Guerrier et Aliments Da Vinci ltée |
2012 QCCLP 6289 |
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[1] Le 18 janvier 2012, monsieur Yves Guerrier (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 9 janvier 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 27 octobre 2011 et « déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de travaux de peinture intérieure de son domicile qu’il demande, le 1er septembre 2011 ».
[3] Le travailleur est présent et représenté à l’audience tenue, le 31 août 2012, à Montréal.
[4] Bien que dûment convoqué par avis écrit expédié le 13 avril 2012, Les Aliments Da Vinci ltée (l’employeur) n’a mandaté aucun représentant à l’audience ni fait connaître un motif valable justifiant son absence.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande au tribunal de déclarer qu’il a droit au remboursement du prix des travaux de peinture réclamé.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation devrait être rejetée.
[7] Le travailleur n’a pas prouvé que de nouveaux travaux de peinture de toutes les pièces de son logement étaient requis alors qu’on y avait procédé pas plus tard qu’à l’été 2009.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 2 février 2004, ainsi qu’une récidive, rechute ou aggravation, le 30 juin 2005, entraînant une atteinte permanente totale de 28,5 %. En outre, il conserve des limitations fonctionnelles lui interdisant notamment de « travailler avec le membre supérieur droit en position d’élévation plus haut que le niveau de l’épaule ».
[9] La CSST lui a remboursé le coût de travaux de peinture de toutes les pièces de son domicile, le 23 juin 2009.
[10] Le travailleur soumet une nouvelle demande de remboursement pour des travaux de peinture à l’intérieur de son domicile, le 1er septembre 2011.
[11] La CSST refuse cette nouvelle demande au motif qu’il ne s’est pas écoulé un délai de 5 ans depuis le dernier remboursement de travaux de peinture autorisé, le tout conformément à sa politique interne applicable en la matière.
[12] Le travailleur argue qu’aucun tel délai de carence n’est prévu à la loi, notamment à l’article 165 qui régit une telle situation :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[13] Le travailleur déclare qu’avant son accident, il peignait lui-même l’intérieur du logement qu’il occupe à titre de locataire, « chaque deux ou trois ans ».
[14] Le travailleur explique que « quand on a des enfants, après deux trois ans, c’est toujours un peu magané ». Plus loin, en réponse à une question du soussigné sur ses besoins actuels de peinture, il précise que ce serait surtout nécessaire « dans la cuisine, le salon, là où les enfants jouent, la toilette (…) ».
[15] Mais, à la lecture de la note évolutive du 4 novembre 2011, le tribunal constate que « le travailleur est séparé et vit avec ses 2 enfants : son fils et sa fille de 27 ans et 17 ans qui sont étudiants » et que, le 1er juillet 2009, « ses enfants ont quitté le domicile ».
[16] Le travailleur fait ensuite valoir que de la peinture appliquée sur un mur de placoplâtre non revêtu d’un apprêt a tendance à y pénétrer, de telle sorte que la surface de la peinture se dégrade davantage.
[17] Mais, rien ne démontre que tel fut le cas, à l’été 2009, lorsque toutes les pièces du logement du travailleur ont été peintes.
[18] Il justifie le besoin de peindre à nouveau en 2011 parce qu’il aurait constaté que la peinture posée en 2009 n’adhérait pas bien.
[19] Mais, de son propre aveu, c’est le travailleur qui a fourni la peinture, en 2009, et elle a été appliquée par un peintre professionnel.
[20] Le travailleur allègue enfin que la peinture aurait jauni à certains endroits et qu’elle serait tachée à d’autres.
[21] Mais, il n’exhibe pas de photographie corroborant ses dires.
[22] Bref, les allégations du travailleur ne sont guère convaincantes et ne permettent pas au tribunal de conclure qu’il s’est acquitté de son fardeau de preuve.
[23] En effet, selon la jurisprudence du tribunal, les travaux d’entretien courant visés par l’article 165 de la loi précité sont ceux qui sont nécessaires au « maintien en bon état du domicile »[2].
[24] Bien qu’il soit exact que le tribunal ne soit pas lié par la politique adoptée par la CSST dans ce domaine, il n’en demeure pas moins que le travailleur a le fardeau de démontrer le besoin[3] de procéder à de nouveaux travaux de peinture de l’intérieur de son domicile un peu plus de deux ans seulement après qu’un grand ménage accompagné de la peinture de toutes les pièces aient été effectués à l’été 2009.
[25] La réclamation n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Yves Guerrier, le travailleur ;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 janvier 2012, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût des travaux de peinture intérieure de son domicile réclamé le 1er septembre 2011.
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Jean-François Martel |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Lelièvre et Centre Cardinal inc., C.L.P. 389012-63-0909, 12 mai 2010, D. Therrien. Voir aussi : Lavoie et Centre Jeunesse Québec, C.L.P. 394130-31-0911, 30 mars 2010, M. Racine.
[3] Thomas et Dépanneur Quali-T # 92 (St-Roch), C.L.P. 382110-04B-0906, 27 novembre 2009, F. Daigneault. Voir aussi : Lavigueur et Québécor World (Graphique Couleur), C.L.P. 383810-05-0907, 15 mars 2010, M. Allard.
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