Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

J.L. et Compagnie A

2012 QCCLP 4022

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

27 juin 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

385035-71-0907-R

 

Dossier CSST :

134608256

 

Commissaire :

Monique Lamarre, juge administratif

 

Membres :

Christian Tremblay, associations d’employeurs

 

Bruno Lefebvre, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

J... L...

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

[Compagnie A]

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 26 avril 2011, [Compagnie A] (l’employeur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révocation à l’encontre d’une décision rendue par cette instance, le 3 mars 2011.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la contestation de la madame J... L... (la travailleuse) et déclare qu’elle a subi une lésion professionnelle le 14 novembre 2008.

[3]           Une audience sur la requête en révocation se tient à Montréal, le 19 janvier 2012, en présence des deux parties qui sont représentées. Un délai est accordé au représentant de l’employeur pour produire une preuve supplémentaire et, au besoin, des arguments additionnels. Un délai est également accordé à la représentante de la travailleuse pour produire aussi des arguments additionnels, le cas échéant. Le dernier de ces documents est reçu à la Commission des lésions professionnelles le 8 février 2012 et la cause est prise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 3 mars 2011 et de convoquer de nouveau les parties pour une nouvelle audience portant sur le fond de la contestation.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis qu’il y a lieu de révoquer la décision. En effet, ils retiennent de la preuve prépondérante que l’employeur n’a pas reçu d’avis de convocation d’audience à cause d’une erreur administrative de la Commission des lésions professionnelles. Ils considèrent qu’il s’agit d’une raison suffisante expliquant pourquoi l’employeur n’a pu se faire entendre.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 3 mars 2011.

[7]           De façon préliminaire, il y a lieu de préciser que la preuve non contredite démontre que la décision de la Commission des lésions professionnelles a été reçue par l’employeur, le 30 mars 2011. Dans ce contexte, la requête en révocation, datée du 26 avril 2011, est déposée en deçà d’un délai de 45 jours, ce qui respecte le délai raisonnable prévu au premier alinéa de l'article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) qui se lit ainsi:

429.57. Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien. Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.

 

(…)

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

[8]           Par ailleurs, sur le fond de la requête, l’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.

____________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[9]           Cependant, le législateur a prévu à son article 429.56 de la loi que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans certains cas. Cette disposition se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        Le recours en révision et en révocation s’inscrit dans le contexte de l’article 429.49 de la loi qui prévoit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 est établi.

[11]        Dans le présent cas, l’employeur demande la révocation de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles au motif qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes en vertu du deuxième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi.

[12]        Selon la jurisprudence[2], il revient au tribunal d’apprécier la preuve et de décider si des raisons suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pas pu se faire entendre. Les raisons invoquées doivent être sérieuses et il ne doit pas y avoir eu de négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre. Par ailleurs, la règle qui doit toujours guider le tribunal, à cet égard, est le respect des règles de justice naturelle.

[13]        La preuve au dossier démontre que, le 6 février 2009, la travailleuse qui est gardienne de sécurité chez l’employeur soumet une réclamation à la CSST, pour faire reconnaître que sa lésion psychologique est reliée à du harcèlement subi au travail et qu’elle constitue donc une lésion professionnelle survenue le 14 novembre 2008.

[14]        Le 9 avril 2009, la CSST rend une décision initiale par laquelle elle refuse la réclamation de la travailleuse, ce qui est confirmé par celle rendue à la suite d’une révision administrative, en date du 12 juin 2009.

[15]        Le 27 juillet 2009, la travailleuse en appelle de cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.

[16]        Il apparaît du dossier que, dans une lettre datée du 29 juillet 2009, l’employeur est informé par la Commission des lésions professionnelles qu’une contestation a été déposée par la travailleuse. L’adresse de l’employeur est alors située sur la rue A à Ville A.

[17]        Une audience a lieu devant la Commission des lésions professionnelles le 21 février 2011. Sur le procès-verbal de l’audience, il y est indiqué que l’employeur est fermé. Il en est de même sur la page titre de la décision.

[18]        La Commission des lésions professionnelles rend sa décision le 3 mars 2011.

[19]        Lors de l’audience devant le tribunal siégeant en révision, le représentant de l’employeur, monsieur N..., déclare qu’il a reçu un accusé de réception de la contestation du travailleur. Puis, au mois de février 2010, il a reçu par la Commission des lésions professionnelles une lettre de la travailleuse datée du 28 janvier 2010 informant le tribunal de sa non-disponibilité pour la période du 1er février au 9 mars 2010.

 

[20]        Il déclare qu’en septembre 2010, l’employeur est déménagé sur le chemin A, à Ville B. Il ne peut affirmer s’il a alors informé immédiatement la Commission des lésions professionnelles de son changement d’adresse. Cependant, il indique qu’il y avait un suivi du courrier par la Société canadienne des postes. De surcroît, il se rappelle que, vers septembre 2010, il a téléphoné à la Commission des lésions professionnelles pour savoir si le dossier de la travailleuse était fermé puisqu’il trouvait étrange qu’une date d’audience ne soit pas encore fixée. Dans le cadre de cet appel, il en a profité pour mettre à jour les informations que détenait la Commission des lésions professionnelles relativement à ses coordonnées et notamment quant à sa nouvelle adresse. Puis, on l’a informé qu’aucune date d’audience n’était encore fixée.

[21]        Monsieur N... déclare que, par la suite, il n’a pas reçu d’autre correspondance de la Commission des lésions professionnelles ni d’avis d’audience.

[22]        Monsieur N... déclare que, peu de temps après le 18 mars 2011, il reçoit un avis de la CSST imputant l’employeur des coûts pour une lésion professionnelle subie par la travailleuse.

[23]        Il a alors communiqué avec son représentant de mutuelle, monsieur Casella pour lui demander comment il pouvait être imputé des coûts alors qu’il n’y avait jamais eu d’audience dans le dossier. C’est dans ce contexte que, par la suite, il a su qu’une audience avait eu lieu le 21 février 2011, que la décision du 3 mars 2011 avait été rendue et qu’il a logé la présente requête en révocation.

[24]        Dans le cadre du contre-interrogatoire de monsieur N..., l’avocate de la travailleuse tente de faire ressortir que l’employeur a été négligent en n’informant pas la Commission des lésions professionnelles de son changement d’adresse.

[25]        La travailleuse témoigne également à l’audience devant le tribunal siégeant en révision. Il ressort de son témoignage qu’elle a été diligente dans le suivi de son dossier

[26]        Elle déclare que pour fixer la date d’audience, elle a reçu un appel de la Commission des lésions professionnelles pour lui demander si la date du 21 février 2011 lui convenait. On lui a alors dit qu’on appellerait l’employeur pour vérifier si cette date lui convenait également. Par la suite, la Commission des lésions professionnelles l’a rappelée pour lui dire que tout était correct pour l’audience et qu’elle recevrait un avis de convocation. Elle affirme avoir reçu un avis de convocation, mais précise qu’elle ne l’a plus puisque c’est l’avocate qui la représentait à l’époque qui l’a conservé.

 

[27]        Lors de l’audience, le tribunal siégeant en révision a soumis aux parties une copie des notes évolutives du dossier informatique de la Commission des lésions professionnelles (TDA). Le 12 janvier 2011, une première annotation est faite selon laquelle l’établissement de l’employeur est fermé « sans lien continuateur » et que la source de cette information provient du « portrait de l’employeur ». Le 29 mars 2011, après que la décision ait été rendue, une autre note indique qu’une correction est apportée à la note du 12 janvier 2011, que l’établissement de l’employeur n’est pas fermé, mais qu’il a une nouvelle adresse sur le chemin A, à Ville B.

[28]        À la fin de la présente audience, un délai a aussi été accordé au représentant de l’employeur afin qu’il produise l’avis de changement d’adresse à la CSST. Finalement, cette preuve démontre que ce n’est pas en septembre 2010 que l’employeur a déménagé, mais bien en septembre 2009.

[29]        Tenant compte de la preuve soumise, la Commission des lésions professionnelles retient que l’employeur n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes et qu’il n’a pas renoncé implicitement par sa négligence à son droit d’être entendu, tel que le prétend la travailleuse.

[30]        En effet, la preuve démontre que, en janvier 2011, après une vérification non pas auprès de l’employeur, mais à partir du système informatique appelé « portrait de l’employeur », la Commission des lésions professionnelles a considéré à tort que l’employeur était fermé. C’est vraisemblablement cette erreur qui explique la raison pour laquelle l’employeur n’a jamais été convoqué à l’audience.

[31]        La travailleuse tente de démontrer que l’employeur a été négligent en n’effectuant pas son changement d’adresse. Cependant, d’une part, le tribunal siégeant en révision retient plutôt du témoignage crédible du représentant de l’employeur qu’il a été diligent en faisant un suivi du dossier vers le mois de septembre 2010 et qu’il a alors informé la Commission des lésions professionnelles verbalement de son changement d’adresse. De plus, il n’est pas démontré qu’il y a eu un retour de courrier de l’avis de convocation, mais bien qu’aucun avis de convocation n’a jamais été envoyé à l’employeur puisqu’il était considéré fermé.

[32]        Dans un tel contexte, le tribunal est d’avis que le fait que l’employeur n’ait pas été convoqué ne résulte pas de sa négligence, mais d’une erreur administrative du tribunal qui ne peut lui être imputée.

[33]        Ainsi, le tribunal conclut que l’employeur a démontré qu’il n’a pu se faire entendre pour des raisons jugées suffisantes. Il y a lieu de révoquer la décision rendue le 3 mars 2011 et de convoquer les parties pour qu’elles soient entendues sur le bien-fondé de la contestation de la travailleuse déposée le 27 juillet 2009.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de [Compagnie A], l’employeur;

RÉVOQUE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 3 mars 2011;

CONVOQUERA de nouveau les parties à une audience pour statuer sur le fond de la contestation de madame J... L..., la travailleuse, qu’elle a déposée le 27 juillet 2009.

 

 

 

 

 

Monique Lamarre

 

 

 

 

Me Ioana Tudor

BRUNO BÉGIN AVOCAT

Représentante de la partie requérante

 

 

Monsieur Pierre Casella

MUTU-A-GEST INC.

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Imbeault et S.E.C.A.L., C.L.P. 84137-02-9611, 24 septembre 1999, M. Carignan; Viandes du Breton inc. et Dupont, C.L.P. 89720-01A-9707, 18 décembre 2000. M. Carignan; Garcia-Cocina et Bombardier Aéronautique inc., C.L.P. 344341-71-0804, 17 septembre 2009, S. Sénéchal.

AVIS :
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