Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

28 juillet 2005

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

236414-71-0406-R

 

Dossier CSST :

120289012

 

Commissaire :

Me Michel Denis

 

Membres :

Pierre Gamache, associations d’employeurs

 

Gertrude Laforme, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvain Grenier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Domfer Poudres métalliques ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQU êTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 21 avril 2005, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou révocation d’une décision rendue par cette instance le 7 mars 2005.

[2]                Par cette décision, la première commissaire dispose d’une question préliminaire soulevée par la CSST à l’effet qu’elle a compétence pour décider de la contestation de monsieur Sylvain Grenier (le travailleur) de la décision de la CSST rendue le 27 mai 2004 qui déclare irrecevable la demande de révision de la décision du 30 mars 2004.

[3]                À l’audience tenue le 18 juillet 2005 à Montréal, la CSST est représentée par Me Karine Morin et le travailleur est absent, mais représenté par Me Daniel Thimineur; la compagnie Domfer Poudres métalliques ltée (l’employeur) n’est pas représentée.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                La CSST demande de réviser en partie la décision du 7 mars 2005 quant à la question préliminaire et de déclarer que la lettre du 19 mars 2004 n’est pas une décision contestable et, subsidiairement, de déclarer que l’article 146.2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) ne peut trouver application dans le présent cas.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la partie de la décision du 7 mars 2005 traitant de l’objection préliminaire déposée par la CSST doit être révoquée, car la Commission des lésions professionnelles a manifestement commis un excès de juridiction.

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[6]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a un motif donnant ouverture à la révision ou à la révocation de la décision rendue par cette instance en date du 7 mars 2005.

[7]                L’article 429.56 de la loi stipule ceci :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

[8]                Afin de bien cerner le présent débat, un rappel des faits s’impose.

[9]                Le travailleur agit à titre d’opérateur pour l’employeur depuis le mois d’août 1998 lorsqu’il subit un accident du travail le 1er février 2001; le diagnostic est une déchirure du ligament croisé postérieur du genou gauche avec déchirure partielle du ligament collatéral interne, laquelle lésion s’avère consolidée le 9 juillet 2001.  Le travailleur conserve des limitations fonctionnelles et une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique évaluée à 19,20 %.

[10]           Faisant suite à une récidive, rechute ou aggravation en date du 14 mai 2002, le travailleur conservera des limitations fonctionnelles supplémentaires.

[11]           Le travailleur est référé en réadaptation et un emploi de magasinier est établi par la CSST dans une décision datant du 8 juillet 2003, nécessitant une formation préalable.

[12]           Le 28 juillet 2003, le travailleur demande à la CSST qu’un ergothérapeute fasse l’évaluation de son poste prélésionnel qu’il aimerait reprendre, mais entreprend néanmoins sa formation pour le poste de magasinier.

[13]           Faisant suite à un rapport d’ergothérapie daté du 21 novembre 2003 à l’effet que le poste prélésionnel respecte les limitations fonctionnelles du travailleur, dans une décision finale datée du 5 décembre 2003, la CSST conclut que le travailleur est capable d’exercer son emploi prélésionnel à compter du 3 décembre 2003, date à laquelle le travailleur recommence à travailler.

[14]           Le 13 janvier 2004, le travailleur dépose une réclamation à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 6 janvier 2004, suite à un rapport médical du docteur Blanchette :

Follow-up entorse genou LCP et LL ext; restriction non respectée dans poste actuel, s.v.p. revoir, apipp limitations. Travail pas plus de 8 heures. La position debout pas plus de 30 minutes. Arrêt de travail jusqu’au nouveau poste ou à la réadaptation de celui-ci .

 

 

[15]           Cette réclamation sera refusée par la CSST le 13 février 2004, par la révision administrative, le 27 mai 2004, et par la Commission des lésions professionnelles, le 7 mai 2005,

[16]           Le 19 mars 2004, le procureur du travailleur adresse la lettre suivante à la CSST :

Par le présente, nous désirons obtenir de votre part une évaluation de l’indemnité de remplacement du revenu réduite en rapport avec le travail de magasinier, tel que déterminé dans la décision du 8 juillet 2003.

 

Nous ne contestons pas la détermination de l’emploi mais il semble que l’évaluation de l’indemnité de remplacement du revenu réduite n’ait pas été faite.

En effet, vous avez plutôt essayé la réadaptation chez son employeur mais le retour au travail a été infructueux puisqu’une RRA (récidive, rechute ou aggravation) a été déclarée le 6 janvier 2004.

 

En conséquence de ce qui précède, auriez-vous l’obligeance de rendre une décision sur l’IRRR (indemnité de remplacement du revenu réduite) selon les évaluations de salaire des emplois ci-jointes.  [sic]

 

 

[17]           Le 22 mars 2004, le travailleur débute un travail de magasinier chez un autre employeur au salaire de 10 ou 11,00 $ de l’heure.

[18]           Le 30 mars 2004, la CSST rédige la lettre suivante à l’intention du procureur du travailleur :

Objet : Lettre d’information

 

(…)

 

Nous avons reçu votre lettre datée du 19 mars 2004 et désirons vous aviser qu’une décision de capacité de travail à l’emploi prélésionnel a déjà été rendue le 5 décembre 2003. Je joins cette décision en annexe et vous informe qu’elle n’a pas été contestée par aucun des parties.  (sic)

 

 

[19]           Le 6 avril 2004, Me Thimineur écrit à la CSST :

La présente fait suite à la nôtre du 19 mars 2004 et à la réponse que vous nous avez transmise le 30 mars dernier.

 

Nous comprenons que puisque vous nous transmettez votre décision du 5 décembre 2003 sur la capacité à exercer l’emploi prélésionnel, vous refusez d’évaluer l’indemnité de remplacement du revenu réduite de l’emploi de magasinier.

 

Toutefois, comme nous vous l’apprenions, une RRA a été déclarée le 6 janvier 2004, ladite rechute ayant été refusée le 13 février 2004 et que nous avons contesté le 1er mars 2004.

 

Vous trouverez ci-joint l’attestation médicale du docteur Blanchette qui confirme que, malgré la décision de capacité du 5 décembre 2003, le travailleur ne serait pas en mesure de faire son emploi prélésionnel.

 

Nous croyons donc qu’il s’agit d’une question d’application de l’article 51 de la LATMP mais aussi des circonstances permettant une réouverture du plan de réadaptation, tel que prévu à l’article 146 (2) LATMP. Dans ce cas, vous pourriez déterminer une indemnité de remplacement de revenu réduite puisque le travailleur s’est effectivement trouvé un emploi de magasinier à un salaire de 10 $ à l’heure.

 

 

[20]           Faisant suite à cet historique, la question qui doit se poser est d’évaluer si la Commission des lésions professionnelles avait compétence pour statuer sur l’écrit de la CSST daté du 30 mars 2004; en d’autres termes, s’agit-il d’une décision au sens de la loi pouvant être contestée en vertu des dispositions de l’article 358 de la loi ou s’agit-il d’une simple lettre d’information?

[21]           À la lecture de ce document daté du 30 mars 2004, il appert manifeste qu’il ne s’agit que d’une lettre d’information et non d’une décision au sens de l’article 351 de la loi, laquelle s’avère non contestable en vertu des dispositions de l’article 358 de la loi.

[22]           Dans un premier temps, l’objet de la lettre réfère à une lettre d’information et non à une décision au sens de la loi avec la mention qu’elle peut être contestée dans les 30 jours de la réception.

[23]           Cependant, prétendre que la seule mention de l’objet permet de qualifier ce document de lettre d’information plutôt que de décision peut paraître insuffisant comme argument, mais le contenu de la lettre ne statue sur aucun droit et ne comprend aucun contenu légal, si ce n’est que de référer à une décision finale déjà rendue le 5 décembre 2003 sur la capacité de travail de l’emploi prélésionnel.

[24]           Que soient utilisés les termes de chose jugée, de décision finale et irrévocable ou de stabilisation des décisions dans les cas d’organismes administratifs, le principe demeure le même et la décision de la CSST du 5 décembre 2003, statuant sur la capacité du travailleur à effectuer son emploi prélésionnel, n’est pas contestée et doit produire ses effets.

[25]           La CSST n’avait donc pas à rendre une décision relative à la lettre de Me Thimineur datée du 19 mars 2004 compte tenu de sa décision finale du 5 décembre 2003, laquelle fut rendue à la suite de la demande du travailleur d’interrompre sa formation pour son emploi convenable de magasinier afin de reprendre son emploi prélésionnel.

[26]           Le tribunal s’interroge de plus sur le bien-fondé de cette demande de Me Thimineur en date du 19 mars 2004, puisque son client débutait un poste de magasinier le 22 mars 2004 chez un autre employeur à raison de 10 ou 11,00 $ de l’heure.

[27]           La Commission des lésions professionnelles a donc commis un excès de juridiction dans cette décision du 7 mars 2005, s’arrogeant une compétence pour laquelle elle n’était pas habilitée; cette partie de la décision doit donc être révoquée.

[28]           Considérant la décision finale du 5 décembre 2003, à l’effet que le travailleur était capable d’occuper son emploi prélésionnel à compter du 3 décembre 2003, la Commission des lésions professionnelles n’avait donc pas à se prononcer sur les dispositions de l’article 146.2 de la loi, puisque le processus de réadaptation était terminé et ne pouvait être modifié.

[29]           En ce qui a trait à la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 6 janvier 2004, cette partie de la décision n’est pas contestée et demeure valide.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST);

RÉVOQUE en partie la décision du 7 mars 2005, traitant de la lettre du 19 mars 2004 et des dispositions de l’article 146.2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi);

DÉCLARE que la lettre de la CSST du 19 mars 2004 n’est pas une décision au sens de la loi.

 

 

__________________________________

 

Michel Denis

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Daniel Thimineur

TEAMSTERS QUÉBEC (C.C. 91)

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Karine Morin

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 


 

 

 

 

 

JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR

LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

 

 

Dubé et Service de Béton universel ltée, C.A.L.P. 67000-60-9502, 27 juin 1996, J. L’Heureux

 

Lapointe c. CALP et CSST et Domtar, C.S.C. 22717, 30 juin 1993, j. L’Heureux-Dubé

 

Béland et Barrette-Chapais ltée, C.L.P. 211061-03B-0306, 27 octobre 2004, P. Brazeau

 

Gagnon et BG Automatique, C.L.P. 84223-09-9612, 16 juillet 1999, C. Bérubé

 

Villeneuve et Ressources Aunore inc., C.A.L.P. 19746-08-9006, 22 novembre 1991, M. Cuddihy

 

Carrière et Béton de la 344 inc., C.L.P. 185806-64-0206, 22 août 2002, R. Daniel

 

Bellehumeur et Cie nationale de forage, C.A.L.P. 50832-62-9304, 22 novembre 1995, F. Dion

 

 

 

JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR LE TRAVAILLEUR

 

 

Occhialini et Usines Giant inc., C.L.P. 129820-71-0001, 15 janvier 2001, S. Mathieu

 

Cast Terminal inc. et al. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, [1994] C.A.L.P. 1041

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

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