Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Robert et Comax Coopérative agricole

2009 QCCLP 4390

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec :

30 juin 2009

 

Région :

Québec

 

Dossier :

356025-31-0808

 

Dossier CSST :

114066145

 

Commissaire :

Guylaine Tardif, juge administratif

 

Membres :

Claude Jacques , associations d’employeurs

 

Gilles Dubé, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Étienne Robert

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Comax Coopérative Agricole

 

Partie intéressée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 15 août 2008, monsieur Étienne Robert (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 8 août 2008.

[2]                Par cette décision, la CSST rejette la demande de révision du travailleur, confirme sa décision initiale et détermine qu’il a droit au remboursement du coût d’achat d’un quadriporteur Legend XL Pride incluant les accessoires, jusqu’à concurrence de la somme de 3 900 $.

[3]                Par la même décision, la CSST rejette la demande de révision du travailleur, confirme sa décision initiale et détermine qu’il n’a pas droit au remboursement du coût de déneigement de la toiture de son domicile pour l’hiver 2007-2008, ni au coût de ramonage de la cheminée de son domicile.

[4]                L’audience a dûment été convoquée et s’est tenue à Québec le 26 juin 2009 en présence du travailleur. Comax Coopérative Agricole (l’employeur) n’était ni présent ni représenté.

[5]                La cause a été mise en délibéré le 26 juin 2009.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST et de déclarer qu’il a droit d’être remboursé du coût d’achat d’un triporteur Fortress Trophy et de ses accessoires.

[7]                Il laisse à la Commission des lésions professionnelles le soin d’apprécier s’il a droit au remboursement du coût de déneigement de la toiture et du ramonage de la cheminée de son domicile.

L’AVIS DES MEMBRES

[8]                Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs considèrent que la solution appropriée la plus économique répondant aux besoins de réadaptation sociale du travailleur est l’acquisition d’un triporteur Fortress Trophy, pour un montant de 6 900 $. À leur avis, le travailleur a démontré la nécessité de cette mesure de réadaptation, compte tenu des conséquences de la lésion professionnelle qu’il a subie.

[9]                Par ailleurs, ils considèrent que le déneigement de la toiture du domicile du travailleur au cours de l’hiver 2007-2008 est un travail d’entretien courant du domicile qui était nécessaire compte tenu de la quantité extraordinaire de neige tombée dans la région à cette période. Le travailleur a démontré, à leur avis, qu’en raison des conséquences de la lésion professionnelle, il ne peut effectuer ce travail qu’il aurait fait normalement. Ils accueilleraient la requête sur cet aspect également.

[10]           Ils sont du même avis relativement au coût de ramonage de la cheminée du domicile du travailleur. Il s’agit d’un travail d’entretien courant du domicile qui est requis à l’occasion. Le droit du travailleur n’est pas conditionnel au fait que le chauffage au bois soit le chauffage principal du domicile, au contraire de ce que prévoit la politique de la CSST.  Ils sont d’avis qu’il y a lieu également sur cette question d’accueillir la requête du travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[11]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue en révision administrative par la CSST est bien-fondée.

[12]           Cette décision concerne plusieurs questions différentes qu’il convient d’aborder de façon distincte.

Le véhicule approprié pour les déplacements extérieurs

[13]           Le travailleur a subi un accident du travail le 5 janvier 1998 qui a provoqué une hernie discale L4-L5 qui a été traitée par discectomie. Par la suite, il a été nécessaire de procéder à une libération d’adhérences au site chirurgical. La lésion est consolidée en septembre 1999 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[14]           Le travailleur développe un trouble d’anxiété sévère reconnu comme une rechute, récidive ou aggravation consécutive à l’accident du travail. Ce trouble d’anxiété est consolidé le 24 août 2004 avec persistance d’une atteinte permanente augmentée à 62,2 % ainsi que des limitations fonctionnelles.

[15]           Le problème de dystonie musculaire cervico-dorsal est par la suite reconnu en lien avec l’accident du travail.

[16]           La CSST a reconnu qu’il est impossible de déterminer un emploi convenable pour le travailleur. En conséquence, elle lui versera une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il atteigne de 68 ans.

[17]           Selon l’information au dossier et le témoignage du travailleur, la dystonie musculaire dont il souffre est susceptible de se manifester dans toutes sortes de circonstances, y incluant lorsque le travailleur est soumis à des contrecoups.

[18]           Le neurologue que consulte le travailleur, le docteur André Bellavance, atteste de la nécessité pour le travailleur d’éliminer les contrecoups à la colonne vertébrale. Pour cette raison, il recommande l’achat d’un triporteur Fortress Trophy. Cette opinion du docteur Bellavance n’est pas contredite.

[19]           Le travailleur explique que le quadriporteur Legend XL Pride que la CSST accepte de payer est muni d’un système de suspension nettement insuffisant pour lui permettre d’éviter les contrecoups inhérents à la circulation à l’extérieur. Il a fait l’essai de ce type de véhicule dans la cour d’un fournisseur. La surface de la cour était recouverte de gravier. À la suite des contrecoups encaissés par le travailleur au cours de son essai, il a vécu une crise de spasmes douloureux dans la région cervico-dorsale, soit une crise de dystonie musculaire.

[20]           Le travailleur croit donc que ce type de véhicule n’est pas approprié compte tenu de sa condition de santé.

[21]           Il a recherché une solution qui pourrait mieux correspondre à son besoin. À son avis, le triporteur Fortress Trophy est plus adapté. Selon le prospectus publicitaire déposé à l’audience, ce triporteur est muni d’un amortisseur à grand débattement à l’avant et à l’arrière ainsi que de grandes roues qui procurent une excellente suspension et amortissent les contrecoups. Le travailleur a fait l’essai de ce type de véhicule et il en a été très satisfait.

[22]           La CSST a demandé une étude du besoin du travailleur, qui a été faite par monsieur Martin Harrisson, ergothérapeute, qu’il a lui-même choisi. Monsieur Harrisson recommande dès le départ l’achat d’un véhicule muni d’une suspension en raison des douleurs qu’éprouve le travailleur. Au cours du processus d’évaluation, le travailleur a fait l’essai d’un quadriporteur solo de la compagnie Ranger, du modèle Legend de Pride et du modèle Legend XL de Pride.

[23]           Monsieur Harrisson recommande l’achat du quadriporteur Legend XL de Pride. Dès la rédaction de son rapport d’évaluation, monsieur Harrisson fait état du fait que le travailleur aurait préféré le triporteur Fortress Trophy compte tenu de sa meilleure suspension. Il indique avoir écarté cette solution parce que cet équipement ne fait pas partie de la liste des aides couvertes par le « Programme provincial ». Le tribunal comprend qu’il s’agit des véhicules que le ministère de la Santé et des Services sociaux accepte de payer en vertu des programmes qu’il administre. Le mandat confié par la CSST à l’ergothérapeute comporte en effet cette importante restriction dans le choix du véhicule susceptible d’être choisi[1].

[24]           Le tribunal comprend des deux rapports produits par monsieur Harrisson que le modèle Legend XL de Pride a été préféré au triporteur Fortress Trophy en raison uniquement de la restriction imposée par la CSST dans le choix du véhicule approprié.

[25]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette restriction constitue une limite non opportune à l’étendue du droit à la réadaptation que confère la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) au travailleur qui est victime d’une lésion professionnelle. Le droit général à la réadaptation est prévu à l’article 145 de la loi qui se lit comme suit :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

(nos soulignements)

[26]           En l’espèce, le besoin de réadaptation dont il est question est un besoin de réadaptation sociale. À cet égard, l’article 152 de la loi prévoit ce qui suit :

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :

 

1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

__________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

[27]           Selon la jurisprudence bien établie sur la question, l’article 152 de la loi comporte une énumération non limitative des différentes mesures de réadaptation sociale que peut revendiquer le travailleur victime d’une lésion professionnelle[2].

[28]           Il s’agit donc d’apprécier si la mesure de réadaptation que réclame le travailleur répond à l’objectif indiqué à l’article 151 de la loi, dans les termes suivants :

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

__________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

[29]           En l’espèce, nul ne conteste le fait que le travailleur a besoin d’un véhicule lui permettant de se déplacer à l’extérieur de son domicile, compte tenu de son périmètre très limité de marche et de l’isolement qui en résulte.

[30]           La jurisprudence reconnaît d’ailleurs que lorsque le besoin le justifie, la CSST doit rembourser le coût d’achat d’une aide technique de locomotion et ce, en vertu du droit à la réadaptation sociale[3].

[31]           L’article 181 est la seule disposition de la loi qui impose une limite financière au droit à la réadaptation. Cette disposition se lit comme suit :

181.  Le coût de la réadaptation est assumé par la Commission.

 

Dans la mise en oeuvre d'un plan individualisé de réadaptation, la Commission assume le coût de la solution appropriée la plus économique parmi celles qui permettent d'atteindre l'objectif recherché.

__________

1985, c. 6, a. 181.

 

 

[32]           L’article 198.1 de la loi est en effet inapplicable en matière de réadaptation. Cette disposition fait en effet partie du chapitre de l’assistance médicale et elle ne vise que les prothèses ou orthèses. À l’évidence, un véhicule motorisé n’est ni l’un ni l’autre. L’article 198.1 se lit comme suit :

198.1.  La Commission acquitte le coût de l'achat, de l'ajustement, de la réparation et du remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse visée au paragraphe 4° de l'article 189 selon ce qu'elle détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

 

Dans le cas où une orthèse ou une prothèse possède des caractéristiques identiques à celles d'une orthèse ou d'une prothèse apparaissant à un programme administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec en vertu de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29) ou la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec (chapitre R-5), le montant payable par la Commission est celui qui est déterminé dans ce programme.

__________

1992, c. 11, a. 11; 1999, c. 89, a. 53.

 

 

[33]           De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la CSST ne pouvait pas imposer une limite au droit à la réadaptation du travailleur en se fondant sur les limites prévues aux programmes administrés par le ministère de la Santé et des Services sociaux. La CSST devait plutôt se référer aux dispositions prévues à la loi et, conformément à l’article 181 précité, déterminer quelle est la solution appropriée la plus économique pour répondre au besoin de réadaptation du travailleur.

[34]           En l’espèce, le coût d’achat d’un quadriporteur Legend XL Pride est certainement plus économique que le coût d’achat d’un triporteur Fortress Trophy. Cependant, le premier véhicule ne répond pas aux besoins du travailleur, en raison de sa suspension insuffisante compte tenu de la condition de santé du travailleur qui résulte de la lésion professionnelle. Bien que plus économique, ce véhicule ne constitue pas une solution appropriée.

[35]           Selon le témoignage non contredit du travailleur, parmi les véhicules disponibles sur le marché et qui comportent une suspension adéquate compte tenu de sa condition de santé, le triporteur Fortress Trophy est la meilleure solution d’un point de vue économique.

[36]           Il s’agit donc, au sens de l’article 181 de la loi, de la solution appropriée la plus économique au besoin de réadaptation du travailleur.

[37]           Le tribunal accueille la requête du travailleur.

Le déneigement de la toiture

[38]           Il est de connaissance d’office qu’il est tombé plus de 500 centimètres de neige dans la région de Québec à l’hiver 2007-2008. Il est également de connaissance d’office qu’il était prudent, dans les circonstances, de procéder au déneigement des toitures.

[39]           Ces faits notoires suffisent à démontrer que le déneigement de la toiture du domicile du travailleur était nécessaire. Le travailleur n’avait pas en plus à démontrer un risque d’effondrement pour revendiquer le droit prévu à l’article 165 de la loi qui se lit comme suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[40]           Le travailleur est porteur d’une atteinte grave à son intégrité physique et il a démontré qu’il effectuerait normalement cette tâche si ce n’était de sa lésion.

[41]           Il a droit d’être remboursé du coût de ce travail.

Le ramonage de la cheminée

[42]           Le travailleur reconnaît que le chauffage au bois est un chauffage d’appoint de son domicile. Néanmoins, il faut tout de même ramoner la cheminée à l’occasion. Il réclame le coût de ce travail à la CSST, puisque la lésion professionnelle l’empêche dorénavant de le faire lui-même.

[43]           La CSST refuse d’en rembourser le coût pour le seul motif que le chauffage au bois n’est pas le chauffage principal du domicile du travailleur.

[44]           Or, cette limite n’est aucunement prévue à l’article 165 de la loi. Il va sans dire que la loi a préséance sur la politique de la CSST.

[45]           Selon la preuve, le ramonage de la cheminée est un travail d’entretien courant du domicile que le travailleur aurait effectué si ce n’était de sa lésion.

[46]           Le travailleur a donc droit d’être remboursé du coût de ce travail.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête monsieur Étienne Robert, le travailleur;

INFIRME la décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 août 2008;

DÉCLARE que monsieur Étienne Robert a droit au remboursement du coût d’achat d’un triporteur Fortress Trophy incluant les accessoires, jusqu’à concurrence de 6 900 $;

DÉCLARE que monsieur Étienne Robert a droit d’être remboursé du coût de déneigement de la toiture de son domicile pour l’hiver 2007-2008, et ce, jusqu’à concurrence du maximum prévu à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que monsieur Étienne Robert a droit d’être remboursé du coût de ramonage de la cheminée de son domicile, et ce, jusqu’à concurrence du maximum prévu à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

 

Guylaine Tardif

 



[1]           Voir la description de cette restriction apparaissant à la page 371 du dossier du tribunal.

[2]           Julien et Construction Nationair inc., 120819-32-9907, 7 août 2000, G. Tardif (00LP54); Letendre et Relezon Canada inc., [2004] C.L.P. 1769 ; Du Tremble et Toitures Protech, 239633-64-0407, 20 juin 2005, R. Daniel.

[3]           Bibeau et Atco ltd, 83427-06-9610, 6 juin 1997, F. Dion-Drapeau; Ouellet et Samson, Bélair & ass. syndic, [1998] C.L.P. 1188 ; Jourdain et Hydro-Québec, [2003] C.L.P. 1006 ; Bourassa et Hôpital général juif Mortimer B. Davis, [2003] C.L.P. 1415 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.