COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 19 janvier 1998 DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Bernard Lemay DE MONTRÉAL RÉGION: ÎLE-DE-MONTRÉALAUDIENCE TENUE LE: 15 décembre 1997 DOSSIER: 87879-60B-9704 DOSSIER CSST: 11031 0166 DOSSIER BR: 6236 6465À: Montréal MONSIEUR THIERRY RAUCK 5090, rue Notre-Dame, app. 206 Laval (Québec) H7W 1V7 PARTIE APPELANTE et ST-MARTIN SHELL 2000 Direction des ressources humaines 1625, boul. St-Martin Ouest Laval (Québec) H7S 1N1 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 18 avril 1997, monsieur Thierry Rauck (le travailleur) dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 10 mars 1997 par le Bureau de révision de la région de l'Île-de-Montréal (le bureau de révision).Par sa décision unanime, le bureau de révision confirme la décision rendue le 17 octobre 1996 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) qui, à cette dernière date, détermine que le travailleur est capable d'exercer son emploi depuis le 16 octobre 1996 et qu'il n'a donc plus droit à de l'indemnité de remplacement du revenu.
Bien que dûment convoqué par courrier certifié reçu le 18 juillet 1997, St-Martin Shell 2000 (l'employeur) est absent à l'audition, ni représenté.
OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du 10 mars 1997 du bureau de révision, de déclarer qu'il a droit à la poursuite du versement d'une indemnité de remplacement du revenu jusqu'au 31 juillet 1997, fondée sur son incapacité à exercer son emploi pré-accidentel de pompiste, de reconnaître l'existence d'une atteinte permanente de 8.20 % à son intégrité physique et de conclure à l'existence de limitations fonctionnelles lui résultant de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995, identifiées comme étant celles d'éviter de courir et de s'agenouiller.
LES FAITS Le 18 septembre 1995, alors qu'il est au service de l'employeur depuis environ un an et y agit à titre de pompiste, le travailleur, selon une demande d'indemnisation dont la Commission reconnaîtra le caractère professionnel le 19 octobre suivant à titre d'accident du travail, déclare s'infliger une fracture segmentaire tibiale gauche lorsque sa jambe gauche demeure coincée entre un coffre à outils et le pare-chocs d'une automobile en mouvement.
Dans un rapport final du 28 août 1996, le docteur Eric Renaud qui est chirurgien-orthopédiste et médecin ayant charge du travailleur depuis le 4 octobre 1995, confirme le diagnostic de fracture du tibia gauche, lésion qu'il consolide à la date de son rapport, avec atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur et limitations fonctionnelles qu'il évalue comme suit dans son rapport d'évaluation médicale du 18 septembre 1996, à la suite d'un examen physique du 6 septembre précédent: «1.DIAGNOSTIC PREEVALUATION: Status post-fracture segmentaire du tibia gauche.
2. PLAINTES ET PROBLEMES RELIES A LA LESION PROFESSIONNELLE: Il s'agit d'un homme de 25 ans. Le 18 septembre 1996, alors qu'il dirigeait un client qui entrait son auto dans le garage, ce dernier aurait fait une fausse manoeuvre en mettant le pied sur l'accélérateur au lieu de freiner ce qui a occasionné un coup direct à M. Rauck qui a été coincé entre son coffre à outils et le pare-choc de l'automobile.
(...) Nous avons redirigé le patient en physiothérapie et lors de la dernière évaluation, soit le 28 août 1996, nous avons noté un plateau dans les traitements. A ce moment, le patient se plaignait toujours d'une douleur à la pointe de la rotule mais nettement diminuée. Il était capable de faire une marche prolongée. Il utilisait toujours une canne mais pour le confort. Il ne sentait aucune instabilité résiduelle. Le patient ne faisait usage d'aucune médication.
(...) 5. EXAMEN PHYSIQUE: Il s'agit d'un homme mesurant 1 mètre 80 et pesant 75.6 kilos. Il collabore bien à l'examen. Il semble peu souffrant pendant l'entrevue.
Tout d'abord à l'inspection, on note un patient qui marche sans boiterie et sans utilisation d'orthèse ni d'aide à la marche.
L'inspection révèle une cicatrice de 5 cm x 1 cm au niveau de la partie inférieure du genou. En proximal, on note une cicatrice de 4 cm x 0.3 cm site du verrouillage et deux cicatrices distalement de 1.5 cm x 0.5 cm et 1 cm x 0.2 cm.
On réveille une légère douleur à la palpation du tendon rotulien. Les interlignes et la rotule sont silencieux. On ne note aucun épanchement intra- articulaire . Il n'y a aucune instabilité ou évidence d'atteinte méniscale.
L'extension est élevée à 0 pour une flexion à 140 . Au niveau de la cheville, la flexion est évaluée à 30 pour une dorsi-flexion à 10 .
L'inversion et l'éversion sont respectivement de 20 et 10 . L'examen du mid tarse est sans particularité.
Les mensurations au niveau des cuisses sont respectivement à 50 cm et 48.5 cm droite-gauche et ce mesuré à 15 cm au-dessus du pôle supérieur de la rotule, au niveau des mollets les mensurations sont respectivement de 34.5 cm et 34 cm droite-gauche et ce mesuré à 15 cm en-dessous du pôle inférieur de la rotule.
6. EXAMENS DE LABORATOIRE, RADIOGRAPHIES OU AUTRES EXAMENS: Les dernières radiographies ont démontré une consolidation du fragment distal en bonne position, une consolidation partielle du fragment proximal avec toujours un petit décalage de 5 mm en antérieur de (...). On sent la proéminence à l'examen physique au niveau du tiers proximal du tibia.
(...) 9. SEQUELLES GENANT LE TRAVAILLEUR A SON TRAVAIL: Compte tenu d'une fracture avec guérison sans complication, aucune instabilité ni limitation au niveau du genou et de la cheville, je ne suggère aucune limitation fonctionnelle au niveau du membre inférieur gauche.
(...) 11.CONCLUSION: Il s'agit donc d'un patient qui présente une bonne évolution malgré certaines complications locales, c'est-à-dire un clou proéminent et une consolidation partielle du fragment proximal.
Le patient ne présente aucune limitation fonctionnelle à ce stade-ci, il n'y a plus de nécessité de porter son orthèse.
12.BILAN DES SEQUELLES: Séquelles antérieures Aucune.
Séquelles actuelles Fracture des deux os de la jambe avec réduction chirurgicale consolidée sans séquelle fonctionnelle avec ou sans changement radiologique 103186 0% Préjudice esthétique Cicatrices vicieuses membre inférieur, 1% x cm2 6.7 cm2 224402 6.7%» (sic) Le 17 octobre 1996, la Commission entérine l'évaluation du docteur Renaud, à laquelle elle ajoute .90 % pour «douleurs et perte de jouissance de la vie», donnant ainsi droit à une indemnité forfaitaire pour dommages corporels au montant de 5 070.80 $ pour, par la suite, aviser le travailleur qu'elle le considère capable d'exercer son emploi depuis le 16 octobre 1996, mettant ainsi fin à son indemnité de remplacement du revenu.
Le 14 octobre 1996, le travailleur conteste ces deux décisions de la Commission, faisant valoir ce qui suit: «En effet, l'emploi que j'exerçais à la Station-Service St-Martin Shell 2000 le jour de mon accident était un emploi temporaire en attendant de trouver un poste dans le domaine où j'ai étudié, c'est-à-dire l'archéologie et pour lequel je détiens une maîtrise. Or, à la suite de mon accident, il se trouve que je ne peux plus me mettre à genoux sans que cela m'occasionne de fortes douleurs, ce qui représente un gros handicap pour les fouilles archéologiques.» Saisi de la contestation du travailleur à l'encontre des décisions du 17 octobre 1996 de la Commission, le bureau de révision prononce le 10 mars 1997 la décision dont appel, après que le travailleur lui eût déposé les documents médicaux suivants, à savoir: - une lettre du 14 octobre 1996 par le docteur Marie-Hélène Louzon, radiologiste, qui informe le docteur Yves Nicourt avoir pris une radiographie de la jambe gauche de face et de profil afin d'effectuer un contrôle de la fracture du fût tibial. Elle note la persistance d'une ligne claire en regard du foyer de fracture et l'absence de cal osseux à la partie antérieure; - une lettre du 6 novembre 1996 par le docteur Gérard Pouget, orthopédiste, qui émet l'opinion voulant que la radiographie précitée démontre la présence d'une pseudarthrose serrée, laquelle peut guérir spontanément mais en plusieurs mois. Le travailleur mentionne au docteur Pouget qu'il marche sans difficulté mais lorsqu'il fait des efforts, il éprouve des douleurs au niveau du foyer de fracture supérieur. Le docteur Pouget termine en écrivant que «tout est compliqué par le fait qu'il [le travailleur] est archéologue à la recherche d'un premier emploi. Pour l'instant, il ne peut pas travailler». Le docteur Pouget envisage un nouvel enclouage pour protéger le tibia et demande de nouvelles radiographies; - un bilan radiologique fait le 9 janvier 1997 par le docteur Franck Piollet, des genoux et de la jambe gauche (face et profil) du travailleur; - un certificat émis par le docteur Pouget le 31 janvier 1997, se lisant comme suit: «Je soussigné avoir examiné Thierry RAUCK, 27 ans, qui me dit avoir été victime d'un accident avec fracture du tiers moyen de la jambe gauche en septembre 95. Fracture qui a été enclouée. Le clou a été retiré le 31 mai 1996, soit 7 mois après la première intervention.
Il a été vu en consultation le 6 novembre 1996 avec des douleurs à l'appui lors de la marche. La radio montrait une pseudarthrose serrée du tibia, avec absence de cal sur la corticale antérieure.
Aujourd'hui, il persiste une douleur à l'appui lors de la marche. La course est impossible. Les radios montrent toujours l'existence d'une pseudarthrose serrée du tiers moyen avec radiologiquement évolution favorable par rapport aux clichés d'il y a 3 mois.» (sic) MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider en l'instance, en relation avec la lésion professionnelle dont le travailleur a été victime le 18 septembre 1995, du pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur, de l'existence de limitations fonctionnelles chez ce dernier et de leur évaluation, et du droit par le travailleur à de l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'au 31 janvier 1997.
Les articles 1 , 204 , 206 , 212 , 221 , 224 , 224.1 et 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) régissent le présent débat. Ils se lisent comme suit: 1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion. la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants: 1 le diagnostic; 2 la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion; 3 la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits; 4 l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur; 5 l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette au Bureau d'évaluation médicale prévu par l'article 216.
221. L'arbitre, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur, relativement aux sujets mentionnés au paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212.
224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.
Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.
La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision par un bureau de révision constitué en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de l'article 256 ou du premier alinéa de l'article 365.2, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Ces paramètres étant établis, qu'en est-il tout d'abord de la question de l'atteinte permanente à l'intégrité physique du présent travailleur? Le législateur n'a pas prévu qu'un travailleur puisse demander une révision d'une décision de la Commission quand celle-ci vient confirmer les conclusions du médecin ayant charge de ce même travailleur (arts. 224 et 358). Il ne s'agit pas ici d'un oubli de sa part auquel on pourrait, par souci de gros bon sens ou d'équité, tenter de remédier en tenant compte de l'objet même de la loi (art. 1) et en s'appuyant sur une interprétation large et libérale.
Le législateur, bien au contraire, a effectué un choix. Au coeur de l'important chapitre de la procédure d'évaluation médicale (arts. 199 à 225), s'inscrit un principe clair: la Commission est liée par les conclusions du médecin qui a charge d'un travailleur dans la mesure où ses conclusions portent sur une question d'ordre médical, soit l'un ou l'autre des cinq sujets mentionnés à l'article 212 de la loi.
Le législateur a prévu une contestation possible des conclusions du médecin ayant charge, mais cette contestation n'est ouverte qu'à l'employeur (art. 212) ou à la Commission (art. 206). Seul l'avis d'un membre du Bureau d'évaluation médicale, à l'issue d'une telle contestation, peut délier la Commission des conclusions du médecin ayant charge du travailleur et, à son tour, lier la Commission (art. 224.1).
Cela étant dit, le travailleur en l'instance ne conteste pas que le docteur Renaud était le 6 septembre 1996 son médecin ayant charge pour les fins de l'évaluation de son atteinte permanente à l'intégrité physique, de même que de ses limitations fonctionnelles. En demandant la révision de la première décision du 17 octobre 1996 de la Commission portant sur le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur, ce dernier, à première vue, tente d'exercer un recours non prévu et non voulu par le législateur car, dans les faits, il conteste une décision que la Commission a prononcée conformément à l'article 224 de la loi, laquelle entérine l'évaluation non contestée faite par le médecin ayant charge, le docteur Renaud. La Commission d'appel est par contre d'avis qu'un pourcentage d'atteinte permanente accordé à un travailleur doit être conforme aux prescriptions d'ordre public du Règlement sur le barème des dommages corporels1 et, qu'à ce titre, un travailleur peut être bien fondé de demander la révision d'une décision rendue sur ce sujet par la Commission, en vertu de l'article 224 de la loi. Le médecin ayant charge peut en effet avoir omis d'attribuer un déficit anatomo-physiologique correspondant à une atteinte permanente dont son rapport fait expressément mention ou avoir commis une erreur d'écriture ou d'interprétation d'ordre technique dans l'application du règlement.
En l'espèce, le travailleur plaide que le docteur Renaud aurait commis une erreur d'écriture ou d'interprétation lorsqu'il attribue un préjudice esthétique de seulement 6.7 % alors qu'il aurait dû en accorder un de 7.15 %, auquel il faudrait ajouter, conformément aux prescriptions de l'article 3 et du chapitre XIX du règlement, un déficit anatomo-physiologique supplémentaire de 1.05 % pour «douleurs et perte de jouissance de la vie» (code 225072 du règlement).
Le chapitre XVIII du règlement édicte certaines règles d'évaluation particulières pour les «Préjudices esthétiques (PE)», dont la suivante: 13. La surface en centimètre carré d'une atteinte cicatricielle est obtenue en multipliant la largeur moyenne par la longueur moyenne. Le pourcentage total de préjudice esthétique pour l'atteinte cicatricielle est fixé en multipliant la surface en centimètre carré par le pourcentage de PE approprié.
Le tableau 35 portant le titre du «Préjudice esthétique des autres parties du corps» précise pour sa part que pour évaluer le préjudice esthétique des parties du corps autres que de la face, on doit tenir compte des critères mentionnés sous le titre Modification de la forme et de la symétrie, ou sous le titre Atteinte cicatricielle. S'il n'y a d'atteinte que sous le titre Modification de la forme et de la symétrie, on détermine le degré d'atteinte et on attribue le pourcentage des préjudices esthétiques prévu pour cette partie du corps. S'il n'y a d'atteinte que sous le titre Atteinte cicatricielle, on détermine le degré d'atteinte, on mesure la surface de l'atteinte cicatricielle et on attribue le pourcentage prévu par centimètre carré, en excédant pas le pourcentage des préjudices esthétiques maximums prévus pour cette partie du corps.
Le tableau 35 se lit comme suit en regard de l'évaluation du préjudice esthétique affectant les membres inférieurs: TABLEAU PRÉJUDICE ESTHÉTIQUE DES AUTRES PARTIES 35 DU CORPS Modification de la forme et de la symétrie Atteinte CODE degrés %P CODE cicatricielle d'atteinte E 1 1291-98 du 19 août 1987, (1987) 119 G.O.
II, 5576.
Membres inférieurs 224322 Non apparente 0 22439 Non apparente 5 ou non vicieuse, le 224331 Modérée 5 PE est de 0% 22440 Vicieuse 2 Le PE est de 224340 Sévère 10 1%/cm2 Le pourcentage maximum du PE pour les deux membres inférieurs est de 20%.
Procédant à appliquer en l'instance les notions précitées en regard de l'étendue des cicatrices constatées par le docteur Renaud lors de son examen du 6 septembre 1996, la Commission d'appel convient avec le travailleur que le préjudice esthétique doit effectivement être établi à un taux de 7.15 %, auquel il faut ajouter un déficit anatomo-physiologique de 1.05 % pour «douleurs et perte de jouissance de la vie». En effet: - cicatrice de 5cm X 1cm = 5% - cicatrice de 4cm X 0.3cm = 1.2% - cicatrice de 1.5cm X 0.5cm = .75% - cicatrice de 1cm X 0.2cm = .2 % TOTAL 7.15% La Commission d'appel considère par ailleurs pour sa part qu'il lui faut également agir ou intervenir en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article 84 de la loi qui se lit comme suit: 84. Le montant de l'indemnité pour dommages corporels est égal au produit du pourcentage, n'excédant pas 100%, de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique par le montant que prévoit l'annexe II au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en fonction de l'âge du travailleur à ce moment.
Le pourcentage d'atteinte permanent à l'intégrité physique ou psychique est égal à la somme des pourcentages déterminés suivant le barème des dommages corporels adopté par règlement pour le déficit anatomo- physiologique, le préjudice esthétique et les douleurs et la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.
Si un dommage corporel n'est pas mentionné dans le barème, le pourcentage qui y correspond est établi d'après les dommages corporels qui y sont mentionnés et qui sont du même genre.
Selon le tableau 10 du règlement, inscrit sous le titre des «Ankyloses permanentes de la cheville et du pied», l'arc de mouvement complet de l'articulation tibio-tarsienne est de 60 , à savoir 20 de dorsi-flexion et 40 de flexion. Or, suivant le compte rendu qu'il fait le 18 septembre 1996 de l'examen physique du travailleur, il ressort que celui-ci présente un arc de mouvement incomplet de la tibio-tarsienne gauche: la flexion est en effet évaluée à 30 pour une dorsi-flexion à 10 .
À défaut de preuve contraire qui pourrait, par exemple, consister dans la démonstration de la manifestation d'une condition personnelle préexistante chez le travailleur, l'arc de mouvement incomplet que présente le travailleur le 4 septembre 1996 découle, selon la balance des probabilités, des suites de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995 et doit être compensée.
Or, puisque le règlement ne prévoit pas cette séquelle dans le cas d'une fracture d'un ou des os de la jambe avec ou sans réduction chirurgicale (système musculo-squelettique à l'exclusion du maxillo-facial, Annexe I, Chapitre I, C. Membre inférieur 4. Jambe), le troisième alinéa de l'article 84 de la loi permet à la Commission d'appel d'évaluer telle séquelle avec une autre du même genre. En l'occurrence, il faut retenir un déficit anatomo-physiologique de 3 % pour une perte de 20 , référant en cela au code 107306 du règlement (tableau 10 des «Ankyloses permanentes de la cheville et du pied»).
Le travailleur conserve donc une atteinte permanente de 3 % à son intégrité physique, lui résultant de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995, auquel taux la Commission d'appel doit ajouter, conformément à l'article 3 et au chapitre XIX du règlement, un déficit anatomo-physiologique supplémentaire de .3 % pour «douleurs et perte de jouissance de la vie» (code 225036 du règlement).
L'atteinte permanente totale à l'intégrité physique du travailleur, lui découlant de la lésion professionnelle du 18 septembre 1995, est donc établie à 11.5%, détaillée comme suit: - déficit anatomo-physiologique pour un arc de mouvement incomplet de la tibio-tarsienne gauche (code 107306 du règlement) 3% - douleurs et perte de jouissance de la vie (code 225036 du règlement) .3% - préjudice esthétique (code 224402 du règlement) 7.15% - douleurs et perte de jouissance de la vie (code 225072 du règlement) 1.05% Total 11.5% Qu'en est-il maintenant du droit par le travailleur à de l'indemnité de remplacement du revenu pour la période du 17 octobre 1996 au 31 janvier 1997 inclusivement, fondé sur son incapacité à reprendre l'exercice de son emploi pré-accidentel de pompiste, en raison de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995? L'article 44 de la loi pose ainsi le principe du droit à l'indemnité de remplacement du revenu: 44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
L'article 46 de la loi crée d'autre part une présomption d'incapacité d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle n'est pas consolidée: 46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
Sur cet aspect de la loi, le travailleur ne saurait remettre ici en question la date de consolidation du 28 août 1996 que le docteur Renaud, son médecin ayant charge, arrête dans son rapport final du 28 août 1996. Il s'agit là en effet d'une conclusion d'ordre médical avec laquelle la Commission, et partant la Commission d'appel, demeure liée, conformément à l'article 224 de la loi.
La Commission d'appel ne saurait donc retenir l'opinion du docteur Pouget qui, à mots couverts, suggère de repousser la consolidation de la lésion au 31 janvier 1997.
Conformément à l'article 46 de la loi, le travailleur, à la suite de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995, est donc présumé incapable d'exercer son emploi de pompiste jusqu'au 28 août 1996. À compter de cette dernière date, il ne bénéficie toutefois plus de la présomption d'incapacité édictée à l'article 46 de la loi. Cependant, conformément à l'article 47 de la loi, la Commission a poursuivi en l'espèce le versement de l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'au 16 octobre 1996.
Qu'en est-il de la capacité physique du travailleur de reprendre l'exercice de son travail pré-accidentel de pompiste après le 16 octobre 1996? La consolidation d'une lésion professionnelle est une question distincte de la capacité d'exercer son emploi et ne constitue qu'un des éléments pouvant permettre de déterminer la durée du droit à l'indemnité de remplacement du revenu, lequel est fondé exclusivement sur l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, ainsi que le précise l'article 44 de la loi qui doit se lire en relation avec l'article 57 qui dispose ainsi de la façon dont s'éteint le droit à l'indemnité de remplacement du revenu: 57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants: 1 lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48; 2 au décès du travailleur; ou 3 au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu est ainsi essentiellement fonction de la preuve prépondérante que le travailleur doit fournir d'une incapacité à exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle.
L'un des outils privilégiés pour décider de cette question réside dans l'existence ou non d'une atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur mais surtout de limitations fonctionnelles chez ce dernier, lui résultant de sa lésion professionnelle.
Chaque cas en est donc un d'espèce qui doit être examiné à son mérite propre, suivant l'ensemble de la preuve factuelle et médicale qui lui est particulier, le tout dans les limites imposées par la loi.
Dans son rapport d'évaluation médicale du 18 septembre 1996, le docteur Renaud estime que l'examen clinique du 6 septembre précédent du présent travailleur ne justifie aucune limitation fonctionnelle. Il le mentionne d'ailleurs à trois reprises: «je ne suggère aucune limitation fonctionnelle au niveau du membre inférieur gauche», «le patient ne présente aucune limitation fonctionnelle à ce stade-ci (...)», «fracture des deux os de la jambe avec réduction chirurgicale consolidée sans séquelles fonctionnelles avec ou sans changement radiologique» (nos soulignements).
Il s'agit encore-là d'une conclusion d'ordre médical avec laquelle la Commission d'appel demeure liée, en vertu de l'article 224 de la loi.
Le travailleur soumet que cette conclusion par le docteur Renaud apparaît pour le moins surprenante, sinon déroutante, compte tenu du fait qu'il avait conclu, dans son rapport final du 28 août 1996, à l'existence de limitations fonctionnelles.
Telle situation n'est pas aussi saugrenue qu'on voudrait bien le penser.
En effet, la Commission d'appel a déjà décidé que lorsqu'il y a contradiction entre le rapport final complété par le médecin traitant et le rapport d'évaluation plus élaboré accompagnant ou complétant ce rapport final, il y a lieu de donner préséance aux conclusions élaborées par le médecin ayant charge dans le rapport d'évaluation médicale puisque ce rapport complémentaire est celui qui est prévu et conforme à l'article 203 de la loi2. C'est donc vraiment le rapport d'évaluation médicale qui fait foi de tout.
Par ailleurs, même s'il fallait convenir avec le travailleur, comme il le prétend, que celui-ci conserve des limitations fonctionnelles lui résultant de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995, à savoir «ne pas courir» et «ne pas s'agenouiller», l'existence de ces restrictions ne saurait emporter la conviction du tribunal quant à l'incapacité par le travailleur de reprendre l'exercice de son emploi pré-accidentel de pompiste après le 16 octobre 1996.
En effet, l'emploi de pompiste consiste généralement à faire le plein d'essence, laver le pare-brise, vérifier les niveaux 2 Larivière et Hôpital du Haut-Richelieu, 38310-62-9203, le 9 mars 1994, Marie Lamarre, commissaire; Gagné et Pyrotex ltée, [1996] C.A.L.P. 323 .
d'huile et d'antigel, remplir des présentoirs d'huile ou d'autres produits, mesurer la pression d'air des pneus, percevoir les montants dus par les clients.
En regard de toutes ces tâches, la Commission d'appel est d'avis que la preuve démontre que le travailleur, bien qu'aux prises avec des douleurs résiduelles, est certes capable de reprendre l'exercice de son travail habituel de pompiste après le 16 octobre 1996. En effet, la Commission d'appel est d'avis que, de façon générale, le travailleur n'est pas appelé, dans l'exécution des tâches précitées de pompiste, à courir ou à s'agenouiller. Il doit certes marcher, mais sûrement pas sur de longues distances, et, comme le fait remarquer le docteur Pouget le 6 novembre 1996, deux semaines après la décision du 17 octobre précédent de la Commission, «il marche sans difficulté». POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES: ACCUEILLE en partie l'appel du travailleur, monsieur Thierry Rauck; INFIRME en partie la décision rendue le 10 mars 1997 par le Bureau de révision de la région de l'Île-de-Montréal; DÉCLARE que monsieur Thierry Rauck, à la suite de sa lésion professionnelle du 18 septembre 1995, conserve une atteinte permanente de 11.5 % à son intégrité physique; DÉCLARE que monsieur Thierry Rauck est capable d'exercer son emploi pré-accidentel de pompiste à compter du 16 octobre 1996 et qu'il n'a conséquemment plus droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à compter de cette dernière date.
Bernard Lemay Commissaire LAMY, TURBIDE, LEFEBVRE (Me Lucie Lefebvre) 1030, rue Beaubien Est Bureau 301 Montréal (Québec) H2S 1T4 Représentante de la partie appelante
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.