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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 7 janvier 2005, monsieur Claude-Pierre Dieudonné (le travailleur), dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue en révision[1] par la Commission des lésions le 25 novembre 2004.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête en révision déposée par monsieur Dieudonné, le 7 mai 2004, à l’encontre d’une décision datée 29 avril 2004[2]. Dans cette dernière décision, on rejette la requête de monsieur Dieudonné, confirme la décision conjointe rendue le 20 septembre 2002 par la Commission de la santé et sécurité du travail (la CSST) et par la Société d’assurance automobile du Québec (la SAAQ).
[3] Une audience a lieu, à Montréal, le 27 octobre 2005 à laquelle assiste monsieur Dieudonné non représenté.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue en révision le 25 novembre 2004.
LES FAITS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE
[5] Monsieur Dieudonné demande d’accueillir sa requête en révision et de réviser la décision rendue en révision par la Commission des lésions professionnelles le 25 novembre 2004.
[6] Monsieur Dieudonné soutient que cette décision en révision contient des erreurs en ce que la Commission des lésions professionnelles a rejeté sa première requête en révision alors qu’elle aurait dû réviser sa décision initiale rendue le 29 avril 2004 afin de reconnaître sa récidive, rechute ou aggravation du 15 juin 1998.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Conformément à l'article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[3], la soussignée fait état de l'avis des membres nommés en vertu de l'article 374 ainsi que des motifs de cet avis.
[8] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis de considérer que la requête en révision de monsieur Dieudonné a été déposée dans un délai raisonnable.
[9] Toutefois, ils estiment qu'il y a lieu de ne pas accueillir sa requête puisque tous les motifs soulevés par celui-ci lors de la présente requête en révision sont les mêmes que ceux mentionnés dans sa première requête en révision. Or, ces motifs allégués ont fait l’objet d’une décision rendue en révision le 25 novembre 2004 les ayant tous rejetés, vu l’absence d’erreurs manifestes et déterminantes contenues dans la décision initiale du 29 avril 2004.
[10] Au surplus, ces deux membres estiment que monsieur Dieudonné n'a pas démontré que la décision rendue en révision le 25 novembre 2004 contenait des erreurs manifestes et déterminantes sur l’issue du litige. Comme celui-ci désire une nouvelle appréciation de la preuve à partir des mêmes éléments de preuve, son recours en révision doit être rejeté.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[11] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision qu'elle a rendue le 25 novembre 2004 à la suite d’un premier recours en révision.
[12] La Commission des lésions professionnelles estime la requête en révision déposée par monsieur Dieudonné, considérant le délai d’acheminement postal normal, comme étant recevable puisque déposée dans un délai raisonnable.
[13] L’article 429.56 de la loi énonce des motifs bien précis pour demander la révision d'une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles. Ceci s’explique du fait que les décisions sont finales et sans appel, comme le rappelle l'article 429.49 de la loi.
[14] Lors du présent recours en révision, qui est le deuxième de même nature, monsieur Dieudonné énumère une liste d’erreurs, à la fois dans sa requête et lors de l'audience.
[15] Or, la soussignée a été en mesure de constater que ces erreurs, relevées par monsieur Dieudonné au soutien du présent recours en révision, sont les mêmes que celles soulevées lors de son premier recours en révision ayant amené la décision en révision par madame la commissaire Nadeau présentement attaquée.
[16] Ces erreurs identiques dans les deux recours en révision déposés par monsieur Dieudonné ont ainsi été énumérées par la commissaire Nadeau en révision :
[9] Dans le présent dossier, le travailleur allègue différentes erreurs qui peuvent être analysées en vertu du 3e paragraphe de l’article 429.56 de la loi qui permet la révision lorsque la décision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. (…)
[…]
[15] Dans sa requête en révision et à l’audience, le travailleur fait valoir certains éléments concernant le fait que sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation soit hors délai. Il invoque le fait que la CSST n’a jamais donné suite au rapport d’évaluation médicale du Dr Brasseur de 1998 et il réfère le Tribunal aux nombreuses lettres et demandes qu’il a faites à ce sujet. (…)
[16] Le travailleur allègue également que ce n’est pas la reconnaissance d’une rechute qu’il recherche mais la reconnaissance d’une aggravation de ses séquelles et il réfère au rapport d’évaluation médicale du Dr Brasseur. […]
[…]
[19] Lors de la présente audience, le travailleur invoque que la CSST était liée par l’évaluation du Dr Brasseur en vertu des articles 212 et 224 de la loi puisqu’elle n’a pas été contestée dans les 30 jours : (…)
[20] Il fait valoir que c’est ainsi que la Commission d’appel a conclu en 1993 et soutient que l’évaluation du Dr Brasseur lui reconnaissait une aggravation de 4 %.
[…]
[25] Le travailleur allègue également qu’il souffre de douleurs chroniques. (…)
(nos soulignés)
[17] La commissaire Nadeau en révision, après l’analyse de la décision du 25 novembre 2004 (rendue par la commissaire Dion Drapeau) dont elle est saisie, examine et dispose ainsi de chacune des « erreurs » alléguées par monsieur Dieudonné :
[16] Le travailleur allègue également que ce n’est pas la reconnaissance d’une rechute qu’il recherche mais la reconnaissance d’une aggravation de ses séquelles et il réfère au rapport d’évaluation médicale du Dr Brasseur. Or la première commissaire a très bien compris sa prétention puisqu’elle écrit ceci :
[79] Le travailleur ne prétend pas que le 15 juin 1998, il a une subi une récidive ou une rechute de sa lésion professionnelle, dans le sens d’une exacerbation aiguë de sa hernie discale L4-L5 lui causant une incapacité, totale mais temporaire, d’exercer son travail. Non. Le travailleur prétend plutôt que ce sont les séquelles permanentes qui se sont aggravées et ce, depuis 1994, avec une augmentation des raideurs à sa colonne vertébrale. Cette aggravation lui entraîne, comme l’indique son médecin dans son rapport d’évaluation médicale de septembre 1998, des limitations fonctionnelles plus sévères que celles qu’il lui avait reconnues en novembre 1988, soit dix ans plus tôt.
[17] Puis elle procède à la comparaison de l’état du travailleur en 1998 avec son état antérieur et, pour l’état antérieur, elle réfère aux évaluations du Dr Brasseur en 1988 (pour la lésion professionnelle) et du Dr Maillé en 1985 (pour l’accident d’auto). Elle conclut alors :
[84] On ne peut que constater, des deux tableaux de séquelles précitées, que le pourcentage de déficit anatomo-physiologique qui a déjà été accordé au travailleur correspond tout à fait aux séquelles actuelles du travailleur. Il n’y a donc pas d’aggravation de l’atteinte permanente chez le travailleur.
[18] Elle retient également que certains éléments de preuve démontrent plutôt une amélioration de la condition du travailleur (résonance magnétique de janvier 1998 et évolution de l’ankylose du rachis lombaire). Elle note de plus la contribution d’une condition dégénérative chez le travailleur qui est âgé de plus de 60 ans. Elle conclut ainsi que la preuve n’a pas démontré une aggravation permanente de la condition lombaire et cervicale du travailleur en 1998.
[…]
[20] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision ne constate aucune erreur à ces sujets.
[21] D’une part, une première distinction doit être faite avec la décision rendue en 1993. À ce moment-là, la Commission d’appel devait disposer des aspects médicaux d’une lésion professionnelle déjà reconnue. Ayant constaté des irrégularités dans la procédure d’arbitrage médical, elle a conclu que la CSST était liée par les conclusions du Dr Brasseur, médecin qui a charge. Dans le présent dossier, la première commissaire devait se prononcer sur l’existence d’une lésion professionnelle soit une récidive, rechute ou aggravation. Il ne s’agit pas là d’une question médicale prévue à l’article 212 sur laquelle la CSST est liée par le médecin traitant mais d’une question mixte de droits et de faits. La mention par le médecin d'une aggravation est une opinion qui n'est pas liante au sens de l'article 224. Ce principe bien établi par la jurisprudence de la Commission d’appel et de la Commission des lésions professionnelles a été réitéré par la Cour d’appel tout récemment2.
[…]
[23] D’autre part, dans l’analyse de la preuve, pour apprécier s’il y avait ou non aggravation des séquelles, la première commissaire a apprécié le rapport du Dr Brasseur mais elle a également pris en compte les séquelles antérieures découlant de l’accident d’auto, ce que le Dr Brasseur avait omis de faire. Le Dr Brasseur évaluait les séquelles actuelles à 17 % et les séquelles antérieures à 13 %. Cependant il n’a pas considéré les séquelles de l’accident d’automobile dans l’évaluation des séquelles antérieures, ce qu’il devait faire. La première commissaire en tient compte ce qui amène l’évaluation des séquelles antérieures à 17 % (voir les paragraphes 81 et 82 de sa décision), d’où sa conclusion qu’il n’y a pas d’aggravation d’atteinte permanente chez le travailleur. Signalons d’ailleurs que dans la décision de 1993, à laquelle réfère le travailleur, la Commission d’appel avait dû procéder à la même correction afin de rendre l’évaluation conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels3.
[24] Le travailleur fait valoir certains rapports radiologiques déjà versés au dossier et dépose même le rapport d’une nouvelle résonance magnétique effectuée le 7 juillet 2004, soit postérieurement à la décision de la Commission des lésions professionnelles. Le recours en révision ne permet pas de compléter la preuve. La soussignée a tout de même examiné le rapport en question qui révèle, suivant le radiologiste, une spondylo-discarthrose multiétagée de L1 à L5. Cela confirme simplement ce que la première commissaire a retenu de la preuve, soit le fait que le travailleur est porteur d’une maladie discale dégénérative multiétagée au niveau du rachis lombosacré (voir paragraphes 88 et 89 de sa décision).
[25] Le travailleur allègue également qu’il souffre de douleurs chroniques. Cela est noté au dossier depuis fort longtemps (déjà en 1988) mais ne fait pas pour autant la preuve d’une détérioration ou d’une aggravation de sa condition.
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2. CSST c. Bélair, C.A. Montréal, 500-09-014207-047, 28 mai 2004, jj. Mailhot, Baudoin, Pelletier (04LP-49)
3. (1987) 119 G.O. II, 5576.
[18] À la suite de l’analyse de la décision du 29 avril 2004, la commissaire Nadeau en révision conclut, à juste titre d'ailleurs de l'avis de la soussignée, le 25 novembre 2004, qu’il n’y a pas ouverture à la révision, selon le motif prévu au troisième paragraphe de l'article 429.56 de la loi vu l’absence d’erreurs déterminantes sur l’objet du litige. C’est en effet ainsi que la jurisprudence[4] a interprété la notion de vice de fond de nature à invalider la décision prévue à ce paragraphe.
[19] À la suite de la lecture de la décision rendue en révision par la commissaire Nadeau, la soussignée conclut qu’il n’y a aucune erreur déterminante sur l’issue du litige. Au contraire, sa conclusion est justifiée et s’appuie sur une analyse rigoureuse de la décision initiale. Enfin, ses motifs sont énoncés de façon claire, précise et cohérente et ne justifie pas d’intervention en révision lorsqu’elle pose la conclusion suivante:
[26] La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision considère que tous les éléments allégués par le travailleur concernent essentiellement la façon dont la première commissaire a apprécié la preuve. Or la lecture de la décision du 29 avril 2004 révèle que la première commissaire a procédé à une analyse complète de la preuve soumise par le travailleur. Elle a même procédé à une réouverture d’enquête pour écouter l’enregistrement d’une audience tenue dans un autre dossier7 afin de vérifier les prétentions du travailleur et déterminer si le rapport d’évaluation médicale du Dr Brasseur avait été pris en considération à cette occasion en relation avec la réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation en septembre 1997. Le travailleur a pu transmettre ses commentaires à ce sujet (envoi du 16 décembre 2003) et a donc pu faire valoir son point de vue.
[27] Le Tribunal constate que le travailleur est insatisfait de la décision rendue mais conclut qu’il n’y a pas lieu de réviser la décision rendue le 29 avril 2004. Le travailleur n’a pas démontré d’erreurs manifestes et déterminantes pouvant permettre la révision. Il est bien établi que le recours en révision ne permet pas au Tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle retenue par un premier commissaire.
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7. C.L.P. 100237-62-9804, 16 novembre 1998, Y. Tardif.
[20] En somme, de l'avis de la soussignée, puisque les « erreurs » soulevées par monsieur Dieudonné concernent la première décision initiale de la commissaire Dion Drapeau sont les mêmes que celles ayant fait l'objet d'une première révision refusée par la commissaire Nadeau, il y a lieu de déclarer non fondée la présente requête en révision. En effet, lors d’un premier recours en révision, la commissaire Nadeau a examiné toutes les erreurs soulevées par celui-ci et ne les a pas retenues comme constituant des erreurs déterminantes sur l’issue du litige, d’où le rejet de la première révision.
[21] Par ailleurs, comme monsieur Dieudonné n'a pas démontré dans la décision en révision de la commissaire Nadeau, dont était saisie la soussignée, la présence d’autres erreurs manifestes et déterminantes, ni fait valoir aucun autre motif au sens de l'article 429.56 de la loi pour en permettre la révision, il y a lieu de rejeter sa deuxième requête en révision du 17 janvier 2005.
[22] La soussignée est d’avis qu’il est manifeste qu’en présentant sa deuxième requête en révision que monsieur Dieudonné, tout comme lors de son premier recours en révision, désire une nouvelle appréciation de la preuve dans le but d’obtenir une décision qui lui est favorable.
[23] Or, tout comme l'a soulignée à juste titre la commissaire Nadeau dans sa décision en révision, dont monsieur Dieudonné demande la révision, ce recours ne peut servir pour reprendre l’examen de la preuve soumise par les parties lors de l’audience initiale.
[24] C’est en effet ce que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[5] a énoncé à maintes reprises, à savoir qu'on ne peut accueillir une requête en révision pour décider différemment du premier commissaire au seul motif que la preuve soumise peut s’apprécier autrement ou différemment. Le commissaire qui agit ainsi s’expose à être révisé puisqu’il a alors assumé le rôle d’un tribunal d’appel. La jurisprudence des tribunaux supérieurs[6] abonde dans le même sens, voulant que la nature du recours en révision ne permette pas la substitution d’une appréciation de la preuve à celle de la première commissaire.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par monsieur Claude-Pierre Dieudonné.
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Doris Lévesque |
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Commissaire |
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[1] Rendue par madame la commissaire Lucie Nadeau.
[2] Rendue par madame la commissaire Francine Dion Drapeau.
[3] L.R.Q., c. A-3.001.
[4] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .
[5] Notamment dans l’affaire Magasin Laura PV inc. et CSST, C.L.P. 76356-61-9601, 15 février 1999, S. Di Pasquale; Gaumond et Centre d’hébergement St-Rédempteur inc. [2000] C.L.P. 346 .
[6] Vincenzo Fierimonte et C.L.P., C.S. Montréal 500-05045146-980, 11 décembre 1998, monsieur le juge Lebel; Sivaco - Québec c. C.A.L.P. et C.S.S.T., C.S. Montréal 500-05-035213-972, 16 juin 1998, monsieur le juge P. Dalfond.