DÉCISION
[1] Dans le dossier 120879-02-9907 :
Le 15 juillet 1999, monsieur Guy Therrien, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 30 juin 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST :
- confirme une décision rendue initialement le 20 juillet 1998 et déclare que l’emploi de préposé à l’embarquement et aux statistiques est un emploi convenable pour le travailleur;
- annule une décision rendue initialement le 24 juillet 1998 puisque la CSST ne pouvait reconsidérer en 1998 la base de salaire établie depuis 1996;
- modifie en partie la décision rendue initialement le 31 juillet 1998 et conclut que l’indemnité réduite de remplacement du revenu doit être calculée en tenant compte de la base de salaire établie en 1996.
[3] Dans le dossier 121801-09-9908 :
Le 11 août 1999, la Société des traversiers du Québec, l’employeur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste la décision rendue par la CSST le 30 juin 1999 à la suite d’une révision administrative.
[4] Dans le dossier 126601-09-9911 :
Le 12 novembre 1999, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 28 octobre 1999 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 31 mai 1999 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’acquisition du bois de chauffage à titre de mesure de réadaptation sociale.
OBJET DES CONTESTATIONS
[6] Le travailleur demande de déclarer que l’emploi de préposé à l’embarquement et aux statistiques n’est pas un emploi convenable parce qu’il ne respecte pas ses qualifications professionnelles.
[7] Il réclame également le remboursement des frais encourus pour l’acquisition du bois de chauffage, à titre de frais d’entretien courant du domicile au sens de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[8] Quant à l'employeur, il demande de reconnaître que la CSST pouvait reconsidérer en 1998 la base de salaire ayant servi à établir l’indemnité de remplacement du revenu à la suite de la lésion professionnelle du 1er octobre 1996.
LES FAITS
[9] À l’époque pertinente au litige, le travailleur, né en 1955, est matelot pour l'employeur, depuis le 14 juin 1995.
[10] Selon la convention collective de travail, le travailleur est un employé temporaire, sur appel. Il occupe un poste de matelot sur une base saisonnière sur la traverse Tadoussac - Baie Ste-Catherine. Il travaille entre 10 à 12 semaines par année, entre les mois de mai et septembre. Le taux horaire prévu à la convention collective est de 13,40 $ l’heure.
[11] Le 1er octobre 1996, il subit une fracture sévère à la main droite en amarrant un navire.
[12] Le travailleur est assigné à des travaux légers à compter du 28 janvier 1997.
[13] Sur le formulaire «Avis de l’employeur et demande de remboursement», complété le 7 octobre 1996, l’employeur indique que le salaire annuel brut est de 19 976,62 $.
[14] Le 5 décembre 1996, l’agent d’indemnisation à la CSST note au dossier qu’il a fait un ajustement du revenu brut pour tenir compte des prestations d’assurance-chômage et d’un deuxième revenu. L’ajustement est fait à compter du 18 décembre 1996 sur la base d’un nouveau revenu qui s’élève à 32 854,62 $. Selon les notes évolutives, ce changement est fait au système informatique. L’employeur n’est pas avisé.
[15] La lésion est consolidée à compter du 9 juin 1997. Le 7 octobre 1997, la CSST fixe à 5.75 % l’atteinte permanente résultant de cette lésion professionnelle.
[16] Dans son rapport d’évaluation du 30 juillet 1997, le docteur Louis R. Bélanger affirme que le travailleur devrait être exempté de toutes les activités qui nécessitent des mouvements répétitifs ou extrêmes avec le poignet droit. Il ne devrait pas non plus effectuer des mouvements nécessitant une force de préhension importante avec la main droite.
[17] Compte tenu de ses limitations fonctionnelles, le travailleur ne peut reprendre son emploi de matelot.
[18] Par ailleurs, le travailleur a complété son cinquième secondaire. Ses expériences de travail sont diverses et comprennent des emplois de journalier pour une municipalité ou dans le domaine de la construction, d’aide-pisciculteur et d’homme d’entretien. Il fait également des travaux sylvicoles.
[19] Le 16 juin 1998, selon les notes évolutives, l’employeur propose un emploi de préposé à l’embarquement et aux statistiques comme emploi convenable. L’employeur précise qu’il ne s’agit pas d’un poste prévu à la convention collective mais qu’il s’agit de tâches qui sont exercées lors d’un surcroît de travail et d’une augmentation de l‘achalandage. La tâche de signaleur existe depuis 1992, celle de préposé aux statistiques depuis 1995. La période de travail pour ces deux emplois s’étend du 24 juin au début septembre. Le travailleur aurait un salaire équivalent à celui de matelot en occupant l’une ou l’autre de ces tâches. Selon les notes évolutives, le travailleur affirme qu’il est en mesure d’exercer ces tâches.
[20] Dans le cadre des discussions entourant la détermination de l’emploi convenable, la CSST demande à l’employeur de vérifier le nombre d’heures hebdomadaires travaillées pour l’employé qui précède le travailleur et celui qui le suit sur la liste de rappel. L’employeur fournit une liste des salaires bruts pour les années 1995 à 1997 pour le travailleur et, à titre comparatif, les salaires bruts du travailleur qui précède et de celui qui suit le travailleur sur la liste de rappel.
[21] En faisant ces vérifications, l’employeur constate qu’une erreur s’est glissée dans le calcul du revenu brut du travailleur. Au lieu de considérer la période de référence de douze mois comme l’indique l’article 68 de la loi, l’employeur a tenu compte de l’ensemble des gains bruts du travailleur depuis son premier jour de travail (14 juin 1995) jusqu’à la fin de la période de paie précédant la date de son accident de travail.
[22] Le 13 juillet, monsieur Pierre Laflamme avise formellement la CSST :
« (...)
Tel que discuté le 13 courant, nous avons découvert le 23 juin dernier que le calcul servant à établir l’indemnité de remplacement du revenu (I.R.R.)était erroné. Ainsi, le salaire versé par la Société des traversiers du Québec pour la période de référence (2 octobre 1995 au 1 octobre 1996) a été de 12 032,66$ au lieu de 19976,22$ initialement calculé. Par conséquence, la base de salaire servant au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu aurait dû être de 24 910,66$ au lieu de 32 854,62$ indiquée dans votre lettre du 7 juillet 1998. Comme vous le verrez dans les documents ci-joints, une somme de 994.00$ a été versée en trop à M. Guy Therrien. (…)»
[23] Monsieur Pierre Laflamme explique à l’audience qu’il a retrouvé, dans le dossier de paie du travailleur de 1996, les documents qui ont servi de base au calcul du revenu brut du travailleur. On y voit une addition de toutes les sommes versées au travailleur au cours de sa période d’emploi avant le 1er octobre 1996, date de son accident du travail ce qui correspond à une période de 16 mois. Il a pris connaissance de ces documents le 23 juin 1998.
[24] Le dossier contient également un document préparé par l’employeur «Calcul de la rémunération brute pour la période du 2 octobre 1995 au 1er octobre 1996» qui s’élève à 12 032,66 $ à laquelle doivent s’ajouter les prestations d’assurance-emploi reçues en 1995 et 1996 et les revenus tirés d’un deuxième emploi. Le total est de 24 910,66 $. L’employeur a appris en discutant avec la CSST que le travailleur avait un deuxième emploi.
[25] Le 23 juillet 1998, madame Lise Poulin, agente d’indemnisation à la CSST, note ce qui suit :
« (...)
Considérant les précisions obtenues par l’E dont les montants s’avèrent conformes à ce que ns versions à l’E;
Considérant qu’on ne retrouve au dossier aucune décision légale rendue à la suite au réajustement de la base salariale à la demande du t gains en assurance -emploi revenus d’un 2 E, ce réajustement avait été fait simplement au système informatique;
Nous reconsidérons donc la base salariale du T qui passera donc de 32 854,62$ à 24 910,66$.»
[26] Le 20 juillet 1998, la CSST retient comme emploi convenable celui de préposé à l’embarquement et préposé aux statistiques au revenu annuel estimé de 17 420 $. La CSST estime que le travailleur est capable d’exercer cet emploi depuis le 22 juin 1998. Elle informe le travailleur de l’indemnité réduite de remplacement du revenu à laquelle il aura droit.
[27] Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative d’où la contestation dont est maintenant saisie la Commission des lésions professionnelles dans le dossier n° 120879-02-9907.
[28] À l’audience, le travailleur explique qu’il conteste la décision portant sur l’emploi convenable parce qu’il estime que l’emploi de préposé à l’embarquement et aux statistiques ne lui offre pas les mêmes possibilités d’avancement que le poste de matelot qu’il occupait auparavant. Il mentionne que l’emploi lui offre moins de jours de travail que son emploi prélésionnel. Par ailleurs, physiquement l’emploi déterminé par la CSST respecte sa capacité résiduelle. À l’été 1997, il a occupé le poste de préposé aux statistiques lors d’une assignation temporaire. Depuis l’été 1999, il travaille comme préposé à l’embarquement.
[29] L’employeur dépose un document attestant des heures travaillées annuellement depuis l’embauche du travailleur :
«HEURES TRAVAILLÉES DEPUIS SON EMBAUCHE
1995 582 heures;
1996 793 heures;
1997 1710 heures;
1998 1604 heures;
1999 519 heures;
2000 4 heures.»
[30] L’employeur précise que le travailleur a été en assignation temporaire sur une base continue entre le 28 janvier 1997 et le 21 juin 1998.
[31] Le 24 juillet 1998, la CSST déclare qu’il y a lieu de reconsidérer la base de salaire ayant servi à établir l’indemnité de remplacement du revenu à la suite de la lésion professionnelle du 1er octobre 1996 considérant que l'employeur a, le 13 juillet 1998, fourni des renseignements selon lesquels le salaire versé entre le 2 octobre 1995 et le 1er octobre 1996 est de 12 032 $ au lieu de 19 976,22 $. En conséquence, la CSST modifie la base de salaire pour retenir 24 910,66 $ au lieu 32 854,62 $.
[32] Cette décision est contestée par le travailleur. La CSST, à la suite d’une révision administrative annule cette décision d’où la contestation dont est saisie la Commission des lésions professionnelles dans le dossier n° 121801-09-9908.
[33] Le 31 juillet 1998, la CSST informe le travailleur qu’il a droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu de 3 702,79 $ par année.
[34] Dans une déclaration assermentée signée le 20 août 1998, le travailleur affirme être propriétaire d’un poêle à bois qui est l’unique système de chauffage de sa résidence principale. Il affirme également qu’avant la lésion professionnelle du 1er octobre 1996, il coupait lui-même son bois de chauffage. Il précise que durant l’année précédent la lésion professionnelle, il a coupé 45 cordes de bois. Il réclame pour l’hiver 96 et 97.
[35] À l’audience, le travailleur précise qu’il habite la même résidence depuis 1979. En 1994, il a fait des travaux d’agrandissement y ajoutant une pièce de 16x16. La superficie totale de la maison est de 24x40 et elle compte un étage et demi. Depuis ces travaux, le chauffage principal est au bois. Il utilise entre 20 à 25 cordes de bois au cours de l’hiver. Avant son accident de travail, il coupait son bois sur sa terre à bois dont il est propriétaire depuis 1991. Aujourd’hui, il en achète une partie et en fait couper un autre partie.
[36] Selon les relevés de compte d’électricité, le coût total d’électricité pour la période du 9 janvier 1998 au 8 janvier 1999 est de 795 $. Pour la période du 22 mai 1997 au 30 avril 1998 le coût s’élève à 692 $. Le travailleur affirme que s’il utilise plus d’électricité au cours de l’hiver, c’est parce qu’il doit faire fonctionner le séchoir à bois, les ventilateurs pour le poêle à bois, et aussi parce que les lumières restent plus longtemps allumées et qu’il utilise davantage la sécheuse à linge.
[37] Au printemps 1999, il avise sa compagnie d’assurance qu’il utilise plus de 15 cordes de bois pour le chauffage de sa maison pour éviter des problèmes en cas de sinistre.
[38] Le 21 mai 1999, madame Lise Poulin de la CSST note au dossier :
« Appel au (T),
Confirme avoir contacté la cie d’assurance pr faire modifier type de chauffage comme quoi chauffage central est poêle à bois. T confirme toutefois avoir tjr ses plinthes électriques ds la maison.».
[39] Selon le contrat d’assurance-habitation, pour les années 1997, 1998 et 1999, le chauffage est de type central avec un poêle à bois. À l’endos de la police d’assurance de 1999, on peut lire que le «chauffage auxiliaire doit se lire chauffage central au bois ».
[40] Le 31 mai 1999, la CSST informe le travailleur qu’elle ne remboursera pas le bois de chauffage. Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative d’où la contestation dont est saisie la Commission des lésions professionnelles dans le dossier n° 126601-09-9911.
L'AVIS DES MEMBRES
[41] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que l’emploi de préposé à l’embarquement et aux statistiques correspond à la définition d’un emploi convenable au sens de l’article 2 de la loi.
[42] Par ailleurs, ils sont d’avis que la CSST pouvait reconsidérer la base de salaire de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur avait droit à la suite de la lésion professionnelle du 1er octobre 1996.
[43] Enfin, ils sont d’avis que la CSST devrait rembourser le coût d’acquisition du bois de chauffage compte tenu qu’avant la lésion professionnelle, le travailleur le coupait lui-même.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[44] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi de préposé aux statistiques et à l’embarquement est un emploi convenable au sens de l’article 2 de la loi. Elle doit ensuite statuer sur la légalité de la décision de la CSST rendue le 24 juillet après avoir reconsidéré la base de salaire servant à établir l’indemnité de remplacement du revenu. Enfin, elle devra décider si le travailleur a droit au remboursement du coût d’acquisition du bois de chauffage dans les limites prévues à l’article 165 de la loi.
[45] La loi définit ainsi la notion d’emploi convenable :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion ;
[46] En l’espèce, le travailleur admet que l’emploi respecte sa capacité résiduelle, qu’il présente une possibilité raisonnable d’embauche et que les conditions d’exercice de cet emploi ne présentent pas de danger pour sa santé et sa sécurité.
[47] Il soumet par contre que l’emploi n’est pas convenable parce qu’il ne lui permet pas d’utiliser ses qualifications professionnelles.
[48] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que dans la mesure où l’emploi déterminé fait appel aux connaissances de base que possède le travailleur, il respecte les qualifications professionnelles acquises. En l’espèce, l’emploi de préposé aux statistiques et à l’embarquement met à profit l’expertise du travailleur. Il possède en effet une connaissance précise des tâches à effectuer dans ces deux emplois, et au surplus, en maintenant son lien d’emploi, il a l’avantage de travailler dans un milieu qui ne lui est pas étranger. En ce sens, l’emploi apparaît approprié.
[49] L’argument du travailleur selon lequel l’emploi ne serait pas convenable parce qu’il n’offre pas de possibilités d’avancement ne peut être retenu dans un contexte où il s’agit non pas de déterminer un emploi qui serait équivalent mais plutôt un emploi convenable puisque les limitations fonctionnelles empêchent le travailleur d’occuper son emploi prélésionnel. En effet, rappelons que la loi définit l’emploi convenable comme un emploi approprié ce qui est différent de l’emploi équivalent, lequel doit présenter des caractéristiques semblables à celles de l’emploi qu’occupait le travailleur au moment de la lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles.
[50] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que l’emploi de préposé aux statistiques et à l’embarquement est un emploi convenable au sens de l’article 2 de la loi.
[51] La deuxième question porte sur la reconsidération d’une décision de la CSST concernant la base de salaire pour déterminer les indemnités de remplacement du revenu auxquelles le travailleur a droit.
[52] L’article 365 prévoit les conditions d’exercice d’un recours en reconsidération :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle - ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
________
1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1997, c. 27, a. 21; 1996, c. 70, a. 43.
[53] En l’espèce, il n’est pas contesté que le revenu brut du travailleur, un travailleur saisonnier et sur appel au moment de la survenance de la lésion professionnelle se calcule conformément aux articles 67 et 68 qui se lisent comme suit :
67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I‑3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.
Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance‑emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).
________
1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4.
68. Le revenu brut d'un travailleur saisonnier ou d'un travailleur sur appel est celui d'un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable dans la même région, sauf si ce travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de tout emploi qu'il a exercé pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.
Le deuxième alinéa de l'article 67 s'applique aux fins d'établir un revenu brut plus élevé.
________
1985, c. 6, a. 68.
[54] Il a été clairement démontré par la preuve documentaire que la période de référence utilisée aux fins d’établir que le travailleur avait un revenu brut plus élevé que celui d’un travailleur de même catégorie occupant un emploi semblable était de seize mois au lieu de douze mois. L’employeur a retenu le revenu total gagné par le travailleur depuis sa date d’embauche.
[55] Le revenu brut d’un travailleur est sans conteste un fait juridique qui doit être déterminé par la CSST qui est essentiel pour établir la base de salaire devant servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu et des autres indemnités auxquelles le travailleur a droit en vertu de la loi.
[56] En l’espèce, la CSST, au moment de rendre sa décision ignorait que le salaire inscrit sur le formulaire «Avis de l’employeur et demande de remboursement» ne correspondait pas au revenu brut des douze mois précédant mais représentait plutôt le revenu gagné depuis la date d’embauche jusqu’à la période de paie précédant l’accident du 1er octobre 1996. Ainsi, la CSST ne connaissait pas le salaire versé par l’employeur entre le 2 octobre 1995 et le 1er octobre 1996. Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles estime que le fait que la CSST ait tenu pour acquis que le revenu inscrit par l’employeur au formulaire «Avis de l’employeur et demande de remboursement» avait été établi conformément aux articles 67 et 68 sans faire d’enquête ou de vérification ne fait pas obstacle à la reconsidération de sa décision.
[57] Par ailleurs, dès qu’elle a su elle a agi en respectant le délai de les 90 jours prévu à l’article 365 de la loi. En conséquence, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la CSST a établi le revenu brut du travailleur aux fins de déterminer l’indemnité de remplacement du revenu avant, que soit porté à sa connaissance un fait essentiel, soit le salaire versé entre le 2 octobre 1995 et le 1er octobre 1996. Elle était donc justifiée de reconsidérer la base de salaire de l’indemnité de remplacement du revenu et de l’établir à 24 910,66 $.
[58] Le troisième litige dont est saisie la Commission des lésions professionnelles porte sur l’interprétation de l’article 165 de la loi qui énonce ce qui suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui‑même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
________
1985, c. 6, a. 165.
[59] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que l’atteinte permanente grave qui empêche le travailleur, dont la maison est chauffée au bois, de couper lui-même son bois de chauffage comme il le faisait auparavant lui donne le droit d’être remboursé des frais d’achat de son bois de chauffage, puisqu’il s’agit de travaux d’entretien courant. Il est en effet reconnu par la jurisprudence que les dépenses engagées par un travailleur afin de recourir aux services d’autrui pour s’approvisionner en bois de chauffage tombaient sous les frais compris à l’article 165 de la loi puisqu’elles pouvaient être assimilées à des coûts de travaux d’entretien courant du domicile.
[60] La Commission des lésions professionnelles cite avec approbation l’affaire Lemieux c. Ministère des transports[2]dans laquelle le commissaire écrit ce qui suit :
«(...)
Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles souligne que le remboursement du coût d’achat de cordes de bois de chauffage fut discuté et reconnu dans bien des décisions de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et particulièrement dans l’affaire Réal Alarie et Industrie James McLaren inc.2. Donc, la Commission des lésions professionnelles rappelle immédiatement qu’il est faux de prétendre que le remboursement de ces frais n’est pas couvert par l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
___________________
2 34592-64-9112, 95-08-25, G. Robichaud; Entreprise Bon Conseil ltée et Denis Brazeau et CSST, 57905-09-9412, 64790-09-9412, 95-08-07, J.-M. Dubois; Simon Gagnon et Bombardier inc., 30854-01-9108, 93-06-25, D. Beaulieu; Philippe Martel et Les Entreprises G. St-Amand inc. et CSST, 07955-03-8806, 90-10-26, B. Dufour.
D’ailleurs, l’article 165 relie le paiement de ces frais à deux conditions principales. En l’occurrence, que le bénéficiaire subisse une atteinte permanente grave à son intégrité physique et, qu’en second lieu, il devient incapable d’effectuer des travaux d’entretien courant de son domicile qu’il effectuerait normalement lui-même.
Quant à la notion d’atteinte permanente grave à son intégrité physique, la jurisprudence de la Commission d’appel ainsi que de la Commission des lésions professionnelles précise qu’elle s’analyse en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165. Elle inclut donc les limitations fonctionnelles reconnues à un travailleur3.
___________________
3 Bouthillier et Pratte et Whitney Canada inc., (1992, CALP, 605).
Ainsi donc, lorsqu’on parle d’une atteinte permanente grave à l’intégrité physique, on ne se limite pas strictement au taux de déficit anatomo-physiologique mais plutôt aux conséquences directes et immédiates sur la capacité physique d’un individu à vaquer à ses occupations ordinaires. C’est dans ce contexte que l’on parle de capacité résiduelle du travailleur.
En second lieu, pour que le travailleur puisse être remboursé de ses coûts, il doit être établi qu’il effectuait lui-même ses travaux et, qu’en conséquence, il subit une perte financière puisqu’il doit les faire exécuter par une autre personne.
(...)»
[61] Il est en preuve que le travailleur utilise, dans une proportion beaucoup plus importante, le chauffage au bois que le chauffage à l’électricité. Il n’est, par ailleurs, pas contesté que le travailleur, avant sa lésion professionnelle, coupait lui-même son bois de chauffage sur une terre qui lui appartient.
[62] Enfin, les limitations fonctionnelles identifiées par le docteur Bélanger empêchent le travailleur de fendre et de transporter son bois de chauffage comme il le faisait auparavant.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dans le dossier 120879-02-9907 :
REJETTE la requête de monsieur Guy Therrien;
CONFIRME la décision rendue le 30 juin 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de préposé à l’embarquement et aux statistiques est un emploi convenable au sens de l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Dans le dossier 121801-09-9908 :
ACCUEILLE la requête de la Société des traversiers du Québec;
INFIRME une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 juin 1999 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de reconsidérer la base de salaire pour établir le revenu brut de monsieur Guy Therrien;
DÉCLARE que la base de salaire de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle monsieur Guy Therrien a droit est de 24 910,66 $.
Dans le dossier 126601-09-9911 :
ACCUEILLE la requête de monsieur Guy Therrien;
INFIRME une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 octobre 1999 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’il a droit d’obtenir le remboursement des coûts relatifs à l’acquisition de bois de chauffage dans les limites prévues par l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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MARIE BEAUDOIN |
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Commissaire |
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PROULX, MÉNARD & ASS. Me Jean-Paul Proulx 105, Côte de la Montagne Bureau 300 Québec (Québec) G1K 4E4 |
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Représentant de M. Guy Therrien |
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GAGNÉ, LETARTE & ASS. Me Serge Belleau 79, boul. René Lévesque Est Bureau 400 Québec (Québec) G1R 5N5 |
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Représentant de la Société des traversiers du Québec |
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