Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Drapeau et Global électrique inc.

2008 QCCLP 1587

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

14 mars 2008

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

315506-63-0704

 

Dossier CSST :

123395014

 

Commissaire :

Me Jean-Pierre Arsenault

 

Membres :

Mme Francine Melanson, associations d’employeurs

 

M. Guy Mousseau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Constant Drapeau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Global électrique inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Après examen et audition et après avoir reçu l'avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.

[2]                Le 24 avril 2007, monsieur Constant Drapeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 5 avril 2007, à la suite d’une révision administrative.

[3]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais engagés pour peindre son domicile.

[4]                Le 12 mars 2008, la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) tient une audience à Joliette à laquelle assistent le travailleur et son représentant. Bien que dûment convoqué, Global électrique inc. (l’employeur) n’est pas représenté. Comme l’employeur n’a fait connaître aucun motif valable justifiant cette absence, le tribunal procède à l’instruction de l’affaire[1].  

 

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Conformément à la loi, le soussigné a requis et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur les questions soumises au tribunal ainsi que les motifs de leur avis.

[6]                La membre issue des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur et de confirmer la décision rendue par la CSST le 5 avril 2007, à la suite d’une révision administrative. Elle estime que les travaux de peinture du domicile nouvellement acquis par le travailleur ne sont pas des travaux d’entretien courant au sens de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi). Selon elle, de tels travaux constituent des travaux d’aménagement qui ne peuvent être assimilés à des travaux d’entretien courant au sens de cette disposition.

[7]                Pour sa part, le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie et que la décision de la CSST devrait être infirmée. Les travaux de peinture effectués dans un domicile, que ce domicile soit ancien ou nouveau, demeurent des travaux d’entretien courant du domicile. Les critères établis par l’article 165 de la loi concernent que la gravité de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et l’incapacité d’effectuer les travaux d’entretien courant du domicile. Cette disposition ne limite pas le nombre de domiciles dont il faut assurer l’entretien, ni ne fixe de période au cours de laquelle le remboursement des frais d’entretien peut être effectué. Il évoque, à cet égard, la jurisprudence majoritaire du tribunal sur la question.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                Le tribunal doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture de son nouveau domicile.

[9]                La loi prévoit que le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave qui l’empêche d’effecteur les travaux d’entretien courant de son domicile peut être remboursé des frais qu’il engage pour les effectuer, jusqu’à concurrence d’un montant de 1 500 $ par année :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $[3] par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[10]           Dans la présente affaire, la CSST reconnaît que le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d’une lésion professionnelle et qu’il est maintenant incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, travaux qu’il effectuait normalement lui-même avant la survenance de sa lésion.

[11]           En octobre 2006, le travailleur a acquis une nouvelle résidence.

[12]           Il a dû y effectuer des travaux de peinture qui lui ont coûté 2 962,70 $ incluant le coût de la peinture qui s’élève à 360 $ plus la TPS et la TVQ. Le travailleur a déposé la facture qu’il a reçue pour la réalisation de ces travaux :

(Voir la pièce R-1)

 

NATURE DES TRAVAUX :

 

Réparations mineures de plâtre

2 couches de finition 100 % Acrylique, sur murs, plafonds, boiseries et portes au rez-de-chaussée (1er étage)

 

2 couches de finition 100 % acrylique, sur murs, plafonds, boiserie et portes, au sous-sol (salle familiale)

 

Enlever  le papier peint sur 320 pi. de mur

 

Matériaux (Peinture)

 

Main d’œuvre incluse

 

 

 

1 540,00

 

 

 

 

500,00

 

 

200,00

 

360,00

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous total

 

TPS  6,00 %

 

TVQ 7,50 %

 

Total des taxes

 

Total du contrat

 

Acompte 25 % avant début des travaux

 

Balance

 

2 600,00

 

   156,00

 

   206,70

 

362,70

 

2 962,70

 

 

 

 

$ 2 962,70

 

 

[13]           La CSST motive ainsi sa décision de refuser la réclamation du travailleur :

La Révision administrative précise que l’admissibilité du travailleur à des mesures de réadaptation pour les travaux d’entretien courant pour la peinture n’est pas remise en cause.

 

Toutefois les politiques de la Commission nous précisent que l’expression « entretien courant » se réfère à des travaux d’entretien habituel, normal, ordinaire, qui doivent être faits périodiquement ou selon les saisons et qui sont nécessaires pour conserver les lieux en bon état. Les travaux inhabituels, extraordinaires, visant notamment la rénovation, la construction, l’agrandissement ou la réparation du domicile, sont exclus. De plus, par ses politiques, la Commission a déterminé que les travaux de peinture intérieure pouvaient être remboursés à tous les cinq ans.

 

Bien que le travailleur motive sa demande par un changement de domicile, la Révision administrative est d’avis que les travaux de peinture réalisés en octobre 2006 ne rencontrent pas les critères prévus à l’article 165 de la loi, puisqu’il ne s’agit pas de travaux d’« entretien courant ». La fréquence des changements de domicile et des besoins exprimés par le travailleur pour des travaux de peinture rendent ceux-ci inhabituels et extraordinaires. La Révision administrative est d’avis que la Commission est en droit de refuser le remboursement demandé par le travailleur en octobre 2006 pour les travaux de peinture.    

 

 

[14]           La jurisprudence enseigne que le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave et qui est empêché de réaliser les travaux d’entretien courant de son domicile en raison de cette atteinte, a droit au remboursement des frais engagés pour repeindre son domicile puisqu’il s’agit de travaux d’entretien courant du domicile[4].

[15]           Il a aussi droit au remboursement des frais de peinture de son nouveau domicile, car il s’agit de travaux d’entretien courant du domicile. Le fait que ces travaux soient requis au moment de l’acquisition d’une nouvelle résidence ne modifie pas la nature de ces travaux. Mêmes s’ils sont exécutés à l’occasion de l’aménagement du nouveau domicile, ils visent toujours le maintien en bon état de ce domicile :

[25]… La jurisprudence reconnaît généralement que la peinture vise le maintien en bon état du domicile et la Commission des lésions professionnelles considère que le vernissage des planchers de bois franc est aussi de cette nature. Certes ces travaux seront moins fréquents que la peinture mais ils n’en demeurent pas moins des travaux d’entretien. Comme l’a expliqué la Commission d’appel dans Lebrun et Ville de Sept-Iles10, il ne s’agit pas de rénovation ou de réparation mais bel et bien d’entretien.

 

[26] Ceci dit, le fait que les travaux soient requis au moment de l’acquisition d’une nouvelle résidence ne modifie pas la nature de ses travaux. Ils sont exécutés dans le cadre de l’aménagement du nouveau domicile mais ils visent toujours le maintien en bon état de ce domicile. L’article 165 de la loi n’a pas créé d’exclusion pour le cas d’un nouveau domicile et la Commission des lésions professionnelles privilégie une interprétation favorable au travailleur tel que l’enseignent les tribunaux supérieurs.

 

[27] La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture et de vernissage des planchers de son nouveau domicile, jusqu’à concurrence du montant autorisé en vertu de l’article 165 de la loi pour l'année 2000.

_______________

10          Id.

 

 

[16]           La fréquence du changement de domicile, lorsque de tels changements sont par ailleurs pleinement justifiés, comme en l’espèce, ne change rien à l’application de l’article 165 de la loi qui impose déjà une limite de 1 500 $ par année. Seul le coût des travaux est couvert par cette disposition, celui des matériaux, telle la peinture ne l’étant pas.

[17]           À l’instar de la jurisprudence évoquée par le représentant du travailleur et de celle consultée par le soussigné et le membre issu des associations syndicales, le tribunal conclut que le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture de son nouveau domicile, jusqu’à concurrence du montant prévu à l’article 165 pour l’année 2006. 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête déposée au tribunal par monsieur Constant Drapeau, le travailleur, le 24 avril 2007;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 5 avril 2007, à la suite d’une révision administrative; et

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais engagés en 2006 pour peindre son nouveau domicile, et ce, jusqu’à concurrence du maximum prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, pour cette année.

 

 

 

__________________________________

 

JEAN-PIERRE ARSENAULT

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Michel Letreiz, avocat

Fraternité inter-provinciale des ouvriers en électricité

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           Article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           En 2006, cette somme avait été indexée à 2 657 $ par année.

[4]           Roger Jean et Lambert Somec inc., C.L.P. 122765-72-9909, 31 janvier 2000, M. Bélanger; Liburdi et Les spécialistes d'acier Grimco, C.L.P. 124728-63-9910, 9 août 2000, J.-M. Charette; Thériault et Minnova inc., C.L.P. 113468-02-9903, 26 février 2001, R. Deraiche; Castonguay et St-Bruno Nissan inc., C.L.P. 137426-62B-0005, 26 novembre 2001, A. Vaillancourt.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.