[1.] Le 15 avril 1998, la travailleuse a déposé une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par le Bureau de révision Mauricie - Centre-du-Québec le 25 mars 1998 confirmant une première décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) du 8 octobre 1997 refusant sa réclamation pour un accident survenu le 30 juin 1997.
[2.] Lors de l’audience, les deux parties étaient présentes.
OBJET DE LA CONTESTATION
[3.] La travailleuse demande d’infirmer la décision du Bureau de révision et de déclarer qu’elle a subi une lésion professionnelle le 30 juin 1997.
LES FAITS
[4.] La travailleuse, âgée de 42 ans, travaille comme aide sylvicole dans une pépinière pour le ministère des Ressources naturelles.
[5.] Le 22 juillet 1997, elle présente une réclamation à la CSST relativement à une lésion professionnelle dont elle aurait été victime le 30 juin 1997.
[6.] Au formulaire « Réclamation du travailleur », la description de l’événement se lit ainsi :
« En faisant l’éclaircie des plants les caissettes, je me suis pincé le doigt (l’index) de la main gauche à une coupe de reprises et ça fait de l’infection et ça s’est mis à grimper jusqu’au coude après 3:35 heures de travail, je suis partie en vitesse à l’hôpital car l’infection a montée jusqu’au cou. Empoisonnement. Opéré d’urgence. » (sic)
[7.] Le lundi 30 juin 1997, tel qu’en a témoigné la travailleuse et qu’en attestent les notes médicales au dossier, elle s’est présentée à l’urgence du Centre hospitalier régional où un médecin, dont la signature est illisible, a procédé à un drainage de l’abcès et demandé une culture bactérienne qui a démontré que l’infection de son doigt de type panaris était due à la bactérie staphylocoque doré.
[8.] Dans les notes médicales, il apparaît que la travailleuse était porteuse de rougeurs et d’œdème à l’index gauche depuis le samedi précédent, d’engourdissement du bras gauche et de douleurs depuis une semaine.
[9.] Dans un premier temps, la travailleuse a dû subir un drainage chirurgical sous anesthésie de son index et reçu des antibiotiques intraveineux pendant 2 jours. Comme les signes d’infection persistaient, elle a dû subir une onycectomie pour permettre un meilleur drainage. Elle a dû se soumettre par la suite à une thérapie par antibiotique oral et à des changements de pansements journaliers.
[10.] Le 2 juillet 1997, le docteur Chéry avait complété une attestation médicale dans laquelle il retenait le diagnostic de panaris du 2e doigt de la main gauche.
[11.] À l’audience, la travailleuse a témoigné qu’il était courant de se frapper ou s’écraser les doigts en plaçant les caissettes de plants pesant environ 25 livres. Elle a expliqué que, dans la semaine précédant le 30 juin 1997, elle s’était écrasé à quelques reprises l’index et comme toujours, n’y avait pas fait attention. Cependant, dans cette semaine-là, son index gauche avait commencé à rougir et enfler légèrement. D’ailleurs, elle avait montré son doigt à une compagne de travail qui a témoigné à l’audience pour attester de ce fait. Elle se souvient que c’était vers la fin de la semaine, soit les 26 ou 27 juin 1997. Elle n’y attachait pas beaucoup d’importance, quoique dans la fin de semaine soit les samedi et dimanche 28 et 29 juin, lorsqu’elle était au repos, elle ressentait un certain élancement dans le doigt et constatait un peu d’enflure. Le lundi matin, soit le 30 juin 1997, elle est retournée au travail et s’est encore une fois écrasé l’index en plaçant une caissette. La douleur a été plus violente que d’habitude et après 3 ou 4 heures, elle constatait une enflure importante et une douleur qui irradiait jusqu’à l’épaule et même à la base du cou. C’est pourquoi elle s’est rendue rapidement à l’hôpital.
AVIS DES MEMBRES
[12.] Le membre issu des associations patronales de même que celui issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la travailleuse peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle prévue par l’article 29 de la loi.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[13.] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle le 30 juin 1997.
[14.] Dans sa prise de décision, la Commission des lésions professionnelles a tenu compte de l’avis de ses membres, a étudié l’ensemble de la preuve documentaire qui apparaît au dossier de même qu’elle a tenu compte du témoignage de la travailleuse et considéré l’argumentation des parties.
[15.] Dans le présent cas, la preuve révèle que la travailleuse a développé à son index gauche une infection de type panaris prouvée par une culture bactérienne démontrant des staphylocoques.
[16.] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) donne la définition suivante à son article 2.
«lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.
[17.] Une lésion professionnelle peut donc originer soit d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
[18.] Afin de faciliter la preuve au travailleur, le législateur a prévu deux présomptions aux articles 28 et 29 de la loi.
[19.] Toutefois, pour que ces présomptions soient applicables, il faut retrouver les conditions qui y sont prévues.
[20.] Ainsi, l’article 28 prévoit qu’un travailleur bénéficie d’une présomption de lésion professionnelle s’il rencontre les conditions qui y sont prévues à savoir :
· une blessure ;
· sur les lieux du travail ;
· alors que le travailleur est à son travail.
[21.] Dans le présent cas, la lésion diagnostiquée chez la travailleuse qui est une infection de type panaris par staphylocoque n’est pas assimilable à une blessure mais plutôt à une maladie. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles en conclut que la présomption prévue par l’article 28 ne peut trouver application dans la présente instance.
[22.] Cependant, l’article 29 de la loi prévoit une présomption de maladie professionnelle si le travailleur démontre qu’il est atteint d’une maladie visée à l’annexe 1 de la loi et qu’il a exercé un travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe. Cette présomption est un moyen de preuve qui facilite au travailleur la preuve du caractère professionnel de sa maladie et a pour conséquence de le décharger de la démonstration de chacun des éléments contenus à la définition de maladie professionnelle.
[23.] L’article 29 se lit comme suit :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
.{Maladie présumée professionnelle.}.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
________
1985, c. 6, a. 29.
[24.] Le panaris est une maladie causée par des agents infectieux et fait partie de celles énumérées à la section 2 de l’annexe 1 de la LATMP et le genre de travail correspondant à cette maladie d’après l’annexe est un travail impliquant le contact avec des tissus ou du matériel contaminé par des bactéries ou des champignons.
[25.] Dans le présent cas, il est démontré que la travailleuse, dans le cadre de son travail, travaillait à mains nues dans des bacs contenant des pousses d’arbres implantées dans un mélange plus ou moins humide de compost, vermiculite et engrais.
[26.] La Commission des lésions professionnelles considère que ce mélange peut contenir des bactéries telles que les staphylocoques qui sont très abondants dans tous les milieux, en particulier des milieux humides. Et tel que déposé par l’employeur, le nouveau Larousse médical indique qu’un panaris est généralement dû au staphylocoque doré.
« Les mains étant normalement sales, toute excoriation cutanée, toute écharde, toute piqûre peut entraîner un panaris. »
[27.] La Commission des lésions professionnelles considère que, dans le présent cas, la travailleuse bénéficie de la présomption prévue par l’article 29 de la loi et qu’elle est donc présumée atteinte d’une maladie professionnelle.
[28.] Aucune preuve visant à renverser cette présomption n’a été présentée. En effet, aucune preuve n’a démontré que le mélange humide de compost, vermiculite et engrais ou les pousses elles-mêmes étaient exemptes de staphylocoques.
[29.] POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
· ACCUEILE l’appel de la travailleuse ;
· INFIRME la décision du Bureau de révision Mauricie - Bois-Francs du 25 mars 1998 ;
ET
· DÉCLARE que la travailleuse a été atteinte d’une maladie professionnelle le ou vers le 30 juin 1997.
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André Gauthier |
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Commissaire |
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JEAN PHILIBERTA.T.T.A.M. 1300, rue Notre-Dame, # 208 Trois-Rivières (Québec) G9A 4X3 |
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Représentant de la partie requérante |
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MARJOLAINE LANGLAISCREVIER, ROYER 875, Grande-Allée Est, section 1-A Québec (Québec) G1R 5R8 |
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Représentante de la partie intéressée |
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AVIS :
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