pourraient être effectués à une distance moindre, seuls sont remboursables les frais équivalents à un déplacement de 200 kilomètres avec un véhicule personnel autorisé dans le cas prévu à l'article 6 ou avec un véhicule personnel non autorisé dans tout autre cas.

 

Cette autorisation peut être accordée si ces frais sont plus économiques compte tenu de l'ensemble des indemnités auxquelles le travailleur aurait droit s'il recevait les soins ou subissait un examen médical à 100 kilomètres ou moins de sa résidence.

 

Décision, 93-06-07, a. 9.

 

 

[12]           La CSST considère que c’est monsieur Doyon qui a choisi de continuer à consulter son médecin habituel, malgré son déménagement dans une autre région, et qu’elle est donc justifiée de rembourser ses frais de déplacement jusqu’à un maximum de 100 kilomètres par trajet, tel que mentionné au Règlement. Elle estime qu’il n’y a aucune donnée permettant de conclure que le fait de consulter un médecin à 220 kilomètres du lieu de sa résidence constitue une solution plus économique que si la consultation avait lieu plus près de sa résidence.

[13]           À l’audience, monsieur Doyon témoigne qu’il habitait à Sherbrooke au moment de son accident du travail, le 12 décembre 1990, jusqu’à son déménagement à Saint-Hubert le 1er mai 2007.

[14]           Depuis sa lésion professionnelle, monsieur Doyon est suivi à la fois par son médecin traitant, la docteure Monique Jobin, à raison de quatre fois par année, ainsi que par son médecin spécialiste, le docteur Michel Carmel, urologue, qu'il consulte une fois l’an. Ces deux médecins pratiquent dans la localité de Sherbrooke.

[15]           Monsieur Doyon indique qu’à la fois les docteurs Jobin et Carmel lui ont confirmé vouloir continuer à assurer son suivi médical régulièrement.

[16]           À ce sujet, monsieur Doyon dépose une lettre du docteur Carmel, datée du 20 juin 2008, dans laquelle il indique assurer un suivi médical régulier depuis le 28 juillet 2006, dans le cadre d’une évaluation pour la CSST. Il mentionne que la dernière consultation médicale a eu lieu le 20 mai 2008. Il précise qu’il continue à assurer le suivi de son patient au centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (pièce T-1).

[17]           La preuve révèle également que le 8 février 2010, monsieur Doyon a consulté la docteure Jobin pour une lombalgie chronique ainsi que pour une dépression majeure (pièce T-2).

[18]           Monsieur Doyon témoigne avoir utilisé son automobile, sans accompagnateur, pour effectuer le déplacement entre les villes de Saint-Hubert et de Sherbrooke. Il indique que la CSST a toujours autorisé l’utilisation de son véhicule personnel.

[19]           Monsieur Doyon précise être déménagé à Saint-Hubert pour se rapprocher de ses deux enfants, à la suggestion de son médecin. La docteure Jobin estimait que « ce serait bon pour son moral » de se rapprocher ainsi de ses enfants vivant à Saint-Hubert, puisqu’il était seul à Sherbrooke et que « ça l’aiderait à cause de son état dépressif ». C’est l’unique raison de son déménagement.

[20]           À la suite de son déménagement à Saint-Hubert, celui-ci a tenté, en vain, de se trouver un nouveau médecin de famille. Au C.L.S.C., on lui a répondu qu’il y avait présentement « 6 000 noms sur la liste d’attente ».

[21]           Pour appuyer ses prétentions, monsieur Doyon dépose un article émanant de La Presse, en date du 7 mars 2009 où, lors d’une entrevue, le ministre de la Santé du Québec, monsieur Yves Bolduc, à la suite d’une question posée par une journaliste voulant « qu’un Québécois sur trois n’a pas de médecin de famille », a répondu : « on ne peut savoir dans cinq ans si tout le monde aura un médecin de famille » (pièce T-4).

[22]           Monsieur Doyon fait aussi valoir qu’à cause de son état de santé, aucun médecin ne serait intéressé à prendre charge de son dossier d’accidenté du travail remontant à 1990. Or, les docteurs Jobin et Carmel sont au courant de sa situation et assurent un suivi médical régulier pour lequel il se dit très satisfait.

L’AVIS DES MEMBRES

[23]           Conformément à l'article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi), la soussignée fait état de l'avis des membres nommés en vertu de l'article 374 de la loi ainsi que des motifs de cet avis.

[24]           Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis de maintenir la décision rendue par la CSST, en révision administrative, le 23 avril 2009, car il estime qu'il y a lieu d’autoriser un remboursement des frais de déplacement pour une distance maximale de 200 kilomètres, représentant une somme de 29,00 $.

[25]           Le membre issu des associations syndicales considère qu'il y a lieu d’infirmer cette décision et d’autoriser le remboursement intégral des frais de déplacement, représentant 440 kilomètres, pour consulter le médecin ayant charge le 17 novembre 2008, au tarif de 0,41 $ le kilomètre.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[26]           La Commission des lésions professionnelles considère que l'avis de paiement émis par la CSST, le 22 décembre 2008, constitue une décision respectant les exigences prévues à l’article 358 de la loi puisqu’il est écrit, motivé et notifié, permettant ainsi à monsieur Doyon de faire valoir ses prétentions à son encontre. D’ailleurs, la CSST a reconnu qu'il s’agissait bel et bien d’une décision contestable, puisqu’elle l’a confirmé subséquemment à la suite d’une décision rendue en révision administrative, le 23 avril 2009, qui est présentement en litige. 

[27]           Pour sa visite effectuée auprès de son médecin ayant charge à Sherbrooke, en date du 17 novembre 2008, la CSST lui a remboursé les frais de déplacement pour une distance de 200 kilomètres, au tarif de 0,145 $ le kilomètre, correspondant à un montant de 29,00 $.

[28]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si monsieur Doyon  a droit au remboursement intégral de ses frais de déplacement encourus lors de son déplacement à Sherbrooke, représentant 440 kilomètres, pour consulter son médecin ayant charge le 17 novembre 2008, au tarif de 0,41 $ le kilomètre plutôt que 0,145 $ le kilomètre.

[29]           C’est l’article 115 de la loi qui prévoit qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit, sur production de pièces justificatives, au remboursement de frais de déplacement pour recevoir des soins ou subir des examens médicaux :

115. La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

[30]           Ces normes et montants ont été déterminés dans le Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[3] qui énonce à l’article 1 :

1. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l’annexe 1, des frais de déplacement et de séjour qu’il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).

 

Décision, 93-06-07, a. 1.

 

 

[31]           Il y a également lieu de reproduire les dispositions suivantes du Règlement :

4. La Commission rembourse les frais de déplacement et de séjour en tenant compte de la solution appropriée la plus économique.

 

Décision, 93-06-07, a. 4.

 

5. Sont remboursables les frais engagés pour le transport en commun par autobus, métro, train ou bateau.

 

Décision, 93-06-07, a. 5.

 

6. La Commission peut autoriser un travailleur à utiliser un véhicule personnel ou un véhicule-taxi lorsque le médecin qui a charge de ce travailleur atteste qu’il est incapable d’utiliser les moyens de transport prévus à l’article 5 en raison de son état de santé et qu’elle estime que cette incapacité est causée ou aggravée par une lésion professionnelle.

 

Le médecin peut indiquer la période durant laquelle l’incapacité d’utiliser les moyens de transport en commun durera vraisemblablement.

 

Décision, 93-06-07, a. 7.

 

9. Lorsqu’un travailleur choisit, sans avoir été préalablement autorisé par la Commission, de recevoir des soins ou de subir des examens médicaux à une distance de plus de 100 kilomètres de sa résidence alors que ces soins ou ces examens pourraient être effectués à une distance moindre, seuls sont remboursables les frais équivalents à un déplacement de 200 kilomètres avec un véhicule personnel autorisé dans le cas prévu à l’article 6 ou avec un véhicule personnel non autorisé dans tout autre cas.

 

Cette autorisation peut être accordée si ces frais sont plus économiques compte tenu de l’ensemble des indemnités auxquelles le travailleur aurait droit s’il recevait les soins ou subissait un examen médical à 100 kilomètres ou moins de sa résidence.

 

Décision, 93-06-07, a. 9.

 

 

[32]           Par ailleurs, les articles 192 et 193 de la loi prévoient qu’une personne a droit aux soins du professionnel de la santé et de l’établissement de santé de son choix. Par conséquent, elle pourra donc choisir de recevoir des soins ou subir un examen à une distance de plus de 100 kilomètres de sa résidence et ainsi ne pas être limitée par les normes prévues au Règlement.

[33]           Toutefois, l’article 9 du Règlement prévoit que lorsque ce choix est effectué sans avoir été préalablement autorisé par la CSST alors que les soins sont disponibles à une distance moindre, seuls les frais équivalant à un déplacement de 200 kilomètres seront remboursables. C’est d’ailleurs la prétention de la CSST dans le présent cas, d’où l’objet du litige.

[34]           L’interprétation de l'article 9 du Règlement a fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle notamment dans l’affaire Desbiens et Producteur Forestier Domtar inc.[4] :

68. En application de l’article 9 avec toute déférence pour l’opinion contraire, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il appartient au travailleur de démontrer l’absence de disponibilité, dans sa région, des soins ou examens requis par son état de santé.

 

69. En effet, le fardeau de la preuve repose sur les épaules du travailleur puisqu’il demande à la CSST le bénéfice d’une disposition qui constitue, en faits, l’exception à la règle.  En effet, le remboursement des frais de déplacement au-delà d’une distance de 100 kilomètres constitue l’exception et est assujetti aux conditions précitées.

 

70. Dès lors, le travailleur devait offrir au premier commissaire une preuve portant sur la non-disponibilité de ces examens ou traitements dans sa région administrative.

 

[...]

 

74. Or, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la condition d’application de l’article 9 sur ce sujet, porte strictement sur la disponibilité de tels soins ou examens dans la région administrative du travailleur.  Elle ne réfère pas à la motivation du refus de l’autorisation de la Commission ni sur une évaluation, a posteriori, de l’opportunité et des conséquences d’obtenir une seconde opinion.

 

 

[35]           Dans le présent cas d’espèce, la Commission des lésions professionnelles est d’avis de faire droit à la première demande de monsieur Doyon. Il a démontré l’absence de disponibilité, dans sa région, de médecins pouvant, à brève échéance, assurer le suivi médical requis par son état de santé. Par conséquent, il a droit au remboursement de la totalité du kilométrage résultant de son déplacement entre son domicile à Saint-Hubert et le cabinet de son médecin ayant charge situé à Sherbrooke, ce qui représente une distance de 440 kilomètres.

[36]           Pour appuyer cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve qu’à la suite de son accident du travail remontant à 1990, monsieur Doyon  a toujours fait l’objet d'un suivi médical régulier dans la ville de Sherbrooke, à la fois par son médecin ayant charge ainsi que par son médecin spécialiste, pour un dossier médical complexe de la CSST remontant à 1990. Dans le cas du médecin ayant charge, ce suivi annuel s’effectue à raison de quatre fois l’an, tandis que pour le médecin spécialiste, une fois l’an.

[37]           Monsieur Doyon a raison de prétendre qu'à cause du contexte social particulier actuel, le Québec fait face à une pénurie à la fois de médecins de famille et de médecins spécialistes. Ceci est d'ailleurs confirmé par une déclaration du ministre de la Santé, monsieur Yves Bolduc, qui, récemment, lors de son entrevue rapportée dans le journal La Presse, en date du 7 mars 2009, a répondu ainsi à l’interrogation de la journaliste voulant qu’un Québécois sur trois n’ait pas de médecin de famille au Québec : « on ne peut savoir dans cinq ans si tout le monde aura un médecin de famille » (pièce T-4).

[38]           C’est précisément à cause de ce présent contexte social que monsieur Doyon, malgré les nombreuses démarches effectuées de sa part pour tenter de se trouver un médecin dans sa région qui accepterait de devenir son médecin ayant charge, s’est plutôt retrouvé dans la situation où on lui a offert de le placer sur une longue liste d’attente dans sa région située sur la Rive-sud de Montréal. Le C.L.S.C. lui aurait même fait mention d’une liste d’attente de « plus de 6 000 noms ». 

[39]           Or, la Commission des lésions professionnelles retient que la preuve médicale fait état du fait que sa condition physique requiert la nécessité d'un suivi médical, du moins à raison de quatre fois l’an, auprès de son médecin traitant, et d’une fois par année, auprès de son médecin spécialiste.

[40]           La Commission des lésions professionnelles constate donc que les services auxquels a droit monsieur Doyon, en relation avec sa lésion professionnelle, à savoir un suivi médical régulier auprès de deux médecins, ne sont donc pas disponibles, à brève échéance, dans sa région.

[41]           La Commission des lésions professionnelles constate qu'il est manifeste que monsieur Doyon est, à brève échéance, dans l’impossibilité de se trouver un autre médecin, en plus d’un médecin spécialiste dans sa région, d’autant plus que son dossier CSST remonte à 1990. Au surplus, selon la preuve médicale, son état médical nécessite un suivi régulier auprès d'un médecin ayant charge, minimalement quatre fois par année, en plus d’un suivi annuel régulier par un médecin spécialisé en urologie.

[42]           Il est ainsi fort aisé de conclure que le suivi médical n'est pas disponible dans un délai raisonnable pour monsieur Doyon dans sa région, notamment à cause des spécificités médicales concernant son cas et du contexte social actuel particulier.

[43]           Or, dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles constate, d’une part, que deux médecins assurent déjà le suivi médical de monsieur Doyon sur une base régulière à Sherbrooke et qu'ils sont bien au fait de son dossier CSST. D'autre part, ceux-ci ont également confirmé être disposés à continuer à le suivre à leur cabinet, bien qu’il soit localisé dans une autre région que celle où habite dorénavant ce dernier.

[44]           Conformément à l'article 4 du Règlement, il s'agit, dans le cas de monsieur Doyon, de la solution la plus appropriée même si ce n’est pas la plus économique.

[45]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles ne peut ignorer le fait que la raison principale du déménagement à Saint-Hubert, selon le témoignage crédible de monsieur Doyon à l’audience, résulte de la recommandation de son médecin de se rapprocher de ses enfants en raison de son état dépressif et du fait qu’il était isolé à Sherbrooke. Son médecin estimait que ce déménagement s’avérerait bénéfique pour son état de santé.

[46]           Compte tenu des circonstances particulières au présent cas de monsieur Doyon, notamment son dossier CSST remontant à 1990, le fait qu’il est dans l’impossibilité de se trouver, à brève échéance, un médecin traitant et un spécialiste pour assurer son suivi médical sur une base régulière dans sa région (à cause d’une pénurie de médecins de famille et de médecins spécialistes) tandis qu'il est déjà suivi sur une base régulière annuelle par deux médecins ayant confirmé leur disponibilité pour continuer d’assurer un suivi médical à Sherbrooke, nécessaire à raison de quatre fois l’an compte tenu de sa condition médicale, il y a lieu, en toute équité, de lui octroyer le remboursement des frais excédentaires (soit 240 kilomètres) à ce qui est prévu au Règlement (200 kilomètres), d’autant plus que ces soins et examens ne peuvent être effectués à une distance moindre.

[47]           Par conséquent, la demande de monsieur Doyon appert raisonnable, puisque les faits, dans le présent dossier, justifient la nécessité pour celui-ci de consulter son médecin ayant charge à plus de 100 kilomètres de son domicile.

[48]           Quant à la seconde demande de monsieur Doyon voulant qu’il y aurait lieu de lui octroyer un tarif « plus décent » que celui de 0,145 $ du kilomètre, la Commission des lésions professionnelles y fait également droit pour les motifs suivants.

[49]           D’une part, la CSST a autorisé l’utilisation du véhicule personnel pour ses déplacements à Sherbrooke au motif que, selon les notes évolutives[5], cela constituait la solution la plus économique par rapport aux frais engagés pour prendre les transports en commun, comme l'autobus. Il est aussi vrai que la CSST avait autorisé, en date du 8 juin 2007, des frais de déplacement au coût de 0,145 $ le kilomètre pour des déplacements antérieurs.

[50]           Concernant les frais de déplacement encourus pour la visite de son médecin à Sherbrooke, en date du 17 novembre 2008, la Commission des lésions professionnelles retient le tarif le plus avantageux à l'annexe 1[6] qui prévoit un remboursement de 0,41 $ le kilomètre lorsque la CSST a autorisé l'utilisation du véhicule personnel.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Clément Doyon déposée le 30 avril 2009;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative, le 23 avril 2009;

DÉCLARE que monsieur Clément Doyon a droit au remboursement de ses frais de déplacement encourus pour le 17 novembre 2008, pour une distance totale de 440 kilomètres au tarif de 0,41 $ le kilomètre.

 

 

 

__________________________________

 

Doris Lévesque

 

 



[1]           (1993) 125 G.O. II, 4257. 

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Précitée, note 1.

[4]           C.L.P. 155003-08-0101, 5 juillet 2002, C. Bérubé, requête en révision accueillie, 7 avril 2003, P. Simard.

[5]           Dossier C.L.P., page 83.

[6]           Pour l'année 2008, un taux de 0,41 $/km pour l’utilisation autorisée d'un véhicule automobile est applicable conformément au communiqué CR-111 émis le 13 mars 2006 par le Conseil du trésor et à l'article 22 du Règlement quant à la date de mise en vigueur de ce taux pour les personnes victimes de lésions professionnelles.

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